Asie

2023 - Tadjikistan

Cela fait au moins trois ans que j'envisage de parcourir à vélo la Pamir Highway qui relie Dushanbe, capitale du Tadjikistan, à Osh au Kirghizistan. Les aléas politiques interdisent encore aujourd'hui de passer la frontière entre Tadjikistan et Kirghizistan. J'ai déjà parcouru la partie Kirghize de Osh à Sary Tash (2009 https://ddvagabondages.fr/index.php/dede-velo/voyages/asie/tashkent-kachgar-2009-1) lorsque cette route aujourd'hui bitumée, était principalement en piste. C'est l'heure pour moi de tenter la plus grande partie Tadjik de Dushanbe à Murghab, un périple un peu hors norme compte tenu de l'importance des pistes difficiles à parcourir, du cumul des dénivellations, du col de Khaburabot à franchir, des incertitudes sur le ravitaillement, des parcours à plus de 4000 mètres. L'objectif est de rallier la petite cité de Murghab. La frontière étant fermée, le retour à Dushanbe est envisagé en "taxipartagé" jusqu'à Khorog puis jusqu'à la capitale. Je tente ... sachant que c'est probablement très ambitieux mais bon ... à essayer ... 

Le Tadjikistan est une ancienne république de l'Union Soviétique, indépendante depuis 1991. Ce pays montagneux est enclavé entre l'Ouzbékistan, le Kirghizistan, la Chine, l'Afghanistan. Il est bordé au Nord-Est par les montagnes du Pamir avec notamment le Pic Lénine frontalier du Kirghizistan où j'avais décidé de m'arrêter au camp 3 à 6300 m en raison de moufles déchirées ... La Pamir Highway traverse la région autonome du Haut-Badakhchan qui nécessite un permis spécial ! 

Aïe ! ... C'est la difficulté ! ... Par deux fois le visa électronique (site evisa.tj) avec le permis spécial pour la région autonome du Haut-Badakhchan m'a été refusé après paiement, sans motif. J'ai téléphoné à l'Ambassade du Tadjikistan à Paris pour comprendre : réponse l'argent n'est pas remboursé et le motif de refus est interdit par les dispositions réglementaires tadjiks ! Mais ... porte d'entrée possible pour les français : pas besoin de visa si la durée de séjour est inférieure à un mois, et le permis spécial pour la région autonome du Haut-Badakhchan peut être obtenu aux bureaux de l'OVIR à la capitale Douchanbé. C'est dans ces conditions que je pars malgré tout, espérant l'obtention du permis spécial à Douchanbé ...

La préparation de ce voyage m'a pris la tête d'abord en raison des contraintes administratives toujours incertaines et pour le cumul des points de difficultés possibles : si l'appellation Pamir Highway pourrait faire penser à une très belle route à quatre voies, la réalité est tout autre puisque les portions bitumées ou pavées sont relativement limitées et sans trop d'entretien parcourues par les poids lourds chinois, le reste étant de la piste difficile. Donc beaucoup de handicaps pour un vélo chargé à 50 kg ... Problème de ravitaillement avec des soucis gastriques permanents si l'on en croit les compte-rendus des cyclistes l'ayant parcouru. Challenge majeur pour le cumul de dénivellations et les parcours à plus de 4000 mètres d'altitude ... Donc le bipède et le Mulet doivent être au top d'une préparation minutieuse. 

Le vélo a été inspecté minutieusement car, comme le patron, il commence à avoir pas mal de kilomètres au compteur puisque c'est ce même vélo avec lequel j'ai fait tous mes voyages : voilage des roues, roulements, dérailleurs, chaine, plateaux, pignons, remplacement du porte-bagage arrière sectionné au Kirghizistan en septembre dernier, freins, selle ... loctite pour diminuer les risques de desserrement des fixations sur les pistes. Le bonhomme s'est astreint à un entrainement minutieux mais sans trop forcer, privilégiant l'endurance à petits pas à la vitesse en testant l'organisme avec chargement et chaleur ... Je verrai bien ....

Périple réalisé :

Dimanche 20 août 2023 - Départ sans … histoire mais pas sans stress

Aéroport de Lyon-Saint-Exupéry … mon gps ne connait pas ! Bizarre. Le bout du jeu de piste est tout de même atteint par les multiples routes aux environs de l’aéroport sans trop de panneaux indicateurs. Le vélo est tout beau bien dressé dans un carton bien solide et tout maquillé de gros ruban adhésif. Les sacoches joufflues sont enfermées dans un magique sursac très léger en plastique armé qui commence à blanchir aux coutures après les multiples voyages vécus. 

L’enregistrement se passe sans histoire malgré le poids (carton-vélo 28 kg, sacoches 18 kg et sacoche cabine 8 kg+). Le passage sécurité s’est simplifié : plus besoin de sortir l’ordinateur du sac. J’ai fait sonner mais après trois passages par la raquette de monsieur Sécurité, rien … mystère ! 

Le premier avion pour Istanbul est là avec plein d’employés qui lui tournent autour. L’avion … une ruche ! Au sol, le ballet des petits trains transportant bagages, alimentation, colis parfois imposants. C’est étonnant tout ce qui peut être enfourné dans une soute d’avion.

Les chauffeurs de ces petits engins ont l’oeil pour éviter de se tamponner. Un ventripotent qui n’a pas dû voir ses genoux depuis un certain temps arrête son tracteur pour accrocher les wagonnets. Force de la nature, il recule son tracteur à la force des bras et … clic ! Il repart à fond la caisse avec cinq wagonnets. 

Comme d’habitude, l’avion est quasiment plein sauf les … deux places à côté de la mienne. Etonnant, le personnel de Turkish Airlines n’a pas la courtoisie de dire bonjour en français. Mais, j’ai tout de même réussi à capturer la seule bouteille de vin rouge qui restait sur le chariot alimentaire. Le déjeuner servi était correct, avec des couverts métalliques de bonne dimension. La salle d’attente à Istanbul est très polyglotte et très polyculturelle avec pas mal de fichus sur la tête voire des burkas bien foncées .  avec des chaussures de tennis bien blanches. 

Le gros Airbus 330 est plein comme un oeuf, à croire que le trajet Istanbul - Douchanbé est très fréquenté. Une demi heure de retard au décollage (Istanbul airport est très embouteillé, les avions font la queue). Mais un bon quart d’heure d’avance sur l’horaire annoncé à l’arrivée. Douchanbé est dans le noir. Il est un peu moins d’une heure. Foule au portillon mais … il faut sortir ! Deux heures ! … Le passage douanier est extrêmement lent d’autant que j’avais oublié de remplir un papier donc … la queue deux fois ! Et … je ne vois pas les bagages qui tournent sans fin sur le tapis roulant ! Aïe, pas de carton vélo visible non plus. Je m'apprêtais à sortir pour faire réclamation et voilà que dans le coin reculé du hall le sac vert des sacoches et le vélo sont là … Ouf ! Des misères quand même ont sévi sur le carton avec deux énormes trous mais pas de perte … Le chauffeur très patient de Green House hostel avance sa voiture … trop courte de 20 cm. On fait bailler la malle en l’entourant d’une ficelle … Il est maintenant plus de 3 heures du matin. Dodo … court pour demain matin aller chercher ce foutu permis spécial GBAO obligatoire pour le Pamir !

 

Lundi 21 août 2023 - Le permis GBAO … je l’ai enfin ! 

Ce matin, après très peu de sommeil, le clairon a sonné à 6h pour remonter le vélo avant un petit-déjeuner sommaire (deux oeufs frits, yaourt, banane) pour attendre le gérant de l’auberge qui doit faire un bon d’accueil sans quoi pas de permis spécial GBAO (oblast autonome du Haut-Badakhchan).  Bizarre mais c’est ainsi au Tadjikistan tout comme le non remboursement des montants payés pour un visa refusé (par deux fois pour moi !) tout comme l’interdiction réglementaire de motiver les refus de visas. Donc, on peut imaginer que le Père Dédé était un peu à cran ce matin puisque sans permis GBAO pas de possibilité d’aller dans le Pamir donc retour à la maison.

Finalement, c’est le gardien de l’auberge qui m’a fait le “bon” de résidence que les policiers de l’OVIR m’ont confirmé comme pièce indispensable. Plein de papiers et de copies de papiers ont été faites avec un prix à payer de 2,5 euros puis changement de pièce avec remise du passeport pour confiscation jusqu’à 16 heures. Chaleur accablante ! Marche à pied éprouvante dans la capitale aux trottoirs et ruelles très souvent défoncés. Retour toujours un peu en avance, le policier me reconnait et me dit par la fenêtre que je suis arrivé trop tôt … Je pars dans une autre pièce où une employée me remet le précieux identifiant avec deux bons en format papier de la dimension des pages du passeport. Mais … pour qu’elle me rende et le passeport et le permis GBAO il lui faut une photo d’identité. J’avais prévu. Le coût apparemment varie selon les personnes interrogées. J’ai dû verser 285 somonis soit en gros 28 euros. Si j’ajoute les paiements des deux visas avec GBAO refusés cela représente quand même 128 euros. A qui va cet argent ? … Mais j’ai cette fois le césame pour le Pamir Tadjik !

Achat d’une carte Sim locale pour essayer comme au Kirgizistan et en Turquie de communiquer plus facilement et me rassurer aussi avec le site d’écriture. Journée nerveusement un peu épuisante. Alors que j’avais imaginé débuter le périple vélo demain mardi, je ne partirai de Douchanbé que mercredi. 

Anecdote : en rentrant du restaurant ce soir beaucoup de parlottes dans le hall d’entrée du Green House Hotel et je reçois un accueil étonnant (pour moi) avec une forme d’hommage à celui qui ce soir sourit (because permis GBAO) qui pédale en solitaire, qui ferait plus jeune qu’il n’est (bof ils ne savent pas qu’à partir du moment où le corps commence à se faire sentir on ruse …) … bref des choses surprenantes alors que j’essaie de me faire le plus discret possible … Oui, pour une fois il n'y a pas que des jeunes dans les auberges de jeunesse !

Mardi 22 août 2023 - Duchanbe, derniers réglages … émotionnels

Après le permis spécial GBAO - mais oui, je l’ai ! - la tension nerveuse devait baisser d’un cran. Plutôt que de partir de suite aujourd’hui mardi j’ai décidé de passer une journée paisible. La nuit a été correcte. Réveil tranquille. Petit déjeuner toujours aussi sommaire. Il me faut de l’essence pour le réchaud, il faut régler la pression des pneus, caler un peu mieux le guidon pour éviter le décrochage avant en cas de freinage ou de chaos brutal, changer un peu plus d’argent, recharger à fond les diverses batteries du téléphone, de la tablette ordinateur, des lumières avant et arrière,  de l’appareil de photos, de la balise satellite, de la batterie tampon. Et essayer de baisser la pression dans la tête. Joli programme. Quelques français sont arrivés au Green House hostel dont un couple avec un énorme side car russe venu de France et qui vient de parcourir la Pamir Highway. Sympathique rencontre mais … une information qui décidément risque de me poser un vrai problème à résoudre je ne sais comment : entre Kalaikum et Khorog les chinois ferment la route (piste) sur une quarantaine de kilomètres de 8h à 12h et de 13h à 18h. J’avais déjà vu les chinois à l’oeuvre entre Och et Sary Tash au Kirgizistan qui redessinaient et bitumaient la piste kirghize. Font-ils les mêmes types de travaux au Tadjikistan ? Quelles solutions pour le bipède cycliste qui ne peut pas couvrir les 40 km de travaux entre 12h et 13h ? Trouver un camion sur place qui me prenne ? Peut-être les cyclistes sont-ils autorisés ? … Pas trop penser … Décidément le Tadjikistan réserve encore des surprises. On verra bien … 

Ce soir, je dois harnacher le Mulet avec ordre et méthode pour équilibrer au mieux le poids et ne rien oublier d’essentiel. Beaucoup de liquides, de nourriture donc aussi beaucoup de poids. Le gonflage des pneus a surpris le mécanicien qui me disait de ne pas trop gonfler en raison du risque d’éclatement (avec la chaleur ?). Le problème est que le manomètre du gonfleur n’indiquait rien. Donc j’ai gonflé pour ne plus pouvoir presser les pneus avec les doigts … 

Demain matin, le petit-déjeuner se fera dans ma chambre avec un pot de yaourt et une banane, et je partirai à 7h sans oublier d’activer la balise satellite.

Mercredi 23 août 2023 - Départ au "frais" 22°C, 40 km après … 42°C, 65 km je m’arrête !

Le Mulet est lesté lourdement (trop probablement). J’ai avalé un yaourt double et une banane. Je laisse mes affaires de retour au Green House hostel dans le carton balafré et porte tout à la cave. La balise satellite cherche les coordonnées de l’hôtel et je déclenche le suivi par 30 minutes pour que les points d’avancée s’affichent précisément sur la carte du site en page d’accueil. Le jour est levé (7h) et le trafic s’intensifie avec des queues de poisson, des arrêts brusques sans clignotants … bref les affres habituelles des capitales. Je fais le point de temps en temps avec Maps.ME pour que je ne m’égare pas dans les carrefours. Le paysage est très quelconque avec beaucoup de détritus stockés au plus facile. La circulation est quand même redoutable pour un cycliste qui, du fait du poids à tracter, est toujours en zigzag. Parfois, les véhicules passent très très près. Mais là aussi c’est une banalité. L’écarteur placé sur l’arrière ne semble pas produire beaucoup d’effets. 

Je pensais arriver à faire 100 km aujourd’hui du fait de la seule étape de bitume. C’était sans compter Monsieur Soleil qui est monté en température jusqu’à plusieurs fois 42 °C. J’ai eu droit à des petits cadeaux bien appréciés : une grappe de raisin de table, un sandwitch fourré à la viande, et deux fois 1 litre d’eau minérale. Sympas les tadjiks ! Mais ça montait et même si ce n’est toujours que moins de 10% de pente, lorsqu’on est à devoir pousser de l’ordre de 120 kg (bonhomme, vélo, bagages), les moindres pentes sont très physiques. Et il y a beaucoup de montées à faire sous le cagnard qui a souvent dépassé les 40 °C. Inutile de dire que le cycliste a fini par se cramer au point de s’appuyer pour tenir l’équilibre aux arrêts ! J’avais deux soucis techniques : je ne pouvais plus passer sur le grand pignon et ma béquille ne tenait plus le poids du vélo . Problème donc de transmission alors que j’avais tout régler bien sûr avant de partir. Effet probable des transferts aux aéroports (comme dab !!). Après 65 km, je passe devant ce qui semble être un hôtel avec un beau parc. Je suis crevé par la chaleur. Un employé qui arrose l’herbe me hèle pour m’inviter à m’arrêter. J’accepte pensant que c’est plus prudent compte tenu qu’il me resterait encore une trentaine de km pour atteindre la fin de l’étape prévue et que chaleur, poids, état du bonhomme me feraient plutôt renoncer. Je range le Mulet contre un arbre. J’accepte une chambre et une proposition de nourriture un peu limitée puisque c’est juste du poulet sans légume et pas de petit-déjeuner. Mais … il y a de la bière ! Avec cette chaleur quoi de plus réconfortant ! On me prête une pince plate un peu forte pour remettre le dérailleur dans le droit chemin. Ca semble être mieux. Je réussis à améliorer l’équilibre de la béquille. Donc tout va mieux pour repartir demain.

