Chili 2010 - 2

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Chili 2010 - 2

Vendredi 11 Juin 2010 : Lever de soleil sur la tente qui ... en a bien besoin car l'humidité de la nuit a été forte. Les affaires sont méticuleusement remises dans les sacoches car il ne faut pas trop de sable ! La piste est sèche mais ... c'est une piste très très caillouteuse avec des calibres parfois assez impressionnants et ... ça monte ... et ... la ... tôle ondulée arrive ! Pendant 50 km, j'aurai de la ... tôle ondulée ce matin ! Mais la piste et le paysage se font plus humains avec la verdure qui commence à tapisser un peu les abords. Des haciendas avec cultures d'oliviers, des propriétés privées de terrain à vendre, l'emprise humaine devient de plus en plus forte. Je finis par atteindre la ... panaméricaine (à croire que les camions me manquaient !). Là, casse-croute avec viande grillée de Vicuena (dommage de tuer ces bêtes mais ... c'est très bon !) et papas fritas con arroz y limon. 15 km plus tard, je bifurque vers le village haut perché de La Higuera. Sympathique, avec sa bibliothèque publique qui permet l'accès aux livres et à internet. Au fait, vu à la bibliothèque une copie d'article de journal sur l'araignée "parfois mortelle" qui se répand au Chili avec recommandation de bien tout nettoyer pour éviter à ladite araignée de trouver refuge dans notamment ... des lainages ... Repos dans une habitation privée où je peux me délasser un peu avec une douche bien chaude, et une veillée de palabres avec Marco, le patron des lieux, qui est chauffeur de "taxi rural".

Punta Choros - La Higuera 65 km, 7h45 - 8h, 14h +760 m -185 m

Samedi 12 juin 2010 : Le pneu arrière est à plat ! C'est la première crevaison depuis Lima. Je démonte consciencieusement la roue avec les gestes d'un quasi professionnel (Pierre Mainhagu m'aurait peut-être même embauché comme apprenti !). Le tout est remonté, regonflé et ... c'est reparti pour une étape finalement pas aussi facile que prévu. Je rejoins la grande ville de La Serena après 70 km de panaméricaine mais avec des montées, descentes très éreintantes. Avantage : plus de sel, plus de sable, plus de tôle ondulée, mais une belle route goudronnée avec des abords larges. Marco, le chauffeur de taxi qui m'a hébergé me croise (il fait le taxi entre La Higuera et La Serena). Je mange à 11h l'excellent avocat qu'il m'a donné le matin au petit déjeuner en me disant qu'il fallait le manger à 11h. Enfin, je vois du vert un peu partout, enfin j'entends les oiseaux et vois de nombreux rapaces (à croire que le nord du Chili n'est pas/plus une terre d'accueil pour les oiseaux). Marco m'avait indiqué des possibilités d'hébergement. Je n'ai pas de peine à en trouver un pour un prix très correct compte tenu du petit confort que j'aurai : petite chambre donnant sur patio, TV (pour le Mundial !), lampe de chevet (mais oui ... depuis Oruro je n'ai jamais eu de lampe de chevet ... sinon j'aurai trouvé ... l'araignée !).

La Higuera - La Serena 70 km, 7h45 - 8h, 14h +800 m -1200 m

Dimanche 13 Juin 2010 : Gazette de La Serena ... Dimanche, tout est fermé ! Pire qu'en France il y a vingt ans. Il faut attendre au moins 11h pour que quelques portes s'ouvrent. Alors, je discute avec mes voisins de chambre. Ce sont des ouvriers qui viennent de Santiago pour un travail de quatre mois. Tout au Chili vient de Santiago, tout ce qui se fabrique au Chili est fait dans la capitale puis ... dispersion vers le nord et vers le sud et ... les ouvriers suivent. La centralisation à l'excès ! Pour les aménagements routiers, pour la modernité, même loi : du centre (le top) vers les périphéries. Certains théoriciens géographes doivent se régaler avec le cas du Chili ! Beaucoup trop de différences entre pauvres et riches d'après ces travailleurs. De fait, la mendicité est là dans les rues ... Une femme est allongée sur le trottoir enroulée dans une couverture et tend la main. Elle a une tête à peu près bien coiffée : dernier sursaut de dignité ? ... Au coin de la cathédrale, un pauvre homme essaie de cacher un maximum ce qu'il est entrain de faire : pour lui la dignité est derrière ... Mes travailleurs de Santiago font leur boulot la nuit et les jours fériés car durant les journées les clients sont là, et point de bruit alors. La Serena est ceinturée de trois collines. Sur l'une d'elles, l'armée. Une dizaine de troufions ramassent les papiers sous l'oeil vigilant et un peu sadique du "chef"... du déjà vu ailleurs, n'est-ce pas Bernard et Claude ? Mais on sent déjà l'influence de la capitale proche, bien que dans 500 km. On sent l'effet tache d'huile que je soulignais dans les premières lignes de ce billet, avec, il faut le dire, un très grand effort pour la propreté en ville ... alors que la campagne est encore apparemment le lieu de tous les dépôts de toutes sortes. L'éducation scolaire est encore, semble-t-il, très partagée entre public et privé avec une ségrégration de fait pour les gens plutôt aisés (privé) ... Un homme me tend un papier dans la rue. Je ne comprends pas de suite. Il insiste et me montre en réalité un billet de bus. Je ne saisis toujours pas. Puis il me dit "asiento" "numero de asiento". Je lui indique son numéro de place dans le bus. Il me fait un énorme sourire en me remerciant ... Il n'a pourtant que la quarantaine !

