Equateur Pérou 2013 - 1

 

Equateur Pérou 2013 - 1

5 septembre - Rien n'est jamais simple avant de pédaler !

5h30 - Aéroport de Blagnac. L'employée Iberia fait du zèle "Vous avez vérifié que l'avion pouvait embarquer ce gros carton ? il fait deux mètres de long ...". Bien sûr, ce n'est pas la première fois que je prends l'avion avec ce type d'emballage, mais ... il est décidé que ce matin la journée allait m'énerver un peu. Elle téléphone : confirmation que le carton peut passer dans l'avion. Mais ... c'est 100 euros ! Je lui rétorque que le vélo est compris dans la franchise de 23 kg en soute. Elle ne veut rien entendre. Sans doute Iberia doit-il renflouer ses caisses. Je dis qu'au pire ce n'est pas 100 euros mais 75 euros. Après moultes consultations de bouquin, de collègues, je finis par "ne" payer "que" 75 euros pour un carton-vélo un peu rempli de 23 kg et une sacoche bien remplie de 8 kg. Embarquement dans les temps. Madrid arrive. Une longue virée en avion roulant à l'atterrissage : au moins 20 minutes pour atteindre le hangar de sortie. J'ai vu que le Mulet avait pris le même avion. Donc pour le moment tout va bien. Train sans chauffeur pour atteindre le nouveau bâtiment d'où partent la plupart des vols internationaux. L'Airbus A340-600 est préparé. Les charges qu'il absorbe sont impressionnantes. Pas une place libre, tout est archi complet. Le vol se déroule sans encombre avec un repas léger et deux brunchs pour 10h30 de vol sans escale. Je récupère tout donc le vélo, les sacoches. Tout va bien ... sauf que j'ai eu droit à l'ouverture tout en longueur de mon carton-vélo par la douane, sauf que Orlando qui devait être là avec une pancarte n'était pas là, sauf que le carton du vélo est maintenant quasiment tout en vrac ! Je rafistole tant bien que mal. J'attends une bonne demi-heure l'arrivée d'Orlando. A 17h35, je décide de prendre un autre taxi. Bien m'en a pris car l'aéroport nouveau de Quito est très loin de la capitale : on aura mis plus de deux heures pour atteindre l'auberge Inn où j'ai réservé pour deux nuits. Prix du taxi 30 $. L'accueil est très sympathique (hébergement à recommander http://www.auberge-inn-hostal.com/fr/index.html). Le patio autour duquel se trouvent les chambres est très agréable. Je mange mon premier poulet pommes de terre bière. Content d'être là tapant mon journal, le vélo arrivé, le bonhomme à l'abri à la bonne adresse. Rien n'est jamais simple lorsqu'on prend un avion avec une bicyclette !

6 septembre - Mais comment on en sort ?

... de Quito ! Ville en folie pour les constructions de routes au point que même Google Earth et Google Maps donnent des indications fausses. La nuit a été bonne mais courte : sept heures de moins (de plus) obligent une grosse grasse matinée. Pourtant réveillé à 3 h locale, cela fait 10 h à Eysus ! Il faut tenir le lit quatre heures de plus pour avoir le petit déjeuner. Surprise - bonne - malgré un carton percé et déchiré de toutes parts, le vélo a tenu le coup. Toutes les pièces sont là même si j'avais dû démonter roue avant, béquille, selle, tordre le guidon, monter les pédales vers l'intérieur du cadre. Tout est méthodiquement remonté sous l'oeil discret mais attentif des employées de l'auberge. Petit-déjeuner copieux (mais il manquait les tartines grillées). Inspection des sacoches avec ordre habituel de rangement : arrière gauche, tout le linge ; arrière droit, le couchage avec la deuxième paire de chaussure, la vache à eau de 4 litres, la pharmacie ; avant droit, tout pour la pluie et le froid pour pédaler ; à l'avant gauche : nourriture et boisson de réserve ; tente et matelas en travers sur les sacoches arrières ; bidon d'1,5 litre de Coca cola sur le cadre à 45°, bidon d'1 litre d'eau sur le cadre vertical ; sacoche de selle avec le nécessaire pour les pannes courantes ; sacoche de guidon avec les papiers, l'argent, le téléphone, l'appareil de photo, le bonnet et ... cette fois-ci une tablette qui me permet de visualiser ma position sur fond de carte google même sans connexion réseau. Un gadget mais qui m'évite d'avoir des cartes en papier et qui me permet de savoir très précisément où je me trouve par exemple par rapport à un itinéraire prévu. Cette fois, je me suis allégé de pas mal de choses : pas de réchaud, pas d'essence, pas de gamelle, pas d'enveloppe de roue de remplacement, pas de chargeur solaire grâce à l'autonomie grandissante des appareils, que l'on utilise finalement peu hors des zones où l'on trouve de l'électricité. Je fais une fixation depuis hier sur la traversée et la sortie de Quito. Il faut exorciser le monstre. Je pars avec le Mulet, grimpe des pentes incroyables (il faut se pencher en avant si l'on ne veut pas basculer et faire le grand soleil arrière (donc 18-20% de pente), qui durent et ... qui me montrent qu'il faut ensuite descendre des "routes" tout aussi pentues : donc à éviter. Je finis par voir la nouvelle route à grande circulation qui est la clef du passage dirait-on en alpinisme. Je reviens à l'auberge après avoir bien enregistré l'itinéraire pour demain matin. Reste le trafic, des bus en particulier, qui est ahurissant. Là ... on ne peut pas prévoir ... L'altitude de la capitale équatorienne se fait sentir (2800 et quelques mètres ...). Donc, c'est aussi une journée d'acclimatation. Impossible de visiter Quito en vélo ou à pied seulement. On est obligé de se faire transporter en véhicule. J'ai déjà fait cela il y a 10 ans lorsque, avec un groupe Allibert, on avait gravi les principaux volcans du pays dont Cotopaxi, illiniza, Imbabura, Chimborazo. Ce soir, je dois remettre à Emmanuelle Mory un ouvrage que son frère - un collègue de Pau - m'a donné pour elle. Les nuages sont restés toute la journée sur la capitale.

7 septembre - Sorti de l'enfer

.... pour le cycliste ! Stress, nuit en pointillés, le réveil sonne à 6h20. Les préparatifs sont vite faits, les sacoches sont bouclées, le petit déjeuner a été préparé la veille car c'était trop tôt pour le service normal. Un excellent jus de mure, un croissant vite trempé dans le café au lait (que le veilleur avait fait), de la pastèque, une banane. Je charge le vélo. Le jour est bien levé à 7h, et ... la circulation itou ! j'enfile machinalement l'itinéraire préparé hier pour rejoindre la toute nouvelle et énorme avenue Bolivar. Ca avance. Les grands bus sont aussi nombreux que les voitures dans cette capitale, et que les ... camions. Ca monte fort, ça crache noir. Le pauvre cycliste ferme tout ce qu'il peut pour ne pas trop respirer. Il baisse la tête pour éviter tous les pièges du macadam. Je me trompe trois fois dans les énormes ronds-points des six voies qui se croisent, alors je prends le raccourci : je prends à contresens en poussant le vélo pour éviter les énormes détours. Quelques conducteurs éprouvent le besoin d'actionner leur avertisseur, mais pourquoi donc ? ... Comme à la sortie de La Paz je trouve des regards de tout-à-l'égout sans couvercle ! Après plus de deux heures de gymkhana, je sors de l'emprise de Quito. Les 3000 mètres d'altitude ont été dépassés. Mais ce n'est pas fini. Je trouve d'énormes bouchons avant d'arriver à Tambillo. La raison est logique : on passe de deux fois quatre voies à deux fois une voie ... en travaux. Quel bonheur alors d'être en vélo ! Tout ce beau monde fumant a été dépassé par un petit cycliste. J'avais prévu de m'arrêter à Machachi. Tout va bien, il est à peine une heure. J'entre dans ce gros village qui est l'accès au parc national du Cotopaxi. Je trouve une auberge dénommée Refuge. Tout est bien : chambre propre, douche chaude, accueil agréable, 15$ petit-déjeuner compris. A la sortie de Quito, très vite on trouve d'assez grandes exploitations agricoles avec beaucoup de serres (mais quelles cultures ? on ne pouvait rien voir), et des troupeaux de vaches qui ressemblaient à nos bretonnes, avec des cornes ! C'est quand même plus esthétique que des vaches sans cornes.

