2024 - Patagonie

Puerto Montt - Ile de Chiloë - Chaiten - Futaleufu - San Carlos de Bariloche - Puerto Montt

Une nouvelle fois la Patagonie m'aimante ! Avec une boucle vélo qui traverse l'Ile de Chiloë si particulière : le temps en général pas très beau, pluvieux et pas mal venté, l'histoire originale de cette ile depuis le XVIème siècle, ses églises et chapelles renommées en bois polychrome ... Puis une traversée bateau jusqu'à Chaiten ce village meurtri par une éruption volcanique récente. Je laisse la carretera austral pour grimper vers l'Argentine par le passage frontalier de Futaleufu. Après ... c'est une remontée vers San Carlos de Bariloche en évitant au maximum la Route 40 par un itinéraire qui longe sierra, petits lacs par les villages de Travelin, Cholila, El Bolson. Enfin retour à Puerto Mont au Chili par une traversée Est-Ouest combinant vélo, bateau, passage frontalier par piste, abords du volcan Osorno, Ensenada, Puerto Varas.

La carte ci-dessous pointe le tracé prévu :

Dimanche 28 janvier 2024 - planètes alignées pour le nouveau vélo

C'est passé ! Les barrages étaient levés ... d'après les médias ! En réalité, interdiction d'utiliser l'autoroute A64 durant une trentaine de kilomètres aux environs de  Capvern. Un défilé de voitures ressemblait à un serpent qui ondulait à travers les multiples routes départementales et communales. Le Mulet était satisfait. Mulet ... oui mais un vélo tout neuf cette fois qui ressemble à l'ancien - retraité maintenant mais encore au top de la forme. Le nouveau Mulet a été fabriqué par François Coponet (https://cycles-itinerances.fr/), un ancien de Randocycle qui m'avait monté l'ancien Mulet. Magnifiques brasures  du cadre, montage avec les mêmes composants que l'ancien mais avec trois nouveautés : le remplacement du système de transmission par une boite de vitesse Rohloff (les engrenages des vitesses étant dans le moyeu de la roue arrière) avec manettes clic pour monter et descendre les 14 vitesses, des freins mécaniques à disque (disque plus grand à l'avant), une selle brooks cuir avec ressort (excellent système ancien pour amortir les creux et les rebonds intempestifs). Le bébé est arrivé il y a quelques jours à Eysus. François a fait les ultimes réglages sous l'oeil bienveillant de l'Ancien ... Mulet.

  François Coponet 

Thomas me mène à l'aéroport de Toulouse-Blagnac. La chance me sourit : hier d'abord même si j'ai dû faire un gymkhana dans les portions de route fermées, ce matin pour venir à l'aéroport (demain blocage par les taxis), enregistrement du vélo nouveau sans surcoût lié à l'excédent ... pondéral (car avec le vélo pour bien le caler j'ai mis un peu de supplément). Et ... les aéroports de Toulouse et de Madrid ont fait de gros efforts puisque, enfin, le wifi gratuit est mis à disposition des voyageurs. A noter quelque chose d'exceptionnel : le carton vélo a été aux petits soins des manutentionnaires. Pour lui faire monter la rampe du tapis roulant afin de l'entrer en soute du Bombardier (petit porte ...) le nouveau vélo a eu les honneurs d'un porteur spécial qui l'a accompagné en tenant la rampe d'accès pour éviter que le carton culbute ! Très bon point pour les manutentionnaires ... si fréquemment décriés.

 

 

L'aérogare de Madrid est toujours aussi gigantesque. L'avion roule pendant 20 minutes avant de trouver sa place au parking (immenses étendues bitumées ...). Accès au TS4 (terminal récemment construit) par une navette ferroviaire automatisée (toutes les 3 minutes). Longueurs sans fin des galeries commerciales et des couloirs d'accès aux quais d'embarquement. Un message Watsapp du Chili : Patrick Deroide qui vient de passer 3 mois de vélo entre Argentine et Chili va se trouver à Puerto Montt en même temps que moi. On prévoit de casser la croûte pour se raconter nos voyages dans la Région. 

Lundi 29 janvier 2024 - Dur dur 

La crise ! Hier je saluais l’embarquement très précautionneux du vélo en soute, aujourd’hui je retrouve le carton-vélo après changement à Madrid, tout défoncé. Les poignées - comme souvent - mais aussi le fond ce qui ne m’était jamais arrivé. Il y avait pourtant de solides grosses agrafes. Maudits soient ceux qui ont fait les brutes aux transbordements. Comme toujours, j’ai un rouleau de collant toilé dans la sacoche de cabine. J’ai rapiécé un peu tant bien que mal. Et … il faut changer de terminal avec tout l’”équipaje” donc avec le chariot -  le carton-vélo pitté un peu en bascule calé par le gros sac vert toilé des autres sacoches et des outils, du réchaud, des chaussures … et en veillant à ce que rien ne s’échappe ! Cool Dédé ! Après, rien n’est simple avec les avions. Trois différents pris chez Iberia mais avec un de Santiago du Chili à Puerto Montt qui est opéré par la compagnie chilienne LATAM. Imaginez le pingouin Dédé armé de son chariot qui pointe le vélo vers le ciel avançant en basculant d’un pied sur l'autre, retenant de temps en temps le gros sac qui calait le carton pourri ! … et devant convaincre dans un espagnol approximatif l’employée LATAM que tout est en ordre, que les étiquettes des bagages - dont le vélo - portent la mention PMC (Puerto Montt) donc qu’il n’y a pas de problème puisque tout est réglé chez … IBERIA ! Puis convaincre le manutentionnaire de la nécessité de chouchouter ce grand paquet troué en le véhiculant avec la plus grande douceur pour qu’il arrive à bon port et … entier. Bref, les paquets ont été enregistrés, le bonhomme aussi. Je souffle en suant sang et eau, et décompresse en écrivant.

Les surprises ne sont pas finies. L'avion pour Puerto Montt est rempli (A320). Il roule jusqu'au début de la piste principale d'envol. Six avions décollent  en nous grillant la place alors qu'on est déjà en retard sur l'horaire d'une bonne demi-heure. Pourquoi reste-t-on planté sans prendre la piste ? Le commandant finit par donner un motif : le radar météo de l'avion ne fonctionne pas. Il faut retourner à l'aérogare pour le remplacer. On retourne donc à l'allure d'une trottinette. Une heure plus tard, le changement est fait. Et on apprend que dans l'avion un ministre est présent qui a fait un peu de relations publiques le temps de la réparation, auprès des passagers toujours restés dans l'avion.  On nous dit que la sécurité valait cette attente et ce retard. Soit. Parmi les passagers des artistes musiciens et chanteurs sont restés coi alors qu'ils explosaient de rires et de chants dans l'aérogare. De même, les autres passagers, s'ils ont eu une double tournée de boissons aqueuses et fruitées, sont restés dans un silence surprenant pour ... des français qui auraient exigé une tournée champagne après la réparation faite. Les Chiliens ont été étonnamment sans réaction. Peut-être est-ce lié à la présence d'un ministre qui, soit dit en passant, était assis en classe économique.

Le trajet jusqu'à Puerto Montt a été très coloré avec de belles perspectives sur la chaîne andine et en particulier sur les lacs et les deux volcans majeurs de la région : le Villarica avec son cratère fumant (que j'avais gravi en 2017) et l'Osorno rehaussant majestueusement toute cette région des lacs chiliens. La recherche des bagages se fait autour d'un tapis roulant qui craque et qui crache lentement les valises et les sacs. Mon vélo ! Où est-il ? Je finis par récupérer le sac vert avec mes sacoches. N'en pouvant plus de cette incertitude sur la présence ou non et l'état du vélo je finis par demander où peuvent bien arriver les bagages hors dimensions. On me montre une large porte en métal dont l'ouverture est commandée par un code électronique avec un interphone. J'appuie plusieurs fois sur le bouton, rien, pas de réponse. Alors je tape et je tape. Un bruit de chariot élévateur se fait entendre. La porte s'ouvre et je vois le malheureux carton en frêle équilibre. L'employé sans ménagement me le pousse en le faisant lourdement glisser au sol. Je le place doucement sur un chariot, sors et voit arriver de la multitude de personnes qui se pressent pour entre autres proposer un taxi, Antonio avec mon nom en grand affiché sur une feuille. Je lui explique que le carton vélo est comme un convalescent qu'il faut ménager. Tout finit à peu près normalement : je retrouve la maison familiale de Maria survivante d'un cancer bien soigné, de son mari Alfred, et d'Antonio le fils. Le convalescent reste dans sa boite jusqu'à demain. Allez, dodo. Comme je dis souvent, faire du vélo c'est rien en comparaison de tous les tracas et ennuis causés à l'occasion du transport aérien.

Mardi 30 janvier 2024 - Conjurer le mauvais sort

Non ce n’est pas une blague ! J’ai dû réparer tout ce qui envahissait ma tête et qu’il fallait chasser. Hier soir en arrivant je pensais avoir une petite assiette à soupe comme les fois d’avant. Que nenni. Au lit sans manger … Petit déjeuner oui en option. Une tortilla maison m’a été faite quand même. Et ce diable vélo encartonné encore comme s’il avait reçu des flopées de cartouches et aussi plusieurs coups de bazokas ! Ca m’a trotté la nuit dans ma tête. Réveils multiples. Allez faut ouvrir ! le couteau suisse est sorti, les restes de collants sont vite cisaillés. Je sors délicatement au fur et à mesure les morceaux de vélo que je remonte vite : selle, guidon, pédales, béquille. Tout a l’air bien en place. Arrivé à la roue avant, j’ai une frayeur : l’axe traversant est calé d’un côté mais pas de l’autre. Je serre mais la roue flotte dans le moyeu. Il manque la pièce ronde qui s’enfile dans le moyeu. Je vide et revide toute ma poche à outils où j’avais mis l’axe traversant. Rien ! La lumière s’est faite en regardant l’assiette de camping que j’avais placé contre moyeu et disque de frein. La pièce ronde de calage était restée coincé. Ouf ! Mais la pression dans le crâne atteignait presque le rouge ! Je gonfle un peu puis essaie le pédalage et le passage des vitesses. Pas de bruit bizarre, les garde-boues ne frottent pas. Tout a l’air bien en place. Heureusement, j’avais bien tenu toutes les pièces défaites du vélo entre elles avec des tendeurs. Seul l’avertisseur a fait la valise dans le voyage ! J’ai gonflé à trois bars à une station service.

Faut trouver des pesos chiliens et des pesos argentins ! Gaston Bonnecaze et sa compagne Reine Laure m’ont offert quelques pesos mais ils m’ont recommandé d’emporter plutôt du liquide plutôt que de payer par carte bancaire en raison des frais et surtout du taux de change en Argentine. J’ai pu avoir ce que je voulais à la caja de cambio où j’étais déjà venu il y a quelques années. 