Lundi 14 juin 2010 : Un petit tour dans la baie de Coquimbo. Le temps est très très moyen et humide. Mais Coquimbo a un petit charme même sous la brume. Beaucoup de maisons sur les hauteurs qui entourent la baie. Mais des pentes à grimper ... terribles ! Sur les hauteurs, une gigantesque croix en béton qui fait penser de loin au Christ de Rio. Elle a été bâtie pour le IIIème millénaire en l'honneur de Jean-Paul II. Sur une colline voisine, un très haut minaret : c'est la "mesquita" du coin. Et ... tout près de la mosquée, un très beau stade de la "copa del mundo". Renseignement pris, il n'y a pas eu de coupe du monde mais c'était pour le fun ! En tous cas, un superbe stade qui a un air du nid de Pékin. La baie est tout à la fois port de pêche, port pour pétrolier, plage, réserve de faune ... L'ensemble manque néanmoins de cohérence d'aménagement. Route à deux fois deux voies, rail avec trains de minerais vers le port ... l'activité est permanente. Plus l'on monte dans les hauteurs des ruelles, plus les bidonvilles sont présents, et plus ... la propreté des rues laisse pantois !

La Serena - Coquimbo - La Serena 53 km, 9h - 12h, +290 m -270 m

Mardi 15 Juin 2010 : C'est parti pour trois jours d'inconnues. Aujourd'hui, une centaine de km. La route est là .. panam donc peu d'intérêt en soi, surtout avec le temps incertain et le risque de pluie. Mais ... le temps tiendra. Le péage est de rigueur car la panam est maintenant une deux fois deux voies avec concession à une société privée jusqu'en 2022. Alors, des sous ... mais pour tout le monde sauf pour les ... vélos. Sympa ! Mais aux péages, interdit de passer par la barrière de péage. Il faut monter les 60 kg sur le trottoir pour redescendre du trottoir deux mètres plus loin. Pourquoi ? Nul ne le sait ! La route est bien sûr très empruntée. Quelques très rares stations-services (tous les 130 km en réalité dans cette portion). Station où l'on peut acheter de quoi se ravitailler et aller au petit coin mais ... c'est 350 pesos pour aller pisser, de quoi vous couper l'envie ! Je cherche les petits étalages de fortune pour acheter pommes, bananes. Je n'en trouverai pas avant 90 km. Et puis, tout d'un coup il y en a sept ou huit qui sont là avec, pour tous, les mêmes "produits du pays" proposés dont papayes, fromages de chèvre, fruits locaux, miel. Curieux, ce manque d'originalité pour attirer le client : tous les étals sont pareils, toutes les pancartes sont aussi peu attractives. De fait, les gens ne s'arrêtent pas. La pluie menaçant, je sors de la panam pour essayer de trouver un endroit un peu abrité pour planter la tente. Je suis à Alcones et trouve un arbre pour m'abriter au cas où. Je mange mon sandwich à la mortadelle et ... 200g de crème de lait (je me suis trompé lorsque j'ai acheté la conserve, croyant en réalité à des fruits !). La digestion a finalement fait tout passer. La nuit a été ... bruyante avec un 4 x 4 qui est venu se garer juste à côté de la tente. Le chauffeur a laissé tourner son moteur plus d'une demi-heure. La fumée était dure à ... respirer ! Très délicat ce chauffeur qui, malgré ma sortie de tente, n'a rien voulu savoir ...