Quito - Machachi 54 km 7h-13h + 680 m - 569 m maxi 3063 m

8 septembre - Pas facile à apprivoiser

... l'Equateur ! Le gite d'Antonio à Machachi est vraiment à recommander. Mais ... il faut en partir. Petit-déjeuner à 6h45. Départ avec moultes photos du bipède à vélo par le tenancier, à 7 h comme d'habitude. Le temps n'est pas terrible : de gros nuages que le Cotopaxi tout proche concentre, ont mauvaise mine. Le froid est là - on est à près de 3000 mètres. Le pédalage est agréable mais ... on dépasse les 3000 mètres d'altitude, et ça grimpe uniformément jusqu'à un peu plus de 3500 mètres avec de longs plateaux autour de 3400 mètres. Autant dire que très vite, j'ai enfilé la polaire et le bonnet. Le plafond nuageux est tellement bas que les volcans renommés du Cotopaxi et des Illinizas Nord et Sud que j'aurai du voir, sont restés derrière le rideau de nuages. Dommage. C'est un moindre mal puisque je les connais déjà bien. Toujours beaucoup d'agriculture industrielle avec toujours les serres immenses mais aussi toujours de nombreux troupeaux de vaches. Quelques prés de luzerne, quelques champs de maïs. Au fur et à mesure que je monte vers 3400 mètres, le temps devient franchement inquiétant : non seulement je ne vois plus grand chose, mais encore le vent de trois quarts face devient de plus en plus violent et la pluie se met de la partie ! Poncho, pas poncho ? Je me dis que le vent est tel que la pluie devrait cesser. Mais ...que nenni, je suis obligé de m'abriter dans une station-service. Je finis par franchir le col à plus de 3500 mètres puis plonge dans le bassin de Latacunga encore à 25 km. Mais peut-être vais-je trouver de meilleures conditions ? La chute de 400 mètres de dénivellation ne change pas grand chose : on supporte tout, et même les gants de montagne ne seraient pas de trop. Grande ville, Latacunga est principalement plantée dans une plaine sans trop de pente, autour d'une place centrale, de la cathédrale et de la mairie : du grand classique, avec les rues à angle droit à la mode américaine. Antonio, mon hôte de Machachi, m'avait recommandé l'Hotel Central tenu par des amies à lui. J'ai réussi à le trouver. Excellente adresse là encore pour un prix correct : 12$ sans petit-déjeuner. J'ai hésité à continuer ou à m'arrêter. Mais, une petite voix me disait qu'il valait mieux s'arrêter, le temps n'étant pas très clément aujourd'hui. Bien m'en a pris. Quelques minutes après avoir trouvé le marché couvert, un déluge s'est abattu, évidemment à la mode tropicale avec des répétitions en pointillés. Demain, très grosse journée avec, sur le papier, plus de 100 km et des pentes infernales avec un point haut à plus de 3600 mètres. Mais ... ne serait-il pas sage de partager cette étape en deux journées ? On verra demain car le bonhomme qui appuie sur les pédales n'est pas encore dans ses meilleurs jours, et ...le temps n'est pas, loin s'en faut, au beau fixe. Un bon dodo ... il fera jour demain.

Machachi - Latacunga 53 km 7h - 12h +745 -904 maxi 3507

9 septembre - Bouché, pentu et ... la pluie et le froid

Une étape trop longue compte tenu du temps plutôt mauvais. Toute la journée, le paysage est resté bouché. Et pourtant, les volcans sont toujours là : à main gauche le Cotopaxi puis le Tungurahua, à main droite le Chimborazo et les Illinizas. Et bien, rien de tout ça n'est visible : mer de nuages gris blancs. La tenancière de l'Hotel Central à Latacunga, Violène, m'a souhaité bonne chance et m'a certifié qu'il ferait beau mais que la route serait encombré car le lundi est jour de marché à Ambato. Pas plus pas moins que les autres jours. Je prends la déviation d'Ambato encore en travaux. Très forte descente mais, après ... douloureuse et longue, très longue montée. Et ce ne sera pas fini. Les volcans ont des pentes terribles. Petit petit développement. A l'embranchement vers Banos, je ... me suis écarté de la panam. Après interrogation de Google Maps avec mon point de situation GPS en bleu, j'ai pu rejoindre, par le village de Cevallos, le gros bourg de Mocha situé juste sur la panam avec le Chimborazo à l'ouest. Mais, la pluie a sévi en fractionnés. Dur pour le cycliste qui doit faire sécher. Et, ce soir, ça ne séchera pas car à Mocha, village pourtant assez important, il n'y pas d'hôtel ni de chambres à louer chez l'habitant. J'ai bien essayé d'aller au collège voir les enseignants. Aucun n'a même proposé un emplacement abrité pour mettre la tente. Car, ce soir, je suis dans la tente. J'ai finalement trouvé un emplacement chez Monsieur le Curé de la paroisse qui ... n'était pas là, mais après avoir discuté un peu avec la gouvernante, j'ai eu l'autorisation de me mettre dehors sous un porche. La pluie n'a pas cessé jusqu'à Mocha depuis mon escapade hors de la panam. Mais que c'était agréable de traverser des toutes petites propriétés de paysans sans le bruit de fond des véhicules pétaradants et fumants. En revanche, j'ai failli mettre pied à terre. Quelqu'un m'avait averti qu'il y aurait des "murs". Je n'ai pas bien saisi sur le moment. Mais, ces murs, j'ai dû les franchir. Ils étaient vraiment impressionnants : du jamais vu pour moi. A plus de 3000 mètres, l'effort est conditionné par les difficultés respiratoires. Il faut actionner le soufflet en lui mettant le turbo !

73 km quand même depuis ce matin avec des successions de col de Marie-Blanque. Depuis Mocha qui se trouve à plus de 3200 m il faut, d'après Google Earth, monter à un col à 3600 mètres pour descendre ensuite vers Riobamba. C'était la destination prévue. Les conditions météo d'aujourd'hui m'ont fait renoncer, étant donné que la pluie continuait encore à sévir en arrivant à Mocha. Le bonhomme et le Mulet feront la suite demain. Peut-être le grand vent va-t-il chasser ces nuages omniprésents qui bouchent toute la vue ? Normalement, depuis mon balcon de campement, j'ai devant les yeux le volcan Tungurahua le terrible qui menace la ville de Banos, mais aujourd'hui ...que des nuages ! Peut-être que demain le Chimborazo apparaîtra sous son plus beau jour ? Bizarre ce temps équatorien comme si on ne pouvait rien prévoir de certain. Je suis à l'abri, ce n'est déjà pas mal. C'est tout humide mais, bon, demain à Riobamba, bien sûr, tout va sécher ! En tout cas, chez Monsieur le Curé, il y a six chiens, deux coqs et quelques poules. Petit agrément : les coqs sont très indisciplinés. Ils chantent à n'importe quelle heure. A demain Monsieur le Coq !

Latacunga - Mocha 73 km 7h-13h +1373 m -883 m maxi 3207 m

10 septembre - Dans les nuages ... les volcans !

Sacré coq ! Quelle voix ! Dès 4h du matin, il a été le premier à sonner le réveil. De suite, toute une floppée de réponses coqueliennes - mais avec un timbre moins trempé - a réveillé le village et ... les moteurs ont démarré très vite ! Dans ma tente, j'ai attendu sagement 6h20 la sonnerie de ma montre. Monsieur le Curé était encore endormi lorsque, en évitant de trop me faire remarquer par le pliage de la tente, je suis sorti prendre un petit-déjeuner au bistrot d'hier où j'avais mangé, devinez quoi, du poulet avec des frites. Il fait frisquet ce matin. Il faut dire que les nuages sont au ras du village à 3200 mètres. Comme je dois franchir l'altitude de 3600 mètres, l'affaire est entendue : vêtements chauds et surtout imperméables. Le Chimborazo, le Tungurahua sont restés enveloppés ! Au diable ces volcans qui pourtant rendent ces paysages si beaux.