Douchanbé - hôtel MEXMOHXOHA   65 km   +917 m   -200 m   20°C à 42°C

 

Jeudi 24 août 2023 - Pied à terre pour la deuxième fois de mon activité vélocipédique (après la montée par le Nord au lac Son Kul au Kirgizistan en septembre 2022)

Hier c’était chaud, très chaud. Aujourd’hui, après une nuit potable mais avec une musique d’hôtel à fond, je réussis à avoir un café que j’accompagne de deux biscuits et d’une banane. Départ à 6h30 avec une température parfaite 14°C. Ma réparation du dérailleur semble efficace … pour passer le grand pignon … j’en aurai besoin ! Désormais finies les longueurs paysagères sans intérêt. Je suis en montagne. Donc montées/descentes à répétition. Mais surprises ! Je dépasse Obigarm un gros bourg, puis descends (fini le bitume !) vers la rivière Vakhsh qui forme un grand lac avec des extractions gigantesques opérées par d’énormes scrapers qui descendent à la queue leu leu avec le minerai extrait. La montagne est pentue de tous bords. Bifurcation : l’ancienne route M41 qui longe la rivière est désaffectée. Obligation de prendre une toute nouvelle piste qui monte monte … obligeant à monter petit petit ! Terrible morceau : la piste est un ensemble de sable où sont insérés des cailloux durs ainsi que des cailloux roulants (sous les pneus). La montée est redoutable surtout que la circulation des voitures et des camions est zigzagante tout comme le bipède cycliste qui essaie de ne pas déraper et de trouver le moins mauvais itinéraire. La température se met de la partie pour atteindre encore 42°C. Je finis par être obligé de mettre le pied à terre - deuxième fois de tous mes voyages vélo ! - et, suant et m’accrochant au guidon pour maintenir l’équilibre et du vélo et du bonhomme, l’interminable piste daigne enfin radoucir sa pente pour arriver à un col sans nom. La descente de l’autre côté est vraiment très raide. Les véhicules patinent même et font sonner l’avertisseur pour qu’on les laisse passer … Je me pose longuement au col pour voir qu’il faut descendre tout au fond avec la piste routière qui en face (on est en montagne !) écharpe tout le flanc, longue piste pentue dont on n’aperçoit pas le col ! Compte tenu des efforts que je viens de faire, je me décide de trouver un coin pour passer la nuit et laisser à demain matin “à la fraiche” la grimpette de cet autre col. 

Après une descente au frein, le fond du vallon est habité par des petites échoppes avec des chaikhanas qui vendent un peu de nourriture et des boissons (mais pas de bière …). Je demande un endroit pour camper. On me propose de passer la nuit à la belle étoile dans une chaikhana (sorte de petite terrasse de 3 m x 2 m avec plancher surélevé d’une soixantaine de cm qui pemet la consommation assis/allongé). Vendu. Je me décide à rester là à la belle étoile sur une chaikhana. Je prends un plov avec du thé, beaucoup de thé. Le dérailleur semble fonctionner. La béquille par contre ne supporte plus le poids du vélo.

Hôtel MEXMOHXOHA - ….     46 km   +1900 m   - 1500m   14°C - 42°C

Vendredi 25 août 2023 - Nouvelle piste, nouveaux cols, record de chaleur 43°C

Nuit sur le plancher d’une chaikhana tout contre un torrent très dynamique. Un café m’avait été promis mais à 6h tout est calme. Je pars l’estomac en demande et pour débuter un col dur. Les premières pentes sur une piste nouvelle donc pas trop tassée, sont ardues. Démarrer à froid fait vite monter la tension. Tenir droit le guidon n’est pas une mince affaire mais petit à petit après moultes virages la pente s’atténue et - miracle - le col est atteint. Finalement ce n’était pas si long ! Mais, montagnes russes, ça descend et on voit le versant opposé zébré d’une trainée blanche régulière. Ca continue et la montée recommence. L’intersection pour Tavildara arrive. Barrière, contrôle de police. Un signe de bras, je passe. Je pensais trouver un hébergement à Chumdon, à quelques kilomètres de l’intersection. Encore une fois, les pointages d’hébergements possibles (hôtel, homestay) indiqués sur Maps.ME se révèlent inexacts ou n’existent pas. C’est le cas à Chumdon, une cité apparemment récente avec plein d’immeubles à étages vides. Une épicerie donc ravitaillement en liquide. Je retourne vers l’intersection pour trouver un lieu où poser ma tente. Un espace arboré m’attire. Je m’installe puis vais voir le policier qui pointe et contrôle tout ce qui passe, pour lui demander de l’eau pour me laver les mains. Généreux il me donne de l’eau et un litre de Cola. Pas banal !



Chaikhana … - Labijar    53 km   +1024 m   -909 m    14°C - 43°C

 

 

Samedi 26 août 2023 - Piste cassante … peu de kilomètres

Camper avec 1 litre de Cola et 1 litre d’eau donnés par un policier, pas banal ! Réveil à 5h45. Café préparé avec l’eau chaude de la bouteille thermos, banane, et hop ! tente pliée, tout est retourné dans les sacoches. Départ 6h30. Le temps est pas mal, 14°C avec quelques voiles nuageux dans le ciel. Je roule, roule … mais je trouve que je suis un peu loin de la bifurcation vers Tavildara. De fait, je ne sais comment je me trouve rouler à l’envers vers … Douchanbé ! J’interroge deux automobilistes que j’arrête. Concordance : il faut revenir en arrière. Arrivé au carrefour, barrière de police. Passeport … tout est en règle (il ne veut même pas voir le permis spécial GBAO pourtant nécessaire et obtenu de haute lutte !!). Bitume terminé. La piste est toute cabossée, sableuse, caillouteuse et … pentue à souhait pour certains morceaux qui dépassent les 12% et me font terminer en poussant le Mulet. Montagnes russes pour s’enfoncer dans une vallée spectaculaire parcourue par un torrent tumultueux au débit impressionnant. La piste que je remonte petit à petit a quelques ressauts pour pédaler un peu plus tranquille. Les rares parties un peu planes sont occupées par des chèvres, des brebis, quelques vaches mais aussi sont des prairies avec le foin encore fraîchement coupé. Toujours quelques transhumances de brebis marrons, de chèvres encadrées par de beaux chiens et par des cavaliers. Qu’est ce que je suis lent ! A n’en pas douter monter des pentes à 7% - 12% et + ce n’est pas la même chose sur du bitume et sur de la piste avec des ornières éprouvantes pour le matériel et des cailloux qui roulent sous les roues. Tenir droit le Mulet n’est pas chose aisée. Un couple de français/allemand me croise, parti depuis deux ans ! Quelques maisons, et une buvette où je bois 1 litre de thé brûlant sucré ! Le pied quand il n’y a pas de bière. Arrêts photos. Des gorges au flanc desquelles la piste est taillée à pic (attention à ne pas suivre trop le bord car dans pas mal d’endroits les effondrements sont nombreux). Childara paraît être un bourg important … pas moyen d’y trouver un lieu de couchage. Je continue quelques kilomètres plus loin pour trouver un coin paisible pour installer ma tente. Il faut que je révise mes prévisions d’étapes car … encore aujourd’hui juste 48 kilomètres. Bon, le tout est de tenir le bon bout, de ne rien casser du matériel, de rester en forme correcte. Mais je n’ai jamais bu autant de ma vie ! …

Labijar - après Childara   48 km   +970 m   -645 m   13°C - 38°C

 

 

 

Dimanche 27 août 2023 - Pluie ! Courte étape …

Trois petits coups sur la toile de tente ! Les gouttes s’inviteraient-elles ? Pas de suite … J’ai le temps de tout ranger et de prendre mon café thermos, banane, biscuit. Après Childara, la vallée s’élargit, la pente s’atténue globalemment - mais avec tout de même quelques jolis coups de cul. Je remonte solitaire sans trop de bruit. Quelques rares véhicules passent. L’heure est encore matinale. La température est excellente pour pédaler (13°C). Poncho ? Pas poncho ? Ce ne sont encore que des goutelettes rafraichissantes. Le torrent est toujours impétueux, les versants toujours très raides, la piste parfois récente laissant entrevoir le vieux tracé mais qui s’est éboulé. Quelques maisons avec du bétail (chèvres, brebis, vaches) et … un “magazin” petite épicerie où je trouve du cola et une boisson dite énergétique que j’enfile cul sec. 

Le ciel est très ennuagé. Les gouttes se font moins espacées. Tavildara approche, une bourgade assez grosse accessible par un pont dont l’entrée est surveillée par un policier. “Passeport” ! J’ouvre à la page du permis GBAO et … le policier le prend en photo (enfin il est utile !). D’après Maps.ME il y aurait au moins deux hôtels. Mais les deux sont fermés. La pluie commence à tomber continuement. J’arpente les quelques ruelles. Un tout jeune garçon joue avec un baton. Je lui fait signe et lui fait comprendre que je cherche un endroit où passer la nuit. De suite, il me devance pour entrer chez un voisin en train de ramasser des patates aidé de ses jeunes fistons. L’accueil est on ne peut plus agréable. On me propose de dormir sur une chaikhana puis on me porte une belle grosse galette de pain tout frais, puis un plov, une assiette de tomates, du lait caillé avec du miel maison, du thé ! La pluie redouble. Je pense que j’ai bien fait de m’arrêter. Le froid commence à se faire sentir. La polaire est enfilée. L’étape sera courte aujourd’hui !

après Childara - Tavildara   20 km   +286 m   -169 m   13°C

Lundi 28 août 2023 - Etape originale …

J’étais nourri et logé chez l’habitant à Tavildara. Il n’y a pas eu moyen de laisser un somoni !

Toute la nuit pluie avec tonnerre jusqu’à 3 heures. Au réveil, accalmie ! Mon hôte voulait me donner un pantalon long de peur que j’ai froid ! Je lui ai montré mon super pantalon long de montagne Millet, pas mal usé. En prévision, j’ai tout mis pour la pluie : surchaussures, poncho. Et c’est parti un peu inquiet tout de même car le ciel n’était pas purgé, et je devais m’engager dans la montée difficile du col de Kaburabot à 3250 m. La journée fut mémorable pour deux raisons au moins : je me trouvais dans les gorges après Kalai Huzein et tout d’un coup un éclair. Je compte les secondes jusqu’au roulement de tonnerre. Je n’étais pas fier du tout ayant déjà eu des expériences cuisantes. Il y avait de la marge car cinq secondes. Puis, très vite, une succession d’éclairs et j’était encore dans ces gorges rocheuses sur une piste qui avait les éboulements rocheux des pluies diluviennes de la nuit. L’écart entre l’éclair et les claquements n’était plus que moins d’une seconde donc risque imminent de foudre ou, plus vrai peut-être, risque majeur d’éboulements rocheux. La pluie tombait averse. Deuxième motif d’une étape originale : la boue ! Impressionnante, de la vraie argile qui se collait aux pneus, aux freins, aux sacoches, aux chaussures. Obligé de m’arrêter souvent pour nettoyer un peu les freins (photos à venir). Finalement, je finis par atteindre l’objectif que je m’étais donné : atteindre en gros 2300 m d’altitude pour demain passer le gros col de Kaburabot à 3200 mètres. Je suis à Safedoron la tente installé dans un container en compagnie d’un couple anglais. Le temps a l’air de se mettre au beau.

Tavildara - Safedoron    34 km   +1080 m   -194 m   13°C - 7°C

Safedoron belle étape pour camper !

Mardi 29 août 2023 - Etape reine !

L’étape d’hier pour accéder à Safodoron a cumulé des difficultés rarement rencontrées : pluies, éclairs, tonnerres dans des gorges rocheuses dont on ne voit pas la hauteur avec une piste caillouteuse pentue devenue torrent de boue où je devais crapahuter chargé à 50 kg. Le pied (!) de trouver un hébergement dans un … container ! Mais hier soir le mauvais temps s’en est allé. Je ne cache pas que j’étais quand même un peu inquiet car il faisait froid à 2300 mètres et je redoutais de la neige au col à franchir aujourd’hui.

La nuit fut une nuit de montagne un peu fraîche et un peu humide. Ce matin 5h30 debout, le café en poudre dans l’eau chaude conservée dans la bouteille thermos, banane, biscuits. J’ai pu un peu dégager la boue qui s’était collé aux freins, aux sacoches, aux surbottes et à mes chaussures.

Et c’est parti pour une journée exceptionnelle. La piste jusqu’au col de Kaburabot (3250 m) est beaucoup moins boueuse que celle des gorges. Il fait bon pour pédaler (3°C). La pente est assez régulière autour de 7,5% mais avec des coups de cul à au moins 12%. C’est alors que durant les 12 km qu’il me restait à monter jusqu’au col j’ai senti des faiblesses. Je soufflais comme un boeuf au point de poser le pied à terre plusieurs fois et de pousser le vélo. Pourtant la forme physique répondait bien mais … j’allais lentement. Des bergers avec chèvres et brebis … et chiens, étaient derrière leurs troupeaux poussant quelques cris, sifflant, toujours très souriant avec un geste de la main sur le coeur lorsque je passais à leur hauteur. A cette altitude, la forêt est dépassée, les estives sont immenses, le spectacle qu’offre la Nature est exceptionnel avec la neige tombée cette nuit sur les pics. 

A force de pédaler, même lentement, la distance avec le col se rétrécit. On passe devant un bâtiment qui fait office de refuge puis, après quelques contournements vallonnées, là-haut je vois des abris pités sur ce qui semble être le col de Kaburabot. La pente s’atténue. Le col est bien là ! Paysage somptueux. Le tour d’horizon est magnifique au soleil qui s’est décidé à pointer et à chauffer dur (32°C). Deux jeunes bergers avec leur âne portent du fourrage. 

Descente ! 2000 mètres de dénivellation négative. Descente au frein, l’oeil constamment aux aguets pour essayer d’éviter les trous. La piste côtoie des ravins sans fond. Les sacoches sont mises à rude épreuve. Pas de décrochage, pas de pneu crevé ou éclaté. Seuls les freins sont un peu justes mais il ne faut pas devoir stopper brutalement. Les ruches sont nombreuses en bordure de la piste, disposées très proches les unes des autres, de très grosses ruches avec parfois des entrées doubles. Ça bourdonnait énormément. Il ne fallait pas trop s’approcher. J’ai même vu des ruches étagées dans une remorque de camion.