La Serena - Alcones 117 km, 8h - 17h, +1095 m -975 m

Mercredi 16 Juin 2010 : Il n' a pas plu cette nuit, mais l'humidité est partout. Les 40 premiers km sont dans la brume et le froid. Et ... ça monte ! Longs ces km à 5-6 km/h. Mais je finis par sortir de la crasse. Le soleil commence à percer. Les oiseaux se mettent à chanter, et ... un très beau mâle qui ressemble à un merle mais qui a un superbe plastron rouge, s'époumone à s'en faire péter les plumes devant probablement sa bien-aimée qui est là pas loin de lui et qui ... ne semble pas très charmée ! La route serpente en ondulant, et dans le ciel, au fond, des ... éoliennes, beaucoup d'éoliennes. Il y aura deux grands parcs éoliens dont l'un a été construit par GDF - Suez et l'autre par Endesa. Chaque parc affiche une puissance de 60 mégawatts. Pas mal ! En gros, cela équivaut à 25 000 installations comme celle que j'ai à Eysus en photovoltaïque. Mais cette puissance affichée veut-elle dire quelque chose ? Il vaudrait mieux dire combien de kWh par an sont produits. Car tout dépend de la force du vent et de son occurence. Tiens ! une camionnette dans les décombres ... On arrive en vue de l'océan. Ca devient très beau malgré les lignes THT. Je sors de la panam afin d'essayer de trouver un endroit où dormir. J'arrive à un village au nom compliqué Huentelauguen, et piste un restaurant qui m'a l'air sympa. Plat de pâtes avec poulet. Une chambre est disponible : ça fait l'affaire ! je vais pouvoir faire tout sécher dans les petites heures restantes. Le restaurant fait aussi épicerie. A la caisse, une charmante grand-mère avec un chapeau tricolore aux couleurs du ... Chili ! J'oubliais que, le matin, le Chili avait gagné le Honduras !

Alcones - Huentelauguen 102 km, 8h - 15h, +1380 m -1510 m

Jeudi 17 Juin 2010 : Très bon petit déjeuner avec deux oeufs au plat et du café. Aujourd'hui, ce sera court car les deux jours précédents ont été bien remplis en km. Je dois gagner Los Vilos qui ne se trouve qu'à 40 km. La route est belle. Le ciel est purgé. Le soleil fait chanter les oiseaux. Deux rapaces me survolent, tranquilles. Ils ressemblent à des éperviers. Puis, des ... vaches ! Oui, je suis très content de voir des vaches dans un grand pré. Ca rassure les vaches, je trouve, et c'est apaisant ! Puis des panneaux mentionnant l'interdiction de chasser, et cela ... sur des dizaines de km. Une belle grande mare est très habitée par plein d'animaux. Agréable de voir en fait une réserve naturelle en bordure de l'océan. Très belle baie à Chigualoco, et puis ... Los Vilos, une petite ville très touristique si l'on en juge par les hôtels, les restaurants et les cabanas qu'on y trouve. En marchandant un peu (diminution de moitié du prix), je trouve une superbe chambre avec grand lit, salle de bain privée en face de la baie, pour 7000 pesos. Presque envie de rester une nuit de plus ...

Huentelauguen - Los Vilos 43 km, 8h15 - 12h, +535 m -550 m

Vendredi 18 Juin 2010 : Nuit de pluie et de fort vent ! Temps pourri ! Qu'on est bien sous la couette dans une chambre ! ... Ce matin, à sept heures et demi, impossible de mettre le vélo dehors, c'est presque une tempête ! Au fond, c'est pas mal de rester une nuit de plus dans ce petit cocon où je suis. Dans la matinée, le vent s'est ralenti et la pluie s'est calmée. J'en profite pour aller à la banque changer un chèque de voyage, et pour me renseigner sur les bus pour Valparaiso demain. Il y a une ligne "inter-cités" avec un départ à 7h20. C'est fait pour moi on dirait ! Un musée du cuivre est à voir, parait-il, près du port et de la tête d'embarcadère située de l'autre côté de la baie. Le vélo est de sortie afin d'essayer de trouver un itinéraire pour y accéder : dédale de rues inondées et de pistes en terre surcreusées par la pluie torrentielle de la nuit ... Superbe, l'exposition ! Elle a été financée par le propriétaire d'une mine de cuivre qui fait travailler 7000 personnes. On y retrouve toutes les étapes de l'extraction avec une précision relative à l'acide sulfurique qui sert à amalgamer (si j'ai bien saisi) le cuivre. Bien sûr, on parle du Développement Durable (Soutenable), avec la pub qui montre que la mine de cuivre est du développement durable. Le mécène a encore financé l'achat d'une lagune qui borde l'océan et le musée, avec les paires de jumelles disponibles gratuitement pour voir la gent ailée batifoler dans ses eaux. C'est grand public, c'est pas mal et ... en plus, c'est une zone humide enregistrée dans le cadre de la Convention de Ramsar. Le soir, Mario, mon hôtelier, me raconte qu'il fut mineur durant 30 ans dans une mine de ... cuivre, au sud de Santiago. Elle employait 15 000 personnes ! Lorsqu'il est parti pour créer sa très belle propriété hôtelière avec plus de 20 cabanas, la production de la mine avait doublé mais avec trois fois moins d'employés ! Les machines avaient fait des progrès !