Une carte sim prépayée pour 1 mois et 20 Go de données avec l’opérateur Intel qui semble mieux correspondre à mon trajet au Chili. J’ai pu trouver pour 9 euros. 

Reste LE carton vélo qui est maintenant inutilisable pour le retour. J’ai fait quatre magasins de vélos et ai fini par trouver un carton un peu plus petit que celui que j’ai, qui nécessitera plus de démontage notamment enlever les porte-bagages, mais comment le trimbaler ce carton alors que je suis à plusieurs kilomètres montants avec … vélo et carton ! J’ai essayé plusieurs systèmes de portage (sur la tête, de côté, appuyé sur une sacoche …). Finalement j’ai pensé aux africains du Burundi et j’ai simplement posé le carton sur le guidon et sur la selle et j’ai poussé … sous un vrai cagnard (c’est le plein été en Patagonie).

Finalement j’ai pu tordre le cou à tout ce qui entravait ma tête depuis ce satané constat au débarquement de Santiago !

Un coup de Whatsapp ! c’est Patrick Deroide qui vient de naviguer six mois en Patagonie à vélo mais aussi à voile pour aller voir le Cap Horn. Il est à Puerto Montt pour regagner la France. Déjeuner et diner ensemble aujourd’hui pour se raconter et confronter nos petits tours dans cette si attachante Région. 

Reste à faire quatre courses pour le vrai départ demain à vélo et à bien disposer mon paquetage.

Mercredi 31 janvier 2024 - C’est parti et … plus facile de pédaler que de se faire transporter en avionsss !

Hier soir, repas presque pantagruélique avec Patrick Deroide : Pisco Sur et énorme milanaise frites. Il fallait ça pour exorciser le sort qui s’acharnait depuis Madrid ! Ce matin, réveil tout attentif à bien tout positionner sur le nouveau vélo et à ne rien oublier. Tout est en place dehors quand la maisonnée de Maria, Alfred et leur fils Antonio pointe le nez. Une surprise au petit-déjeuner : un supplément sandwich que je range très vite dans ma sacoche de guidon. Cadeau très apprécié de Maria. Clic clac, quelques photos du départ … Ca monte dur, très dur au point que je me décide à ne pas trop user de force à froid et donc je descends de selle et pousse le vélo. Quelques 800 bons mètres pour atteindre par la route un gigantesque relais de télévision pour se laisser couler doucement vers la grosse 4 voies qui doit être la dernière portion de la Ruta 5 la Panaméricaine. La sortie de Puerto Montt est quelque peu scabreuse avec des travaux, des véhicules qui vont dans tous les sens sans trop avertir. Classique épisode de sortie des grandes villes. En regardant en mode grand angle, j'en oublie de prendre la bonne direction et me trouve bizarrement sur le chemin de l’aéroport - comme si le nouveau Mulet avait manigancé de rentrer à la maison ! Un petit détour donc et un retour pour trouver une très belle autoroute avec une large bande d’urgence parfaite pour le cycliste - au Chili l’accès des autoroutes aux deux roues est autorisé. La circulation est vive. Je fonce vers un énorme ciel un peu gris jaune - confirmation à l’arrivée d’un incendie de forêt. Sans conséquence pour circuler. Mon compteur semble déréglé. C’est un vrai plaisir de rouler avec un vélo très stable - merci à françois Coponet pour cette belle réalisation. Même chargé, à chaque coup de pédale le cadre reste bien aligné alors que le Mulet retraité avait tendance à godiller un peu en accompagnant les tours de pédales. Le paysage paraît inhabité. Les espaces boisés paraissent presque impénétrales. Et … oh! surprise je vois que les eucalyptus ont trouvé bon accueil même si la forêt avec essences locales semble rester dominante. La bifurcation vers Colaco me fait quitter la quatre voies. Une dizaine de kilomètres de montagnes russes avec, vers l’arrivée de très fortes pentes, me conduit au bord de la baie de Colaco. D’étranges choses se trouvent alignées dans la mer. Ce sont des installations destinées à l’élevage de saumons. La marina où je dors ce soir accueille aussi des ouvriers de cet élevage, et, surprise bonne, il y a possibilité de manger. Un bon lit, une douche chaude, un casse-croûte préparé, tout est presque parfait car … pas de bière …Faut se rabattre sur le coca et le fanta. 

Bilan prometteur pour le vélo nouveau. Etape de mise en bouche !

 Puerto Montt - Colaco   63 km   +320 m   -410 m

Jeudi 1er février 2024 - Ancud … la touristique

Départ au lever du jour 7h. J’ai mis mon éclairage clignotant sur l’arrière du casque à côté de la balise satellite pour mieux me faire repérer par les voitures et les camions. Les deux chiens de la maison m’attendaient à la sortie du cabanon et … se sont fait la belle lorsque j’ai ouvert le portail pour partir. Pas moyen de les arrêter … Ils doivent connaître le chemin du retour ! Un peu de ripio, de bitume tout cela par plaques. Je passe devant la statue de la vierge à côté d’une cascade très abondante. Quelques très fortes pentes m’attendent pour rejoindre la route 5. Je n’ai pas mis le pied à terre mais j’aurais dû peut-être car ça use pas mal ce genre d’efforts. Rouler sur la panaméricaine jusqu’à Pargua est très confortable car le bas côté reste toujours très large. Plusieurs ferries font le va et vient d’une durée de traversée de 20 minutes entre l'île de Chiloë et le “continent”. Je tombe pile sur un ferry qui est presque plein. Je case le vélo dans un recoin : “perfecto” me dit un employé qui un peu plus tard me dira “gratis” donc, toujours bon à prendre pas de paiement pour la traversée. A ma surprise la route 5 continue sur Chiloë mais se réduit très vite à une chaussée à deux voies seulement et sans bas-côtés. Et là, attention car ça circule énormément à croire que tout le monde va à Ancud. C’est dans les fortes pentes que ça craint car on fait obligatoirement des va et vient gauche-droite. Il ne faut regarder que devant et loin dans ces cas pour garder la ligne la plus droite possible. Il ne faut pas regarder alors dans le rétroviseur car à tous les coups on est conduit à faire des écarts de guidon qui peuvent faire zigzaguer au risque de se faire accrocher. C’est en arrivant à Ancud après avoir traversé un pont que les méchantes pentes mènent au coeur de la ville. La chose à voir classique est le fort Saint Antoine construit par les espagnols au XVIIIème avec des canons pointés vers l’océan, qui sont encore en place patinés par la rouille. La place centrale prolonge la cathédrale San Carlos où un prêtre dans son prêche interrogeait l’assemblée présente pour faire apparaître la pluralité des origines géographiques des fidèles présents, aux vêtements très bigarrés. La moitié de mon parcours ce matin a eu lieu avec un crachin léger et un brouillard lointain mais épais. Rien de très surprenant puisque l’océan est là. Mais, en plus, le vent a commencé à pointer son nez. Bon il faudra que le nouveau vélo s”y fasse.

Bilan très … touristique avec un constat qui interroge : le nombre de propriétés à vendre de Chacao à Ancud ! Des panneaux “Se vende” partout. Quelques élevages quand même de petite taille si l’on en juge par les vaches et les brebis dans les prés. A noter la forte proportion de boules de foin enrubannées … il ne doit pas faire très chaud quand même …

Colaco Ancud   58 km   +508 m   -488 m

Vendredi 2 février 2024 - Pingouins et pentes à pousser !

Nuit très reposante après une très belle pizza préparé à l’hôtel car … le seul restaurant du coin était fermé. Donc à l’hôtel on a eu pitié du pauvre cycliste qui pensait partir l’estomac vide. Panne d’électricité à l’heure du réveil. J’ ai tout de même pu avoir un petit déjeuner. Puis direction Punihuil lieu où l’on peut voir les Pingouins de Humbolt. Le temps est moyen, toujours le vent mais aussi du crachin qui finira par m’obliger à enfiler le poncho. Les cars de touristes arrivent. Vite je piste une barque prête à partir. Un chariot poussé nous mène à la barque - on est à l’océan. La houle est forte au point d’envoyer des paquets d’eau sur les passagers. Le moteur tourne à plein régime pour ralentir subitement à l’approche des ilôts rocheux où se trouvent les pingouins. C'est tordant à regarder lorsqu’ils essaient de plonger. Certains hésitent (les plus jeunes probablement) se dandident en regardant à droite à gauche et se font happer par une vague qui les emporte mais … reviennent très vite sur le rocher. Le Pélican pité sur un énorme rocher s’amuse certainement à les regarder. Le tour dure en gros 40 minutes. 

Je redoute l’étape de demain avec du ripio pour une bonne partie mais surtout avec des pentes à monter très préoccupantes pour moi. Je décide donc d’amorcer l’étape cet après midi mais après une assiette de merlu. Et je reviens un peu en arrière pour commencer une suite de pentes terribles car au moins avec du 12%-14%. Donc, pas d'hésitation. Faut ménager le bonhomme : je descends du vélo et pousse à l’africaine. J’en ai vraiment bavé car ripio + pente + pluie = boue qui fait glisser … Donc arrêts multiples pour reprendre le souffle. J’ai dû faire 20 km en 4h30 ! Mais … où poser la tente ? Des ruches et deux voitures qui semblent être de la maison. Je m’arrête, discute un peu abeilles et pose la question de poser la tente quelque part. On me guide vers une maison voisine - à plus de 600 mètres - dont le propriétaire me montre à environ 1 km une maison bleue avec des français. Marié à une chilienne, Xavier - le français - a habité Biscarosse et est venu avec épouse et enfants construire une maison en bois dans un lieu où vraiment les gens ne se gènent pas. Un peu isolés ? Oui mais l’Amour explique tout … Du coup, je pose ma tente près de la maison bleue.

Aujourd’hui j’ai un peu avancé l’étape de demain mais j’ai bien fait car je pense que je ne serai pas arrivé à Quemchi en une seule journée compte tenu des conditions de ripio, de pente et du temps à pousser …

Ancud - Punihuil - Las Huachas (Chepu) 55 km   +675 m  -680 m

Samedi 3 février 2024 - Quemchi la désirée !