En route pour Riobamba qui est à un peu moins de 50 km, mais avec un passage sérieux à 3600 mètres. La route est en travaux (tiens, j'ai déjà écrit cela !) mais, aujourd'hui, c'est très bien pour le cycliste qui peut rouler comme il veut sur la partie de la chaussée interdite aux véhicules. Péage ? Oui mais sauf pour le cycliste. Des gardiens armés pistent les éventuels fraudeurs. Comme prévu, le soleil reste caché, la bruine fait des apparitions brutales. Je mets le poncho, solution sage car au moins ce qui est dessous reste à peu près sec. Aucun village, quelques fermes, une piste qui monte vers le Chimborazo et ses deux refuges. Un grand plat à 3600 mètres et, ouf ! la descente vers Riobamba où, j'espère, je trouverai des conditions météorologiques plus favorables. Le poncho est toujours sur les épaules. Un bruit et ... mon casque a décidé de s'en aller. Freinage d'urgence, la roue arrière bloque, dérappe un peu. Le Mulet reste d'aplomb. Le casque est remis bien fermement à sa place sur ma tête. A fond la descente pour vite trouver le soleil espéré. La bruine s'insinue toujours partout. Mais 900 mètres plus bas en dénivellation, la pluie s'arrête, la température remonte. Poncho et polaire sont enlevés. Un grand plat permet d'atteindre Riobamba, une très grande ville avec des pavés énormes qui remontent bien les vertèbres ! Des sculpteurs de pierre travaillent au burin et au marteau. Où trouver un gite ? Un mot alpin attire mon regard : Whymper avec hôtel à côté. Dans le hall, je trouve une peinture ressemblante du héros du Cervin - mais qui a fait aussi d'admirables dessins dans les Pyrénées notamment pour illustrer la chasse aux bouquetins à Gavarnie-Ordesa. La chambre, correcte avec une excellente douche chaude (avec beaucoup de pression !) comme il m'en fallait une aujourd'hui après la nuit dans la tente et la pluie, est choisie pour 18$ petit-déjeuner compris. Havre de paix attendu. Je fais tout sécher. Ecritures. Mais aussi direction le marché où comme partout on mange des choses excellentes. Aujourd'hui, je n'ai pas résisté au cochon que l'on cuit tout entier à la broche, et que l'on présente toujours avec la tête qui rigole jusqu'aux oreilles, les deux mâchoires tenues écartés avec un bâton.

Les jours qui viennent présentent des dénivellations très importantes. On verra bien. S'il le faut, je raccourcirai les étapes, surtout si le temps reste encore lunatique.

Mocha - Riobamba 45 km 7h30 - 12h30 +575 -943 maxi 3603 m

11 septembre - Soleil sur le volcan Chimborazo

Et oui ce matin, surprise au réveil. La nuit a chassé une bonne partie des nuages. Petit-déjeuner chez les deux soeurs de l'hôtel Whymper. Je retraverse Riobamba à l'envers pour prendre la direction sud. A ma droite, le beau volcan Chimborazo tout enneigé mais avec encore quelques gros nuages en choux-fleurs qui lui coiffent sa crête Est par où l'on arrive au sommet. Immense vision de ce monument sans qui Riobamba serait une banale cité. On traverse Lican, Capi, deux banlieues qui sont un balcon sur le volcan au Nord, seigneur des lieux. Ca monte toujours pour atteindre Cajabamba. Embranchement essentiel à gauche pour longer la laguna Colta dont les abords sont un lieu très prisé des habitants de la grande ville pour passer un bon moment. La Nature ici semble respirer un peu.

Un petit peu moins de trafic routier mais aussi une vie paysanne avec des propriétés à taille humaine. Pas mal d'arbres mais, depuis Quito en réalité, les arbres sont des eucalyptus qui sont défrichés assez souvent pour faire des cultures. Sans faire de rapprochements qui seraient des contre-sens - les photos le montreront - l'aspect du traitement paysager ressemble beaucoup à ce que j'ai vu au Rwanda : des structures volcaniques fort pentues, boisées d'eucalyptus, une terre très riche avec des cultures sur des pentes impressionnantes. Les différences sont somme toute importantes puisqu'ici en Equateur les maisons sont en dur et l'on voit des tracteurs qui travaillent les champs.

J'atteins l'altitude maximale de 3300 mètres pour ensuite ... redescendre jusqu'au village de Guamote. J'étais un peu inquiet car, sur les cartes, juste le nom apparaissait sans le découpage des rues, pas de possibilités d'hébergement donc pas d'intérêt pour moi. Pourtant, on domine le village de la route avec la vision de beaucoup de maisons, une gare - le train circule tous les jours de Riobamba à Alausi d'après les informations touristiques, sur un ballast refait à neuf (et oui ... RFF et SNCF, prenez exemple !). Une déviation routière a été faite, et je vois un immense panneau avec l'existence d'un hospedaje ! Magnifique ! Car je commençais à être sérieusement en hypoglycémie avec un mal de gorge qui empire depuis trois jours, m'empêchant presque de parler. Erreur de débutant comme toujours, qui se répète lorsque je suis en altitude avec de mauvaises conditions météorologiques puisque j'oublie de me couvrir donc ... je prends froid et le reste arrive quelques jours après. J'ai envoyé un mail à mon ami Jean-Pierre, LE toubib de la périphérie toulousaine avec qui je commence à avoir fait quelques balades en montagne, pour voir ce que je peux faire pour éradiquer cette saloperie d'infection à la gorge qui prend un peu les poumons. Je trouve l'auberge tenu par un jeune couple, très accueillant. Je suis arrivé au but fixé aujourd'hui. Mais ... j'ai faim. Dans le cas d'hypoglycémie, c'est absolument urgent de boire et manger tout ce qu'on trouve à croquer. Je finis par trouver un ... poulet frites mayonnaise (original) avec du thé puis une gourmandise pâtissière bien sucrée et ... un litre de lait chocolaté. Demain je dois joindre Alausi par, d'après les gens d'ici, un "raccourci" qui part du haut de la "ville" où je suis.

Peut-être une petite sieste me ferait du bien ...

Riobamba - Guamote 51 km 7h15 - 12h30 + 741 m - 434 m maxi 3335 m

12 septembre - Intoxication et marché

Ca ne m'est jamais arrivé au cours de mes voyages en vélo. Je fais pourtant toujours très attention au choix de mes aliments en assurant toujours comme on dit, d'où la fréquence des poulets/frites. Hier, arrivé à Guamote, j'avais très faim et la mayonnaise avec le poulet devait être un régal. Impossible à digérer. Hier soir, impossible de manger, et pourtant ... Toute la nuit, maux de tête violents avec toujours la gorge en feu. Dans ces heures d'insomnie, on refait le monde et l'on se demande quelle décision prendre. La plus raisonnable est de passer une journée sans rien faire, en essayant de soigner la saloperie qui vous a envahi. Le jeudi, c'est journée de marché à Guamote. Heureux hasard ? La gastro est bien là qui s'ajoute à la gorge en feu. Le paracétamol ne fait pas grand chose pour le mal de tête. J'interroge mon copain Jean-Pierre à Toulouse. Ercéfluril, lopéramide, smecta : tout est dans ma pharmacie. Le mal de gorge brûlant s'atténue un peu. Le petit-déjeuner est réduit à un peu de café chaud. Puis ... dodo ! Mais pas très longtemps car les bruits de la rue deviennent vite assourdissants avec les camions, les charrettes à bras, les hauts-parleurs qui vont déclamer toute la journée "Mandarina dulce 25 1$" (c'est pas cher !). Mais ce n'est sûrement pas le moment pour moi de manger des oranges. Que c'est bon de rester un peu faire la grasse matinée ! Connaissant bien les grands marchés équatoriens d'Otavalo et de Saquisili, il faut que j'aille voir celui de Guamote. Il est distribué dans toutes les rues du village, avec des gens partout descendus de la montagne en costume traditionnel (mais habituel ici). On voit tirer les gros cochons noirs, les veaux qui ne veulent pas avancer, au milieu des cars, des camions, des tricycles, des pick- up, des hommes sandwichs harnachés de chambres à air, d'essuies-glaces, des femmes qui proposent des viennoiseries, des glaces, et ... des tout petits attroupements qui révèlent des négociations sur le prix de vente. Tout est bigarré, très rouge, et très chapeauté. J'ai bien envie d'essayer de manger quelque chose mais je dois rester raisonnable. J'opterai pour trois croissants, ma seule nourriture de la journée. Ce soir, ça a l'air d'aller un peu mieux. On verra comment sera la nuit !

 

13 septembre - Soleil et télé

La journée de repos et les médicaments ont permis au cycliste d'être en forme sauf la gorge brûlante qui fait que, lorsque je parle, on n'entend presque rien. Mais, la journée s'annonce magnifique sans un nuage, sans vent. J'arrive à manger un peu au petit-déjeuner. Départ de cette très sympathique auberge tenue par Andres et Stefania, par des pavés énooormes sur environ un kilomètre pour ensuite trouver une surface bitumée, une petite route fort agréable qui rejoindra plus haut la panam. Mais, miracle ? la panam devient une très bonne route normale à deux voies avec une bande réservée aux cyclistes. Le rêve ! Le soleil est bien levé, peu ou pas de trafic, les montées sont agréables ... ne me suis-je pas trompé ?