Autour de Los Vilos 65 km, 8h15 - 14h, +235 m -250 m

Samedi 19 juin 2010 : Le jour se lève à peine quand le bus passe. Le vélo rentre couché dans un des coffres. Il y a de la place pour les bagages mais le bus est plein comme un oeuf ! Les bus inter-cités nous ramènent à une réalité plus banale avec de vieux engins peu confortables, des bus comme on en avait en France il y a trente ans. Et pourtant, le tarif est plus cher que celui des bus plus confortables de Tur Bus et de Pullman. La route est toujours la panam jusqu'à La Calera puis bifurcation vers l'ouest pour prendre une quatre voies vers Viña del Mar et Valparaiso, une énorme conurbation qui s'étire le long du Pacifique sur une vingtaine de km. Au total, environ 130 km pour arriver à Valparaiso. Trouver une chambre n'a pas été très facile. Les prix étaient toujours de l'ordre de 20 000 pesos (soit près de 35 euros la nuit). J'ai fini par trouver à 7000 pesos mais une chambre noire et pas d'eau chaude ni ... d'araignée ! La première impression pour Valparaiso ... bôf ! Pour une ville inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO ! Je verrai lundi, jour de ma visite de la ville. Beaucoup de bâtiments de type colonial mais à côté de ça, beaucoup de constructions assez banales voire déplorables. En revanche, le centre grouille de monde. Alors ... j'ai cherché à avoir des informations touristiques, notamment une carte ... tout était fermé : sabado, et oui ... alors que ce sont les jours non travaillés qui sont les plus propices au tourisme, les bureaux de renseignements sont fermés ou sont dans la ville voisine Viña del Mar. Et pourtant, Valparaiso est un site Patrimoine Mondial ! Allez comprendre ! J'ai été renvoyé de la Région à la Municipalité aux agences de tourisme pour finalement trouver un bout de carte de la ville le soir grâce à un ... belge qui tient un petit restaurant avec sa femme péruvienne. En passant sur la place centrale à dix neuf heures, les cloches de la cathédrale ont sonné. C'était l'heure de la messe du samedi soir. Je suis rentré et ai assisté à la messe. Bien que ne comprenant pas tout l'espagnol (loin s'en faut !) j'ai cru assister à une messe au Pays Basque il y a 30 ans. Beaucoup de ferveur chez les paroissiens mais un prêche sur un registre très savant où l'on entend beaucoup de choses mais en dehors du temps, laissant penser que la religion est principalement quelque chose d'intime, et pas du tout reliée à la Vie. En tous cas, c'est l'impression que j'en ai eue. A la sortie, changement complet d'ambiance, sur la place et ses abords : les commerces étaient ouverts avec des petits marchands à la sauvette (c'est vraiment le cas de le dire car je les ai vus filer comme des lapins lorsque la voiture de police est arrivée !), des musiciens (de qualité), la toujours présente statue humaine qui bouge comme un automate lorsqu'on lui donne des sous, les jeunes qui font du roller skate, et les trottinettes à pédales pour les tout petits.