… à cause de ces montées infernales que je rencontre depuis hier. Je croyais que la Thaïlande était le top en ce domaine, il faudra peut-être ajouter Chiloë. Bonne idée de m’être avancé hier car cette étape qui traverse en travers (Ouest-Est) l’île était redoutée. Ce matin j’ai plié la tente de bonne heure à la casa azul, toute mouillée de la nuit. A nouveau la combinaison pente-boue-cailloux avec des efforts à froid (à peine 2°C) un peu sévères. Faut prendre son mal en patience et ne pas trop réfléchir. Un carrefour à gauche pour joindre la route 5 bitumée. Le moral remonte même si les épisodes poussettes restent très fréquents. On pourrait leur suggérer des tunnels courts pour neutraliser ces bosses … La route panaméricaine n’a que le nom. Elle est une toute simple deux voies très étroite sans bas côté. Le cycliste devient une proie très facile. Regarder droit devant pour éviter un maximum de zigzaguer. Le paysage reste très occupé par les forêts avec des parcelles de prairies qui se transforment progressivement en végétation arborée. La forêt reprend alors sa dynamique naturelle. Beaucoup de tas de bûches ce qui laisse penser que le chauffage au bois est très répandu. Dans toutes les maisons où l’on entre il y a soit une cuisinière soit un énorme poêle surmonté d’un cumulus d’eau chauffé au bois. J’ai retrouvé avec intérêt un système que je connais bien : chauffer avec le bois (cuisinière, poêle, insert) un circuit d’eau alimentant des radiateurs.

Un restaurant routier ! Mon petit déjeuner ayant été quelque peu léger, je déguste des oeufs brouillés au fromage. Direction Quemchi plus que 25 kilomètres. Je laisse la circulation intense de la route 5 qui va vers Castro la plus grosse ville de l’île. Conduite apaisée sur une belle route bitumée mais … avec de sacrés bosses. Petit à petit j’avance. Une grande descente. J’aperçois enfin les maisons que j’attendais. Quemchi est là avec la baie qui se montre. Mais, là encore, ce n’est jamais plat. L’entrée en ville se mérite : une énorme pente suivie d’une non moins énorme descente (que demain je vais devoir remonter). Cabanas ! Un panneau m’attire   pour atteindre les Cabanas une rampe à pousser le vélo. Je suis accueilli par un soudeur qui lève son masque étonné de voir un bonhomme avec un lourd vélo être monté jusqu’à lui. J’obtiens une chambre, peut faire sécher dehors la tente trempée, et suis invité à partager le repas familial merlu-pommes vapeur et tout ce qui complète le mets principal : crudités, vin blanc, café et … un gâteau. Il était 15 heures. La vue sur la baie de Quemchi est très belle avec plein de petits bateaux mais aussi avec un élevage de saumons qui occupe une surface importante de la baie. L’alimentation locale au bas de la maison me ravitaille en bananes, pommes, fanta orange. Je file voir les quais appelés à être le point focal probable du tourisme : beaucoup de commerces de bibelots, de bars, de restaurants, de succursales bancaires. La baie est très calme malgré un petit vent qui sévit depuis le matin.

 Las Huachas (Chepu) - Quemchi   55 km   +420 m   -440 m

Dimanche 4 février 2024 - de Quemchi à Dalcahué

Etonnant accueil à Quemchi qui m’a fait partager le repas de famille, m’a donné un grand lit et concocté un petit-déjeuner servi comme dans un hôtel de grand luxe. Il fallait que je parte à vélo avec plein d’énergie ! Madame et Monsieur ont tenu à me dire au revoir de bon matin. Très très sympas ! Je longe un peu le bord de la baie de Quemchi avant de m’orienter plein Sud. La route est asphaltée donc très roulante … sauf dans les murs à plus de 13% que désormais je franchis à pied en poussant le vélo. Visite pédestre à la cascade de Tocoihué, un joyau du coin mais bon … à comparer aux cascades des Pyrénées … Entrée payante pour descendre un escalier en bois et admirer le jet d’eau, d’un promontoire. J’ai laissé le vélo à l’entrée d’un champ où le foin venait juste d’être coupé. La circulation vers les 12h a fortement augmenté avec toujours les mêmes difficultés pour le cycliste : éviter les véhicules, ne pas zigzaguer et, cette fois, marcher en poussant le vélo dans les nombreux murs routiers à franchir. 

Etape courte mais avec une dénivellation conséquente. Message WhatSapp de l’auberge où je loge ce soir : A quelle heure arrivez-vous ? Difficile de répondre quand on est encore à rouler dans l’inconnu des pentes à franchir. Je me hasarde à donner une heure. Réponse avec le pouce levé ! Bon … J’ai calculé un peu juste pour moi qui dois donc forcer la cadence. Heureusement les murs deviennent plus gentils et acceptent que je pédale. Descente vers Dalcahué. Une petite ville apparemment très prisée des touristes. Je finis par trouver l’auberge. Deux molosses m’accueillent avec des aboiements dissuasifs pour ouvrir le portail. Le propriétaire est un ancien marin (30 ans en mer m’a-t-il dit). Restaurant et épicerie proches. Je m’oblige à manger plus que d’habitude - sur les conseils de tout le monde -, avec une bière qui glisse formidablement bien.

Bilan : journée sans trop de surprise. Les paysages se ressemblent avec une forêt dense omniprésente, quelques parcelles de foin avec, une fois ramassé, les vaches - peu nombreuses - qui broutent, des stères de bois coupés. On a l’impression que la vie humaine est principalement dans les gros bourgs. Un souci : pourquoi tant de difficultés à gravir les "murs" ? Le copain Patrick rencontré à Puerto Montt de retour de 6 mois de vélo me disait qu'il n'avait aucune hésitation, qu'il marchait en poussant le vélo lorsque les pentes devenaient très difficiles. Bon effet d'âge peut-être ? A voir la suite ...

Quemchi - Dalcahué   52 km   +859 m   -829 m

 

Lundi 5 février 2024 - Castro, ville sans rempart mais des murs pour accéder

Décidément ça monte partout à Chiloé ! Pour sortir de Dalcahué mais aussi pour atteindre la place centrale de Castro, faut pousser ! Petite étape aujourd’hui pour reprendre un peu de souffle. Les gens sont toujours aussi aimables et veulent rendre service dès lors qu’on leur apparaît un peu perdu. L’approche de Castro, plus importante ville de Chiloé, se fait dans des paysages de plus en plus ouverts. Mais toujours peu de bétail dans les prés. Que c’est agréable de pouvoir rouler sans se fatiguer outre mesure sur une route à peu près plate, à croire que le vélo avance tout seul (sans doute l’effet de l’inertie liée au poids du vélo). Mais dès que la pente se redresse un tout petit peu alors faut vite se démener pour changer les vitesses et … je l’avoue … les manettes pour actionner la boite de vitesse Rohloff ne sont pas très pratiques (14 vitesses clic) ni précises et nécessitent d'appuyer lourdement sur la manette. Arrivé en fin de matinée, je trouve l’auberge qui va m’héberger mais qui n’enregistre pas avant 16h. Je laisse le vélo et j'en profite pour monter voir le coeur de la ville tout là haut perché avec la cathédrale qui de l’extérieur présente l’apparence de nos églises sauf que tout est en bois même les piliers. Beaucoup de monde sur cette place qui fait un peu cour des miracles. Le casse-croûte est très cher mais faut manger et encore manger m’a-t-on dit. J’exécute. C’est vrai que bien rassasié ça aide pour pédaler et … pousser. L’allée côtière est longue de plusieurs kilomètres avec des vieilles machines à vapeur toutes rouillées mises en scène comme des sculptures. Demain mardi, il  faudrait que j’aille le plus loin possible car j’ai réservé le ferry jeudi matin pour la traversée vers Chaiten sur la carretera austral. Croisons les doigts pour ne pas avoir trop de murs routiers à franchir … à pinces.

Dalcahué - Castro   20 km   +241 m   -279 m

Mardi 6 février 2024 - Lago de Natri, étape de rêve ?

J’avais beaucoup d’appréhension ce matin car je dois joindre Quellon à 100 km de Castro en deux étapes, car à Quellon le ferry part jeudi pour relier Chaiten sur la carretera austral. Pas long mais toujours avec l’inconnue de la pente et de la longueur des murs à franchir. Je me lève tôt et pars à 7h avec ma lanterne clignotante allumée derrière le casque. Premier mur au bout de 400 mètres pour grimper dans le centre de Castro (j’ai repéré hier le cheminement pour sortir de la ville). Mur de longueur 500 mètres : ça va. Puis très raide descente et jonction avec la Route 5 que je retrouve avec intérêt car le cycliste a de la place même si le trafic est conséquent. Les kilomètres filent avec les montées où je commence à mieux apprivoiser les manettes de ma boite de changement de vitesse. Je reste sur la selle : formidable … jusqu’à un nouveau mur de près d’un kilomètre. Mais le temps frais (14°C) facilite la poussette. Les montées-descentes deviennent supportables, le paysage longeant les baies devenant plus ouvert. Au risque de tempérer l’impression donnée par des videos un peu idylliques sur Chiloé (avec des témoignages montrant l’intelligence et l’originalité de l’artisanat local - notamment pour le bois), il semble que ces témoignages appartiennent à une société qui n’est plus tout à fait celle d’aujourd’hui gangrénée par l’internationalisation des modes de production et donc la disparition progressive de ce qui faisait l’originalité et la spécificité chilotte. Le compteur kilométrique tourne. J’avais espéré couper en deux étapes le tronçon Castro Quellon en gagnant si les murs de la route le permettent le lago de Natri. L’appréhension  s’est estompée lorsque, après une quarantaine de kilomètres, j’ai vu le lac. Trop fort le nouveau vélo ! Et je suis tombé sur une petite exploitation familiale qui a pu me trouver une très beau cabanon tout confort pour moi tout seul avec une cuisine de la maison ! Inespéré ! Le vélo et le bipède se portent bien !

Castro - Lago de Natri   44 km   +698 m   -637 m

 

Mercredi 7 février 2024 - De Lago de Natri à El Quellon, bien passé finalement

Je redoutais encore deux bosses qui paraissent presque monstrueuses quand on consulte les dénivellations. J’ai pu les passer juste juste en pédalant. Mais je les ai eues ! Depuis Dalcahué les étapes sont plus agréables parce que plus roulantes (bitume) avec aussi un paysage qui s’illumine au fur et à mesure de l’avancée vers le port de Quellon : Les maisons un peu éparpillées sont plutôt coquettes et colorées, les prés sont en général fauchés mais peu de bétail. Le vallonnement s’élargit. L’impression d’oppression quand on circule le long de forêts proches n’est plus là. Bon, après ces bonnes notes, un petit moins avec une circulation de camions, de voitures, de bus, de motos toujours trop rasante pour le cycliste qui doit absolument limiter les effets godilles (du guidon) en se concentrant sur sa machine. Une rencontre surprenante : quatre cyclotouristes qui font un parcours en sens inverse du mien. Comme d’habitude c’est l’effet basque qui est souvent sinon toujours un peu à l’envers … La descente vers le port de Quellon présente une vue panoramique magnifique avec les îles. L’entrée dans la ville se fait aux freins car sinon on file droit vers un beau plongeon. La rue principale (costanera) est gorgée de magasins de toutes sortes des concessions autos aux supermarchés avec les restaurants les bars les merceries, les quincailleries (qui n’existent plus trop en France) et un énorme commissariat de police … Une auberge m’accueille, très bien équipée. Demain, traversée bateau vers le continent. Je reste à Chaiten. Un souci quand même : l’énorme feu qui semble encore très actif en Argentine dans le parc national des Alerces. Mon itinéraire passe très prêt. On verra bien …

Lago de Natri - Quellon   44 km   +540 m   -579 m

 

Jeudi 8 février 2024 - Je quitte Chiloé pour Chaiten

Changement total. En prenant le ferry ce matin à Quellon je pars pour deux autres mondes : celui d’un bout de la carretera austral avec une échappée longue vers la frontière Chili-Argentine, et une grosse inconnue en Argentine à cause de l’énorme incendie qui couvre l’itinéraire prévu que je dois suivre.