Depuis Quito, c'est vraiment le premier jour de vraie vacance avec un temps superbe, une circulation pas trop dangereuse, des paysages très ouverts avec beaucoup de champs cultivés. Ca monte un peu quand même. Au loin, une voiture noire est arrêtée sur le bord droit de la chaussée. Trois hommes en sortent. Je suis un peu effrayé à l'idée que l'histoire des bandits du Pérou puisse se reproduire. Deux des trois hommes s'accroupissent et me visent mais ... en tenant un appareil de photos et une caméra. Ouf ! Ce sont des journalistes de la TV équatorienne qui m'interrogent tout en continuant à filmer. Questions-réponses classiques de journaliste : d'où venez-vous ? tout seul ? où allez-vous ? combien de temps comptez-vous mettre ? Quelle est votre profession ? Quel âge avez-vous ? Quel type de vélo avez-vous ? ... Suerte ! ... Ils me donnent leurs noms et leurs numéros de téléphone au cas où je serais en difficulté : sympa !

Après la montée, la descente, et celle qui mène à Alausi est extrêmement tourmentée. Des virages aux angles très serrés avec ... les inévitables traces de pneus qui vont tout droit et qui aboutissent à des ... croix fleuries. J'en ai déjà vu plusieurs dizaines depuis Quito. Alausi est plantée dans un creux de vallon. C'est une bourgade très connue par son train touristique qui franchit en zigzag (en avant puis en arrière car il est impossible de tourner dans les falaises) les gorges du Nez du Diable. J'avais pris ce train il y a une dizaine d'années, qui s'arrêtait au moins deux ou trois fois dans le trajet car la voie devait être consolidée. Et l'on voyait toute une armada de cantonniers s'affairer pour permettre au train de continuer. Mais, aujourd'hui, il a été modernisé ; la voie a été refaite ; les wagons sont neufs. On ne peut plus monter sur le toit comme alors. Dommage pour l'adrénaline (il fallait se tenir ! Les vendeurs de boissons et de friandises passaient de toit en toit). Alausi s'est pas mal modernisé, pour le tourisme essentiellement. Rien de bien exceptionnel. Tout est centré sur le train. Je suis à l'hôtel Panamericano, un peu sommaire, mais content tout de même de pouvoir avoir un lit et de pouvoir utiliser le wifi. Demain devrait être une étape courte en distance mais peut-être dure en dénivellation. Normalement je devrais atteindre Chunchi.

Guamote - Alausi 49 km 7h15 - 12h30 +614 m -1314 m maxi 3371 m

14 septembre - Une matinée comme on en voudrait souvent ...

Il fallait manger m'avait dit Jean-Pierre. Hier soir, à la meilleure pizzeria d'Alausi, je choisis un mélange macaronis, champignons, viandes, gruyère. Attente d'une demi-heure. La coupe est servie, fumante. Pas de vin possible malheureusement sauf une bouteille de 75 cl. Pas de bière. Pas d'eau gazeuse. Désespéré, je me rabats sur un sprite. Pas terrible avec les macaronis farcis. Mais, bon, quand il faut manger et qu'il faut boire ... Le dessus gratiné est très bon (ça sort du four), mais après ... tout est à feu de sel ! Il faut manger, alors ... je me force un peu mais au bout d'un moment, plus de sprite, la gorge qui est déjà en feu n'en peut plus. Addition ... non sans avoir dit au cuisinier que c'était vraiment très salé. Imperturbable le meilleur cuisinier de pizzeria d'Alausi qui a fait semblant de ne rien comprendre ! Je me suis rabattu sur l'achat de trois croissants pour demain matin car l'heure du petit-déjeuner est trop tardive à l'hôtel Panamericano. Nuit agrémentée d'une lumière permanente dans la cage d'escalier. Dring ! Es la hora ! Je me prépare vite, descends les deux étages, équipe mon Mulet et ... dehors ! Temps magnifique ! Pas un nuage. Petite vitesse pour remonter la côte du village et atteindre la panam qui, je le redis, est une excellente route à deux fois une voie avec bande pour cycliste. Alausi est de plus en plus lointain. Tout est ici bordé par des murailles volcaniques titanesques pour la hauteur et pour la pente. Pédaler est très agréable à 5 km/h. Le soleil sort de sa cachette. La brise arrive près du col à 2666 mètres. On bascule sur une autre vallée qui, d'après le panneau, abrite le Nariz del Diablo, ce fameux passage ferroviaire où le train ne peut pas se retourner sans tomber (comme les dahus !). Alors, quand il ne peut plus avancer parce qu'il bute contre la paroi, on le fait reculer.

La paysannerie, ici, prend tout son sens avec tous les travaux faits à la main, avec des tout petits troupeaux. Le silence est d'or ! Magique : très peu de trafic. Je vois un petit rapace de la famille des faucons (enfin un !). Toujours quelques tourterelles. Très peu d'animaux dans l'ensemble. Tout là-haut, en me dévissant la tête, je vois sur un replat de la montagne un cheval qui tourne près d'un arbre, un paysan à côté. Le manège est sans fin. Sans doute ici aussi on bat le blé en faisant tourner indéfiniment un animal qui tire une énorme meule qui a pour fonction de broyer les céréales (blé, orge ... ?). Gentil signe du bras de la part du paysan. Les montagnes "russes" continuent. Là, ce sont des femmes qui, assises, égrènent des épis de maïs. Rêvant dans ces conditions quasi parfaites pour rouler, tout d'un coup un chien en furie sort des fourrés et commence à s'approcher un peu trop de mes mollets. Classique ! La solution est souvent de faire croire que l'on s'arrête et, ça marche très souvent, l'animal voit qu'il a devant lui un être très très fort, il lâche prise.

Chunchi : petite bourgade peut-être plus sympathique qu'Alausi. Je demande l'hôtel Chunchi Imperial, bien noté, et tombe sur un homme, guide de voyage notamment pour le chemin de l'Inca - qui se prolonge en Equateur jusqu'à Quito. L'hôtel est en plein ménage à tous les étages. Mais je trouve une chambre très correcte avec salle de bain pour 20 $ (classé ici trois étoiles). Le marché est à coté. Douche, rasage, et ... poulet/frites, mais, tout nus, sans mayonnaise, sans ketchup, sans condiments. Excellente préparation, le tout étant cuit non pas dans l'huile mais dans du beurre allégé, et les morceaux de poulets sont enfarinés pour ensuite être cuits à la poêle, au beurre. Cela donne un côté craquant et pas gras à la viande : un régal mais, bien sûr, sans mayonnaise ! L'homme guide de voyage me propose d'aller voir une fête locale dans un village tout proche vers 15h. J'accepte. Je vois arriver deux autres hommes avec une voiture. Il faut monter pour aller à ... la fête. Et c'est là, dans la voiture avec trois mecs dont j'ignore tout, que je me dis que je pourrais me faire prendre n'importe où par n'importe qui. C'est vrai que je ne vois pas le mal partout ! Mais là, je suis dans le piège possible ! La Providence est toujours là. Après ... une demi-heure de voiture, voici le village de la fête : c'est un semblant de corrida avec vachettes et taurillons que les jeunes excitent avec une "muleta" (?). Tout le monde rit de ces pauvres animaux qui ne savent pas où donner de la corne. Mon homme guide de voyage connait beaucoup de monde - ce qui me rassure un peu. Au bout de deux heures, le chauffeur a froid. Bien lui fasse : on est rentré à Chunchi pour 17h. Ouf ! Sauvé des eaux par ... le froid ! Un avantage à cette histoire : j'ai vu pour demain la route que je dois prendre et ... je dois bien dormir car il me faudra de bonnes jambes pour aligner les longues pentes "petit-petit" qui m'attendent.