Approchant de Kalaikum, la piste est devenue bitume. Quelle bonne surprise ! Kalaikum centre névralgique pour plus loin Khorog puis Murghab, à portée de voix de l’Afghanistan, début de la liaison routière Sud pour Douchanbe.

Fantastique journée, une étape reine, mais un souci personnel qui m’a fait monter très lentement en soufflant beaucoup autour de 3000 mètres me faisant penser à cet oedème pulmonaire qui m'avait obligé de redescendre d’altitude au Pakistan. J'ai toujours quelques séquelles.

J’ai pris deux nuits à l’hôtel Darvoz.

Safodoron - Kalaikum   44 km col Kaburabot 3250 m   +758 m -1907 m   3°C - 32°C

un refuge tout beau !

Ouf ! le col ...

HLM de ruches !

Mercredi 30 août 2023 - Kalaikum, repos bienfaisant

Pas fâché de prendre une journée de récupération ! L'hôtel Darvoz où je suis est tout près du territoire Afghan. De la terrasse on voit maisons, piste afghanes. Pas d’âme qui vive à l’extérieur … Kalaikum est une cité qui semble apaisée. Les femmes sont en tenue traditionnelle mais pas de hijab. Les magasins sont nombreux le long de la route qui va vers le Sud vers Korhog. Un restaurant de bonne tenue au carrefour menant au col de Kaburabot : potage au boeuf, daube riz purée, café correct. Le soleil est revenu avec force mais aussi un peu de vent en rafales. Nuit reposante, petit-déjeuner copieux (deux oeufs, café lait, pain confiture miel fruit). Tout est là pour requinquer le cycliste un peu avachi mais aussi et surtout un peu inquiet des soudaines pertes d’équilibre et éblouissements très passagers mais réels. Sans doute ai-je tiré un peu trop sur la couenne depuis deux jours. Une décision : vu les soucis légers mais bien réels que j’ai eus avec les essoufflements hier vers l’altitude de 3000 mètres, compte tenu de mon antécédent d'oedème pulmonaire, je raccourcis mon itinéraire pour ne pas aller en plus haute altitude. Je verrais bien dans les jours qui viennent comment je serai. Un autre souci est d’ici 70 km environ l’interdiction pour travaux faite par les chinois (sur territoire tadjik !) de circuler durant une quarantaine de kilomètres dans la plupart des heures de la journée. Je ne suis pas arrivé à savoir si l’interdiction s'applique aux cyclistes.

Au fond, dans les périples un peu hors du commun en vélo ce n’est pas pédaler qui est le plus difficile ce sont toutes les tracasseries administratives (ici refus de visa, complications pour obtenir un permis spécial GBAO, interdictions diverses comme celle du passage au Kirghizistan qui a été levée pour les touristes en juillet 2023 mais qui supposait quand même un lettre formelle du ministre du tourisme du Kirghizistan …), et les interdictions de dernière minute à découvrir sur le terrain sans information sérieuse officielle…Tension nerveuse s’ajoutant aux multiples difficultés à affronter comme le problème de la communication, de la compréhension, voire de réaction très négative parce que vous êtes français (ça m’est arrivé en Cappadoce ce printemps et pas plus tard qu’hier à Kala Huzein). Peut-être que tout cela se répercute sur l’état mental d’un bonhomme et donc un peu aussi sur son physique ? On verra déjà demain si le bipède tient encore sur les pédales. Direction le Sud pour Khorog qui devrait être atteint dans 5-6 jours …. si les chinois sont d’accord ! …

 

Jeudi 31 août 2023 - La piste qui deviendra route 12 mètres !

Ce matin réveil à 5h30 pour essayer d’atteindre Kurgovad. L’harnachement du vélo avec les sacoches encore pas mal maculées de boue est délicat surtout que ma béquille ne sert plus. Le petit-déjeuner est servi par anticipation à l’heure “normale” de l’hôtel. Mais l’hotelier voulait m’aider à atteindre la zone de travaux de Kurgovad étant donné les consignes de fermeture glanées ça et là. La sortie de Kalaikum est une belle pente goudronnée qui se transforme rapidement en très large chaussée empierrée de 10 mètres et plus de large. Le jeu du saute-mouton est engagé. Le Mulet fait des sauts de cabri ! Et … ça va durer jusqu’à Kurgovad. A ne rien comprendre. En réalité les travaux sur la chaussée débutent à Kalaikum. Les chinois (et les tadjiks) veulent faire comme au Kirghizistan de Och à Irkestam pass une très belle route bitumée très large. Finie la traditionnelle Pamir Highway dans peu de temps ? Je remonte une belle et large vallée avec d’un côté l’Afghanistan, de l’autre côté le Tadjikistan. Quelques mouvements côté afghan mais des plantations très vertes (?). Côté tadjik, c’est … la poussière des véhicules que je croise. L’attention est à terre pour éviter les trous parfois énormes mais aussi les grosses pierres enchassées. Quelques rétrécissements obligent une très grande prudence lorsque camions et véhicules et … vélo doivent passer. Des tout petits villages subsistent lors d’élargissements de la vallée. Et c’est alors “hello !” le classique des voyages dans tous les pays que les enfants adorent toujours.

L’épisode travaux avec interdiction de circuler ne semble pas correspondre à la réalité. Un panneau notifie l’interdiction selon les heures entendues avec seulement un passage entre 12h et 13h. Un cycliste allemand venant en sens inverse m’a dit qu’il avait attendu une heure pour passer. Après le panneau pelles  mécaniques, perforatrices, bulldozers, camions s’activent bien. Des ouvriers font la sécurité pour les passages. Je ne dis rien et roule doucement entre les engins. On ne me dit rien, et … quelques centaines de mètres plus loin, je sors apparemment de l’emprise des travaux. Le village de Kurgovad a une école conséquente qui doit réunir les enfants de plusieurs villages, un car est stationné. Une épicerie (magazin) est ouverte. Je m’équipe en boissons et cherche un lieu pour installer mon campement. Pas facile de se faire accepter ! Une première fois oui c’est possible mais plus haut … Une deuxième fois, un vaste plat avec quelques arbres … Je pose mon vélo, casse un peu la croute, fais un peu de sieste … Deux dames un peu plus loin semblent ramasser des fruits. Je demande si je peux installer la tente pour une nuit : Né ! Deux fois sans aucune explication. Aussi, … je fais comme si je n’avais pas compris et installe la tente.

Kalaikum - Kurgovad  56 km   +750 m   -495 m   14°C - 34°C

 

 

Vendredi 1er septembre 2023 - des travaux … un jeu de massacre !

Les moustiques étaient bien présents et ont bien profité du bonhomme. J’ai enfilé la tête dans mon filet antimoustiques mais les pieds ont été un menu de choix. J’étais surveillé par les bonnes dames qui m’avaient refusé de mettre la tente et le soir tard et ce matin de bonne heure. Un monsieur est arrivé ce matin mais s’est assis sur un rocher à 20 mètres de la tente. Un signe de la main de ma part, le monsieur a répondu de la même façon. Faut dire qu’hier soir ce monsieur est venu avec sa brouette dont la roue était dégonflée, et m’a demandé de la regonfler. Il était satisfait comme si je lui avais fait un cadeau extraordinaire !

Toute la soirée d’hier et cette nuit de très nombreux camions ont défilé. Sans doute les effets de l’interdiction de circuler ? De fait, les travaux d’élargissement de la piste sont continus comme je vais en être le témoin. Mais quel massacre ! C’est au minimum 12 mètres de large et souvent plutôt 25 m qui sont excavés à grands renforts d’énormes pelles avec des camions qui font la queue leu leu pour transporter les énormes blocs de rocher qu’il faut faire tomber des falaises de plusieurs dizaines de mètres de hauteur. Je n’ai fait que 30 kilomètres aujourd’hui mais j’ai les bras en compote tant il a fallu tenir le guidon qui s’échappait de tous les côtés les roues ne cessant pas de buter contre les gros cailloux. Infernal ! Avantage du vélo sur les voitures et les camions : j’ai pu passer partout alors que les véhicules étaient stoppés par la sécurité. Le Mulet était tout content de faire la nique aux grosses roues, pour une fois ! Il y a des secteurs où vraiment on a l’impression qu’on creuse des énormes parkings ! Tout cela, personne ne l’a jamais écrit sur internet, ventant au contraire la beauté des gorges et des hauts sommets. Un désastre que personne pour le moment ne dénonce ! Tout cela se fait dans des tornades de poussières de sable et d’argile.  

Un poste de contrôle de police : faut vérifier l’autorisation GBAO. Le cagnard est toujours là 37°C quand même. Ce poste de police est au carrefour de la vallée de Vanch et de celle qui doit me mener à Khorog. Juste après le pont, des poids lourds sont garés. Ca sent le resto routier. Je m’informe. Bien caché, c’est bien un endroit où l’on peut boire, manger et même passer la nuit, et … se doucher ! Sacré étape, courte mais cabossée oh combien !

Kurgovad - Vahdat    31 km   +492 m   -380 m   15°C - 37°C

 

Samedi 2 septembre 2023 - Enfin la piste traditionnelle comme dans les livres

L’auberge routière de Vahdat a été bruyante jusque tard dans la nuit. Des cellules à trois lits, une salle de bain minuscule pour tout le monde … la nuit a été courte. Ce matin, à 5h30 je plie bagage. Montée d’échauffement pour très vite poursuivre une piste avec de temps à autre des morceaux asphaltés qui reposent. Il faut reconnaître que c’est le versant afghan qui présente les cartes postales paysagères les plus esthétiques avec des ensembles bâtis carrés en pierre sèche entourés d’espaces cultivés très verts qui épousent les ondulations du terrain. Le versant rive droite est plus une succession de masses rocheuses cyclopéennes qui … n’ont pas (encore) vu les engins destructeurs à l’oeuvre. On avance assez bien dans un labyrinthe qui fait apparaître de temps à autre des clochetons rocheux saisissants par leur forme élancée. Ah ! une équipe à l’allure très asiatique inspecte casque sur la tête, cahier ouvert, chef à l’oeuvre avec son équipe inspectant les formes rocheuses qui devront tôt ou tard subir les foudres des engins grattant, évidant, dynamitant pour “améliorer” les facilités de passage des double-camions des nouvelles routes de la soie. L’avenir de la Pamir Highway est-il déjà écrit  ? sans compter l’accès à l’Afghanistan ? En attendant, on rencontre encore des petits villages qui vivotent probablement avec quelques vaches, des chèvres, des petits troupeaux de brebis. On fait le regain en ce moment avec une faucille à manche long que coupent accroupis l’homme et la femme ensemble sur des petites surfaces. Des véhicules sont garés : signe de la présence de “magazin” (épicerie) ou, mieux, de possibilité de manger un bout. J’en profite pour manger une assiette de daube de boeuf - frites bien grasses avec la boisson Gorilla qui est très prisée ici, et qui est assez agréable.

La piste continue de longer la rivière Panj qui fait frontière. De l’autre bord les afghans et les afghanes sont dehors, les dames accélérant le pas sentant que j’essaie de les photographier. Après Deh, une gorge nouvelle aux versants rocheux immenses. Une auberge semble être là. J’interroge : oui je peux mettre ma tente et manger ce soir. La jeune femme qui vit là avec sa soeur, son mari, ses deux petits enfants, me fait comprendre qu’à l’école il n’y a plus d’enseignant car pas de candidat. Ils sont payés 500 somonis par mois (50 euros !). De l’autre côté de la “route” une très belle source apparemment très prisée - beaucoup de véhicules s’arrêtant pour remplir des bouteilles. C’est là que je me pose pour aussi un brin de toilette en plein air.

Vahdat - après Deh   42 km   +532 m   -357 m   14°C - 37°C

 

Dimanche 3 septembre 2023 - La piste cabossée devient un peu meilleure

Maigre petit-déjeuner ce matin juste un peu de café et deux biscuits. La tente est pliée et je file à 6h. Peu après, un parc de camions avec un resto routier … J’étais mieux près de la source à la bonne eau ! Les montagnes de l’Afghanistan sont comme des épés pointées vers le ciel. Les rondes militaires côté Tadjikistan se font avec cinq à six hommes armés espacés d’une trentaine de mètres et qui marchent sur la piste. Un salut au passage. Côté afghan, je n’ai pas vu de surveillance équivalente. On longe toujours la rivière Panj qui coule toujours de manière très tumultueuse avec des eaux marron-gris, mais qui en amont forme des lacs de grandes surfaces. La piste est toujours très dure. Le vélo saute beaucoup. Un petit bruit nouveau … j’ai le gardeboue avant qui se décroche. Arrêt express. Clef allène de 6, un peu de loctite sur l’écrou, clef plate de 10 et tout se remet en place. Les sacoches sont encore et toujours bien arrimées. Le passage des doubles-camions venant de Khorog tout comme celui des 4x4 à vive allure me badigeonnent de poussière. La vallée s’élargit, le lac de la rivière Panj se perd à l’horizon. Pas mal de paysans sont dans les champs - très réduits - et coupent l’herbe en faisant des andins avec les mains (sans rateau). Une moissonneuse crache la paille. Mais la vie agricole reste très limitée. Rushan n’est plus bien loin, une probable petite ville. A l'entrée de Rushan j’avais repéré une auberge appelée Mobarak qui avait de bons avis sur internet. Elle est signalée sur un panneau routier à droite, une demeure en apparence cossue au milieu de champs et de potagers. L’accueil est bon avec une maman et son petit conduisant une auto de gamin. Je suis le seul client. Enfin une douche qui va faire du bien après ces journées de poussières. J’ai pu avoir une soupe et … même une bière ! La chambre est correcte mais … avec de sales petits moustiques qui vont poursuivre le travail déjà commencé par leurs copains d’hier sous la tente. Demain, peut-être vais-je atteindre Khorog ? Tout dépendra encore de l’état de la piste. Le bonhomme est encore en état de pédaler. J’espère que le Mulet, matraqué comme il a été depuis Duchanbé aura à coeur d’arriver à bon port. Car c’est décidé je termine mon périple à Khorog pour deux raisons : le planning que j’avais prévu était trop optimiste, j’ai pédalé plus lentement que prévu. Mais la deuxième raison est majeure : vu l’essoufflement ressenti lorsque je pédalais à plus de 3000 mètres, je ne veux pas me trouver en conditions pires puisqu’une partie de la Pamir Highway jusqu’à Murghab se déroule au-dessus de 4000 mètres. Vu mes antécédents d’oedème pulmonaire consécutifs à un MAM (mal aigü des montagnes), je préfère éviter de me retrouver avec des essouflements qui pourraient avoir des effets plus graves.