Il fallait être à l'embarcadère à 6h. En réalité c’était plutôt 7h. Je me suis pelé de froid devant la grille d’entrée du port après être descendu dans le noir (mais éclairé par ma torche frontale et signalé par le clignotant rouge de mon casque) depuis l’auberge. Des automobilistes qui prenaient le bateau pour Chaiten étaient intrigués par ce drôle de bipède casqué appuyé sur son vélo gonflé de sacoches ventripotentes. J’ai eu droit aux questions habituelles. Le jour se lève à peine quand on me dit de m’avancer sur la passerelle d’accès. Les bateaux de pêche tout proches ont les moteurs en route et commencent tout doucement puis plus rapidement à s’éloigner. Le ferry est relativement limité en véhicules : une trentaine. Le personnel est nombreux, veille à ce que tout se fasse dans un ordre strict. Mon vélo est remisé, tout seul, dans un recoin latéral fermé par un rideau. Je prends la précaution de lui mettre une sangle pour le prémunir de chutes dues au tangage et au roulis. En fait, le ferry est très stable par sa construction. La petite houle n’a pas eu d’effet sur la stabilité du bateau. 8h le départ se fait en douceur d’abord en marche arrière puis en pointant le nez vers l’Est vers le continent. La sortie de la baie de Quellon à l’éclairage matinal montre une ville tout en longueur s’étirant au bord de la baie. La traversée est relativement rapide : 4 heures. Au passage le volcan Corcovado pointe en majesté au-dessus de l’eau. A Chaiten, tout est … Corcovado. Peut-être pour oublier la catastrophe du volcan Chaiten au Nord de la petite ville qui a détruit entièrement les habitations en 2008. Depuis, une “ville” neuve a été plantée mais sans âme en apparence. Beaucoup d’hôtels, d’Hospedaje, de cabanas mais tout paraît très froid, presque vide sinon fermé. Mais … grand beau temps et quasiment pas de vent. Ca me change d’il y a quelques années où j’avais eu un sacré mauvais temps. Je me renseigne sur le feu en Argentine dans le parc national de los alerces : à croire que les chiliens ne sont concernés que par les questions au Chili. Je demande au syndicat d’initiatives s’ils ont des informations ? Il tapote l’ordinateur et me donne des informations d’il y a 8 jours. Je lui demande s’il n’est pas possible de téléphoner en Argentine à Trevellin par exemple : Ah! mais c’est en Argentine. Plus loin, j’essaie avec le bureau des douanes puisqu’il y a des douanes à la frontière à Futaleufu : Ah! mais c’est en Argentine … Bon, je dois renoncer à en savoir plus.

Vendredi 9 février 2024 - De Chaiten à Santa Lucia. Coup de barre : taons, pentes, chaleur, hypoglycémie …

Ce matin à Chaiten c’est la douche froide (au figuré) : Claude me donne copie d’une image satellitaire actualisée qui montre l’étendue de la localisation des incendies au parc national des Alerces en Argentine. C’est tout contre les gros villages de Trevelin et d’Esquel et ça touche les lacs par où mon itinéraire est prévu ! Coup de massue au réveil … En regardant bien les cartes, il n’y a pas de plan B pour faire la jonction Trevelin - El Bolson. Me suis-je mis dans une souricière ? Je décide de gagner tout de même la frontière à Futaleufu donc d’atteindre aujourd’hui Villa Santa Lucia sur la carretera austral. Petit déjeuner léger mais avec une grosse boule dans l’estomac. Il fait très bon rouler. Le temps est très différent de celui de Chiloé : nuageux avec moins de vent mais un soleil qui semble chauffer plus. Je parcours ainsi sans trop de circulation sur une belle route (sans pluie à la différence de l’année où je m'étais pris une saucée terrible !). Je retrouve les coins connus dont les environs du lac Yelcho. Je découvre par contre les montagnes du coin avec de la neige persistante et, semble-t-il, abondante. Bizarre ces petits nuages un peu gris foncés qui semblent lourds et peser sur la vallée que je remonte ? Serait-ce de la fumée qui viendrait du parc national des Alerces ? C’est très localisé … peut-être … Au bout d’une cinquantaine de kilomètres les montées commencent, d’abord quelques montagnes russes que je grimpe sans difficulté, puis une très longue montée dont la pente varie entre 7% et 13%. C’est là que j’ai un coup de barre avec la conjugaison de trois composantes : les taons qui sont d’une impertinence intolérable (ils s’amusent même à vouloir me piquer au visage), la chaleur (qui semble plus forte qu’à Chiloé), et … la terrible hypoglycémie que je n’avais pas eu depuis très longtemps qui fait vaciller et perdre l’équilibre ! Terrible conjugaison qui me fait m’arrêter de suite et me fait appuyer sur le vélo en attendant que je retrouve mes esprits. Je croque vite une barre, bois un coup et me rends compte que je ne peux pas pédaler dans des pentes presque normales. Je dois pousser le vélo. Mais il reste une quinzaine de kilomètres avec un col à passer soit en réalité une montée à pousser la moitié du temps. Deux cyclotouristes jeunes me suivent et me dépassent. Je vois la jeune femme poser le pied à terre quelques dizaines de mètres plus loin alors que moi je suis avachi sur mon guidon. Ca me rassure un peu ! … Dire que quand j’étais passé par là sous la pluie alors que c’était encore du ripio (là c’est une chaussée cimentée) j’avais tout monté en pédalant ! Une épingle à cheveux et quelques centaines de mètres après, le col inespéré arrive ! Crevé le bonhomme … La descente devient alors presque une descente de rêve, sauf que sans avertissement le ciment cesse pour retrouver brutalement le ripio avec les gros cailloux qui roulent. La vitesse est conséquente mais les freins à disque se montrent très efficaces. J’évite le dérapage et donc la chute. Villa Santa Lucia est un peu un village fantôme, en carré. Je trouve l’auberge pour dormir et vais de suite manger une grosse soupe de nouilles, haricots, tout petits bouts de viande avec - oui - 25 cl de très bon vin rouge. Pas de réseau téléphonique Intel, pas de wifi. C'est grâce au portable de ma logeuse que je peux envoyer mon texte. Demain je vais essayer de m’avancer le plus possible vers Futaleufu pour voir si je peux passer la frontière après demain. Mais alors au moins deux jours sans réseaux ni wifi donc pas d’envois de messages et de texte.

Chaiten - Villa Santa Lucia  75 km   +993 m   -736 m

Samedi 10 février 2024 - Villa Santa Lucia, le point

Ce matin, je reste très indécis. Pour les incendies, il n’y a pas moyen d’avoir des informations parce que tout ce qui concerne l’Argentine semble inintéressant. Alors, la seule information disponible reste les images satellitaires actualisées qu’on peut visionner avec Google Maps et qui montrent clairement, à la date de l’image, l’étendue géographique des forêts brûlées. On y décèle deux zones l’une à l’Ouest d’Esquel - très grosse zone incendiée du parc national des Alerces, l’autre plus restreinte au Nord de Costa del lepa que traverse la route 40. Le problème objectif pour moi est double : ne pas être surpris par de potentielles flammes et ne pas être intoxiqué par les fumées. Or tout le secteur est sous vents tournants avec les vents venant du Pacifique. Après avoir fait travailler mon accompagnement logistique familial (merci Claude, Bernard, Laure, Thomas, Dominique) la solution trouvée n’est pas le repli par le Chili en remontant la Carretera austral depuis Villa Santa Lucia (déjà parcourue dans le sens Nord-Sud) mais de trouver un véhicule qui puisse me faire passer rapidement la zone potentielle dangereuse pour moi. Après mails divers (merci à Maria ma logeuse qui m'a permis d'utiliser son téléphone portable pour avoir du réseau), téléphone de France, une solution semble possible avec un taxi qui prendrait le bipède et son vélo de Travelin à El Bolson. La réservation a été faite à Trevelin. Toutefois, il importe que ledit bipède arrive à Trevelin. Ce sont trois étapes journalières qui me paraissent possibles mais qui sont en ripio avec quelques petites séquences cimentées. Ce ripio reste redoutable dans les montées surtout. Demain dimanche 11 février sera la 1ère étape au cours de laquelle je m’avancerai le plus possible vers Futaleufu, village en bordure de la frontière Chilo-Argentine. La deuxième étape sera lundi 12 jusqu’à Futaleufu. La troisième étape serait le passage en Argentine pour environ une soixantaine de kilomètres jusqu’à Trevelin. Tout ce programme est conditionné par ma capacité à franchir les dénivellations avec le nouveau Mulet, et donc à éviter l’hypoglycémie. Manger, manger … plus dur que pédaler ?