Alausi - Chunchi 40 km 6h45 - 12h +740 m -817 m max 2666 m

15 septembre - Montagne en vagues

Je me doutais que les choses pourraient se corser un peu. Ce matin, réveil à l'habitude. Je tire le rideau : brouillard généralisé. Mais en regardant plus attentivement j'aperçois des coins où le ciel semble plus clair. Je mange un croissant en guise de petit-déjeuner qui passe avec un peu de coca cola. J'harnache le Mulet et démarre très vite .... euh ! à 6 km/h du fait de la pente pour rejoindre la panam. Plus je monte plus je sens que je vais dépasser cette couche de brume. Je suis au-dessus de la mer de nuage très rapidement avec, à l'horizon, un beau ciel bleu. Chouette ! la journée va être belle comme hier ! Je pousse petit petit pour ne jamais dépenser en gros plus de 70% de mon énergie. J'applique cette technique tout le temps ce qui me permet même quand je n'en peux plus, de pouvoir encore un peu ... Comprenne qui pourra. La route ne cesse de tourner dans tous les sens, de monter et de descendre en permanence. Les paysages sont splendides : un éclairage rasant du soleil pointant au-dessus des crêtes, donne un relief particulier au bocage assez répandu ici. Et toujours la mer de nuage mais que l'éclairage solaire gonfle avec un relief qui donne l'impression que les nuages vont éclater. On est vraiment à la campagne. Le paysage est très habité. Des ensembles bâtis de deux ou trois maisons dans tous les virages. C'est dimanche, tout est calme. Peu de trafic. Les bidons de lait de 40 litres sont placés sur les bords de la route. Les chauffeurs les versent dans la citerne à lait du camion. Quand les bidons de lait ne sont pas en place, le conducteur du camion de lait actionne fortement l'avertisseur et ... l'on voit les lourds bidons en aluminium arriver avec leur propriétaire ventre à terre ... Petites scènes de tous les jours ...

Surprise, les eucalyptus ont disparu. Enfin, voilà la forêt native ! On peut d'ailleurs voir dans certains coins l'existence de la forêt amazonienne absolument impénétrable. Les cochons sont blancs ici, pas mal de coqs et de poules et ... beaucoup de chiens. Au moins trois par maison. J'ai eu droit à quelques furies mais en appliquant la technique de l'arrêt/retourné avec même un bon coup de galoche, l'affaire est vite arrêtée. Le seul problème est lorsqu'ils attaquent par les deux côtés à la fois du vélo ...

J'ai vu des merles ! A Santa Rosa, la bourgade située à 20 km de Chunchi où se déroulait la fiesta, la fanfare était toujours active avec, toutefois, des notes qui accrochaient un peu. Sans doute, l'effet de la très longue et dure nuit ! Arrivé à Zhud située à 40 km de Chunchi, je pensais m'arrêter. C'est là qu'on rejoint le grand axe routier Guayaquil - Cuenca. Pas de possibilité de logement et, surtout, un accueil très froid de tous les habitants à qui j'ai posé quelques questions sur le temps, sur l'école. A Zhud, la police interdit que l'on achète de la bière pour la consommer sur place. On peut l'acheter mais aller la boire ailleurs. Du coup, j'ai décidé d'aller 20 km plus loin, à El Tambo. D'un côté, ça m'arrange pour demain être plus rapidement aux ruines incas d'Ingapirca. Mais ... le temps, du très beau du matin, tourne maintenant au très gris foncé.

Il est onze heures. Je file de Zhud, patelin pas très sympa, sur une route maintenant bétonnée avec des plaques et donc des joints tous les 10 mètres. La qualité du roulage ne s'arrange pas ainsi. Le temps devient presque insupportable. Ca y est, à nouveau crachin et vent violent tempétueux évidemment venant du sud donc ... je le prends en pleine poire. Ca n'en finit pas de monter et de descendre. Je ne mets pas le poncho pour essayer de conjurer le sort. Mais, il faut que je m'arrête à l'entrée d'El Tambo pour éviter d'arriver trempé à la chambre d'hôtel. Je vise l'église qui positionne toujours le centre-ville. Et je trouve pour 10 $ une chambre avec salle de bain. Il est 14h. Bien sûr, de suite le casse-croûte avec le traditionnel poulet/frites/bière. Que c'est bon !

Grosse dénivellation aujourd'hui. Le bonhomme a l'air de s'être un peu rafistolé. A 18h30, heure de mon diner aux chandelles quotidien, entre un jeune homme pour chercher le PFU (Poulet-Frites-Universel). Il discute avec moi pendant que l'employée lui prépare la barquette à emporter. Il me serre dix fois la main, voit la bière, prend mon verre, le remplit et ... le boit. Tout est communautaire en Equateur ! A la tombée du jour, un très bel arc-en-ciel zébrait le ciel au-dessus d'Ingapirca, là où je dois me rendre demain matin. Signe de très beau temps, non ? Ce soir ... il pleut ...

Chunchi - El Tambo 61 km 6h45 - 14h +1610 m -954 m maxi 3100 m

16 septembre - La grande boucle au site Inca Ingapirca

Je suis parti de ma chambre d'El Tambo à 6h30, l'estomac vide car trop tôt comme toujours, sentant que le journée pouvait avoir pas mal de scénarios possibles selon le ... temps. Le ciel a l'air calme même s'il est rempli de nuages. Je suis hélé par un américain qui me demande si j'ai déjeuné. Du coup, je rentre, non pas chez lui, mais dans une école confessionnelle évangélique. Quatre adultes sont là : sa femme et trois prêcheurs. Ils ont huit élèves. Oeufs brouillés, bananes, jus d'orange, café, pain. Parfait pour la montée d'Ingapirca - le Machu Pichu équatorien. "God bless you !".

L'attaque de la grande boucle que j'ai choisie de faire avant de rejoindre si possible Cuenca, est tout en chantier ! C'est donc une piste en travaux avec des engins de terrassement un peu partout. J'hésite devant la quantité de problèmes que je risque rencontrer, mais je me décide très vite : on y va. De très belles ornières, des pentes très soutenues comme d'habitude mais aussi deux murs où, là, j'ai du poser le pied à terre pour ne pas faire accélérer trop fort le rythme cardiaque. Les 15 km de montée à Ingapirca ont été de la piste très caillouteuse. Le vélo n'a pas bronché. Seul le dérailleur arrière commence à me parler un peu mal ... Au village d'Ingapirca, pas de panneau indiquant la direction à suivre pour rallier le trésor Inca. Le site n'est pas loin du village, clôturé, géré un peu comme les sites sembables : une porte d'entrée, des guides payants obligatoires, un parcours fléché. Lorsque je suis arrivé, il n'était pas tout a fait 9h, l'heure de l'ouverture. Avec le vélo, j'ai pu m'éloigner de l'entrée et faire quelques photos. C'est vrai que c'est à voir, un Machu Pichu en miniature. Calme, paysage très ouvert, vaste, constructions de pierre pointées vers le ciel, dégagent une forte empreinte immatérielle. On est bien au-delà d'un banal site touristique.

Le retour d'Ingapirca doit se faire, selon mes prévisions Googlemapiennes, par une autre route (piste !) pour rejoindre la panam puis, je l'espère, Cuenca, si le ciel me le permet. En aurai-je le temps ? Les nuages sont très vilains, le vent commence à souffler. Là encore, pas le temps de trop tergiverser, je prends cette route (piste) qui, me dit-on au village, est ... interdite à cause des travaux ! Je pense qu'un vélo peut passer, et puis, je n'ai aucune envie de revenir par l'enfer de cette piste de ce matin. La nouvelle piste est beaucoup plus large. Elle est destinée aux bus de tourisme qui monteront par là. Déjà, le garde à l'entrée du site m'a dit qu'il y avait en moyenne 100 visiteurs par jour. Ca descend mais ça monte aussi. Ce qui me frappe depuis que j'ai pris cette piste accédant à Ingapirca, c'est la richesse architecturale des maisons que l'on rencontre tout le long, avec beaucoup de colonnes de pierre très travaillées comme si se planter dans un tel lieu était une chose recherchée par les plus fortunés ? Beaucoup d'eau dans cette région avec de nombreux bassins de rétention pour l'irrigation. Après le village de San Pedro, je finis par atteindre la panam avec un trafic de camions et de bus qui ira augmentant jusqu'à Cuenca. Je retrouve la chaussée en ciment. Des jeunes interrogés à San Pedro sur "pluie ou pas pluie" m'ont répondu comme des normands. De toute façon, m'ont-ils dit, il y aura le village de Biblian ou, après, Azogues ...

En fait, je compte aller à Cuenca, bien plus loin qu'Azogues, mais le temps le permettra-t-il ? Je n'ai aucun autre choix que de foncer, mais je dois passer un col à plus de 3500 mètres, et là, compte tenu du plafond de nuages dont je commence à manger les moustaches, je suis sur d'avoir la pluie. L'évidence étant indiscutable, le poncho est vite sorti. Le col est passé avec, condition pénible, un vent de face. Après, la descente, longue, très longue au cours de laquelle j'arrive à doubler des camions qui, à chaque fois, me font un gentil tutut. C'est pas mal le poncho mais il faut surtout bien l'attacher à la taille, enfermer le capuchon sous le casque, bien le tenir au guidon, sinon c'est l'accident assuré car il s'enroule autour de vous et ... du visage. La panam après Biblian est très dégradée. Après Azogues, elle devient de plus en plus large, pour être à deux fois trois voies en approchant de Cuenca, grande et énorme ville à la circulation chaotique.