Los Vilos - Valparaiso bus, 130 km

Dimanche 20 juin 2010 : Je pars aux aurores pour Viña del Mar en prenant la route de la Côte Pacifique depuis Valparaiso. Peu de monde à cette heure mais suffisamment de bus et de voitures pour parfois me foutre la frousse tellement ils vont vite. Je ne réfléchis plus trop maintenant sachant qu'il vaut mieux que je roule assez vite sinon je zigzaguerais trop et je serais encore plus vulnérable. L'arrivée à Viña del Mar se fait sans transition aucune car tout est bâti tout le long entre Valparaiso et Viña. Il vaut mieux monter un peu sur les hauteurs pour avoir un meilleur aperçu. Une très belle vue se dégage d'une bute sur laquelle on peut tranquillement se poser pour casser un peu la croute et observer ce grand panorama de plus de 20 km de longueur. On y trouve tout ce qui peut être lié à la mer : port de pêcheurs, port de portes-conteneurs, port militaire, port de marchandises (pétroliers, minerais ...), port de voyageurs, plages aux multiples fonctions. C'est fou le nombre de personnes qu'on trouve faisant du jogging le long de la côte ! Puis ... je repense aux cartes et aux informations touristiques qui devraient être disponibles à la Place Centrale de Viña del Mar. Pour y arriver, on passe devant de luxueux immeubles en front d'océan. Et, miracle ! C'est dimanche, et pourtant je trouve le centre d'informations touristiques ouvert et, en plus, des personnes compétentes et de la documentation ! Les éclairages en biais du soleil donnent des visions très précises des contours côtiers. De belles et longues plages mais gâchées par les trop nombreux déchets qu'on y trouve. Au port des pêcheurs, c'est la vente aux particuliers, un assez gros marché qui permet aux pêcheurs de compléter leurs revenus, un peu comme à Arcachon où va Aitatchi "sans lunette". Viña del Mar et Valparaiso sont contigües mais totalement différentes : Valparaiso a l'inertie de l'âge, Viña del Mar est organisé avec plus de réalisme. Demain, c'est la fête ! ... le foot : Chili contre Suisse !

Valparaiso - Viña del Mar 64 km, 7h15 - 14h, +255 m -240

Lundi 21 Juin 2010 : C'est la fiesta au Chili aujourd'hui ! Un match à ne pas perdre, contre les Suisses. Avant d'être avec les chiliens au bistrot, je suis monté dans un des téléphériques qui caractérisent un peu cette ville de Valparaiso. Ce sont d'antiques montes-charges. Celui que j'ai pris - Espiritu Santo - a été installé en 1902, et a finalement peu ou pas changé depuis : une cabine en tôle pour environ six personnes, montée sur quatre roues métalliques de petit diamètre, et tractée par un gros cable en acier. Lorsqu'une cabine monte, l'autre descend. On les appelle aussi ascenseurs car les cabines montent pour ainsi dire à la verticale, les roues portant sur deux rails d'époque ! Ca permet de gagner en gros une cinquantaine de mètres de dénivelée pour joindre les hauteurs de Valparaiso où sont empilées de nombreuses "maisons" avec des rues qui grimpent droit comme c'est pas possible. On trouve des peintures murales "d'artistes" de plus ou moins bon goût, des sculptures en bronze (assez chouettes) à la "Place des Poètes", une des maisons de Pablo Neruda, grand poète chilien (maison qui se visite mais pas le lundi). Bien sûr, la vue sur la baie est éblouissante mais gâchée par des quantités de fils électriques dans tous les sens. Pas mal de bâtiments anciens ont souffert du terremoto de février dernier, au point d'en interdire l'accès (comme pour le musée d'histoire naturelle que je voulais voir). Mais ... le match a commencé ! Les rues de Valparaiso bourdonnent de la trompette de la coupe du monde. Je m'installe au bistrot pour vibrer un peu dès que les chiliens tirent dans les buts des suisses. J'ai crû voir un joueur remplaçant suisse qui avait comme prénom "Tranquilo" ... On aurait dû appeler Thomas comme ça ! Enfin, ca y est, le but est marqué, pour de bon cette fois-ci : Viva El Chile. Dehors, dans les rues, c'est la folie (mais moins que dans la capitale quand même !). Sympa ce sentiment qui ressort dans ces moments paisibles de nationalisme exacerbé. La visite vers le port s'impose. D'énormes bâtiments (le mot est presque faible) ponctuent les rues principales dans des styles très tourmentés, avec des pièces aux hauteurs de plafond qui ne font pas moins de 6 mètres (mais ils ne chauffent pas). Plaza Sotomayor ... à voir absolument, avec un très beau palais de l'Armada en cours de restauration, une immense et belle statue en l'honneur de Prat, le libérateur du Chili gardée par la Marine. Quelques places aèrent un peu cette ville coincée entre l'océan et les collines proches. La Fête de la Musique bat son plein un peu partout. On a le choix dans les styles, selon la place. Mais ... le Chili a gagné aujourd'hui ! Alors, tard dans la nuit, on entendra encore de sacrées ... trompettes !