Après Deh - Rushan   48 km   +526 m   -260 m   

 

Lundi 4 septembre 2023 - Khorog se mérite … quelle piste défoncée encore !

L’auberge Muborak de Rushon est tenue par un sympatique jeune couple avec deux enfants. Mais le bâtiment a visiblement connu des malfaçons avec un manque d’entretien. Alors qu’il était convenu que j’aurai un petit déjeuner à 6h, j’ai dû partir à jeun n’ayant pas voulu réveiller la maisonnée. Il faut traverser Rushon tout en longueur pour suivre la piste - au départ bien asphaltée - qui part vers le Sud s’enfoncer dans une succession de gorges avec toujours l’Afghanistan comme vision paysagère la plus immédiate - la vision première étant celle des trous, des blocs à éviter, des bosses à anticiper. Un point de contrôle de police : une frayeur, je ne trouve plus le passeport à sa place habituelle ! J’ai dû le laisser à l’auberge … 15 km pour revenir … mais la sueur froide est passée, le passeport était bien dans la sacoche guidon. Le policier a fait une drôle de tête lorsqu’il a vu que je ne trouvais plus le césame pour le Pamir. Tout finit bien.

Je croque quelques noix de cajoux qui restaient au fond de la sacoche guidon (véritable sac fourre tout). Les trous dans la piste sont de plus en plus profonds. Toute l’attention est là, les yeux rivés sur les passages les moins mauvais à prendre. Incroyable cette succession d’embûches qui doivent être franchies. Au fur et à mesure des kilomètres, le couloir valléen que l’on remonte en longeant la rivière Panj frontalière, devient un peu plus habité avec des prés aux surfaces plus élargies que l’on fauche ici non pas à la faucille mais à la faux à l’ancienne. Je croque les quelques biscuits qui me restent, finis la bouteille de Cola, active mes neurones les plus dynamiques pour atteindre mon but ultime de pédalage.

La surveillance militaire est continue côté tadjik avec quelques casernements bien ceinturés de hauts murs rehaussés de barbelés. Un hélicopère militaire survole les lieux aux limites de l’espace aérien frontalier de l’Afghanistan. La vallée s’ouvre maintenant, très large. Khorog approche. Des gens font du stop devant l’aéroport. L’avion quotidien reliant Douchanbé est supprimé. On entre en ville. La transition est très rapide. On n’est plus suant et soufflant sur la piste, on est en ville à faire attention aux queues de poisson des petits taxis de ville s’arrêtant à la demande. J’ai décidé de trouver le Pamir Lodge, le rendez-vous des touristes du Pamir un peu spéciaux comme moi. Situé sur les hauteurs, le Pamir Lodge se mérite par une dernière montée terrible pour le cycliste surtout qu’il se fait corner par les taxis qui veulent passer alors que la chauss&e est étroite et … le cycliste peste et doit s’arrêter pour laisser passer. Bref, du classique tout ça ! L’accueil au Pamir Lodge est plus que sympathique. Confort d’auberge mais avec serviette de bain, savon neuf, salle d’eau privée. C’est sommaire mais propre dans un cadre de verdure avec plein d’arbres fruitiers. Les pommiers ploient sous les fruits. Un café resto ? Zubaida la gérante m’indique le café Chimio à 5 minutes. Gratis le café - qui n’est pas expresso - Je reviens pour diner : une ambiance boite avec musique à fond et danse locale, narguilé. Je prends une pizza margarita avec bière : récompense pour clôturer ce parcours sans fin chaotique !

Rushon - Khorog   67 km    +470 m   -315 m   +13°C  +24°C

Mardi 5 et mercredi 6 septembre 2023 - Dushanbe, retour impressionnant

Khorog est une cité tranquille. Les gens dans la rue sont plutôt polis - ils saluent souvent. Mais une observation m’a toujours intriguée au cours de ce périple : beaucoup d’hommes et de femmes dans les rues ou sur les pistes qui … discutent. Beaucoup de petits groupes d’hommes (et de femmes dans une moindre mesure) le plus souvent accroupis et discutant, refaisant le monde probablement. L’entraide est remarquable de l’aide aux pannes sur les pistes à l’indication du magasin pour un produit que l’on cherche. La vie semble ralentie. Effet chaleur ? Etre français c’est bien sûr vivre à “Pariss” avec la tour Eiffel à son balcon (une miniature imposante néanmoins a été reproduite aux environs de Kalaikum).

Mardi fut une journée de repos total avec pour seul objectif de trouver un moyen pour que je revienne à Dushanbe. Les gérants du Pamir Lodge - les époux Saïd et Zubaldia - sont à la fois prévenants et très à l’écoute des besoins des gens pour leur trouver une solution. No problem ! Taxi pour la capitale tous les jours avec soit taxi partagé (mais taxi compliqué car nécessitant de se rendre de nuit au parking près de l’aéroport à 6 km) soit taxi personnel qui vient vous prendre au Pamir Lodge et vous déposer à la résidence indiquée à Dushanbe. La dernière solution a été la solution choisie en raison tout particulièrement de la distance (635 km) et des quelque 350 kilomètres de piste exécrables de Khorog à Kalaikum : départ pour Dushanbe mercredi 7h.

Le toyota landcruiser se pointe mercredi matin à 6h30. Les sacoches sont posées en premier sur le porte bagage du toit puis le vélo par dessus, le tout serré au maximum avec une longue sangle étranglant judicieusement le cadre pour éviter tout mouvement lors des sauts de cabris que même un gros toyota est obligé de subir sur la piste infernale.

Je n’en reviens pas de parcourir haut perché sur un vaisseau du désert qui donne l’impression d’être presque sur un tapis roulant, les quelque 350 km de piste vers Kalaikum : festival de poussière, rebondissements interminables, à coups droite et gauche pour gérer au mieux la trajectoire, éviter les trop grands trous et les blocs en relief … et … à l’avant sans ceinture de sécurité qui était hors service donc me tenant des deux mains aux deux belles poignées presque sous le nez du passager avant (merci toyota !). Si je ne l’avais pas remonté en vélo j’aurai dit que c’est une folie de braver ainsi ce long ruban presque blanc (de poussière) en raison principalement des travaux de titans qui transformeront cette partie de M41 entre Kalakum et Khorog en probable vraie très grande route parfaitement asphaltée aux prix de destructions massives rocheuses.

Kalaikum passé, un petit salut à la tour Eiffel toute blanche. La route est large, roulante. De temps à autre quelques portions non bitumées. C’est la route du Sud pour Dushanbe alors que, en vélo, j’ai pris la route du Nord par le col de Kaburabot (appelé encore col de Tavildara 3250 m). On est dans l'après-midi avec le soleil descendant. Les paysages afghans montagneux et très ouverts sont lumineux. On longe toujours la rivière Panj qui fait frontière (avant de constituer l’Amou Daria). Le cumul des dénivellations de montées et de descentes est presque exténuant même pour le gros moteur 4 litres atmosphérique 6 cylindres du gros Toy dont une des courroies s’est mise à siffler. La nuit arrive lentement. Cette route du Sud est récente tout comme le barrage hydroélectrique près de Kulob. On a l’impression que la route nouvelle a favorisé et a entraîné la construction de nouveaux villages le long de cet axe, avec des signes extérieurs de richesse qui surprennent dans cet ensemble géographique apparemment très rural.

Et puis …

De Khorog à Kalaikum deux contrôles de papiers : passeport et GBAO. Pas de souci. En revanche après Kalaikum quatre contrôles de papiers dont les deux derniers étaient juste pour graisser la patte aux policiers. J’ai vu mon chauffeur de taxi donner de l’argent et ..., m’a-t-il dit, c’est la corruption habituelle ! Du jamais vu de mes yeux. 100 mètres après le dernier “contrôle” arrêt par l’armée cette fois avec copie du passeport. Il faut dire qu’on est tout proche de la frontière afghane et des patrouilles pédestres surveillent en permanence la piste afghane qui longe le Panj.

La nuit est tombée. Plus d’asphalte. Mais … des engins de chantier sans aucune signalisation arrêtés à peine visibles et qui obligent à des écarts  sur la partie de chaussée d’en face, des tas de sable versé par les camions autant de gros tas d’une dizaine de mètres cubes alignés les uns derrière les autres sans aucune signalisation, des cyclistes sans aucune lumière, une dame tirant un veau dans le noir au milieu de la chaussée, des voitures et camions venant en face avec des éclairages mal réglés ou borgnes ou gardant les plein phares, et … dans le noir au beau milieu de la chaussée tout d’un coup une ânesse et son petit, enfin sur les portions asphaltées aucune peinture blanche pour indiquer les bords de chaussée et les bandes médianes. Il y a des progrès à faire ! On est quand même arrivé à bon port à Green House hostel où j’ai laissé mes vêtements de retour et le carton vélo. Dure journée … même sans pédaler !

Pamir Lodge (Khorog) - Green House hostel (Dushanbe)  635 km taxi

 

 

... et dire que tout ça je l'ai parcouru à vélo ! ... un peu basque .. certainement !

Vendredi 8 Samedi 9 septembre 2023 - Rencontres

Green House hostel est très cosmopolite. C’est un lieu sans chichi. Chacun peut faire à peu près ce qu’il veut de la préparation de sa propre nourriture au démontage de vélos et de motos. Beaucoup d’employés tiennent en permanence la balayette, donnent à manger aux multiples chats, nettoient la vaisselle, passent le chiffon sur les meubles. Comme partout, on se déchausse pour entrer dans le logis surveillé par Murodzhon le gérant à la tour de contrôle informatique. C’est un fouillis apparent d’activités diverses en réalité bien surveillé.

Dans la cour intérieure, on discute, on parle fort, les moindres allées et venues sont épiées et commentées dans toutes les langues avec une domination de l’anglais. En fait, beaucoup de clients sont polyglottes. Une ruche étonnante. On échange les dernières informations sur les itinéraires du Pamir, sur les autorisations à obtenir mais ce qui est marquant c’est le peu de cas des possibles questions (importantes) qui pourront se poser, par exemple pour ceux qui veulent passer du Tadjikistan au Kirghizistan la lettre du ministre du tourisme du Kirghizistan exigée mais qu’on n’a pas. Tout se déroule - pour les cyclistes - avec le principe : on verra bien …

C’est ainsi que j’ai pu rencontrer un papi qui a la bougeotte des voyages avec lequel on a pu partager sur le Burundi, le Rwanda, le Kenya mais aussi sur la clairette de Limoux, un néo-zélandais allé au volcan Bromo en Indonésie et qui m’a offert une bière pour me consoler du match de rugby que les français devaient nécessairement perdre contre les Black, un français de Maubourguet dans les Hautes-Pyrénées acrobate de cirque qui est parti à vélo pour un tour du monde et qui m’a remis une caméra à porter en France, qui a fait un site you tube où il met les montages de videos qu’il réalise, un allemand lui aussi cycliste qui va bientôt se marier avec une camerounaise, et dont le métier est de piloter une équipe qui a monté un système de service de mobilité automatisé sous forme de shuttle, un suisse qui a pédalé depuis son pays qui retourne prestement (en avion) pour mettre son plus bel habit pour un mariage … Mais aussi, c’est l’occasion de s’entraider pour réparer : avec les chaos des pistes, même les fixations des sacoches Ortlieb arrivent à lacher. J’ai réparé pour un copain qui s’escrimait à scier avec un bout de scie à métaux de 10 cm en remplaçant les rivets défaillants par boulons-écrous 6 mm mais avec de la loctite (bleue) que j’avais emportée qui renforce les fixations.

Le billet de retour a été changé à l’agence de Turkish Airways de Dushanbe pour un vol Istanbul à 3h le samedi 9 septembre et un deuxième avion pour arriver à Lyon à 18h30 le même jour. 

Bilan Dushanbe – Khorog

C’est le tracé préalable à la montée sur le plateau du Pamir. Itinéraire d’environ 600 km dont 500 km de piste.

D’après ce qu’on peut lire dans les récits, ce tracé serait un prélude de quelques jours pour le plateau du Pamir par la route du Nord avec passage du col de Kaburabot ou de Tavildara à 3250 m..Le bilan du parcours que j’ai réalisé est une mise à jour des conditions et de l’intérêt de cet itinéraire.

Ce que mon parcours m'a enseigné :

- Le permis spécial GBAO pour aller dans le Pamir peut être demandé avec le visa électronique (e-visa) : je l’avais obtenu en 2021. Pour 2023, le visa avec GBAO selon la même procédure m’a été refusé deux fois sans possibilité de remboursement avec impossibilité de connaître le motif du refus « We do inform you, that in accordance with the Governmental law, the reason for the cancellation/rejection of the visa request is not explained » (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. 7 juin 2023). Etant français, on est néanmoins dispensé de visa si le séjour est au plus de 30 jours. Le permis spécial GBAO a été obtenu à Dushanbe à l’OVIR en une journée.

- Je tiens à souligner le très bon accueil de deux classiques pour les cyclotouristes : le Green House Hostel à Dushanbe et le Pamir Lodge à Khorog.

- Un très gros point noir : les 250 km de piste entre Kalaikum et Khorog sont émaillés de travaux titanesques réalisés avec les Chinois pour, à terme, transformer la M41 (piste actuelle) en très large route. Ces travaux transforment la piste en un gigantesque toboggan de trous, de bosses, de poussières du fait des travaux de terrassement et de minage, et du fait des nombreux passages de camions venant notamment de Chine. Dans les conditions actuelles, le parcours à vélo transforme le voyage pour cette partie de Kalaikum à Khorog en un défi « sportif » sans grand intérêt.

- Avec une charge un peu lourde (de l’ordre de 50 kg), j’ai mis plus de temps que prévu avec la chaleur, la pente, l’état de la piste. Deux étapes majeures sont très belles : de Tavildara à Kalaikum avec campement à Safedoron et passage du col à 3250 m. A souligner le passage dans les premières gorges très resserrées après Tavildara où j’ai eu très mauvais temps avec tonnerre et pluies transformant la piste en un torrent boueux et argileux.

- La montée au col aux alentours de 3000 mètres a réveillé quelques symptomes (respiration difficile, équilibre …)  liés à l’oedème pulmonaire que j’avais eu au Pakistan. C’est le motif majeur qui m’a fait écourter le périple que j’avais envisagé, redoutant des effets négatifs plus graves lors de la montée à plus de 4000 mètres sur le plateau du Pamir.

Au total, en l’état actuel de la portion Kalaikum - Khorog (250 km), la partie Dushanbe – Khorog ne présente d’intérêt que de Tavildara à Kalaikum (82 km).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cappadoce 2023

   La Cappadoce est une région volcanique de l'Anatolie centrale dont les cendres durcies ont constitué le tuf, une formation friable qui, du fait de l'érosion et de la présence de blocs rocheux erratiques, a fait naître les cheminées de fées, et a permis le creusement de nombreux habitats troglodytiques, lieux de refuge au cours de l'Histoire notamment lors des persécutions chrétiennes aux premiers siècles de notre ère.