Je me suis fait toucher la sacoche avant gauche par une voiture sur la rocade "américaine", sans conséquence autre qu'une frayeur réciproque du chauffeur et ... de moi. Aucun panneau d'indication dans cette ville. il faut demander sans cesse. J'avais trouvé un très bon plan avec un petit hôtel en plein centre à 100 mètres de la cathédrale. J'ai réussi à trouver cet Hostal El Monastario qui, comme son nom ne l'indique pas, se trouve au 6ème étage d'un immeuble. Tout compris avec petit-déjeuner 15 $ la nuit (http://www.hostalelmonasterio.net/). J'ai dû monter le vélo, quillé dans l'ascenseur ! Dure journée en dénivellation, en pentes très fortes, en distance, en météo ! Le repos est décidé : je reste deux nuits à Cuenca.

El Tambo - Cuenca 98 km 6h30 - 16h +1530m -1940 m maxi 3545 m

17 septembre - Cuenca, une forte empreinte identitaire

Repos ! Lever à 8h avec petit-déjeuner servi. Journée pour la lessive et pour la flannerie. Cuenca n'a pas de très grand marché mais des marchés par quartiers. Pas de comparaison possible avec Otavalo ou Saquisili. Juste sous l'hôtel, la place San Francisco est déjà chargée d'étals. Je file vers le marché du 10 août (identification par date particulièrement fréquente en Equateur) car je devrais y trouver les artisans qui fabriquent les fameux panamas, ces chapeaux très en vogue qui sont fabriqués ici à Cuenca, et que l'on nomme panama du fait de la vente qui s'est faite justement dans les comptoirs de commerce de Panama.

Les marchés sont gorgés de fruits frais, de fruits secs, de légumes, de viande, de poissons, de vêtements ... et, chose jamais vu par le cycliste, de femmes au pouvoir semble-t-il reconnu que l'on qualifiera de guérisseuses. Les femmes, souvent avec leur petit bébé dans les bras, font la queue pour se faire passer sur le corps (sous les vêtements) une gerbe de céréales (?) verte. Et elle frottait, frottait l'ensemble du corps, puis prenait une sorte de ce qui ressemblait à une pierre et elle frottait, frottait principalement la tête. Les mamans donnaient le bébé à la guérisseuse qui répétait les opérations avec, évidemment, de grands pleurs mais ça n'émeuvait personne.

J'étais à la recherche des fameux panamas. J'ai trouvé près de ce marché, une boutique de fabrication artisanale : un ancien et un jeune façonnaient, cousaient, puis empilaient ces chapeaux sans tête ou les pendaient par taille, le panama que l'on connait porté par l'homme ou la femme chez nous, mais aussi le chapeau rondelet spécifique aux femmes d'ici.

Un petit bruit connu : un menuisier rabote à la main ce qui deviendra une solive. Image complètement surannée chez nous mais qui me rappelle le travail de mon grand-père maternel. L'artisan est très fier de me montrer que les angles sont bien à l'équerre sur toute la longueur de la pièce de bois.

Le centre-ville regorge d'églises avec deux cathédrales, l'ancienne et celle dédiée à l'Immaculée Conception. Monuments au plein sens du terme, construits principalement en très beau marbre brun/blanc/gris, les intérieurs sont très richement ornementés. Les habitants de Cuenca déambulent volontiers dans les multiples places qui sont tout autant des lieux de rencontres que des opportunités de vente à la sauvette. La police est très présente, parfois avec des VTT, et ressemble beaucoup à nos anciennes hirondelles des quartiers urbains. Pas de police avec gyrophare hurlant comme à Quito. Pas trop de misère visible dans le centre. Bus et taxis restent les maîtres des rues encore pavées qui rehaussent la beauté des monuments inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco.

Demain, direction le sud encore. Le Pérou se rapprocherait-il ?

18 septembre - j'ai vu un territoire-poubelle ...

J'ai eu droit à un petit-déjeuner à 6h45, la veilleuse de nuit devant être debout pour préparer son enfant pour l'école. Le gros atout de l'Hostal El Monasterio à Cuenca est son emplacement en plein centre. A recommander pour ceux qui veulent également le service du linge ou qui veulent se faire à manger (http://www.hostalelmonasterio.net/). La cuisine est disponible.

Sortir de Cuenca n'a pas été trop difficile. Il a suffi de rejoindre cette grande rocade "américaine" par une route évidemment en travaux mais le vélo passe partout. Le temps a été excellent pour faire du vélo dans la première partie des presque 100 km de la journée : très nuageux mais pas de pluie. J'ai retrouvé la route bétonnée avec des plaques moins grandes : 5 m ce qui double les bruits aux raccords par rapport aux plaques de 10 mètres parcourus les jours précédents. Les eucalyptus ont refait leur apparition. La campagne est toujours très occupée par les élevages de vaches, de moutons, mais aussi de chevaux. On croise de nombreuses entrées d'haciendas. Mais ... évidemment ça s'est gaté. De grosses masses nuageuses quasi noires ont cru bon se vider de leur contenu : poncho ! et, lorsque j'en ai trouvé, abris pour attendre les bus. Les bus passent vraiment partout avec une fréquence très grande. Ainsi, toute une famille qui attendait un bus, partait à la ville (Cuenca) avec oies et poulets vivants dans les sacs. Une autre dame tout enchapeautée du fameux panama me parlait à moitié anglais à moitié espagnol pour me dire de faire attention au Pérou.

Grandes et longues descentes, mais grandes et longues montées se sont succédées. L'Equateur est vraiment un pays de "montagnes russes". Passé le village de Giron, changement du tout au tout. La route est toute gondolée, crevassée, sans entretien depuis des lustres. Les déchets sont partout en bordure de la route, à croire que c'est là que l'on vide les déchets de tout l'Equateur ! On voit de très nombreux panneaux "Se Vende" pour des maisons et des terrains. Cela donne l'impression d'un territoire maudit. Que s'est-il passé ? Au loin, un village haut perché : c'est Santa Isabel, celui où je compte m'arrêter aujourd'hui. Au pied de Santa Isabel, scénario catastrophe avec, outre cette poubelle continue à ciel ouvert, de très longues clôtures hautes de 3 mètres rehaussées de fils de fer barbelés, avec panneaux "A vendre". A croire que l'Equateur a abandonné totalement ce territoire.

J'avais retenu une solution pour loger : l'hostal Primaveri qui avait toutes les commodités pour le cycliste branché : douche, lit confortable, wifi, pour le prix toujours raisonnable de 15-17 $. Pour trouver sa localisation, la solution était de monter (dur) au village tout là-haut et de demander. Pas grand monde connaissait. En réalité, l'hostal se trouve complètement à l'écart du bourg, avec un accès descendant par piste très difficile à remonter en vélo. J'ai pris l'option de descendre un bon kilomètre pour arriver à trouver l'hostal qui est équipé pour recevoir des grands groupes de personnes pour des colloques, des soirées dansantes, avec piscine et terrain de handball. Je suis seul. Ma chambre donne un aperçu de toute beauté. J'ai vu trois rapaces de la famille des vautours. Mais ... ma roue arrière est crevée ! Réparation rapide. Mon inquiétude est pour demain. On me dit qu'il est possible de rejoindre la grand-route par la piste qui descend fort. Ca passe. Alors, si tu le dis !

Cuenca - Santa Isabel 91 km 7h30 - 15h +940 m -1870 m maxi 2764 m

19 septembre - Des gorges ignorées ?

Gagné : j'ai eu mon petit-déjeuner avant de partir ! 7h : il faut descendre vers la panam. Impressionnant, quand on freine, ça ne s'arrête pas. C'est du cross pour VTT. Bien sûr, je descends trop bas, tombant sur un maçon qui construit une maison. Il faut remonter : impossible sur le vélo sans mettre les pulsations cardiaques dans le rouge. Pousser, encore pousser, s'arrêter tous les dix mètres gagnés. A gauche, j'ose, en me disant que si je vois des traces de véhicule, c'est qu'il y a bien une sortie quelque part. Le flair, Petit ! Et ... j'arrive bien à la panam déjà parcouru hier.