Mardi 22 Juin 2010 : Il reste deux jours de route pour atteindre Santiago, le point ultime de ce voyage, des jours redoutables par les risques liés à la circulation qui ne cesse pas d'augmenter au fur et a mesure que l'on se rapproche de la capitale. C'est une autoroute accessible aux cyclistes car il n'y a pas d'autres possibilités. Ce mardi, je pars de bonne heure pour éviter la cohue de Valparaiso et de ses environs. La sortie est assez évidente sur le papier, un peu moins entre chiens et loups. La chaussée n'a pas été refaite depuis une éternité d'où des trous énormes aggravés par les bus de ville qui roulent toujours à fond ! Des feux ... des bus encore, des arrêts brusques avec coups de volant à droite sans avertir par clignotant. Malgré l'heure matinale, c'est l'équivalent d'une heure de sortie du travail. Je redoute, un grand bus double me dépasse et ... s'arrête subitement en me serrant à droite contre le trottoir. Frein à fond, je reste coincé par les sacoches entre bus et trottoir. Je cogne avec les poings la tôle du bus. Le bus repart comme si le chauffeur ne s'était rendu compte de rien. Plus de peur que de mal ! Je réussis à rattraper le bus à un feu, et fais signe au chauffeur en lui montrant qu'un rétroviseur et un feu clignotant ça peut être utile ! Sa réponse est de me dire que je n'avais qu'à rouler de l'autre côté de la route sur une voie latérale. Cela doit lui paraître une raison suffisante pour me coincer contre le trottoir ! La sortie Est de Valparaiso sur la "D68" qui la relie à Santiago est en pente forte, d'où vitesse lente du Mulet avec évidemment un peu de zig-zag. A plusieurs reprises, je pense m'arrêter pour prendre le bus ! Cette autoroute de sortie de grande ville présente de nombreuses voies latérales d'où, pour les cyclistes, des difficultés pour traverser tout ça sans trop de danger. Concentration maximale sur le guidon en évitant de trop regarder dans le rétroviseur pour ne pas me faire trop peur ... Tout ca finit petit à petit par diminuer d'intensité. Au bout de 30 km, ça devient supportable. Mais, il y a ces tunnels interdits aux vélos ... Je voudrais passer le premier aujourd'hui : le tunnel de Zapata ! Je me poste au péage pour faire du stop pensant qu'un pick up Toyota ou Nissan fera l'affaire pour me transborder de l'autre côté du tunnel. Cinq minutes après, un employé de la concession routière me propose voiture de service et chauffeur ... gratis ! Sympa ! A la sortie, je vois en face de moi de belles montagnes enneigées ... très bas. Le ciel est sombre mais le temps tiendra, sans pluie. Pause casse-croute. Puis, randonnée tranquille entre les boulons et les restes de pneus pour finalement sortir à environ 70 km de Valparaiso. Ce soir, je reste au village de Curacavi (joli nom !). La place centrale grouille de monde avec beaucoup d'hommes casqués et en gilet orange. Ce sont les travailleurs d'un gazoduc en construction. 300 personnes sur ce gazoduc qui va relier Santiago au port de Valparaiso . Mais ... pas une chambre de libre ! Je suis contraint à demander un bout de terre pour poser ma tente. Mais, ne passant pas inapercu, quelqu'un finit par m'indiquer una habitacion possible. Superbe et pas cher ! avec - ce qui ne m'était jamais arrivé au Chili - trois serviettes de bain et un savon ! J'aurai même droit à 25 cl de vin rouge "el gato" ! La Fête !

Valparaiso - Curacavi 72 km, 7h15 - 13h, +890 m -625m

Mercredi 23 Juin 2010 : Le réveil est facile ... dernier jour de pédales ! Adios Curacavi. L'accès à l'autoroute est aisé. Le soleil est absent mais il ne pleut pas. Je sens bien que tout va se passer sans encombre. Pas trop de circulation. Certes, ça monte un peu mais le paysage est vert, les arbres sont là, je vois le passage où doit se trouver le deuxième tunnel. Pause casse-croute avant la rampe d'accès. Quelques montées d'adrénaline tout de même dans les virages où il n'y a pas de bas-côtés. Seule une ridelle métallique souligne les courbes et m'empêche d'empiéter sur la bande de terre. Le problème est que dans les courbes je suis quasiment invisible de derrière pour les véhicules qui arrivent ... vite. Mais ce n'est pas le dernier jour que je vais me faire accrocher ! A l'entrée du tunnel, pas de maison donc pas de véhicule de service en poste. Je prends le téléphone de secours : buenos dias ! ... je dis que je suis en vélo à l'entrée nord du tunnel. No problema. Le véhicule de service vient me chercher. La sortie du tunnel se fait tranquille, avec presque un peu de soleil. Mais les montagnes sont bigrement enneigées derrière Santiago. L'entrée de la capitale se fait comme pour toutes les grandes villes, assez progressivement, avec une banlieue un peu longue à passer. Mais l'autoroute file droit. Arrivé à la station des bus, je tourne un peu dans le quartier pour finalement trouver una residencial. La pluie se met à tomber. Je suis arrivé à Santiago ... entier ! Deux mois pour un peu plus de 4000 km en vélo et environ 900 km de camion, bus, voiture. Plus de 30 000 mètres de denivelée positive dont la moitié pour le seul Pérou (pour moins de 1000 km). Quelques kilos en moins mais ... que je vais m'empresser de récupérer.