   C'est aujourd'hui un haut lieu du tourisme mondial avec notamment la pratique journalière très prisée de vols en montgolfières. La balade que j'envisage est, dans une première phase, une combinaison vélo, randonnées pédestres dans les vallées les plus spectaculaires (Ihlara, Amour, Blanche, Pigeons, Rose, Rouge), et si possible vol en montgolfière (Gorème), et dans une deuxième phase un parcours vélo par le Sud avec deux bosses au-dessus de 2000 mètres.

    L'itinéraire réalisé a été modifié pour tenir compte de la neige. Je suis passé plus au Sud de Nigde. Je mets ci-dessous la carte de l'itinéraire prévu et, dessous, la carte de l'itinéraire réalisé avec les points GPS de la balise satellite Garmin Inreach mini :

Garmin inReach Mini Orange [0]

 (Points GPS de la balise satellite Garmin Inreach mini) 

Lundi 17 avril 2023 - Préambule avec toujours quelques surprises …

Après quelques jours passés chez mes enfants, départ aujourd’hui pour la Cappadoce. Mon fils Thomas fait le chauffeur avisé dans les embouteillages de la rocade de Toulouse. Arrivée tip top après quelques ruses pour ne pas trop ramer dans les flots de véhicules. Le vélo est impeccablement emballé dans un carton Orbea. L’enregistrement est fait rapidement après moultes vérifications du poids, du paiement, de la destination. Le passage à la sécurité reste sous la grande vigilance des agents de sureté. La patrouille militaire scrute les moindres recoins. Ma sacoche cabine a été inspectée deux fois peut-être du fait du nombre d’instruments électroniques qui s’y trouvent : phare avant, compteurs, tablette ordinateur, batterie tampon, chargeur, capteur solaire, appareil de photos, balise satellite … Toute la panoplie du parfait électro-cycliste !

Le premier avion pour Istanbul est plein comme un oeuf (de Pâques !) avec entre autres quatre moines boudhistes. Vol sans encombre. A l’arrivée, il ne faut pas se tromper d’embranchements car la Cappadoce est en Turquie et donc il convient de prendre la filière vols domestiques. Bien sûr, je me trompe. La préposée au tampon sur le passeport me prend en photo, appose le césame qui permet d’entrer en Turquie mais … me refoule en voyant que je prends l’avion pour Konya. Je détricote les multples aller-retour qui me remettent dans le grand hall et file vers la bonne sortie. Où est le vélo ? … 

Des tapis roulants sans fin … Devant moi une fillette se coince le pied à la sortie du tapis. Pas moyen de se décoincer ! Heureusement ce n’est que le lacet défait qui la rend prisonnière. Un coup sec de ma part et le lacet se coupe. Libérée … mais pourquoi donc ces longs lacets non noués ? …

Les vols domestiques partent de l’ancienne aérogare. Hall 7B. L’avion est annoncé mais … d’abord avec 20 minutes de retard puis 40 minutes … L’airbus A320-200 finit par se pointer. Je piste les bagages mais rien pas de chariot visible. Je me fais à l’idée que le vélo ne sera pas à Konya aujourd’hui. Au bout d’une heure l’embarquement commence. Une vieille dame marche en brinquebalant ses jambes lentement. Derrière, les hommes renaclent un peu trouvant qu’elle fait bouchon. Je leur bloque le passage dans le toboggan qui mène à l’entrée de l’avion, aide la vieille femme à franchir la marche pour entrer dans la cabine. Etonnants ces comportements que j’avais déjà observés en Asie où la moindre attention et le respect des plus faibles ne semblent pas faire partie de l’élémentaire culture de base de  la vie sociale ! Tumultes dans l’arrière de l’avion plein. Un couple avec un petit enfant est contraint de sortir : sans doute une erreur. Mais la maman fait savoir haut et fort son mécontentement.

Va-t-on finir par décoller ? … Alerte bagages ! Contrôle de tous les bagages cabines ! Arrivé au tiers des bagages de l’avion, l’alerte cesse. Et … l’Airbus finit par prendre la voie des airs. Il fait nuit noire. L’atterrissage à Konya est long. Le tracteur qui emmène les bagages a dans le dernier chariot un énorme carton zébré de collants ! C’est le Mulet ! monté je ne sais comment dans la soute. Yasar, l’hôtelier qui est venu me chercher a une petite fourgonnette alors que bien sûr il m’avait certifié “no problem” … On finit par pouvoir fermer les portes avec le carton sur la tête … 

Mardi 18 avril 2023 - un début d’accoutumance … 

Repos un peu bruyant (la nuit ça … roule plus qu’à … Eysus) mais réparateur des tensions de la veille (vélo arrivé ou pas arrivé, avion toujours pas là une heure après l’heure affichée, passagers en surnombre, double contrôle des bagages cabine sans motif annoncé alors qu'on avait déjà plus d'une heure de retard… Petit-déjeuner à la turque (un peu sommaire et … sans tartines grillées ni jus de fruit). Bon, c’est le ramadan. 

Ce matin, un peu de boulot pour … remonter et vérifier le vélo, trouver une station d’essence pour faire le plein du réservoir du réchaud, gonfler les pneus à 3,5 bars (avec la pompe à main, on n’arrive pas à cette pression pourtant nécessaire en raison du chargement), acheter quelques provisions de route (bananes, pommes, biscuits, fromage, coca-cola 1,5 litres - seul volume adapté à mon porte-bidon, eau minérale pour potage et café du matin, repérer la sortie de Konya pour demain matin (qui est une ville relativement importante avec pas mal de routes à quatre voies qui se croisent et qui a un réseau tram-train), acheter une carte sim du pays afin de pouvoir, sans accès au wifi, trouver du réseau pour à la fois communiquer par téléphone et sms  Watsapp, mettre mes textes journaliers sur le site, me repérer avec les applications cartographiques Maps.Me, Google Earth, Google Maps, et … trouver un moyen de manger un peu en attendant le repas du soir à l’hôtel Domesan. Et … changer de l’argent !

La succession des opérations s’est déroulée sans difficulté comme si la Turquie voulait m’apprivoiser un peu. Ce qui a retenu mon attention : un réseau routier urbain très développé mais avec des quatre voies sans beaucoup d’entretien sur les autres voies secondaires, sur les trottoirs (beaucoup de trous et de bosses piégeuses), détritus pas mal éparpillés, des tram-trains qui circulent fréquemment avec même une rame rouge sang, sans vitres, spécialement dédiée aux … bicyclettes (photo à venir), un gros ensemble commercial qui est le repère pour tout acheter (trouver une carte sim locale … mais bien sûr on trouve ça à Kent Plaza !). J’ai trouvé un magasin qui vendait des morceaux de quiche fourrés aux … pâtes (excellent pour caler le cycliste !) et un double café filtre qui a fait du bien.

*

Le muezzin a chanté une fois vers 16h30. 

Journée de première adaptation pas passionnante mais nécessaire pour découvrir au mieux la Cappadoce qui, selon les personnes que j’ai déjà rencontrées, se trouve plus à l’Est. Alors, demain cap à l’Est. Le Mulet s'impatiente …

Mercredi 19 avril 2023 - Sultanhani cité du vent ?

Les petits yeux se sont ouverts tôt ce matin grand jour de départ avec le Mulet harnaché de tout le confort pour voyager. Les sacoches sont raisonnablement pleines de l’essentiel. Petit-déjeuner un peu avant 7h. Départ casqué, balisé, un quart d’heure après. Je pensais que dès la sortie de Konya, la circulation se ferait sur une route à deux voies. Que nenni, ce fut des quatre voies durant la centaine de kilomètres qui m’ont fait rejoindre Sultanhani où j’avais identifié un camping dans le centre. 

Malgré la précaution d’hier (où j’avais repéré la sortie de la ville), j’ai poursuivi une quatre voie après l’aéroport. Demi-tour au plus court donc en remontant à l’envers sur le bas-côté et en traversant par la bande de terre-plein central pour la “bonne” quatre voies. Tout le long, une belle voie de dégagement (en fait une bande latérale d’urgence) m’a permis de circuler tranquillement avec cependant pas mal de graviers et de pièces métalliques, de pneus éclatés, deux chiens écrasés mais … pas de trous. 

Tout le long, c’est … la négation du paysage ! Ce sont des immensités de terrains plus ou moins délaissés sans bosquets, sans haies (sauf une petite parcelle où l’on a planté des petits sapins enfermés à l’intérieur d’une clôture), avec de temps en temps des immensités bétonnés, sans village traversé. Trois troupeaux de brebis, de nombreux systèmes d’irrigation avec des cracheurs incitent à penser que l’on y fait des grandes cultures de céréales. Vision à l’infini de part et d’autre de l’axe routier. Le vent tourbillonnant m’a accompagné mais est devenu très mordant jusqu’à renverser le vélo (lors d'un arrêt). Des rafales qui m’ont fait penser à la région la plus terrible pour les rafales … la Patagonie. Du vent donc pas de pluie. 

Je suis accueilli par Mustapha au Camping Kervansaray qui me propose repas ce soir et petit-déjeuner avec des heures compatibles avec le ramadan. Sultanhani est assez visité par les touristes du fait de l'existence d’un caravansérail très ancien (XIIIe siècle) qui fut, d’après l’information lue, le plus grand de la Turquie. L’ensemble a été "restauré", se visite pour parcourir des suites de pièces vides où l’on a installé des radiateurs (?) de chauffage, avec une immense salle profonde constituée de cinq travées délimitées par quatre lignes de piliers de pierre où sont accrochés des tapisseries originales.

Konya - Sultanhani 106 km 10°C - 27°C avec localement 31°C   +281 m   -340 m  

Jeudi 20 avril 2023 - Ihlara et sa vallée : la Cappadoce commence !

Cette nuit sous la tente a été un peu bruyante en raison du volume sonore donné au muezzin mais aussi aux aboiements des chiens. J’en avais un qui m’a gardé toute la nuit couché à la porte de la tente ! Mustafa, le papa gérant du camping, était très content de m’avoir préparé un dîner maison hier soir et surtout de voir le cycliste français équipé de la sorte. Nous parlions un anglo-français … efficace pour se comprendre.

La fraîcheur matinale était encore là (5°C) tout comme ma grande solitude sur la quatre voies où je n’ai jamais rencontré un bipède pédalant. Confirmation aujourd’hui encore d’une exploitation agricole très intensive et irriguée avec des ensembles jumelés d’énormes silos à grains.

Mais … attention à ne pas faire trop confiance aux panneaux de circulation. Je suis allé trop loin pour prendre le bon embranchement à Aksaray. Les panneaux sont conçus pour favoriser certains itinéraires afin d’éviter des engorgements. J’ai fait non pas tant de kilomètres en plus que des montées musclées suivies d’autant de descentes pour rejoindre la route qui mène au village d’Ihlara, lieu de départ/arrivée de la vallée du même nom.

L’arrivée par la route à Ihlara se fait par des côtes longues et pentues qui obligent à rouler petit petit. Je ne me suis pas méfié mais le soleil combiné au vent m’a bien mordu les cuisses et les bras.

Enfin, dans les quarante derniers kilomètres j’ai commencé à voir un vrai paysage avec quelques petits villages, des paysans avec de petits champs, et … les lointaines montagnes enneigées du volcan Hasan (3253 m).

Akar, petit hôtel simple, sera mon gîte pour les deux nuits qui viennent. Car demain le vélo se repose : je fais la descente/remontée de la renommée vallée d’Ihlara. Ca y est, j’ai gagné la Cappadoce.

Sultanhani - Ihlara   91 km   5°C - 21°C   +685 m   -321 m

Vendredi 21 avril 2023 - Ihlara, vallée refuge …

Aujourd’hui journée à pied. La vallée d’Ihlara est une originalité renommée pour le tourisme en Turquie. Comme toute la région de Cappadoce elle fut le lieu de refuge des premiers chrétiens persécutés qui explique les constructions souterraines dont des villages entiers avec plusieurs niveaux de communication. Toutefois, la vallée d’Ihlara est encore une originalité naturelle avec un profil de canyon défendu par de puissantes falaises. Au creux de la vallée coule le tumultueux torrent Melendiz. C’est du village Ihlara en amont que je suis parti. Accéder au départ est un petit jeu de piste. Aujourd’hui, c'est vendredi, donc tout est fermé, et c'est la fin du ramadan. Le guichet d’entrée où il faut acheter un ticket est sans âme qui vive. Je descends rejoindre le bord du torrent assez impétueux pour suivre un large cheminement qui bientôt croise les premiers “trous” dans les falaises lisses ocres, les refuges troglodytes. Le cheminement se fait facilement jusqu’à plusieurs croisements où des panonceaux indiquent les divers lieux de prières que l’on peut approcher et, pour certains d’entre eux, pénétrer. Dans tous les cas, il faut gravir des escaliers en bois assez raides mais qui sécurisent bien le parcours. Arrivé à l’entrée un panneau explique ce que les historiens ont compris et de la construction par creusement et de l’utilisation qui en fut faite. Ces “églises” ont des peintures sur les parois et sur les voûtes qui ont été très abimées par le temps et/ou par les hommes. J’ai pu grimper voir Egritas Kilisesi, Kokar Kilisesi, Dark Castel Kilisesi, Jacinth Kilisesi, Snake Kilisesi, Karagedik Kilisesi, Kirdamalti Kilisesi, Direkli Kilisesi, Purenli Kilisesi. On imagine mal l’énorme travail de creusement de ces lieux de vie qui devinrent pour certains des nécropoles dont on voit encore les vasque creusées d’inhumation qui contenaient les corps (photos …).

La descente depuis Ihlara, je l’ai faite principalement par la rive droite du torrent Melendiz de façon à revenir par sa rive gauche après être arrivé au village de Belisirma. Que c’est agréable d’entendre le bruit permanent du torrent, les nouveaux chants d’oiseaux auxquels je n’étais pas habitué, de voir de grosses grenouilles s’appeler et se répondre, de surprendre un carabe au bleu étincelant que mon ami Claude m’aidera à identifier (Procerus scabrosus).

La remontée de la vallée par la rive gauche du torrent Melendiz débute au village de Belisirma par un gigantesque capharnaüm de marchands d’oranges pressés, de souvenirs de pacotille, un énorme parking pour véhicules dont les petits bus qui font la navette entre Ihlara et Belisirma.  A la différence de la rive droite, l’affluence devient parfois difficile à supporter toujours pour des questions de politesse : dans les passages étroits on laisse passer en général mais c’est sans jamais un mot de remerciement. Cependant, peu de monde au regard de ce qu’on peut lire sur internet.

Très belle journée, très originale. La vallée d’Ihlara vaut vraiment la visite : pèlerinage pour certains, témoignages de survie, nécropole, monastère … dans une Nature profonde, vivante, encore préservée.