Le temps, ce matin, est bouché de toutes parts. Quand ma montre a sonné, il pleuvait. J'aurai un répit durant deux heures de vélo. Santa Isabel passé, on entre dans une très belle suite de gorges (en évitant de regarder les bas-cotés de la route). Paysage minéral, sobre, immenses parois aux couleurs chaudes. Les moindres replis sont parcourus par la chaussée en dalle de ciment. Les Chinois sont là comme dans tous les pays maintenant. Ils ont eu une concession minière. Des gens s'affairent et étendent des grosses gousses sur une partie plate du bord de la chaussée. Question posée, c'est du cacao. "Je peux prendre une photo ?" "Prenez tout si vous voulez !". "Le soleil ?" "Non". L'affaire est entendue. La femme qui m'a répondu est sûre d'elle. Cinq minutes plus tard, c'est la douche qui commence en entrant dans une couche de nuages qui prend la forme d'un brouillard très épais. Que faire ? Je suis dans des gorges, la chaussée n'est pas bien large. Pas de poncho, mais mon coupe-vent jaune fluo sur le dos est préférable. Mon clignotant rouge fonctionne. La tactique du gendarme a été efficace : un oeil presque fermé (la pluie !) regarde devant, l'autre oeil est rivé en permanence sur le rétroviseur. Car le danger n'est pas devant mais derrière. Au fur et à mesure de la descente, j'arrive à sortir de la masse nuageuse. Stop pour un empanada bien jouflu et un coca. Le paysage a repris du sourire. Plein de bananiers partout. On retrouve toute la flore amazonienne, les chants d'oiseaux. Mais, curieux, pas une ruche vue depuis Quito ! L'arrivée à Pasaje se fait par un décrochement de la panam. Presque ignoré de Google Maps (seul le nom figure), c'est en réalité une ville moyenne quadrillée de rues sans peut-être trop d'histoire si l'on en juge par le caractère très récent de l'église principale. L'étape a été un peu humide mais les très belles gorges traversées valaient bien un petit coup de serviette à l'arrivée. Demain, normalement, dernier jour en Equateur.

Santa Isabel - Pasaje 83 km 7h - 14h30 +730 m -2179 m maxi 1571 m

20 septembre - Huaquillas, bout de l'Equateur

Aujourdhui, finies les côtes et l'altitude en Equateur ! C'est la ruée vers la frontière péruvienne par la partie côtière. Chaleur étouffante ! Pelade des bras et du nez. J'ai mis le chapeau mais pas la chemise aux manches longues. Pourtant deux personnes m'avaient averti hier à Pasaje sur la pelade. Mais "tu n'écoutes jamais rien !" : combien de fois l'ai-je entendu. J'ai aussi, depuis trois jours, les araignées ou les moustiques qui me bouffent les jambes. Ca gratte pas mal ! Alors, deux comprimés d'Aerius. Mais ce n'est tout de même pas comparable à ce que j'avais subi au Chili avec cette foutue araignée noire qui m'avait presque paralysé le cou.

Très sympathiques les gens de Pasaje, cette ville oubliée aussi de la cartographie Google Maps. Le croissant et le coca cola au lever du lit : ça passe mais ça ne vaut pas des tartines grillées beurrées avec du café au lait. Pas besoin de polaire ni de poncho ce matin. La sortie de la ville m'a été facilitée par le petit commerçant à côté de l'hôtel. C'est plat de chez plat et long, tout droit, ... recta ! Dalles bétonnées mais ... évidemment des ... travaux sur une bonne dizaine de kilomètres. Alors, il faut ruser et prendre avec le vélo ce qui est interdit aux véhicules : la nouvelle voie en construction. Les ouvriers de la voie ne disent rien, et ça évite pas mal de poussières. Mais ... j'en ai mangé quand même de la poussière aujourd'hui. Finie la végétation amazonienne, c'est un paysage autoroutier à deux fois deux voies ou trois voies qui se fabrique avec pour toute perspective paysagère des champs continus de bananiers pour ... l'exportation m'a dit un ouvrier agricole qui nettoyait un de ces immenses bacs où l'on plonge les régimes de bananes avant de les convoyer vers les ports. Ca sentait fort ces bacs, donc ce n'était pas que de l'eau.

L'armée est passée avec une colonne de hummers puis une colonne de tanks, troufions tous nez dehors. Les chenilles des tanks sur l'autoroute en construction valaient bien les rouleaux compresseurs sauf que le bruit n'était pas le même. On aurait dit qu'on faisait rouler des engins qui n'avaient pas marché depuis longtemps, tellement le crissement des chenilles était strident. Chaud ! Chaud ! Pas un poil d'ombre sur la route droite qui n'en finissait pas. J'ai tout bu, je ne me rassasiais pas. Alors, vite devant, tête baissé ...

Huaquillas est animée par une musique de rue permanente. La rue principale qui mène au pont frontalier est envahie de camelots. On y trouve de tout : c'est jour de marché. En ce moment, j'entends une banda avec force tambours, grosses caisses, cuivres, instruments à vent : c'est une manifestation pour la Paix. Une Casa de cambio ? Où ? pour faire du change en soles péruviens ? Toutes les personnes interrogées ne connaissent pas d'établissement de change, mais me renvoient au change au noir. Je finis par demander à deux policiers qui me conduisent à une personne avec une mallette noire qui officie en pleine rue. Les deux policiers me disent que les billets sont bons, le taux de change est le meilleur, qu'ils sont prêts à me donner leurs noms en garantie ! ... et le changeur poinçonne chaque billet pour authentifier la transaction ! C'est ça aussi l'Equateur.

Pasaje - Huaquillas 82 km 7h15 - 12h +180 m -117 m maxi 71 m

21 septembre - Equateur-Pérou, jeu de piste pour un tampon !

Dernier jour hier en Equateur. Je n'en reviens pas du tarif que j'ai eu à l'Hôtel Saint-Martin à Huaquillas : 8 $ pour un confort rare : grande chambre, TV, clim, wifi, salle de bain mais ... pas d'eau chaude et, en prime, des ... moustiques ! Je comptais passer la frontière sur le pont repéré la veille. Je l'ai effectivement passé mais sans aucun poste de police et de douane. Après quelques kilomètres au Pérou, je me suis réveillé et constatais que je n'avais ni le tampon de sortie d'Equateur ni le tampon d'entrée au Pérou. Frontière passoire ! Je reviens en Equateur et interroge un policier qui lisait tranquillement le journal : il faut revenir au péage et prendre l'autoroute pour trouver la police des frontières. Zut ! Au moins 5 km en arrière à refaire. Mais, inquiet avant le péage, j'interroge deux autres policiers en train de manger tranquillement le petit-déjeuner (en service bien sûr) : c'est là-bas à droite par la nouvelle route.

Je prends la superbe autoroute toute neuve. Il n'y a pas un chat. Je fais des kilomètres, passe la frontière annoncée par un panneau : rien, pas un bâtiment. Je suis donc au Pérou. 10 km plus loin, je vois enfin quelque chose d'intelligent : services de police, de migration, de douane sont regroupés pour les deux pays Equateur et Pérou dans un même bâtiment au ... Pérou ! Enfin, je les aurai mes deux tampons ! La sortie péruvienne est un no man's land : rien à perte de vue. Tout est plat et plein - devinez ? - d'ordures. La deux fois deux voies se transforme vite en deux voies sans aucune bande supplémentaire pour les cyclistes, autrement dit sept mètres de chaussée. Il n'y a pas plus dangereux pour nous cyclistes, surtout quand le bas-côté est en escalier donc inutilisable au cas où un véhicule passerait trop près.

Des rizières, plein de rizières ... Au bout de 30 km, voilà Tumbes, la ville espérée d'où je voudrais trouver un bus pour éviter la zone connue des bandits. J'interroge les compagnies : oui pour le bonhomme mais pas la bicyclette. Je finis par trouver la compagnie Oltursa qui me propose la solution de rêve : oui pour le vélo, les sacoches, le bonhomme avec un départ ce soir à 20 h pour arriver à Trujillo demain matin vers 7 h, pour le prix de 110 soles en couchette VIP et 10 soles pour le vélo, ce qui revient en gros à une quarantaine d'euros tout compris pour 650 km. Les halls de Oltursa sont d'une propreté rare, les employés sont tirés à quatre épingles. Je n'en reviens pas. J'avoue que j'ai pas mal stressé. Je m'apprêtais à faire le trajet en vélo mais... les bandidos, une fois ça suffit. Même ici à Tumbes, dans la rue, je ne peux pas faire un pas sans que quelqu'un me fasse comprendre que l'appareil de photo, la mallette de guidon, ça s'arrache très facilement ! Je n'ose plus sortir du hall d'attente d'Oltursa, gardé par un homme armé ! Demain donc, normalement, je compte rester deux nuits chez Lucho à Trujillo, cet homme qui accueille les cyclistes du monde entier. Encore faut-il que je le trouve ! ...