PS : Villa Santa Lucia a été le théâtre d’un drame en décembre 2017. Un musée rappelle les circonstances de cette catastrophe qui a fait plus de 20 morts et détruit une très grande partie du village. Des pluies diluviennes ont fragilisé une barrière alluvionnaire qui calait un glacier. L’eau a percolé les alluvions (moraine frontale du glacier ?) qui, sous la poussée glaciaire se sont répandues en laves torrentielles jusqu’au village. C'est du moins ce que j'ai compris des explications données. Je comprends mieux l’impression actuelle que l’on a de Villa Santa Lucia en village qui a du mal à exister. J’étais passé en janvier 2017 : Villa Santa Lucia avait des hospedaje dont l’un Illampu dans lequel j'avais dormi et qui a été détruit par la coulée de décembre 2017

Dimanche 11 février 2024 - Bonne étape de mauvais ripio …

Réveils à répétition toujours inquiet de ne pas pouvoir accomplir ce qui est prévu. Là c’est la jonction avec Futaleufu que j’ai prévue en deux étapes compte tenu de la quasi totalité du trajet en très mauvais ripio et des dénivellations positives cumulées. 7h le jour pointe. Zut la remise où se trouve le vélo est sous clef. Maria est déjà en train de faire les oeufs brouillés et une crêpe fourrée au chocolat. Petit déjeuner copieux. Tout est vite avalé car le ripio attend ! Pas un véhicule, temps impeccable pour pédaler. Ca saute de partout. Le nouveau vélo est servi aujourd’hui car c’est un très mauvais ripio avec de gros cailloux, la bande de roulement normale pour le cycliste est bombée avec inclinaison vers le fossé (donc dérapages traîtres), et … de la tôle ondulée permanente (donc tout saute : le vélo, le bonhomme, les bagages). La “route” s’enfonce dans des gorges assez resserrées avec un torrent impétueux d’un vert unique et un débit très rapide qui fait le bonheur des kayakistes. En réalité, on remonte une longue vallée sans village avec quelques habitations mais sans paysan. Le lago Lonconao fait le bonheur des canoétistes et des pêcheurs. Les descentes des torrents Espolon et Futaleufu ont beaucoup de succès si j’en juge le nombre de petits bus tractant une remorque remplie de kayaks et de rafts. La nourriture d’hier avalée en force semble faire un bon effet. Je pédale bien et n’hésite plus à descendre de vélo pour le pousser quand la pente est trop violente. Finalement, je trouve que je dépense moins d’énergie en faisant ainsi. Les kilomètres défilent. Je suis dans les prévisions et je vais au-delà. Après quelques 60 bornes je vois un panneau camping. Sauf que lorsque je me pointe, impossible de planter ma tente alors que tout est superbement vide ! Le monsieur ne veut rien entendre … Bizarre. Je continue donc ma route désormais asphaltée (quel repos !) et finis par trouver un coin isolé un peu à l’écart de la route, en souhaitant ne pas être viré. Belle et bonne journée avec un cumul de dénivellation positive qui dépasse 1000 mètres sur une vraiment sale piste. Les bagages ont bondi mais les attaches étaient solides, le vélo en a vu de toutes les couleurs mais pas de crevaison et apparemment pas de dégâts matériels, le bonhomme a sauté tout le temps mais sans meurtrissures, et je suis arrivé finalement plus loin que prévu avec, demain, une très très courte étape pour arriver à Futaleufu. Ah ! j’oubliais : oui un peu de crachin et un peu de vent - on est en Patagonie …

Villa Santa Lucia - campement  72 km   +1081 m  -930 m

Lundi 12 février 2024 - Futaleufu, place aux passionnés des descentes de torrent

Entre nous, curieux nom ce gros village qui me fait penser à “foutre le feu” alors qu’à quelques dizaine de kilomètres on a un incendie monstre de l'autre côté de la frontière. Rien à voir bien sûr : sans doute cette obsession du feu et surtout des fumées qui sont une barrière impossible à franchir à vélo pour un esprit à peu près raisonnable. Ce matin réveil très frais pour sortir de la tente. J’ai encore savouré le petit fauteuil pliant en cassant la croûte hier soir, et vu aussi la grande rapidité de chauffe d’un mélange de butane/propane comparativement à l’essence. On ne m’a pas chassé de l’endroit où je me suis posé. Le café est servi avec l’eau chaude conservée dans la petite bouteille thermos. Il me reste des broutilles pour atteindre l’objectif que je m’étais donné : arriver en deux étapes au village frontalier ”Futaleufu” (vraiment bizarre ce nom !). Quatre petits kilomètres. J’enfile mes moufles car il ne fait pas chaud du tout. Après une descente un peu sur les freins pour moins sentir le froid du vent (car ça caille vraiment), le paysage s’ouvre en grand. Plein de véhicules avec kayaks, canoës sur le toit ou sur remorque sont garés prêts à recevoir les plus matinaux des passionnés de torrents. Je trouve l’auberge que j’avais réservée. C’est très tôt mais je suis accepté avant l’heure habituelle de l’après-midi. Douche excellente ! Réseaux : contacts famille et amis téléphone, site, WhatsApp. Déjeuner de midi fort apprécié arrosé d’un pisco sur. Il fallait ça pour fêter la montée pas évidente depuis Villa Santa Lucia. Un temps superbe est là : ciel uniformément bleu, très peu ou pas de vent, soleil radieux. Balade pédestre l’après-midi dans ce village en carré autour de la plaza mayor. La frontière ? Demain à 10 kilomètres plein Est.

PS : à noter encore l'impossibilité pour un chilien pourtant en charge de l'information touristique (syndicat d'initiative ailleurs) dans ce village dont le ressort économique est principalement centré sur le tourisme, d'obtenir des renseignements sur le territoire argentin qui le jouxte !: Je lui ai demandé de téléphoner à son homologue argentin du gros village le plus proche (Trevelin) où le feu est tout proche : "c'est l'Argentine" ... et toujours pas d'autres informations que celles visualisées par les images satellites. J'ai donc décidé de traverser la zone Trevelin - El Bolson en faisant découvrir au nouveau vélo les atouts d'un transport sans trop inhaler de fumées puisqu'une voiture va plus vite qu'un Mulet. On privilégie ainsi la santé du cycliste même si le moteur à combustion lâche quelques particules.

Campement - Futaleufu   4,5 km   

Mardi 13 février 2024 - Un beau ripio de 40 kilomètres

Aujourd’hui on laisse le Chili pour quelques jours. Pour la première fois on accepte de servir un petit-déjeuner à 7h. Et ce fut très bon … L’air est vraiment frais (2°C) à Futaleufu. Je longe la laguna au Nord de la cité. Pas une âme qui vive. Sur 10 kilomètres, une excellente chaussée bitumée fait avancer relativement vite. La Police puis la douane tamponnent à tout va. Beaucoup de monde à faire la queue. 200 mètres plus loin c’est au tour des Argentins de donner les césames. L’entrée en Argentine par Futaleufu est une très belle passerelle entre les deux pays qui font semblants de s’ignorer (la guerre des Malouines laisse encore des traces). Mais le ripio devient fracassant, et ça va durer plus de 40 kilomètres à sauter tant et plus au point que je me demandais si le vélo n’allait pas finir par se briser. Et … moment d’inattention dans ce jeu à saute cailloux, je dérape sec et tout se fout par terre. Rien de grave mais l’alerte a été rude. Le nouveau vélo a tordu un peu le nez en me faisant tenir un guidon qui a pivoté de 15° à gauche. Pas grave mais le signal a été bien compris : le ripio ça se surveille en permanence ! Les paysages, passée la frontière, sont très ouverts, à la différence des vallées encaissées que nous avons remontées depuis Villa Santa Lucia. Les champs deviennent plus grands, le foin est encore endainé, mais pas un bipède dans les champs. C’est vrai que la chaleur commence à monter très fort. Quelle différence avec le Chili continental et bien sûr avec l’ile de Chiloé. Les montagnes à droite et à gauche gardent encore des espaces enneigés, alors que, dès la frontière passée, les panaches de fumées des incendies du parc national des alerces sont visibles. L’approche de Trevelin se fait par une route qui bifurque plein Nord et qui, pour les dix derniers kilomètres est bitumée. Quel rêve ! Le vélo avance presque sans effort. Ca commence à sentir le bois brûlé. C’est supportable. J’avertis mon chauffeur pour lui signifier que je suis à Trevelin. Réponse rapide sauf que la voiture est une berline pas un pick up. Le vélo ne rentrera pas dans la berline ! J’alerte in petto mon frère Bernard qui, depuis le Bassin d’Arcachon, téléphone au taxi à Trevelin pour lui proposer de venir voir le vélo avec sa berline. 1 heure après, la berline est à côté du vélo avec la solution surprise : le porte vélo ! Rendez-vous demain à 8h, départ pour traverser la zone critique des incendies jusqu’à El Bolson.

Futaleufu - Trevelin   54 km   +429 m   -336 m

 

Mercredi 14 février 2024 - Ave(c) César à El Bolson

Le feu faisait bien sentir ses effets hier lorsque j’ai passé la frontière à Futaleufu : la fumée débordait vers le Sud de plus en plus, l’odeur commençait à se manifester. Tout semblait se diriger vers la zone de Trevelin. Dans la soirée un hélicoptère est venu faire un tour et puis s’en est allé. Comme par magie, le ciel bleu est revenu alors que dans l’après midi une sorte de brume tapissait les alentours. Mais au moment de se coucher, le ciel était redevenu clair. César, c’est le prénom de mon chauffeur de taxi, est arrivé ce matin à 8h pile, le porte-vélo bien sanglé à l’arrière du coffre de la berline. Le vélo est fixé notamment avec l’élastique de 6 mm de 5 mètres de long que j'emporte toujours, qui est un extraordinaire moyen à la fois pour immobiliser des parties mobiles (guidon, fourche, roues, pédales) tout en gardant un amortissement lors des à coups inévitables dans la conduite, cela de façon à préserver et la carrosserie et le vélo lui-même. Sacoches, tente, réchaud, matelas, boissons sont enfournés. Direction El Bolson que l’on atteindra 3h30 plus tard. Peu de marques de feux dans l’ensemble mais encore des points de fumée à hauteur d’Esquel et surtout pas mal d’arbres calcinés en tout bord de la route vers Epuyen. L’impression donnée par l’entrée en Argentine est que globalement l’Argentine montrerait une plus grande adaptation à la modernité que le Chili, mais ceci n’est qu’apparence tirée des constructions que l’on peut voir et de la variété des activités que l’on pressent. Et puis m’a répété César, il y a Benetton qui possède une immense hacienda avec élevage de moutons … El Bolson, grosse ville. Je vais y rester un jour de plus. Beaucoup de backpackers y circulent, à la chasse aux bonnes glaces. Il fait vraiment une vraie chaleur d’été presque caniculaire. Pourtant le problème de l’eau ne semble pas trop préoccuper les habitants avec plein d’arrosages de pelouses et des trottoirs. Une troisième phase de mon voyage va commencer avec certes du vélo mais probablement moins d’efforts violents pour les pentes et les distances.

Trevelin - El Bolson Traversée de la zone de l’incendie en voiture

 

Jeudi 15 février 2024 - El Bolson sous le Piltriquitron

qui culmine à 2260 mètres. Enorme enfilade de masses rocheuses très découpées qui doivent constituer de très nombreux itinéraires possibles d’escalade.On dit que c’est le village des hippies. El Bolson a tout pour rendre la vie agréable avec de très belles excursions variées à peu de distance avec lacs, étangs, forêts, sommets, et un climat qui semble bien protégé des humeurs du Pacifique. C’est vrai que je n’ai jamais vu autant de jeunes sac au dos et des groupes de jeunes femmes habillées au minimum. Bôf ! Il faut quand même un peu de monnaie … Secret certainement ! J’avais besoin de cette halte reposante d’un jour pour me défaire de ce stress qui n’a pas cessé de me faire douter depuis Villa Santa Lucia. C’était d’abord “suis-je capable d’atteindre Futaleufu avec cette longue piste de ripio avec des pentes inconnues?” puis “le feu” vais-je pouvoir passer ? comment ? J’avais envisagé tous les scenarii jusqu’au retour en arrière par le Chili et la carretera austral déjà faite sous .. la pluie battante … ou revenir en ferry depuis Chaiten. Puis, “trouver à manger”, “où dormir”, “camper” mais aucun camping ouvert. Finalement, tout est plus facile que dans les pensées. Il faut oser ! La journée tranquille à El Bolson au milieu des chiens couchés et des hippies m’a un peu vidé la tête de tous ces stress encombrants. Sinon, oui, El Bolson vaut le coup d’y passer quelques jours. Allez vite demain un peu de vélo, on n’est pas d’ici … Les hippies ce n’est pas mon truc.

