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Lundi 21 septembre 2020 – Castelsardo – Prologue … sans trop d'histoire

Bizarre ce Bed and Breakfast sans enseigne dans une rue discrète mais … quand, après avoir sonné, la porte s'ouvre, une toute gentille grand-mère me dit bien que la réservation est bien là. Tout est d'une propreté irréprochable, le grand lit est très confortable. Une salle de bain partagée … c'est le seul point faible.

Le petit-déjeuner est plus que complet avec – cadeau – une omelette … La panse est bien pleine lorsque j'enfourche le Mulet. Les rues de Santa Teresa Gallura sont un peu humides après les nombreux orages de la nuit. Mais il ne pleut pas. J'enfile les rues en sens interdit (pas un chat ne bouge) et trouve la route SP90 qui doit mener à Castelsardo haut lieu touristique de la Sardaigne. 

Le trajet se déroule sans histoire sauf un coup de gueule contre un automobiliste qui est passé beaucoup trop près du vélo. J'ai appris qu'il ne fallait pas accorder trop d'importance aux panneaux situés sur les bords des routes : kilométrage approximatif, déviation « obligatoire » mais … qu'il est préférable de ne pas emprunter (aux dires des ouvriers d'un chantier qui m'ont recommandé de ne pas la suivre). La végétation est un maquis d'origine probablement récente liée à la déprise agricole. Quelques vaches, un peu de foin en boules, des vignes plutôt visibles vers Valledoria ainsi que du maréchage sur de grandes surfaces dans cette zone. Quelques plantations d'oliviers, d'amandiers. Les murets de clôture en assemblages de pierres sèches sont encore présents, souvent mangés par la végétation. On trouve toutefois de nombreux points d'achats possibles en « local bio fermier » de chèvres, de fromages, de vins.

La route "littorale" de Santa Teresa di Gallura à Castelsardo

Castelsardo

Forteresse de Castelsardo

Port Sud de Castelsardo

Le trajet n'est pas souvent plat, mais les pentes sont raisonnables. L'arrivée à Castelsardo se fait par l'Est avec une vision assez extraordinaire : le village perché avec sa forteresse et ses remparts qui est entouré de très belles plages. La voiture est muselée : on monte à pied dans les rues qui sont des escaliers. C'est au pied de cette vieille cité que j'ai pu trouver mon havre de paix de ce soir.

Santa Teresa Gallura – Castelsardo, 77 km,    +862 m   -835 m

Mardi 22 septembre 2020 – Alghero – une route mais parfois une sensation de prison !

Nuit avec vilains moustiques ! Ce matin je prends le parti de m'échapper avant 8h l'heure prévue du petit-déjeuner. Vers 7h, je file à la cuisine, déniche du lait, un yaourt, du pain, une chocolatine (ici comme à Paris du « pain au chocolat »). Un petit mot écrit de remerciements à mes hôteliers qui ne sont pas encore réveillés. La porte se referme.

Sacrées pentes à descendre pour joindre la route qui longe la côte. L'air est un peu frais, une brise légère, pas encore trop de circulation : ce sont les conditions rêvées pour s'échauffer progressivement en pédalant. Rejoindre Alghero, l'objectif du jour, fait traverser tant des quatre voies que des chemins de chèvre (mais asphaltées grossièrement quand même). L'itinéraire théoriquement du littoral, s'éloigne beaucoup de la Méditerranée. Un gros point noir commence à se généraliser : les multiples détritus sur les bords des routes. C'est vraiment dommage, pour nous insupportable. On trouve de tout … Ca finit par gâcher la vision de paysages très verts alors que la chaleur doit sévir fortement si l'on en croit les tuyaux noirs accolés aux pieds de vigne qui révèlent qu'on utilise ici le goutte à goutte même pour de telles plantes qui ont des racines très profondes ! Quand on quitte la route du « littoral » on est obligé de prendre une quatre voies jusqu'à Sassari qui a une piste cyclable. Magnifique ! Sauf que, comme beaucoup de pistes dédiées aux deux roues, les concepteurs ne doivent pas être des adeptes du vélo. Ces pistes latérales à la chaussée pour véhicules ont été faites après la pose du bitume et sont donc beaucoup moins lisses, montent et descendent de façon parfois très brutale car empiétant sur les talus, et ne sont jamais balayées. Ici, on a près de 10 km de piste cyclable qui illustre cela mais en plus avec un énorme grillage de 3 à 4 m de hauteur qui sépare la piste de la chaussée pour véhicules. On pédale donc dans un long tuyau de un mètre de large avec le talus rocheux à droite, et la grille de 4 mètres à gauche. Impression de prison garantie ! Pour éviter d'entrer dans la grande ville de Sassari à la sortie de la prison cyclable changement ! On entre dans une suite de chemins de chèvre très agréable pour le cycliste car sans voiture : gauche, droite à répétition (suivre les indications de Maps.Me) et … on tombe sur une autoroute. Je l'emprunte sur quelques kilomètres mais me rends vite compte que ce n'est pas pour les vélos. Un panneau d'interdiction finit de me convaincre. Je dégage pour prendre – oh ! que c'est agréable ! - une belle route provinciale sur laquelle il n'y a quasiment aucun véhicule (car autoroute non payante à côté) et très bien entretenue. Nouvelle déviation pour travaux : je fais comme hier, je prends la route en travaux laissée aux seuls usages de locaux. C'est parfait. Une bonne bière blanche (il commence à faire très chaud) à une douzaine de kilomètres d'Alghero. Trouver un logement n'est pas très facile car soit les gens ne veulent pas répondre quand on sonne, soit ils ne sont pas là. Je finis par trouver une très belle chambre dans un deuxième étage et … un garage pour le Mulet. 