Huaquillas - Tumbes (Pérou) 45 km 7h15 - 11h30

22 septembre - Nocturne, allongé à 160°, de Tumbes à Trujillo

Pas mal ! Largement mieux que dans les avions (en classe éco), les bus-couchettes sont vraiment très confortables. Un petit sandwich pour s'endormir, un petit coup de wifi pour vérifier que la wifi peut fonctionner dans un car qui roule, et ce fut le gros dodo. Plat pays traversé, souvent désertique d'après ce que j'ai pu entrevoir, beaucoup de zones sableuses au fur et à mesure qu'on approche de Trujillo. Je ne regrette pas cette entorse au tout vélo, d'autant que le bus ... n'a pas été arrêté par les bandits du coin. J'ai pu expérimenter que, dans un bus-couchettes, un vélo peut tout à fait rentrer sans tout démonter.

L'arrivée dans la grosse ville de Trujillo s'est faite avec une précision horaire de chef de gare d'autrefois. Il fait froid ! Le Mulet n'a pas l'air d'avoir trop souffert. En revanche, il faut absolument que je vérifie pas mal de choses dont, en priorité, les réglages de vitesse et que je nettoie la chaîne. Depuis plusieurs jours, Monsieur refuse de passer sur le grand plateau !

En sortant timidement de l'agence Oltursa, le premier réflexe est un petit-déjeuner "américain". Le patron du bar connait Lucho "celui qui reçoit les cyclistes du monde entier". Mais, je ne verrai pas Lucho : j'ai bien trouvé la "Casa de Ciclistas" mais un occupant qui avait planté sa tente dans une pièce au milieu de plein de vélos, m'a dit qu'il n'était pas là pour une semaine. J'ai opté pour un gite plus confortable chez Dante (c'est le prénom) qui m'avait fait le petit-déjeuner. Chambre un peu spartiate, douche chaude prise dans la chambre du voisin qui n'était pas là (la femme de chambre surveillait dehors qu'il n'arrive pas !). Tout allait bien.

Visite classique au marché central. Rien de comparable aux marchés équatoriens. Mais, le porc en sauce frites n'était pas mauvais. La Plaza de Armas était très animée par une procession musicale autour de la place. Original : une douzaine d'hommes aux pieds nus portaient une représentation du Christ en croix qui devait peser lourd. Pendant ce temps, la messe dominicale avait lieu dans l'église proche. La ferveur des fidèles est ici au Pérou comparable à ce que j'ai pu voir en Equateur, au Chili, en Argentine, avec beaucoup de dévotions pour la Vierge et pour les Saints dont ici Saint-François de Salles et Saint-François d'Assise. On aime ici (aussi) les couleurs bariolés pour les bâtiments même anciens : le soleil est revenu cet après-midi.

23 septembre - Huanchaco, Chan Chan, Cyclocosmos, Lucho

Ce n'est pas une devinette. Ce matin, journée de repos prévue. L'océan étant à deux pas, j'enfourche le Mulet allégé et pars vers le Pacifique, en tâtonnant comme il se doit pour trouver la bonne route. J'aboutis d'abord à Buenos Aires (non, pas l'Argentin) et bute contre un récent mur de blocs de rochers, face à l'océan. Les maisons mitoyennes présentent des stigmates terribles de coups de boutoirs des fortes marées. Les policiers me remettent dans le droit chemin : "muy peligroso !". De fait, une quinzaine de kilomètres de no man's land doivent être parcourus avec l'oeil principal sur le rétroviseur, pour arriver à ... un aéroport international qui jouxte la cité balnéaire du coin, Huanchaco.

Pas mal d'animation pour un lundi, et beaucoup de paparazis sur la plage avec de longs téléobjectifs. C'est vrai que les vagues sont belles (rien à voir avec Bellara, la vague géante de la Côte Basque). Et je vois écrit France sur cinq survêtements. C'est l'équipe de France amateur de long board - surf pour le commun des mortels - qui est venue une semaine pour une compétition internationale. Les japonais, les américains, les brésiliens, les hawaïens, les péruviens et d'autres sont présents. Chaque candidat doit gagner le large à la force des bras, choisir sa vague et montrer ce qu'il sait faire devant un jury. Tout est minuté. Chapeau !

Au-delà des atouts de l'Océan, Huanchaco n'est pas grand-chose de plus qu'une cité balnéaire si ce n'est, parait-il, la très ancienne église qui domine la cité, remontant au XVIe. Originalité : elle a un rétable tout en bois non doré. Retour par les ruines archéologiques de l'ancienne cité de Chan Chan dont il ne reste que de vastes murs de terre, et qui fut, d'après les spécialistes, un très bel exemple d'organisation citadine.

En arrivant à la Plaza des Armas de Trujillo, deux vélos noirs couchés pleins de sacoches noires grises : sans les connaître, je dis "Enzo" "Corinne". Je vois deux grandes paires d'yeux s'ouvrir, impressionnés de se voir ainsi nommés de leurs vrais prénoms. Ca ne pouvait être qu'eux que je connaissais seulement par internet (leur site Cyclocosmos est en lien dans http://etchelec.free.fr) et par un coup de téléphone reçu à Eysus. Ils arrivent de Buenos Aires (l'Argentin pour le coup !), voyagent depuis quatre mois, arrivent à Trujillo pour commémorer d'ici quelques jours le premier anniversaire du décès accidentel d'une amie accrochée l'année dernière par un camion tout près de Chao, lieu de ma prochaine étape demain. Comme des habitués, ils vont à la Casa de Ciclistas de Lucho, et m'invitent à les accompagner. Contrairement à ce que j'avais compris, il est bien là le Lucho. Il a tenu à ce que je m'enregistre dans sa très longue liste de cyclistes passés chez lui. Se trouvaient, là encore, deux cyclistes slovaques venus du Mexique, et un couple de suisses. Journée de repos, journée de contacts, mais aussi petits réglages, et un peu d'eau pour mon vélo qui en avait bien besoin.

Trujillo - Huanchaco 48 km 8h30 - 14h

24 septembre - Agri-industrie soutenable ...

Changement radical : je suis entré dans un espace totalement nouveau. Un désert de sable avec des cultures industrielles à perte de vue, prétendument soutenable (ce sont les panneaux qui l'annoncent). Avant de tomber dans le désert, inutile d'insister mais ... je me suis allègrement perdu dans tous les sens pour trouver la bonne route ! Il faut dire, à ma décharge, que les Péruviens n'ont pas une très bonne appréciation de la cartographie avec des distances et des orientations très très approximatives sinon contraires. Seraient-ils un peu ... basques ? Après être allé et venu dans tous les sens de Trujillo, l'ovalo (rond-point) del Marino a enfin pu être trouvé. Alors, ce fut un jeu d'enfant que de continuer puisque c'est tout droit ! On franchit le pont de Moche, on laisse la bifurcation de Salaverry (quand je vous dis qu'ils sont un peu basques ...), on entre dans le désert de sable. Un désert avec un très large canal d'irrigation qui est la clef des énormes étendues d'agriculture en plein champ que l'on traverse : cannes à sucre, asperges, avocats, maracujas ... La route s'étire à une dizaine de kilomètres de l'océan Pacifique, laissant apparaître quelques dunes de sable dignes de la dune du Pyla.

Chaud sans être étouffant, le temps est au beau fixe. Après les villages de Viru et de San José, j'arrive au lieu de l'accident l'an dernier à quelques jours près : une jeune cyclotouriste a été écharpée par un camion. L'endroit est pourtant large avec bande blanche pour préserver un petit couloir à droite pour les deux roues ... C'est vrai que la circulation est intense et que les Péruviens semblent avoir du mal à comprendre qu'un deux roues est par nature instable, et que l'on a besoin non pas de 50 cm mais d'un bon mètre pour assurer notre sécurité latérale. Depuis Trujillo, on voit des croix partout sur le bord de la route. La pauvre Isabelle en fera mettre une de plus dans quelques jours par ses amis présents dont Enzo et Corine (cyclocosmos) et Lucho. Isabelle avait perdu trop de sang avant d'arriver à l'hopital de Trujillo. Pour la petite histoire, l'ambulance a été arrêtée pour vérification des papiers par la Police : un quart d'heure mortel pour Isabelle...

Chao est un village greffé à la panaméricaine. Rien de passionnant. Demain commence la partie péruvienne montagneuse. Normalement, dans deux jours, le passage des multiples tunnels du canon del Pato.

Trujillo - Chao 82 km 7h - 14h +445 m -386 m maxi 170 m

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Photo du jour

24/02/24

 Un sous-marin dans la baie de Puerto Montt devant les fumerolles du volcan Chaiten