Un grand merci à tous pour vos encouragements !

Curacavi - Santiago 65 km, 7h30 - 13h, +495m - 215m

Jeudi 24 Juin 2010 : Tranquilo ! ... Pouvoir un peu flâner ... Santiago est vraiment une vraie et intéressante ville. Quelques 6 a 7 millions d'habitants, une histoire qui se voit sur les avenues plutôt défoncées, et sur les monuments. Mais le tremblement de terre force 8.8 de février 2010 à Conception, a beaucoup secoué les bâtiments anciens comme la Cathédrale et l'ex Assemblée Nationale (avec des parties interdites à l'accès pour raison de sécurité). Du coup, on a mis les députés à Valparaiso, cette ville qui aurait besoin d'un bon urbaniste car il y en a du travail pour retaper cette ville plombée par les ans ! ... J'adore les marchés. Je file - à pied - vers le marché central. Un bonheur pour les cuisiniers qui aiment le poisson : ça déborde de partout sur les étals. Je regarde un peu pour les petits cadeaux habituels. Je discute pas mal et ... on me propose de déjeuner à l'oeil ! Un couple très intéressé par le voyage que j'ai fait, qui vend plein de plantes séchées, et des vêtements faits de façon artisanale. Du coup, je leur achète un très bon gâteau. Du coup, ... ils me donnent deux adresses où l'on mange simple et bien. Enregistré comme il se doit et, le soir, je réussis à trouver dans le noir El Hodje où, sur les conseils d'un ingénieur chimiste qui se trouve à la residencial, je déguste une très bonne langue de boeuf avec des pommes vapeurs et un ... terremoto (qui est une sorte d'apéritif passe-partout meilleur que le Pisco). Très très bon (la langue était entière, soit environ 400 g). Mais il manquait quand même la petite sauce aux câpres qui aurait sublimé le plat ! Sinon, le Mulet a subi une petite douche (le sel m'a, à de nombreuses reprises, bloqué le fonctionnement du compteur). Toutes les denrées en secours, les huit litres d'eau, le litre d'essence, qui ont fait le trajet Lima-Santiago sur tout le parcours sont donnés à la femme de ménage de l'auberge ... du poids en moins pour l'avion ! ... Il me tarde de rentrer maintenant ...

Vendredi 25 Juin 2010 : Ca me fait drôle de ne pas prendre le vélo ! Mais quel bonheur de se promener dans le centre-ville de Santiago. Je change un peu d'argent. Au Chili, on ne peut pas changer dans toutes les banques (sauf si on est client de la banque) et encore moins changer des euros (c'est le règne du dollar US). Il faut aller dans des casas de cambio spécialisées dans le change des monnaies, et avec des taux de change différents. Tout Santiago est sur son 31 avec le match de 14h30 contre l'Espagne. Les drapeaux, chapeaux, banderoles, maquillages corporels aux couleurs bleu, blanc, rouge sont partout ... comme la police d'intervention également avec casques, matraques, boucliers et autres équipements habituels (mais c'est impressionnant de les voir groupés aux angles de rue derrière les boucliers comme si on était en état de siège alors que tout est normal). Laurent arrive à 14h30 l'heure du match, mais finalement on ne va à l'aéroport chercher le carton du Mulet que demain samedi. Ca tombe bien pour le match. Mais les retrouvailles avec Laurent font que nous papotons comme des concierges sans même voir les buts ! ... et oui, le Chili a perdu mais tout le monde est qualifié ! Ca fait penser au jeu des enfants où tout le monde obtient la note de 10 sur 10 !