Samedi 22 avril 2023 - Uchisar, entrée au coeur de la Cappadoce

Sympa le patron de l’hôtel Akar à Ihlara. Il a besoin d’un peu de pub sur Booking.com. Petit-déjeuner très rapide et très sommaire. Départ pour une étape qui me préoccupe en raison des côtes à gravir. Mais d’abord une descente à pente énorme … si les câbles lâchent … puis une remontée symétrique et très longue qui m’a fait poser le pied à terre pour terminer cette portion horrible de la sortie d’Ihlara vers l’Est. Après, un semblant de bonheur pour le cycliste : une route à deux voies sans quasiment de véhicules qui traverse la campagne et coupe par en-dessous les routes à deux fois deux voies. Le paysage n’est plus du tout passionnant à regarder car on retrouve les gigantesques étendues céréalières. Une douceur tout de même à l’horizon avec des montagnes dont les pentes sommitales sont encore enneigées. L’itinéraire est encore aujourd’hui en “montagnes russes”. Le temps est bon pas trop froid pas trop chaud avec une température autour de 15°C. Cette première moitié d’une quarantaine de kilomètres, par le silence et l’immensité traversée, reste un bon souvenir mais sans troupeau, sans paysan, sans forêt.

La deuxième moitié de même longueur se déroule sur la grande et longue quatre voies que j’ai empruntée depuis Konya. Changement de décor. Le ramadan est fini les touristes se précipitent les camions et les cars hurlent aux oreilles du cycliste esseulé qui, tant bien que mal, avance avec mille précautions tant les flux de circulation sont imposants. Quelques arrêts forcés pour grignoter et boire un coup m’ont permis de soulager un peu mon séant qui commence à se manifester et qui oblige à de fréquents changements de position sur la selle. 

Enfin, arrive Uchisar, petit village tranquille - d’après les commentateurs d’internet - mais qui me pose dans un autre monde. Des foules de touristes comme chez nous pour le 14 juillet ou le 15 août. De superbes voitures, des files indiennes de piétons petites chaussures de ville. Et … je cherche l’hôtel réservé qui n’est pas positionné à la bonne adresse dans Maps.me et dans Google maps. Il faut dire que l’hôtel Philosophia est un presque secret à trouver. Problème, le gérant me dit que ce soir je dors dans un autre hôtel mais que demain je dormirai là. Curieuse réservation … Pour trouver l’autre hôtel, là encore le positionnement Maps.me et Google maps est erroné. Je finis par trouver avec un accueil agréable et une belle chambre avec grand lit. Peut-être le remplacement vaut-il mieux que l’original ? On comparera demain.

Trouver un petit restaurant est facile : tout le centre du “village” en est rempli. Ayant acheté quelques provisions pour la balade de demain, j’ai sans difficulté réservé une table. Mais un monde fou dans ce centre avec une procession descendante qui venait de la Citadelle, haut lieu d’attraction que j’ai prévu de visiter demain après mon tour des vallées des Pigeons et de l’Amour.

Bilan de la journée : une appréhension un peu exagéré sauf pour la pente où j’ai dû mettre pied à terre, un parcours sur une route de campagne somme toute assez agréable mais avec des espaces infinis sans intérêt, une quarantaine de kilomètres bruyants et qui ont nécessité une attention permanente du fait de la densité du trafic, le contentement d’être à Uchisar une royale porte d’entrée au coeur de la Cappadoce.

Ihlara - Uchisar   81 km   8°C - 17°C   +639 m   -628 m    

Dimanche 23 avril 2023 - Somptueuses  …

... vallée des Pigeons, vallée de l’Amour, vallée Blanche ! On est stupéfait lorsque l'on prend en pleine figure les formations rocheuses exceptionnelles - au niveau mondial - que l’on découvre au fur et à mesure de la marche dans le fond de ces vallées. Ce qui est frappant c’est la couleur très claire - du beige au gris au blanc - de ces pans monumentaux de roche lisse, unie et bien sûr de ces gigantesques cheminées de fée construites par l’érosion. Les photos que l’on prend sont toujours originales et magnifiques surtout lorsque l'on a en arrière-plan un ciel bleu éclatant rehaussé de beaux nuages blancs. La marche est facile, longue, tortueuse, sur un sentier tourmenté qui passe parfois en tunnel. On découvre alors au fur et à mesure les pans monolithiques creusés de trous anciens, refuges de persécutés. L’érosion hydrique fut certainement très active car on peut évaluer à plusieurs dizaines de mètres le creusement par l’eau. 

Très peu de randonneurs en contraste avec la foule de touristes bigarrés de la petite ville d’Uchisar. Je suis parti faire la boucle des vallées dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, d’abord la vallée des Pigeons (sans les animaux, peut-être en raison des trous que l’on voit dans la roche ?) qui aboutit à Gorème mais qui se double d’autant de distance à la suite pour accrocher vers l’Ouest les abords de la vallée de l’Amour. Arrivé là, on n’en croit pas ses yeux devant ces formes phalliques qui pointent vers le ciel - ou qui font penser aussi à de gigantesques morilles par les chapeaux triangulaires des édifices. C’est là que l’on voit le manque voire l’incongruité de constructions qui n’ont rien à faire au pied des somptueux édifices rocheux, qui attirent en véhicules tout terrain, motos, quads des personnes qui n’ont probablement pas connu les joies de la marche … A l’évidence, ce doit être un secteur à protéger et donc à concevoir des formes de pratiques de découvertes et de cohérence des aménagements pour la gestion respectueuse des merveilles uniques que l’on approche en évitant tout excès dans les bruits, la pollution, les aménagements. Ce faisant - mais c’est loin d’être le cas - c’est l’Homme qu’on respecte en respectant la Nature. Heureusement les photos sont cadrées pour ne pas voir ce qui ne devrait pas exister. Avec les photos, tout est beau ! …

Le retour à Uchisar est parfois d’un cheminement délicat à trouver dans les ravines, les hautes herbes, les quelques rares arbres et arbustes. Je suis tombé au détour d’une montée raide sur un vendeur d’oranges pressés qui se plaignait d’un manque de touristes … L’arrivée à Uchisar se fait en butant sur la citadelle, une formation rocheuse qui domine la ville, et qui fut au cours de l’histoire également un énorme secteur refuge avec même des fortifications par les nombreuses salles, abris, remises creusés dans le tuf.

S’il a fait beau jusqu’en début d’après midi, le ciel s’est progressivement coloré en gris clair puis quasiment gris anthracite sur une partie. La pluie fine d’abord puis assez violente avec orages grondant et éclairs a conclu la journée. Et … a anéanti le beau projet de survol en montgolfière que j’ai programmé depuis longtemps pour demain lundi. Après une annonce par mail favorable, la consultation des services météorologiques nationaux a fait décider l’annulation des vols pour demain lundi. Alors report au lendemain mardi ? Réponse : les vols du mardi sont “full”, alors pour les vols du mercredi ? … Réponse en attente …

Balade pédestre d’une douzaine de kilomètres montants et descendants à souhait

 

Lundi 24 avril 2023 - Gorème … cité touristique

Quelques kilomètres après Uchisar, on entre dans le coeur de la Cappadoce. Les touristes de toutes nationalités s’y bousculent. La kyrielle de magasins de souvenirs, de restaurants, cafés, d’agences de voyage occupe presque tout l’espace du centre jusqu’à se coller aux superbes cheminées de fée. Gorème est la mecque du tourisme à tout va avec toutes sortes d’engins proposés qui luttent à qui mieux mieux pour faire le plus de bruit possible, les quatre quatre voitures et quads. Mais … il y a aussi des gens plus normaux et soucieux de ne pas trop marquer leur empreinte carbone et détritus et qui sont prévenants, ce qui est remarquable quand il y a foule. Car, arrivé à Gorème, Mulet au cachot, j’ai filé à pied au Musée en plein air à quelques kilomètres. Un monde fou venu en bus, en voiture, très peu à pied, faisait la queue pour acheter le billet d’entrée. En fait, c’est un musée qui nous fait nous déplacer d’église en église, l’ensemble étant très regroupé avec le point commun d’être enchassées dans ces étonnantes sculptures de tuf. Il reste sur les parois et les voutes des peintures retraçant la vie du Christ mais très abimées particulièrement aux visages. On y trouve, d’après l’information donnée, la plus ancienne église troglodyte du IXème siècle dont les très belles peintures sont l’objet de restauration. Les photos sont interdites. Je n’en mettrai que deux sur le site.

Alors, volera ? volera pas ? Le vol en montgolfière était prévu aujourd’hui. Du fait du très gros orage d’hier le vol a été annulé avec impossibilité de reporter à demain ou à après demain, les vols étant complets. Très décu. Mais ce matin au réveil j’en parle au gérant de l’hôtel Philosophia qui me dit peut-être trouver une solution. Après quelques coups de fil sans résultat, il a fini par trouver un vol possible pour demain mardi 25 avril. Inscription faite sans délai. Mais il fallait attendre d’abord confirmation de ma réservation, ensuite feu vert météo car ce matin encore des nuages et de la petite pluie. Le résultat final est arrivé à 16h30 : “Universal Istanbul, 04.15 pick up time”. Le réveil va sonner de très bonne heure ! Je reste encore un peu  sceptique car l’endroit où le petit bus doit venir me prendre est pentue, défoncé par les pluies diluviennes d’hier. Mais apparemment le gérant de Cococave (là où je crèche dans une chambre troglodyte !) n’est pas inquiet pour le bus.

 

Mardi 25 avril 2023 - Cappadoce vue du ciel

Journée mémorable. Après bien des douches froides (partira partira pas …), j’ai pu avoir une (toute) petite place dans le panier d’une montgolfière. Le temps, après une série d’orages sonores, lumineux, violents mais courts qui ont provoqué des rigoles énormes dans les rues montantes de Gorème, s’est enfin mis au  beau hier dans l’après-midi. Message magique reçu “Universal Istanbul 4h15 pick up time be ready at reception”.

A l’heure indiquée, le petit bus me prenait. Le chauffeur fit petit à petit le plein des candidats au baptême en montgolfière. Gorème encore endormi devint brutalement en proie à une circulation intense de petits cars Mercedes et Volkswagen, tous avec le même objectif : cueillir les chanceux qui ont pu avoir une place dans une nacelle d’une des nombreuses compagnies de montgolfières. Nous fûmes les premiers arrivés. Nuit noire, personne sur l’aire immense de décollage, pas un ballon en place. Devant, sur la route défilaient les quatre quatre avec l’énorme remorque portant les ballons avec toute la machinerie pour souffler et chauffer l’air devant être engouffré dans l’énorme toile pour la gonfler. Coup de téléphone … On n’était pas au bon endroit. Démarrage un peu brutal du chauffeur pour rejoindre le bon endroit où l’énorme ballon n’est encore qu’une misérable bâche étalée au sol. Les ventilateurs entrent en action. Petit à petit les bosses se multiplient, la poire prend du volume. Arrive le moment où la nacelle couchée sur le flanc lève le nez. Le ballon est désormais retenue par trois ou quatre hommes. On nous dit de monter vite pour faire du poids. 26 personnes dont quelques bipèdes à très fort gabarit. Comment cela peut-il décoller ? Un grand bruit et une puissante explosion : le réacteur vomit la chaleur qui dilatera l’air emprisonné. Quelques coups de lance-flamme et … la nacelle sans bruit se met en lévitation puis assez rapidement prend de la hauteur. Pas un bruit dans la nacelle ! Tout le monde est muet, impressionné par cette apparente facilité de décollage. Le pilote actionne de temps à autre la manette qui remet le chalumeau en route pour prendre plus d’altitude. Les autres montgolfières nous accompagnent sans rien dire. Elles ne peuvent que nous suivre car le vent est presque nul. Néanmoins en prenant de l’altitude Eole a l’air de se réveiller ce qui nous embarque au-dessus des cheminées de fée notamment vers les vallées rouges et roses à l’Est de Gorème. Le soleil pointe son nez à l’horizon. Les ballons prennent des couleurs avec l’éclairage qui augmente. Le ballet est émouvant, les ballons franchissent des crêtes presque à toucher le sol au passage - mais juste avant un petit coup de chalumeau pour rehausser le ballon. Tous les ballons sont étagés de 1300 à au moins 2500 mètres. Plusieurs dizaines font ainsi cette superbe danse au Soleil. A vrai dire, je ne suis pas très rassuré car aucun parachute, une toile au-dessus de nous qui, à plat, a l’air toute frêle et fragile, un panier en bois avec juste quelques poignets en osier qu’il nous est recommandé de tenir, un truc qu’on tire vers le bas qui ouvre le gaz qui s’enflamme … bé le sol est bien loin et bien bas ! Au bout d’une bonne heure de cette danse aérienne sans crier gare on finit par voir que nous sommes en phase descente depuis probablement un bon moment. On a tous les yeux rivés sur l’exceptionnel paysage qu’il nous est donné de contempler. Et … le quatre quatre est en vue, la remorque attelée. Le pilote arrive tout doucement à placer puis poser la nacelle … sur la remorque ! De suite des aides arrivent pour tenir les longerons afin de stabiliser la montgolfière qui presque à regret petit à petit souffle l’air emprisonné jusque là, pour finir par se coucher sur le flanc. La magie est finie !

De retour à l’hôtel, petit-déjeuner - il n’est que 8h30. Puis je file à pied faire une boucle “vallée rouge, vallée rose”, une dizaine de kilomètres en montées descentes sur des cheminements pas mal paumatoires car sans quasiment aucun panonceau indiquant lieu et direction. Le petit outil Maps.me m’a permis de ne me perdre que de quelques dizaines de mètres. Quelques passages en tunnels naturels, grimpettes gravillonneuses, descentes itou, mais dans une belle nature “presque” sauvage mais aucun aménagement choquant comme notamment à la vallée de l’Amour. Je n’ai rencontré encore là que sept ou huit personnes dont - mais elles n’ont pas dû aller bien loin - quelques-unes étaient totalement endimanchées avec petites chaussures vernies. Le soleil a été de la partie. Il semblait même très en forme. Dans la partie la plus basse et la plus proche du réseau routier, bruit … des quads qui, à la queue leu-leu, pétaradaient en roulant n’importe où, mais aussi cavaliers qui suivaient sagement le sentier. On “revient à la ville” ! … 

Merveilleuse journée. Les photos montreront je pense que cette Cappadoce reste un haut-lieu de la Nature mais aussi, par l'importance des vestiges troglodytiques stigmates de persécutions passées, est aussi un haut lieu de Mémoire.

A l'heure où je termine la rédaction de ce jour, le tonnerre se remet à gronder ...