Le cycliste est emprisonné sur des kilomètres

Le port d'Alghero

 

Total, encore un itinéraire vélo très moyen aujourd'hui. Normalement demain pour rejoindre Bosa ça devrait changer …

Castelsardo – Alghero, 75 km   +589 m   -604 m

Mercredi 23 septembre 2020 – Bosa – Des cataractes mais superbe route en corniche

Enfin une vraie belle route pour cycliste ! Définition : un très beau paysage tout le long, un déroulé bien asphalté sans trop de trous, des montées-descentes, de temps à autre des pauses photos, des plats de récupération, et … pas ou peu de circulation (camions, autos, motos). Tout colle pour cette belle route en corniche de Alghero à Bosa.

Sauf que ... j'ai failli ne pas partir ce matin. Toute la nuit il est tombé des cordes avec tonnerre, éclairs multiples, foudre tombant à répétition …

Au réveil, ça continue. Je me prépare néanmoins pensant qu'avec la levée du jour,  comme souvent, ça doit s'arrêter. Je file entre les gouttes, le vélo à la main, prendre un café dans un bar. La grand'rue est devenue ruisseau. Aucune voiture ne s'y aventure. Seuls les engins de la commune essaient tant bien que mal de pousser cette eau vers les évacuations mais les bouches sont totalement saturées. Il fait encore noir. Le café est dégusté. Attendre, partir, non attendre encore …

Le jour pointe son nez. De fait, la pluie diminue d'intensité. L'espacement entre les éclairs et le grondement du tonnerre se font plus lointain. Allez, je dégage. Je prépare le poncho … et je file dans un dédale de rues à sens unique pour trouver la route de Boso. Pendant quelques minutes, plus de pluie ! J'enclenche la kyrielle de virages montants descendants avec la mer un peu au loin. Beaucoup d'éclairs zébrant le ciel noir au Sud. L'orage s'est déplacé. Et puis … de grosses gouttes commencent à tomber. Arrêt rapide et poncho. Ce poncho est finalement rassurant car il protège non seulement pas mal de la pluie mais il devient un lien de coordination entre le Mulet et le Bipède en les solidarisant par la nécessité d'accrocher le poncho aux deux poignées du guidon.

Très belle route en corniche d'Alghero à Bosa

Au fond Alghero

 

La côte est relativement tourmentée mais sans accès direct à la mer depuis la route. Pas de paysan dans ces contrées rudes, raides, rocheuses, couvertes d'une végétation quasiment impénétrable. La petite musique des virages montants descendants dure environ 50 kilomètres. Je suis tout de même impressionné par une apparente absence de rapaces et même de ruches …

Alghero – Bosa, 52 km   +781 m   - 805 m

Jeudi 24 septembre 2020 – Oristano – Pas fâché d'être arrivé ! …

Une date marquante pour le cycliste ! Du coup le Mulet a mis les bouchées doubles pour monter cette trentaine de kilomètres juste après la sortie de Bosa où les pentes longues et prises à froid m'ont obligé de passer tout à gauche – autrement dit avec les plus petits développements. Je ne m'attendais pas à ça. C'était long comme un jour anniversaire sans fin !

Bosa est aussi comme Alghero, Castelsardo, Oristano, une cité très prisée des touristes à bateaux. Mais Bosa s'étire en plusieurs hameaux pas mal distanciés. Mon gite à Bosa était correct, sans plus : dortoir, salle de bain commune, petit-déjeuner frugal. Mais le temps ce matin était sans pluie, sans nuage. Une légère brise de mer et … des trous des trous dans le bitume qui nécessitaient de louvoyer pas mal sinon les fesses prenaient de sacrés coups.

Ces routes « provinciales » sont les meilleures pour le cycliste si l'on excepte les trous à répétition aux alentours des lieux les plus fréquentés par les autos et surtout par les poids lourds, et si l'on ne regarde pas trop le mode opératoire des chaussées (raccords en relief, couches non homogènes de l'asphalte notamment). Ces routes sont beaucoup moins fréquentées que les 4 voies. A noter : aucun chien errant depuis mon départ qui viendrait vous pointer les mollets. Les paysages sont toujours marqués par l'abandon des paysans : quelques rares parcelles où l'on a fait encore les foins, un peu de bétail (vaches, ânes, des troupeaux de brebis surtout dans les hauteurs périphériques de Oristano). Quelques vestiges archéologiques apparaissent bien embroussaillés sans aucune information. Rien de bien original.