Samedi 26 juin 2010 : Ouah ! Que c'est bon un vrai lit de 180 ou 200 (je ne sais pas, tellement c'est grand) ! ... et un petit-déjeuner extraordinaire (café, jus d'orange, ananas, oeufs brouillés avec jambon, cake, jambon, fromage, crème au caramel ... que j'ai avalés sans difficulté aucune). Nouvelle visite en centre-ville mais tout ouvre en réalité vers 11h ! Je réussis à trouver du plastique collant pour museler le carton du Mulet. Je vais rendre un petit bonjour au couple du marché qui m'a invité hier, et rentre à l'hôtel pour le rendez-vous avec Laurent. Superbe voiture (mais ici pas de taxe et tarif en gros moitié prix par rapport à ce qu'on paie en France). On file sans bruit à l'aéroport. Beaucoup de voitures dans les parkings. Le carton est acheté et emporté. Puis, j'invite Laurent à déjeuner. Très belle carte de restaurant avec ce que nous avons choisi. Tout au poisson : entrée avec du Ceviche, des filets découpés de poisson cru mais cuits dans l'huille avec carottes, oignons ; suivi d'une excellente préparation de Corviña, ce poisson que j'avais déjà dégusté à la Caleta de Chañaral le soir de la fantastique journée des dauphins, loups de mer, pingouins de Humboldt, baleines. Un original Chardonnay soulignait le tout, très typé un peu à la manière d'un Pouilly fumé. Royal ! Le soir, je suis invité dans la famille de Laurent : trois enfants, une épouse togolaise. Vive l'Afrique ! Cuisine et présentation de la table très raffinées ! D'autres invités français : un couple d'enseignants au lycée français de Santiago (2200 élèves !) et beau-frère et belle-soeur de Laurent qui opèrent dans la construction de routes (groupe Vinci). Merci Laurent ! Mais que la France gagnerait à être un peu mieux connue ! Ne serait-ce que par la télévision ! Pas de TV5 Monde, pas de France 24 dans les trois pays où je suis passé. Dommage ! Ce n'est pas une erreur, c'est une faute.

Dimanche 27 juin 2010 et Lundi 28 Juin 2010 : Ca y est, le départ mais en avion cette fois-ci ! Le Mulet est mis en sommeil dans son carton bien rembourré par une bonne partie des affaires portées dans les sacoches, avec du scotch américain pour lui clouer le bec mais ... je n'en ai pas assez ! Dimanche, tout est fermé bien sûr ! Un employé de l'hôtel finit par me trouver du collant un peu large. Le Mulet est muselé pour de bon mais, à la pesée à l'aéroport ... 31 kg ! et pourtant j'ai allégé au maximum en laissant la nourriture de survie de trois jours, le litre d'essence, les 12 litres de liquides, le savon, la mousse à raser, le rasoir, le dentifrice, la brosse à dent, et j'ai bourré au maximum une sacoche que je prends en cabine qui fait autour de 10 kg. Comme quoi avec les 17 kg du vélo, j'étais plus dans les 60 kg que dans les 50 kg ! Heureusement pour le Mulet que j'ai pas mal maigri ! Laurent le diplomate est encore aujourd'hui mon chauffeur avec son superbe carrosse. Pas trop de problème à l'aéroport sauf que, contrairement à l'aller, l'employée me fait payer l'excédent de 8 kg (31 kg pour les 23 kg autorisés) : 100 dollars (pas d'euros s'il vous plait). Sur moi, j'ai mis un maximum de vêtements avec polaire et anorak. Champagne ! Oui je l'ai bien mérité. Air France me l'offre. L'avion Boeing 777 est plein. Les fauteuils sont beaucoup moins confortables que sur Airbus. Est-ce parce que je suis moi-même moins rembourré ? 12500 km jusqu'à Charles De Gaulle. Surprise en sortant : il fait très ... chaud ! J'ai une heure et demi avant l'avion de Pau, mais ... ce sera juste ! C'est une marche interminable dans les couloirs, un bus-navette que j'ai attendu durant 20 minutes, puis des embouteillages liés à des travaux entre les terminaux 2E et 2G. Restent 15 minutes avant le départ ! Je cours. Mais il faut à nouveau passer par le contrôle sécurité ! Ouf ! je finis par m'asseoir dans le siège du Foker. Décollage avec plus d'une demi-heure de retard sans explication. Je m'endors après avoir bu le jus de tomate au sel de céleri. L'arrivée à Pau est un peu brumeuse mais beaucoup de chaleur dans tous les sens du terme car Elie est là, le petit Baptiste me fait la surprise avec Maïté et Michel Mousquès, et ... le Mulet arrive dans un carton un peu éclaté mais apparemment sans casse. Eysus est toujours à sa place avec le jardin totalement envahi, presque méconnaissable. Elie m'a acheté quelques provisions ainsi que Laure (qui a tout donné à Baptiste) et encore des victuailles données par Maïté et Michel. Il est aux environs de 16h. Je me fais un ... café au lait avec des tartines grillées habillées de la moitié d'un pot de gelée de groseilles ramassées par Dominique. Sans café au lait et tartines grillées depuis deux mois, c'était pas une vie ! Succulent ! Premiers coups de fil à la famille. Tout rentre dans l'ordre. La boucle est bouclée.

Photo du jour

24/02/24

 Un sous-marin dans la baie de Puerto Montt devant les fumerolles du volcan Chaiten