 

Vendredi 16 février 2024 - El Bolson à Rio Villegas, bonne route mais dangereuse

La fraicheur du matin m’accompagne. La sortie de El Bolson est bizarre à trouver. La route 40 est la voie principale qui traverse du Sud au Nord  et que l’on est obligé d’emprunter. Gros avantage, elle est asphaltée. Mais … et l’inconvénient est de taille … la chaussée est étroite et la petite bande blanche à droite qui permet aux cyclistes d’être un peu en sécurité est réduite à à peine 20 centimètres sinon n’existe pas. On devine facilement le reste : un oeil en permanence sur le rétroviseur pour anticiper les dépassements des véhicules qui arrivent, et l’autre oeil loin devant pour rester le plus droit possible et éviter au maximum les effets godille. La présence de l’écarteur et du clignotant rouge sur le casque me rassure et sont efficaces dans quasiment tous les cas. Il reste que certains conducteurs apprécient mal les distances. Il ne faut pas trop y penser … Quand je pense aux feux, en regardant les forêts quasiment continues, je me rends compte qu’il y a une masse quasi généralisée de résineux qui sont à touche-touche. J’ai vu des arbres morts d’un côté de la route et quelques arbres cramés de l’autre bord de la route donc le feu a dû sauter la route … Les pentes sont moins rudes mais très longues. J’ai plaisir à pédaler. Je vais un peu plus loin que prévu avec un cumul positif de dénivellation de 750 mètres. Poste de police. Je pose la question s’il y a des campings, des hospedaje, des cabanas ? Le policier m’indique à peu près les solutions possibles. Je quitte la 40 pour, sur du ripio, aboutir dans une zone excessivement courue par les amateurs de rafting à Rio Manso et Rio Villegas. Pas de problème pour trouver à manger et à dormir. Mais quelle canicule ! Demain encore étape tranquille sur la 40 mais faudra encore que j’ouvre les deux yeux un pour le devant un pour le derrière. 

El Bolson - Rio Villegas  58 km   +754 m   -525 m

 

Samedi 17 février 2024 - Villa Mascardi Parc national Nahuel Huapi

Étonnante l’attractivité de ce secteur qui semble perdu et qui pourtant fait le bonheur des amateurs de rafting. Un projet de retenue hydro électrique est fortement contesté. Rio Villegas n’est pourtant qu’un alignement de maisons plus ou moins bricolées en planches. Départ 7h30 un peu comme les autres jours. Je remonte le ripio pour rejoindre la route 40. Et ça monte … régulièrement mais assez facilement, les pentes ne dépassent pas 7-8 %. Je monte au train, l’oeil toujours aux aguets dans le rétroviseur. La circulation est peu dense jusque vers 10h30. Là, les bus, les camions, les gros pick up de chantier sont de sortie partis probablement de El Bolson. Dans l’ensemble, la montée s’est bien passée sauf un ou deux malvoyants qui m’ont rasé un peu de près. Au total, ça monte pas mal cette région. Villa Mascardi, Lago Mascardi … un illustre jésuite a laissé son nom (peut-être malgré lui car il a, semble-t-il, était assassiné). Lorsque je laisse la route 40 pour aller voir le lac, ripio bien sûr, et quelques centaines de mètres plus loin, barrière ! On entre dans le parc national Nahuel Huapi et là … de la monnaie ! Ils font payer l’entrée pour aller voir la Nature. Aucune explication, aucun document donné présentant le parc avec ses caractéristiques, non rien, à peine un petit ticket bleu. Il faut croire que ça a du succès vu la file de voiture en attente de passer la barrière. Car les voitures entrent dans le parc national. Je suis allé voir le lac après quelques kilomètres de ripio mais j’ai été habillé de poussières par les véhicules qui se pressaient pour aller … jusque 40 km d’après un panneau indicateur ! Inutile de dire que j’ai vite fait demi-tour car coincé sur la piste bordée de forêt, donc pas trop de visibilité, et surtout panaches de poussières et de pollutions par les véhicules. En France, jamais on n’a accepté de telles conditions dans les parcs nationaux … On est en Argentine.

Retour sur la route 40 où j’avais repéré sur la carte un camping “Los alerces” - décidément cette essence d’arbres a la cote ici d’abord pour les incendies (parque nacional de los Alerces) puis, partout en Patagonie, ce ressemblant au hêtre est présent. Donc même au camping ! Installation de la tente, casse-croûte, balade au lac Guillelmo. Une petite brise est toujours présente même si le soleil est toujours là. Atmosphère particulièrement reposante. 

Rio Villegas - Villa Mascardi  41 km   +790   -472 m    1°C ce matin

 

Dimanche 18 février 2024 - Bariloche le plein touristique

Pas d’humidité ce matin. La tente a pu se plier sèche mais avec pas mal de saletés, l’emplacement étant non pas de l’herbe comme souvent mais de la terre nue. Une banane, un café chaud grâce au thermos, je passe l’énorme portail du camping, allume mon clignotant rouge et c’est parti. Le vélo est très équilibré, ça facilite grandement la poussée sur les pédales. Les pentes sont toujours modestes mais très longues à parcourir. La circulation est plutôt calme. Ce ne fut pas le cas hier soir comme si les argentins étaient plutôt du soir tard. Cette courte étape jusqu’à San Carlos de Bariloche est très agréable car agrémentée de paysages montagneux et lacustres en même temps (lago Mascardi et lago Guttierez, Cerro Cathedral). Mais Bariloche est une très grande ville. Le GPS est très utile. La foule déambulant dans la rue Mitre, probablement rue centrale de la ville, fait la queue aux magasins spécialisée dans le chocolat, ceux spécialisés dans les glaces, ceux spécialisés dans les pâtisseries … Oui, pas surprenant de voir pas mal de personnes de bon volume. Les restaurants sont pleins. Mauvais côté de la journée : la quasi impossibilité de réserver les bateaux pour la traversée de mercredi qui doit me permettre de passer la frontière pour le Chili par une sorte de chemin des contrebandiers. C’est plein ! Pour trouver un camping même chose. J’ai pu arriver peut-être à trouver un billet pour les bateaux. Confirmation demain matin ! Touchons du bois d’Alerce bien sûr ! Sinon, je ne sais pas comment faire pour rentrer à Puerto Montt. Encore et toujours des difficultés qui n’ont rien à voir avec le pédalage. 

Villa Mascardi - San Carlos de Bariloche   35 km   +291 m   -342 m

 

Lundi 19 février 2024 - Journée comme on ne doit pas en faire

J’ai passé mon temps à attendre … Quoi ? Le voucher pour les traversées en bateaux du 21 février. Le vélo coûte presque aussi cher que le passager mais encore à l’heure qu’il est 20h50 je n’ai toujours pas le laisser-passer ! Une histoire de dingo : c’est mon hôtel en cheville avec une pseudo agence elle-même soumise au vrai transport par bateaux qui a encaissé le montant (environ 150 euros) puis j’ai dû aller à la pseudo agence pour avoir un papier manuscrit indiquant que j’avais payé pour bonhomme et vélo le 21 février 2024 avec départ à Puerto Panuelo. Mais … papier manuscrit + talon du paiement bancaire ne suffisent pas. Et c’est là qu’intervient la vraie agence de transport qui doit délivrer un voucher (billet officiel) pour pouvoir monter sur les bateaux. Cela fait quasiment deux jours que le voucher m’est promis. Entre-temps je vérifie si on peut réserver pour le jour 21, mais alors plus aucune place. Y aurait-il du surbooking ? Serai-je le passager de trop ? Toutes les hypothèses naviguent dans ma tête … et ce foutu voucher qui n’arrive pas alors qu’on m’avait promis hier que je l’aurai à la première heure ce matin. 12h, 15h, 16h je me déplace et vais à la pseudo agence pour voir celui qui ne tient pas sa promesse. Il n'est pas là … mais une autre personne semble affairée pour la pseudo agence. J’expose comme je peux ma situation. Elle prend mon passeport tape plein  de choses à l’ordinateur et finit par me dire que j’aurai le voucher dans une heure avec WhattSap. 1h30. 2h plus tard. Message de ladite dame qui me demande d’aller à la vraie agence expliquer pourquoi je veux prendre les bateaux avec le vélo. Il est 19h. Je trouve la queue à l’agence et explique encore et encore pourquoi je veux cette réservation et non pour un autre jour. Le fait que je fais en vélo une boucle Chili-Argentine étonne et fait venir maintenant deux employés. Mais il doit y avoir quelque chose de bizarre car l’employé principal me dit “un moment” et va dans les catacombes de l’agence discuter avec d’autres employés. Il revient avec le sourire. Gagné ? Non pas encore : la réservation est actée (ouf !) et je devrais recevoir le voucher dans la soirée ou la nuit au plus tard. Fin provisoire de l’épisode.

Mais Puerto Panuelo, le port d’embarquement est situé à une trentaine de kilomètres de Bariloche, et il faut y être à 9h du matin. Impossible pour moi, de jour, avec la charge. Il me faut donc trouver un camping, une chambre pour mardi soir 20 février afin de me rapprocher pour être à 9h mercredi matin à l’embarcadère. Camping ? Un seul très coté mais sans réservation possible : c’est le premier venu qui a la place. Devant cette inconnue, je finis par trouver à environ 3 kilomètres de Puerto Panuelo un hôtel qui a une chambre de libre avec réservation sans annulation possible. Et je n’ai toujours pas la certitude officielle que je pourrai naviguer mercredi 21 février 2024 ! Tout ça fatigue les méninges car on est, dans ces cas délicats, conduit à imaginer des tas de scenarii : et si je n’ai pas le voucher, et si je dois trouver une solution pour arriver à Puerto Montt dans les jours qui viennent pour prendre l’avion de retour alors que j’ai encore à solutionner la question de l’emballage carton du vélo. Et si … Bon, j’attends le voucher cette nuit. En attendant une excellente recette de poulet à l’orange arrosé au Malbec, devrait remettre le cerveau en ligne droite non ?