 

 

 

Mercredi 26 avril 2023 - Zelve, Urgüp, Mustafapasa

Après la magnifique journée d’hier avec le vol en montgolfière et la balade à pied dans les vallées rouge et rose, je sens que le programme que je m’étais fixé est pour l’essentiel accompli. La Cappadoce n’est pas encore tout à fait visitée. Ce matin je reprends le vélo pour parcourir la zone plus au Nord et à l’Est : je laisse le capharnaüm du centre de Gorème pour filer vers Cavusin puis arrêt à Zelve qui a aussi un musée en plein air. Ticket office : on scanne et la porte s’ouvre. Le circuit se trouve dans un cirque rocheux très creusé avec des communications intérieures en étages et, bien sûr, des fenêtres dans les parois qui donnent sur l’extérieur. Il y a eu semble-t-il un monastère qui, si l’on en croit la hauteur des étages d’ouvertures dans le rocher, a dû recevoir de nombreux moines. Curiosité : une petite mosquée a été creusée avec un bâti supplémentaire en pierre : c’est l’indication donnée par les rares informations données. Plus loin, après quelques côtes qui font souffler, on atteint Urgüp qui, par l’étendue de ses constructions récentes, est un village très actif et laborieux moins seulement centré sur le tourisme comme le peut être Gorème. Tout au long de la route, au moins depuis Cavusin, on voit toujours les mêmes énormes massifs de tuf avec les cheminées de fée et les effets de l’érosion par l’eau. Encore plus au Sud, on atteint Mustafapasa dont le centre est très marqué par les incidences du tourisme et d’un mélange de tradition musulmane et d’influence de modernité notamment chez les jeunes, occidentalisées fortement dans les tenues et l’apparence.

Aujourd’hui donc reprise du vélo avec un peu la tête à l’envers qui me remémore ce que j’ai vécu de plus beau jusqu’à présent : le baptême de l’air en montgolfière, les très beaux parcours paysagers des vallées de l’Amour, Blanche, des Pigeons, Rouge, Rose, Ilhara. Demain direction plein Sud, étape un peu redoutée en raison du vent de face dont j'ai eu pas mal de rafales aujourd'hui, de l'étendue du kilométrage et de la dénivellation positive, et de l'état de fraicheur ... du bonhomme !

Gorème - Mustafapasa   26 km   10°C - 21°C   +385 m   -352 m

 

Jeudi 27 avril 2023 - Nigde, mais journée sévère

Sachant l’étape probablement longue, vu la météo, je suis parti de Mustafapasa  plus tôt que d’habitude. On devait me mettre un petit-déjeuner la veille dans ma chambre. Que nenni ! … J’ai croqué une banane et je suis parti vers 6h30. La sortie de Mustafapasa annonçait la couleur avec des pentes à plus de 10%. Mais pas de pluie. Je suis une petite route pour monter à Derinkuyu, route de campagne, accompagné par deux chiens qui me suivent en me regardant de temps en temps - je ne devais pas aller assez vite. Premières gouttes. Je fais le gros dos mais je me décide à m’équiper un peu plus : poncho et surchaussures pour éviter de me mouiller les pieds. Bien m’en a pris car les nuages gris-noirs du Sud m’ont arrosé sans ménagement. En plus, le vent s’est mis de la partie mais évidemment dans le mauvais sens. La grosse dénivellation étant montée, je file vers Derinkuyu la cité connue pour la ville souterraine. Aujourd’hui, pas de visite, j’ai trop de kilomètres à faire sous cette pluie battante avec vent contraire. Une ligne droite infinie s’ensuit. J’ai le nez dans le capuchon qui protège pas mal de la pluie mais ... pas du vent. Mon poncho gonfle, j’avance doucement. Une station-service sans personne, je dégage de la route pour m’abriter un peu et avaler un peu de fromage, une banane, des biscuits. Voilà que sort du bâtiment un homme âgé qui m’invite à rentrer pour me réchauffer. Depuis ce matin la température est restée très stable à +3°C : gants doublés de moufles. Un beau poële m’attendait. Le pompiste me met une chaise tout contre. Sympa l’accueil ! J’apprends qu’il n’a que 66 ans le vieux monsieur. 

Je repars, ragaillardi mais toujours dans les mêmes conditions : pluie, vent, froid, grande ligne droite. Je baisse la tête pour me protéger un maximum. Bifurcation entre deux quatre voies pour atteindre Nidge. L’option Maps.me est pour celle de droite. Obéissant, j’emprunte celle de droite. Une camionnette orange me dépasse, met les feux clignotants et se gare devant moi. Je me doute bien de la suite car, si je suis sur le bas-côté je suis bel et bien sur une très belle autoroute. Trois hommes à la couleur orange me montrent que c’est interdit aux vélos en me mettant un panneau sous le nez. Je leur réponds - et c’est vrai - qu’il n’y avait pas ce panneau à l’embranchement. Ils reconnaissent que c’est vrai, me demandent où je vais, et finissent par me souhaiter bonne route. Arrivé à la périphérie de Nidge - toujours encapuchonné - je prends la sortie et tombe sur le péage. Je me suis rappelé de l’astuce au Chili : pour éviter d’alerter il faut passer par le trottoir extérieur aux barrières. Gagné ! Pas d’alerte. Je file alors vers le centre-ville avec encore 12 km. Nigde est une ville importante. Ca grouille de monde. J’y suis arrivé ! J’avais des doutes ce matin quand j’ai vu le temps. Camper dans ces conditions ? J’ai renoncé. Un hôtel chauffé bien confortable m’a accuelli. Dure journée !

Mustafapasa - Nigde   97 km   3°C - 15°C   +697 m   -601 m

Vendredi 28 avril 2023 - Nigde Temps … repos !

Hier soir le tonnerre a encore grondé, et la pluie a continué. Bilan météo pour les trois jours à venir … faut éviter de regarder les prévisions. A chaque jour sa surprise ! Il a fallu prendre une décision : neige prévue à 2000 mètres et j’avais deux jours avec pédalage au-dessus de cette altitude, donc je dois modifier mon itinéraire pour arriver à temps pour le retour. Total : je file un peu plus au Sud où les altitudes sont sans neige.

Après calculs savants, j’ai un jour de surplus. Vu la situation, je reste un jour de plus à Nidge pour reprendre un peu de force et lessiver un peu.

Ca fait du bien de pouvoir lézarder - sauf que le soleil est aux abonnés absents - bien au chaud en regardant par la fenêtre les gouttes cogner les vitres et voir que le plafond nuageux est si bas qu’on ne voit que les toits des premières rangées de maisons. J’en profite pour faire le point du matériel, de la nourriture. 

Dans l’après-midi, je suis allé voir le musée archéologique de la ville qui expose pointes de flèches et de lances en obsidienne, toutes sortes de poteries, de bijoux, quelques momies, des sculptures animales (en pierre), toutes sortes de lames, dagues, lances, de très anciennes fenêtres et portes en bois sculpté, des tapisseries. Les plus anciennes pièces exposées datent de l’époque des Hittites (deuxième millénaire avant Jésus-Christ).

Une journée de repos qui fait du bien, avec une gâterie parfaite pour le cycliste : quelques baklavas …

Samedi 29 avril 2023 - De l’appréhension mais c’est passé …

La météo annonçait pour aujourd’hui dans la zone de Nidge où je suis : pluie, vent et neige à toutes les heures … Inutile de dire l’appréhension que j’avais de partir ce matin m’imaginant déjà bloqué par la neige, alors que j’ai tout calculé pour prendre l’avion de retour jeudi prochain. 

Diner musclé hier soir (2 pizzas) avec baklavas pour le goûter. Faut préparer la rude étape ! Réveil ce matin très tôt pour regarder la rue : non pas de neige … encore. Alors, vite préparé, j'harnache le vélo aux aurores et monte voir à tout hasard si un bout de petit-déjeuner est possible (il est 6h30). Je trouve un peu de yaourt, de la confiture, du café chaud. 

Je suis habillé pour presque tout supporter : multicouche mais jambes nues, tour du cou, casquette, poncho tenu par le casque, surchaussures. J’avais repéré hier le dédale des rues à parcourir pour sortir de Nidge. La balise satellite met beaucoup de temps à définir la position géographique. La pluie n’est pas trop forte. Je file, traverse la voie ferrée et finis par trouver une quatre voies qui deviendra une belle deux voies puis à nouveau deux fois deux voies pour buter sur … une autoroute, la seule possibilité donnée par mes deux sites cartographiques habituels. J’y vais … et finis par faire une vingtaine de kilomètres en rasant l’extérieur du bas-côté (mais au fond, en toute rationalité même si c'est interdit, c’est pas mal l’autoroute pour les vélos car la bande d’arrêt d’urgence est très large, la chaussée présente moins de pente en général que les voies ordinaires). Sortie pour prendre la direction d’Eregli mon point de destination aujourd'hui. Et c’est là que ça s’est compliqué car la seule solution est à nouveau l’autoroute et il me reste 35 kilomètres à faire ! Craignant de me faire repérer et ne voulant pas terminer ce séjour en “cabane” (!) je trouve un poste de police. J’y vais ? J’y vais pas ?  Au même moment une voiture banalisée arrive avec deux personnes habillées de pied en cap comme des … policiers. Je n’ai pas le choix. Anticipons les dégâts et c’est moi qui leur fais signe. Je leur dis que pour aller à Eregi je ne trouve pas le chemin. Ils m’invitent à entrer au Poste. Et me disent que la seule voie est … l’autoroute. Vélo interdit ! leur dis-je. Oui mais l’autoroute se termine dans deux kilomètres, à la suite c’est une simple deux fois deux voies. J’insiste un peu pour leur dire que je n’ai pas le droit de passer en vélo par l’autoroute. Les policiers se regardent et me disent  d’y aller quand même car … ça se termine l’interdiction deux kilomètres après l’entrée. Et ils m’invitent à prendre le thé. Bon, à la réflexion, d’abord ces policiers sont très sympas (ils ne m’ont pas demandé par où j’étais arrivé …), ensuite l’application de la réglementation est soumise à une certaine interprétation. Et de me souhaiter bonne route, Eregli étant à 35 kilomètres, et Konya à 180 kilomètres. Inespérée quand même cette situation.

Je précise que la météo ne s’est pas tout à fait trompée : la pluie a sévi  sur tout le trajet mais sans très grosses averses, le vent du Sud-Ouest (pile la direction que je prenais) a bien était présent, et … la neige est tout de même tombée à petits flocons dans la montée d’un petit col entre 1300 et 1490 m - altitude du col.

Mais que c’est bon de trouver une chambre chaude ! La température est très longtemps restée à 0°C avec un maximum à 5°C.

Nigde - Eregli   95 km   0°C - 5°C   +601 m   -784 m

Dimanche 30 avril 2023 - Karapinar et son … volcan

Difficile de partir d’un hôtel luxueux, bien chauffé, au petit-déjeuner exceptionnel … Le temps est toujours un peu frais mais, bon, pas de pluie. Je roule un peu en automate sur la deux fois deux voies qui dans deux jours me conduira à Konya. Eviter les trous et les divers matériaux encombrant la chaussée, ne pas trop regarder les abords jonchés de déchets plastiques et de gros pneus de camions éclatés … Tout ça encombre l’esprit. Pas terrible. Cette route est quasiment rectiligne mais c’est la seule possible pour joindre Karapinar. Beaucoup de camions, une bande de dégagement très large me rassure. 

C’est toujours encore le plat pays sans arbre aux champs sans limite. Pas bien intéressant. Sauf … deux troupeaux d’une centaine de brebis avec le berger qui contient ses ouailles pour éviter qu’elles aillent sur la route. Sauf … avant d’arriver à Karapinar un monument de la Nature tout à fait original : le double cratère volcanique du volcan Meke Maar qui contient un lac en corolle autour du second cratère, postérieur, centré dans le premier. Ce lac formé par l'explosion pyroclastique du cratère central, est aujourd'hui - récemment - beaucoup moins volumineux si l’on compare les photos des années passées. La structure en corolle du lac autour du cratère central semble particulièrement rare. Si ce site est reconnu au plan international (classé Ramsar), il ne paraît sur le terrain aucune disposition particulière pour gérer les visites : Ainsi on peut aller partout avec les voitures et autres engins motorisés. A noter que j’y ai vu un gros vol tourbillonnant de cigognes blanches. 

Karapinar est atteint après un peu moins de dix kilomètres du volcan. A la différence de la veille, je suis tombé dans une pension vraiment très très rustique, l’exact opposé d’Eregli. Très bas prix certes mais dortoir, salle d’eau à éviter, petit-déjeuner annoncé mais supprimé … J’arpente les rues pour essayer de trouver à manger. Je suis arrivé à faire accepter des pâtes à la bolognaise qui furent très bonnes bien qu’un peu trop pimentées. Mais alors que j’attendais tout content la belle assiette gonflée jusqu’à déborder, cinq jeunes gaillards d’une vingtaine d’années habillés et coiffés tous pareils me demandent de s’asseoir en rang d’oignons devant moi. Ils étaient intrigués et m’ont demandé si j’avais aimé la Turquie, quel âge j’avais, d’où je venais … questions classiques. Lorsque je leur ai dit que j’avais gravi le Mont Ararat, ils se sont levés et sont partis … et mes spaghettis sont arrivés payés avec un rabais conséquent du patron. 

Le gérant-propriétaire de mon dortoir m’a offert le thé et un potage “de printemps”. Espérons que mon organisme tiendra le coup avec cette inconnue printanière !

Eregli - Karapinar   59 km   3°C - 7°C   +104 m   -158 m

Lundi 1er mai 2023 - Ismil avec camping introuvable

Gla gla ce matin durant la vingtaine de kilomètres de début : 0°C ! Comme dit, le petit-déjeuner étant annoncé mais étant supprimé, j’ai avalé un double yaourt à la fraise et fait “la valise” de cet endroit sinistre et puant. L’air est froid mais bon ! Beaucoup de camions filent vers Konya. Une station Total ? Un coup d’arrêt avec pléthore de camionneurs qui cassent la croute … au chaud. Je vois des oeufs brouillés ! C’est ça qu’il me faut avec une caissette de tartines de pain, très mou mais qui passe bien. Je passe pour un ovni tellement je suis observé. C’est sûr qu’un type en short, qui pédale sans moteur, avec des gros bagages, la casquette et le casque de travers sur la tête, et qui dévore, et qui n’est ni turc ni allemand (c’est souvent ce qu’on me dit en premier), ça intrigue pour le moins ! Et quand ils arrivent à comprendre le trajet fait, alors rien ne va plus … Ca doit être un … basque !

Ca fait du bien de manger. 