A la sortie de Bosa

J'ai décidé de modifier quelque peu le programme que j'avais envisagé (voir la carte en début de récit au 19 septembre) en n'allant pas à Cagliari. Quelques motifs m'ont décidé : je n'avais pas prévu de très mauvais temps. J'ai eu beaucoup de chance de pouvoir partir d'Alghero pour Bosa. Demain, dans la région où je suis (Oristana), la météo devrait être catastrophique aux dires des prévisonnistes. Le circuit que j'envisageais ne prévoyait pas de devoir suivre des quatre voies. Or pour aller à Cagliari, sauf à rallonger encore d'au moins un jour, je serais obligé de border ou d'utiliser une quatre voies sur une large partie des quelques cent kilomètres : pas très réjouissant. Enfin, et c'est le critère le plus important, je ne dois pas aller trop vers le Sud de façon à être certain de reprendre l'avion de retour à Figari le 3 octobre. Aussi, d'Oristano, je vais filer plein Est pour rejoindre en deux-trois jours (selon la météo) Orgosolo et faire après la fin de la boucle.

Bosa - Oristano,  62 km   +687 m   -715 m

 Vendredi 25 septembre 2020 – Sorgono – Un mauvais temps … splendide !

J'avais des doutes ce matin dans mon lit douillé à Oristano : partir, pas partir … J'écoute le dehors : pas de vent, pas de pluie bruyante, pas d'éclair. J'avale mon gros pot de yaourt, la banane, trois biscuits. Je descends les sacoches, le vélo. La serveuse du bar à côté a mis la musique à tue-tête et installe tables et chaises dehors. Le jour n'est pas encore là. Il est un peu moins de 7h. Je pars.

Sortir d'Oristano n'est pas évident. Vive Maps.me qui m'indique la succession des rues à emprunter pour gagner la SP55, mon fil d'Ariane qui doit me guider vers Sorgono, petit village en altitude. 

La circulation est encore faible, seuls les travailleurs matinaux toujours un peu pressés foncent vers Oristano. Le jour commence à pâlir. Et c'est alors que les prévisions des météorologistes vont se vérifier. Les nuages sont d'une couleur un peu inhabituelle : très gris-noir mais avec une curieuse teinte violette – sans doute issue du soleil levant qui essaie de percer. Les nuages sont hauts, ça va tenir. Mais au Sud, c'est noir noir ! Un puis plusieurs éclairs zèbrent le ciel. Je compte. Cinq secondes jusqu'au grondement du tonnerre. Ca va, c'est encore loin. Mais pour pas très longtemps. Trois gouttes puis une avalanche rapide de gouttelettes qui se transforment en paquets d'eau. Poncho vite mis. Mais c'est un peu tard. On séchera plus tard. Je continue sous un déluge d'eau. La circulation est tout d'un coup devenue nulle. Je suis seul. Les éclairs se multiplient. Les roulements du tonnerre semblent plus proches. Mais … que c'est beau ! Les flashes des éclairs illuminent d'un nouveau jour le paysage environnant. La route est juste pour moi. Seuls quelques bus de travailleurs vont à la ville dans l'autre sens. Et il pleut toujours et encore. Pour me rassurer, je pointe de temps à autre le fond de carte pour voir où je me trouve. Ca grimpe pas mal. Je n'y vois toujours pas grand chose mais c'est une curieuse impression que je ressens : à la fois je me rends compte qu'il faut appuyer sur les pédales mais aussi cet environnement orageux avec ses coups de gueule par les éclairs et le tonnerre montre des couleurs paysagères inhabituelles avec du gris-noir qui se mélange au mauve puis au jaune avec le jour qui maintenant est sorti de l'horizon.

Pas d'arrêts photos fréquents car … il pleut. Mais le paysage, la montagne, sont là, très différents de ce que j'ai pu trouver le long de la côte Ouest. Je me trouve mieux là en montagne. La vie y semble moins artificielle. Les éleveurs sont plus nombreux même si ce sont toujours vaches, brebis, chèvres qui apparaissent. Pays de vignes aussi, non irriguées, travaillées à l'ancienne sans désherbants apparents. Au détour d'un des multiples virages, le passage du Mulet affole quelques perdrix qui décollent avec le son très caractéristique de leurs battements d'ailes. Je vois – enfin – quelques ruches ! 

Ecorces de chêne-liège

 

Conséquences des pluies diluviennes

 

Sorgono approche. Un village-rue qui s'étire longuement de part et d'autres de la route principale que j'emprunte, mais avec aussi beaucoup de ruelles très en pente où les voitures restent garées, très nombreuses. Je trouve difficilement une chambre, la quasi totalité des B&B étant fermés. Une vieille demeure aux pierres usées par le temps, pas très engageante mais à l'intérieur modernisée avec tout le confort. Excellent pour une bonne récupération. Le mauvatal. Crevaison du pneu avant. Il y a une grosse épine qui a réussi à traverser le pneu. Enlevée avec le tournevis, le vélo est à nouveau en service mais avec une pression insuffisante du fait de la pompe à main qui ne peut pas gonfler à 4 bars. On fait avec en n'allant pas trop vite dans les virages en descente.

Oristano – Sorgono, 68 km   +1300 m   -600 m