San Carlos de Bariloche, Galèressss

 

Mardi 20 février 2024 - Dissonance Bateliers-Paysage

Les grands mots ? Non. Les marchands de bateaux du lac Nahuel Huapi ne méritent aucune considération. A croire qu’ils se fichent des clients. Ou, pour être peut-être plus compréhensifs, à croire qu’ils sont très vite débordés par les demandes touristiques. Pourquoi critiquer ainsi ? J’ai réservé pour revenir vers le Chili trois bateaux pour traverser trois lacs magnifiques séparés par des courts mais probablement rudes parcours à vélo sur ripio. Le paiement a été accepté de suite mais le ticket de confirmation n’a pu être obtenu après moultes réclamations et coups de téléphone que … ce matin juste au moment de partir pour Puerto Panuelo, car j’ai pris le parti de faire l’occupation de l’agence tant que le billet ne sera pas émis. Pour bien comprendre, il faut savoir que les places pour les bateaux sont prises d’assaut et pour le 21 février 2024 (demain) plus aucune réservation n’était possible. Comme je l’ai décrit hier, des promesses multiples qui m’ont été faites, aucune n’a respecté la parole donnée (vous aurez le voucher d’ici quelques heures, dans la soirée, dans la nuit … aucun problème). Il faut dire que j’ai peut-être commis l’erreur de faire confiance à l’hôtel où j’étais qui en réalité a traité à une agence qui elle-même traitait avec une “vraie” agence de bateaux. Fin de l’histoire ce matin à 8h.

Le trajet routier de San Carlos de Bariloche à Puerto Panuelo est à la fois dangereux car la route est étroite, très cabossée (le goudron a chauffé) et très fréquentée. Mais quelle beauté de paysage lacustre rehaussée par les montagnes alentours dont le célèbre volcan Tronador (un peu plus de 3400 m) entre Chili et Argentine. Une trentaine de kilomètres serpentent dans le rivage Sud du lac avec quelques montées-descentes qui n’obligent pas à pousser le vélo. Je respire fort, très fort après ces heures de stress à attendre la confirmation que je serai bien demain sur les bateaux pour retourner au Chili. Tout le rivage Sud du lac est constellé de très belles demeures à l’architecture souvent originale soulignées par de fort belles armatures  boisées. A coup sûr, des demeures pour des gens à beaucoup de moyens financiers. A Puerto Panuelo, je reconnais pour demain l’embarcadère qui est aussi une porte d’entrée du parc national Nahuel Huapi. Beaucoup de monde avec un parking plein des voitures de personnes déjà parties sur le lac. Il faut dire que tout est très photogénique et c’est logique que l’attractivité de cette région soit si grande. Je retourne de 3 kilomètres pour me faire abriter dans une chambre d’hôtel qui se trouve dans un parc très soigné où, notamment, de très beaux sorbiers sont en pleine floraison. 

San Carlos de Bariloche - Puerto Panuelo   31 km   +292 m   -316 m

 

Mercredi 21 février 2024 - Etape reine !

Ce matin, réveil de bonne heure car c’est le grand jour. Une étape qui combine vélo sur bitume, un premier bateau sur le lac Nahuel Huapi, du ripio de Puerto Blest à Puerto Allegre, un deuxième bateau sur le lac Frias, du ripio très dur jusqu’à Peulla, un troisième bateau sur le lac Todo Los Santos pour arriver à Petrohué. Petit-déjeuner avalé vite fait. Puerto Panuelo est vide de voiture et de monde. Ca va je suis à l’heure pour embarquer. Il faut mettre les sacoches de côté. Elles fileront sur un tapis roulant pour être stockées dans le catamaran. Le vélo sera poussé par un employé et mis en bonne place pour être sorti du bateau le premier. Une meute de touristes arrive en cars successifs. C’est impressionnant ce qui rentre dans un bateau ! Je suis le seul cycliste. Une partie des passagers fera le même trajet que moi mais toutes les pistes seront faites avec des petits bus 4x4. L’organisation est bien rodée. Le bateau part pile à l’heure. La traversée de ce premier lac permet d’admirer les très beaux paysages volcaniques du parc national Nahuel Huapi. A Puerto Blest, je dégage vite avec le vélo, les sacoches étant mises dans un petit bus que je retrouverais à Puerto Allegre. Une piste courte de 3 km qui traverse une forêt très dense. Un petit bateau ira jusqu’à Puerto Frias. Un trajet d’une vingtaine de minutes. Là l’eau est vert émeraude provenant des glaciers du volcan Tronador. La police des frontières et la douane sont aux aguets : pas de tampon ! Et c’est là que commence le raid cross de près de 30 kilomètres qui doit me mener au Port de Peulla pour le troisième bateau. Ca commence … mal ! Car dès les premières dizaines de mètres le ripio est très cassant avec des gros cailloux roulants avec une pente où pousser le vélo devient très ardu car les pierres roulantes du ripio transforment le vélo en chasse-cailloux c’est-à-dire que le vélo fait glisser les cailloux en poussant ! Je me dis alors que, arriver pour l’heure du troisième bateau (16h) va être plus que compliqué ! J’ai 3,5 kilomètres de montée pour atteindre la crête frontalière qui est la ligne de démarcation Argentine-Chili. Un petit bus 4x4 me dépasse. Les toutous me font coucou ! Bon, moi je pousse … Après moults arrêts respiratoires pour reprendre du jus car les bras travaillent au moins autant que les jambes, je finis par comprendre que j’ai passé la crête ! Deux panneaux sont plantés l’un vantant l’Argentine, l’autre souhaitant la bienvenue au Chili. Et c’est là où je me dis qu’il me reste environ 25-30 kilomètre de ripio mais en descente presque totale donc c’est tout bon. Désillusion très rapide car c’est le même dur chemin de gros cailloux roulants que je dois descendre sur des pentes encore plus soutenues que celles de la montée. Les freins sont serrés en permanence, le vélo et moi sautons dans tous les sens. C’est long, très long et bien sûr dérapages et gamelles inévitables. Les sacoches avant doivent être remises sans casse heureusement, le bras du bonhomme est attrapé par des épines qui voulaient probablement me faire un gentil coucou. A force de sauter, je crains une panne sérieuse du vélo … Faut arrêter de gamberger avance ! J’entends un appel. C’est un policier qui me hèle ! Je n’ai pas vu le poste de police ! Pas de difficulté, le policier constate que les Argentins n’ont mis aucun tampon. La valse des sauts continue pour arriver enfin à une piste un peu plus plate mais tout aussi cassante. J’appuie sur les pédales pour essayer l’impossible d’arriver pour l’heure du bateau. Je le vois mais j’ai encore trois kilomètres et police et douane à passer. A la douane, on me fait jeter les bananes, la police me met le tampon d'entrée au Chili avec le PDI précieux papier que l'on réclame pour la sortie du pays. Et … pile à 16h je suis sur le ponton et vois des toutous assis tranquilles en mangeant et buvant. Le bateau annoncé pour le départ à 16h part en réalité à 17h. Bon … bonne chose pour moi. Mais … le temps commence à bien s’assombrir. Le bateau file bon train sur le lac Todos los Santos et finit par accoster sous des trombes d’eau ! On ne voit plus rien à 50 mètres. Sous des trombes d'eau, en petite tenue cycliste, je sors le vélo, récupère les sacoches. Mais le vent patagonien se réveille, fait tomber le vélo que j’accroche au passage car il glissait vers le lac. Je finis par sortir mon poncho que je dois mettre d’une main alors que l’autre tient le vélo. Je ne peux pas faire autrement que d’essayer de trouver un abri. Je vois un panneau hôtel. Magique, je pousse le Mulet passe sous une ombrière arborée qui diminue l’intensité de la pluie, sors le poncho pour montrer un bonhomme dans une tenue à peu près correcte, et monte les escaliers d’un lodge. Et je trouve une chambre avec même demi-pension ! La nuit est tombée. Bonhomme et vélo vont pouvoir souffler. Journée assez exceptionnelle au total. Fini le stress …

Puerto Panuelo - Petrohué Trois bateaux, une quarantaine de kilomètres de ripio.

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Jeudi 22 février 2024 - Transition réparatrice

Après les folles péripéties d’hier (car tout bien pesé cette combinaison vaut son pesant de cacahuètes, hein ? El loco !), une journée calme, tranquille ne pouvait être que bénéfique pour le bipède pédalant. Le temps est maintenant à la pluie par intermittence. Le paysage est bouché avec un plafond de nuages très bas. Bon autant le dire : les montagnes peintes en blanc-gris … aucun relief, pas beaucoup d’intérêt. Sauf … lorsque l'éclaircie surgit. Que voit-on en levant les yeux sur un couloir de cendres volcaniques : tout là-haut le cône enneigé du volcan Osorno entouré d’une suite nuageuse allant dans tous les sens ! Magnifique mais … de très courte durée. J’ai pris depuis Petrohué la très belle route asphaltée bien dessinée et avec une remarquable piste pour vélos en bordure bien individualisée de la route pour véhicules. Surprenant passage du ripio infernal à la douceur de conduite sur l’asphalte … sans trous ! et en très légère pente descendante. Un régal même si le poncho est de sortie. Arrive le site des cascades de Petrohué. Beaucoup, beaucoup de bus alignés en rangs d’oignon avec un service d’ordre très au point (le vélo peut tout juste passer entre les bus). Un bâtiment  pour l’entrée payante pour aller voir les très fameuses chutes, un monde fou à l’intérieur du hall environné de marchands du temple. Le vélo ne pouvait être garé que tout loin dehors avec les voitures. Je renonce d’autant que la pluie revient. Mais - les photos le montreront - voir autant de bus ! Quand on voit les photos de ces chutes, certes les divagations du torrent de Pétrohué sont très sauvages sans barrage mais c’est le cadre paysager qui fait tout le charme des lieux avec surtout en arrière-plan le cône enneigé de l’immense volcan Osorno. Alors quand le temps est bouché, et vu la foule immense qui fait la queue, je reprends le poncho et file vers Ensenada, une suite de constructions assez hétéroclites qui accompagnent l’aménagement de la seule route asphaltée. Trouver une chambre quand il pleut suppose d’abord de trouver l’auberge, l’hôtel, le particulier qui accepte de vous louer une chambre. Jeu de piste ici car il y a bien un hôtel mais aucune signalisation sauf sur MapsMe qui vous dit un soi-disant itinéraire à suivre mais qui parfois comme ici vous conduit dans des clôtures de champ alors que l’hôtel présumé est en réalité à 200 mètres plus loin à vol d’oiseau au bout d’un chemin de cendres volcaniques. Jeu de piste !

Petrohué – Ensenada 15.5 km +74 m  -21 m

 

Vendredi 23 février 2024 - Puerto Varas, lago de Llanquiluhé

Le soleil se lève enfin ! Le paysage autour d’Ensenada se découvre avec le volcan Calbuco mais surtout le très photogénique volcan Osorno qui donne une troisième dimension au lac de LLanquiluhé. Formidable point de vue à mi-chemin de Puerto Varas, une cité touristique mais aussi une grande ville ouvrière. Une route très bien entretenue fait le tour du lac Llanquiluhé avec la piste cyclable modèle très bien dessinée et suffisamment protégée de la circulation automobile. Un régal de se balader sur cette voie après l’infernal ripio de Puerto Frias à Peulla. On dirait que le vélo avance tout seul - c’est l’effet pisco sour pris la veille ? Mais le rappel à l’ordre est vite là dès la moindre pente à grimper. La circulation routière est très intense. On se demande pourquoi sinon que ça confirme l’immense attractivité opérée par les chutes d’eau de Pétrohué, la traversée en catamaran de deux heures du lac Todo los Santos, la baignade à Peulla … Des villas  à l’architecture cossue occupent les hauteurs du rivage du lac Llanquilhué, aux pelouses rasées de frais. De temps à autre, la forêt laisse place à une vue furtive sur l’écrin lac et volcan Osorno : superbe combinaison ! L’approche de la ville de Puerto Varas se fait comme souvent dans les grandes cités par une succession de petits commerces, de garages mécaniques, de stations d'essence, de supérettes puis les maisons se densifient. On passe devant la plage du lac et … on entre dans un quartier ouvrier avec quelques très bonnes adresses de restaurants, de bistrots, où l’on mange pour moitié prix des restaurants habituels une cuisine familiale très bonne. Ambiance ouvrière qui me rappelle les petits restos où je mangeais quand, encore dans le secondaire, je travaillais l’été pour me payer du matériel de montagne. Souvenir !

Je suis chez un particulier, deux dames, mère et fille qui furent enseignantes à Santiago du Chili. Le soleil est bien revenu. Un petit tour à la plage … Un monde comme à la Grande plage de Biarritz les jours de grande affluence. Panneau baignade non autorisée mais des dizaines de bipèdes sont dans l'eau apparemment très bonne. On voit les trois volcans majeurs de la région Osorno, Calbuco et Tronador. Les jeux de cirque sont à l'oeuvre avec des pantomines qui amusent. Ambiance bon enfant. Les marchands de glace font fortune ! Un peu en retrait de la plaza de Armas un jardin public avec la reproduction de la grotte de Lourdes comme dans bien d'autres villes du Chili.

Ensenada - Puerto Varas   47 km   +389 m   -363 m

 

Samedi 24 février 2024 - Puerto Montt, une fin apaisée

De Puerto Varas à Puerto Montt, c’est une balade de santé. Pas de ripio, du bon bitume, une route large, un couloir géant pour cycliste … bon un peu de circulation quand même sur la panaméricaine. Mon vélo a dormi sous une bâche plastique mais il n’a pas plu. Je lui ai fait traverser à pas de loup la salle à manger du gite, j’ai activé la balise satellite, le clignotant rouge du casque, et c’est parti par l’avenida Colon. L’entrée à Puerto Montt est tout en travaux routiers. Pas facile de retrouver le bon chemin. L’arrivée chez Maria Zulema et sa famille est matinale. Attente tranquille devant la maison jusqu’à un “André !” Maria soigne le petit-déjeuner d’une famille chilienne. Peu après, tout le petit monde est à la recherche d’une solution pour le carton du vélo. Et … je vois arriver un voisin qui a gardé un carton laissé par un italien. A-t-il la longueur voulue ? Pas tout à fait mais il doit aller moyennant que je raccourcisse le vélo en jouant sur le porte-bagage avant. Alfred le mari de Maria me tient le vélo. Je décroche la roue avant, dévisse pédales, béquille, guidon, porte-bagage avant que je replie sous le cadre, et … essai concluant : le vélo entre juste dans le carton bien moins abîmé que mon carton explosé de l’aller. Miracle ! Je suis rassuré. Le bouclage prendra trois bonnes heures avec une précaution supplémentaire : fixer tout ce qui est démonté avec des petits tendeurs et emmailloter tout l’ensemble du vélo avec mon élastique de cinq mètres pour parer à toute perte au cas le carton viendrait à être déchiré aux aéroports (mais ça n'arrive jamais n'est-ce pas ?). Casse-croûte serein à la plaza de armas. Déambulation sur la magnifique esplanade qui borde la baie de Puerto Montt aménagée pour la pratique de toutes activités (de la musique au stade pour planches à roulettes, skates et autres structures pour bikes …). Et … surprise ! un sous-marin qui a fait surface dans la baie de Puerto Montt  ! Avec en fond les fumerolles du volcan Chaiten ! Vision étonnante ! Et ... une nuée de camions de pompiers. Accident ? Des barrières sont mises mais … c’est simplement une fiesta des pompiers. Il ne me reste plus qu’à trouver une casa de cambio pour essayer de changer à nouveau les pesos argentins dont personne au Chili ne veut.

Puerto Varas - Puerto Montt   18 km   +118 m   -120 m

 

Dimanche 25 février 2024 - On boucle la boucle

Je mets toujours une journée supplémentaire dans mes prévisions de voyage pour tenir compte de possibles imprévus. Aujourd’hui c’est donc relax et fermeture des bagages. Le soleil est toujours présent. Mais ce matin tout le quartier de la Costanera est vide de monde alors qu’hier ça grouillait de partout. On m’avait dit que tout était ouvert le dimanche. Que nenni ! Seules quelques supérettes fonctionnent. Je cherche un magasin de change . Pas ouvert avant 11h. Un petit tour sur les hauteurs de la ville me fait découvrir à la fois les petites rues et escaliers où le ramassage des ordures semblent ne jamais être fait, mais aussi un quartier avec de très belles constructions (publiques) qui présentent un panorama immense sur toute la baie de Puerto Montt. Très rare le carillon qui sonne les heures à Puerto Montt. Le change n’est pas intéressant. Pour avoir des euros à partir des pesos argentins, il faut d’abord changer pesos argentins en pesos chiliens puis pesos chiliens en euros. On se fait donc prélever des commissions au moins deux fois sans compter un taux de change très défavorable. En réalité, il vaut mieux payer le plus possible (Argentine mais aussi Chili) avec la carte bancaire : dans mon cas, j’ai pu vérifier que le taux de change est meilleur et que les frais bancaires sont dérisoires. J’ai eu une surprise néanmoins en voulant réserver - dans un seul cas - avec booking.com : la carte bancaire visa a été refusée et la carte mastercard a également été refusée. Phénomène inexpliqué alors que j’avais déjà utilisé la même carte visa sans problème quelques jours avant avec le même opérateur booking.com. Après le vélo rentré dans le carton, faut faire rentrer les sacoches et leurs contenus dans un seul sac. Après avoir fait le tri dans la partie alimentaire, le grand sac a pu être bouclé. La boucle est bouclée.

Lundi 26 février 2024 - Sur le chemin de la France

4h30 c’est tôt mais faut ça pour éviter tous les tracas qui peuvent retarder voire empêcher l’embarquement. Antonio est, comme il l’a promis, debout. La camionnette est là dehors arrivée très tard cette nuit. On pose méticuleusement le vélo emballé avec la plus grande attention pour éviter les pertes possibles dans les manipulations entre les avions. L’aéroport de Puerto Montt est encore sans trop d’activités. Je me mets devant le comptoir LATAM Premium à tout hasard (mes réservations sont “économiques”). Ca marche. Les bagages devront-ils être récupérés à Santiago du Chili pour être ensuite enregistrés pour Madrid et Toulouse ? L’employée va chercher la réponse : non pas besoin de récupérer à Santiago, LATAM ayant passé un accord (sic) avec Iberia. Bon point pour Iberia ! et … pour moi !

Mais, comme par hasard premier couac : le paiement de 134 équivalents euros pour le vélo se fait avec une carte bancaire. Et là, surprise, la connection bancaire refuse la visa deux fois. La troisième fois je mets ma carte mastercard : même résultat ! Les mots de passe sont pourtant bons. LATAM refuse le paiement en euros ou en dollars. Sueur froide ! Une autre employée LATAM a trouvé la raison des refus. Au Chili les cartes bancaires visa et mastercard sont considérées comme des cartes de crédit. Or pour payer il faut cliquer sur “débit” pour faire accepter les paiements par carte. Sauf que sur mes cartes l’option crédit/débit n’est pas proposée. C’est l’appareil de paiement qui permet cette manipulation. Et … ça marche ! Comme les embarras  n’arrivent jamais seuls, au moment de rentrer dans le deuxième avion à Santiago le ticket d’embarquement doit être apposé sur un lecteur électronique qui lit le code et affiche un feu vert. Mon ticket a affiché un feu rouge. De suite, l’employé de service m’a dit de me mettre de côté. Vais-je devoir rester à Santiago ? Après vérification, le ticket est bon (je craignais le surbooking). Donc tout va bien. Mais que toutes ces histoires sont pénibles ! Le vol depuis Santiago s’est opéré avec un très beau temps. Le survol des Andes avec un éclairage solaire en biais a été magnifique avec vues superbes en particulier  sur le massif de l’Aconcagua, des paysages soulignés par des nuages en choux-fleurs. L’A350 est l’avion le plus récent d’Airbus avec deux réacteurs (au lieu de 4 sur l’A340 qui faisait cette ligne) ce qui diminue considérablement le bruit dans l’avion. Trajet sans souci jusqu’à Madrid sauf quelques turbulences notamment au passage de l’équateur.

 

Mardi 27 février 2024 - Arrivée sans casse à Toulouse

Attente de quelques heures à l'aéroport de Madrid. Vers 11h30 appel pour l'embarquement du vol pour Toulouse, mais ... où est l'avion ? Car je pistais pour voir la mise en soute des bagages ! Un petit tour d'autobus pour nous mener vers les pistes d'envol. Un bombardier est là. Les bagages sont apparemment déjà chargés. Petite somnolence durant le trajet. Il semble qu'il ait neigé en abondance sur "nos' montagnes. Une couche épaisse de nuages empêche de voir tout relief. La descente vers Toulouse se fait à l'aveugle ! Heureusement qu'il y a les instruments de navigation. La sortie de la poudre blanche se fait très très bas à moins de 500 mètres du sol et juste à hauteur de la rocade de Toulouse. La récupération des bagages est rapide. Et je vois une masse verte crachée du dégueuloir à bagages. Mais oui c'est le sac contenant les sacoches ! Alors peut-être que le ... vélo ? Je file vite au tapis roulant des bagages hors dimension. La sonnerie, le tapis mis en route, et qui que c'est qui arrive ? Mon carton à peine un peu éventré cette fois ! Youpi ! J'ouvre pour voir. Tout est en place mais j'avais bien pris la précaution de tout solidariser avec la grande élastique. Il ne me reste plus qu'à attendre mon chauffeur de taxi familial qui est au boulot ... Belle et bonne fin de ce voyage qui m'a fait avaler beaucoup de couleuvres ... stressantes, mais qui m'a complètement rassuré sur la qualité et la solidité de mon nouveau vélo.