Peu de kilomètres pour les deux dernières étapes. Sauf que j’ai fait du rabiot. Normalement d’après les informations données par Google maps confirmées par Maps.me, il y a un camping à Ismil. Je laisse la deux fois deux voies pour me diriger vers l’intérieur et trouver le camping. Voilà que je me fais héler par quatre compères attablés discutant et prenant le thé. Pas de refus, boire un petit coup ça me va bien. Photo de groupe souvenir, et je file vers le camping officiel. Un pressentiment me dit que ça ne va pas être simple. Déjà je constate que tant Google maps que Maps.me indiquent un itinéraire qui fait arriver dans les champs ! Je persévère, fais pas mal de kilomètres et, au bout d’un moment, retour en arrière vers le centre du village pour avoir des précisions. Des gendarmes sont là : je suis sauvé ! tous les deux se regardent et le chef me dit que c’est tout droit sur 200 mètres puis à droite au bout. J’exécute bien discipliné mais au bout … j’en viens ! Je retourne vers la mosquée et là, Google traduction sur tous les smartphones, après pas mal de bizarries (je demande à poser la tente quelque part au camping, on me demande où est ma tante ! et je réponds sur le porte bagage …). Je finis par comprendre que ledit camping de Google et de Maps a disparu d’Ismil. Quoi faire ? Je reviens vers les quatre compères qui m’ont offert le thé et leur demande un bout de terrain pour ma tente. Un peu gênés mais très sympathiques, ils me montrent  un endroit là bas à 100 mètres au pied de l’arbre. En réalité, en bordure de route, il est envahi de détritus de toutes natures dont de très nombreux morceaux de verre brisés. Je fais donc le ménage pour une surface de tente 2 places, et finis par lui donner une allure de … tente montée ! Total, il fait très beau (25°C ça change de ce matin !), j’ai de quoi me loger, alors casse-croûte lyophilisé Curry de pâtes au poulet. Le réchaud essence ronronne pour d’abord un velouté de tomates. Le café termine le banquet. Et … dodo !

Un bon cluc ça fait du bien ! Une voiture s’arrête - je suis tout près de la route qui mène à Ismil. Le chauffeur descend et me tend une poche de … dattes. L’inconnu donne à l’inconnu ! Peu après, père et fils viennent avec deux fauteuils de jardin me tenir compagnie. Les échanges sont limités mais Google traduction est à l’oeuvre. On finit par se dire quelques mots surtout avec le fiston qui a 13 ans et qui va à l’école à … Konya soit à près de 60 kilomètres d’ici. Je leur donne une datte (j’ai mangé toutes les autres tellement elles étaient bonnes !). Ils me disent que si j’ai besoin de quoi que ce soit ils sont là. Magnifique attention ! Ils sont étonnés que je dorme sous la tente car … il fait froid disent-ils. 

Le soleil se couche. La froidure va-t-elle se faire sentir ? Vite fermons les fermetures éclairs de la tente.

De beaux rêves !

Karapinar - Ismil   61 km   0°C - 26°C   +49 m   -45 m

Mardi 2 mai 2023 - Konya, la boucle s’achève

Ca pèle sec ce matin -2°C ! La tente apparaît un peu amidonnée pour la plier. Il est 6h. Le jour pointe déjà depuis quelques minutes. Le café chaud est pris grâce à ma bouteille thermos remplie hier soir. Le vélo est toujours là - cette nuit je me suis réveillé pour vérifier ! Dernière étape pour ce petit voyage dont l’intérêt principal est bien cette Cappadoce au relief et aux paysages très singuliers. Beaucoup de camions circulent même durant la nuit. Renault a dû avoir un très bon commercial il y a une trentaine d’années à voir le nombre de R12 Break et, dans une moindre mesure, de R9. Un point à noter : partout où j’ai pu avoir accès à une télévision, toutes les chaines françaises, occidentales en général, sont noires.

Le trajet pour relier Konya est quasiment rectiligne à deux fois deux voies pas très bien entretenues mais avec toujours une assez large voie de dégagement. De -2°C on passe très lentement à +1°C mais faut tout mettre surtout aux mains pour se dire que ça va …

Pas d’arrêt oeufs brouillés comme hier car rien n’est ouvert. Je suis peut-être parti trop tôt. Le Mulet sent l’écurie ! D’énormes silos - jusqu’à 24 tours ensemble ! - ponctuent les kilomètres révélant toujours une agriculture très industrielle. J’ai juste trouvé deux bergers avec quelques brebis bordant la chaussée : un contraste saisissant. Les champs sont terrassés un maximum sur des surfaces gigantesques. D’énormes tuyaux d’environ 1 mètre de diamètre sont posés les uns à la suite des autres attendant le creusement de la tranchée. Pas de panneau de renseignement. La banlieue de Konya est très étendue. Très difficile de se guider sans l’aide des outils cartographiques. L’hôtel Domesan est atteint bien avant la fin de la matinée. Je retrouve mes affaires de voyage laissées au départ de ma boucle. Le gérant de l’hôtel me conseille un restaurant où la viande est excellente et “a du goût”. Il m’y conduit, choisit un échantillon d’entrecôte, de brochette d’agneau, de porc. Excellent de fait. Une bonne sieste a suivi. Faisant le point de la monnaie, j’ai en gros 5000 lires turques en trop que je dois changer (autour de 240 euros). Yasar le gérant me conduit à quatre bijouteries qui font change. Curieusement dans les quatre il n’y a pas d’euros ni de dollars … Bizarre …

Ismil - Konya   -2°C - 14°C   56 km   +24 m   -14 m

Mercredi 3 mai 2023 - Konya, le retour

Aujourd’hui, je fais le ménage et je mets tout en format avion !

Quand je fais le point de ce que j’ai transporté et que je n’ai pas utilisé,c’est au moins la moitié du poids. Mais ça ne veut pas dire que la prochaine fois je diminuerai de moitié le poids des bagages. Mon chargement est constant. Si je n’ai pas utilisé mon sac à outils, mes trois jours de vivres de survie, ma pharmacie, c’est que tout s’est bien passé : je n’ai pas crevé, je n’ai pas cassé la chaîne, mes câbles de freins, de dérailleurs, je n’ai pas été bloqué, je n’ai pas été blessé, pas de panne de vélo, ni de bonhomme. Le système gravel très à la mode  est d’avoir le vélo le plus léger possible avec le minimum de bagage pour aller le plus vite possible. Ce n’est pas mon optique en bon pratiquant de la montagne en toutes saisons et en tout temps. J’essaie de prévenir les situations les plus diverses et donc d’adapter mon équipement au très mauvais temps. Cela pour éviter toutes déconvenues.

Les étapes qui peuvent paraître des étapes inutiles, sans intérêt paysager par exemple, sont des étapes d’accoutumance au pays dans lequel on se trouve, ou des étapes de transition pour mieux apprécier la beauté des étapes les plus désirées.

Dans cette boucle autour de la Cappadoce, j’ai pratiquement presque tout rencontré sauf le très mauvais temps (encore que j’ai eu des flocons de neige en montant le col avant Nigde) : de la grosse chaleur qui fait rougir et peler bras et jambes (entre Konya et Ihlara) à la pluie et au vent de face (de Urgup à Mustafapasa notamment), mais aussi des conditions favorables en température (de Ihlara à Uchisar à Urgup) ou même négatives (de Ismil à Konya). Les points marquants de ce périple ont été : le vol en montgolfière, la descente et remontée de la vallée d’Ihlara, la boucle Uchisar-vallée des pigeons-Gorème-vallée de l’amour-vallée blanche-citadelle d’Uchisar, la boucle vallée rouge-vallée rose depuis Gorème. 

Dans ces points phare, le vélo a assuré les liaisons.

La combinaison hôtel-tente m’a permis de caler des étapes adaptées en kilométrage à ce que je souhaitais avec les bienfaits de pouvoir vraiment se reposer dans un lit et au chaud !

La nourriture a été, un peu comme d’habitude pour moi, classique à dominante poulet-pâtes-frites-fromage-biscuits avec quelques écarts (beaucoup de crudités, kebab), bananes, coca cola, boissons gazeuses …

Les contacts avec la population locale rencontrée ont toujours été sans difficulté aucune, la barrière de la langue facilement surmontée avec le langage des mains mais aussi avec Google traduction, bien pratique même si parfois sujet à rigolade (comme tante pour tente …).

Financièrement, les écarts de prix restent conséquents entre le coeur de la Cappadoce et le reste : en gros 30% à 40% plus cher autour de Uchisar - Gorème - Urgup - Mustafapasa). A Konya j’étais dans un hôtel *** NN pour 30 euros la nuit. L’essence est à 1 euro dans tout le pays. On mange correctement pour 10 à 15 euros.

Et … pendant que je parlais en écrivant, le Mulet a été démonté, rangé soigneusement dans son carton, bien calé par la tente et le matelas coquille d’oeuf. Une aventure de plus se termine.

 

  

25 avril 2023 ... la montgolfière l'a fait ! 

 

 

Kirghizistan 2022-1

Préalable

Cela fait deux ans que je reporte le périple vélo de la Pamir Highway qui relie Douchanbé (Tadjikistan) à Osh (Kirghizistan), pour raison d'insécurité (notamment plusieurs attentats à Khorog en mai 2022) et de fermeture de la frontière terrestre entre Tadjikistan et Kirghizistan (Kyzil-Art Pass). Ces pays étaient des républiques autonomes de l'ex Union Soviétique, sont encore sous influence russe.

Néanmoins, le Kirghizistan échappe encore aux difficultés de l'envahissement de l'Ukraine. J'y suis déjà allé deux fois : d'abord lors d'une expédition au Pic Lénine où j'ai dû m'arrêter au camp 3 après le Pic Razdelnaya (mouffles déchirées ...), puis lors de ma traversée à vélo de Tachkent (Ouzbékistan) à Kashgar (Chine, Xianjiang) en 2009.

Aujourd'hui, le Kirghizistan est ouvert, sans visa pour les français. L'occasion est donnée pour moi de découvrir le Nord du pays. Il m'a semblé intéressant de prévoir une boucle d'environ trois semaines entre août et septembre. Départ 17 août 2022.

Auscultation du Mulet

Le vélo commence à avoir fait beaucoup de kilomètres puisque c'est le même qui m'a promené dans tous mes voyages. Une solide révision s'imposait. J'ai réparé un bras du porte-bagage arrière qui s'était brisé. J'ai changé toute la transmission (les neuf pignons, le triple plateau, le dérailleur, la chaine, les manettes), les cables et les patins de frein, les pneus (pour des schwalbe bien crantés à meilleure accroche sur les pistes), la selle (pour essayer de ménager mon assise). J'ai fait l'acquisition de belles petites lumières avant et arrière pour voir et surtout être vu dans les tunnels. Puis, un bon nettoyage et graissage des roulements des roues afin d'éviter des à-coups dans le freinage. 

Balise pour être repéré

La communication par réseaux téléphonique et internet n'étant pas souvent possible au Kirghizistan, j'ai opté pour avoir une balise satellite qui me permet d'être suivi en quasi temps réel lors de mon avancée dans le pays. La carte en page d'accueil de ce site visualisera mon avancée avec des relevés GPS toutes les 30 minutes. Cette balise me permet encore d'adresser quelques messages simples qui apparaitront sur la carte au lieu d'émission. Et, le cas échéant, la balise permet de déclencher un appel au secours par un bouton spécial. 

        

Pour communiquer avec moi

Les chroniques quotidiennes que je fais pour chaque voyage, ne peuvent être mises sur le site ddvagabondages.fr qu'avec une connection internet c'est-à-dire soit par wifi soit par réseau téléphonique avec activation des "données mobiles". Pour ce périple, j'ai opté d'écrire mes textes avec un clavier relié en bluetooth au smartphone. Ces textes journaliers seront ensuite placés dans ddvagabondages.fr au gré des possibilités de connection du terrain où je serai. Pour les lire, cliquer sur "Mes chroniques journalières" de la page d'accueil. Ces chroniques seront donc publiées de façon épisodique, dépendant des possibilités de connection. Le tchat et les messages sur le Livre d'Or seront possibles bien sûr pour tous ceux qui souhaiteraient me faire un petit coucou.

Donc pour communiquer avec moi : en page d'accueil du site ddvagabondages.fr

- mon avancée de terrain est visible sur la carte grâce à la balise satellite (points toutes les demi-heures)

- pour me laisser un message mettre votre identifiant et votre mot de passe puis cliquer sur "tchat" et/ou "livre d'or

- pour lire mes textes écrits chaque jour cliquer sur "Chroniques journalières"

Energie solaire

Tout ce système nécessite pas mal d'énergie électrique embarquée : pour la balise satellite, pour le smartphone, pour le clavier, pour l'appareil de photos, pour les éclairages avant et arrière, pour le compteur. Pour assurer cette dépendance énergétique, j'ai opté pour une autonomie à l'aide d'une batterie tampon (26 800 mAh 45W) rechargée par un capteur solaire (21W) placé au-dessus de mes bagages à l'arrière.

Nourriture

Les souvenirs que j'ai de mes deux passages au Kirghizistan ne sont pas impérissables pour la nourriture. Difficile pour un estomac européen de supporter sans rien dire la nourriture locale, sauf les fruits que l'on peut trouver chez des camelots de bords de route. La vodka est très appréciée. Mais mon expérience en Ouzbékistan et au Kirghizistan me rappelle qu'il vaut mieux ne plus pédaler après 16h-17h, les dépassements et croisements sur routes et pistes se faisant alors parfois de façon un peu tortueuses ! Mieux vaut être alors un peu à l'écart des voies de circulation.

Mon itinéraire prévu n'étant pas très urbain, j'emporte quelques sachets de lyophilisés, de soupes en poudre, des barres énergétiques ... de quoi caler un peu l'estomac au cas où ... avec moultes doses de café solubles, le réchaud MSR à essence (un peu de fumée noire !), la gamelle en titane, une petite bouteille isotherme ...

Mercredi 17 août 2022

9h30 Enregistrement terminé. Le vélo et les sacoches sont en soute jusqu'à Bishkek. Premier avion Lyon - Istanbul. La compagnie Turkish Airlines semble encore au top de l'organisation. Briefing avec superviseur pour les quatre préposées à l'enregistrement, vérification des bagages en soute et en cabine, passage sûreté rapide. Le bipède est masqué et s'est passé du gel sur les mains : consigne impérieuse de Laure et de Thomas qui m'ont bombardé de questions hier pour s'assurer que je n'oubliais rien.

Je dois avoir une tête bizarre : très souvent et aujourd'hui aussi, on me sollicite pour un renseignement comme si j'étais un employé d'aéroport. Un portugais puis un africain m'ont demandé la porte d'embarquement et l'heure de leur avion. Pité au pied du tableau général, la réponse a été facile. 

Un congolais était assis à côté de moi dans l'Airbus 321 neo qui m'a mené à Istanbul. Grand, costaud, débordant de son siège, la conversation s'engage sur l'Afrique de l'Est, le Congo notamment. Terres rares, Rwandais au Kivu, Katanga, Chine … jusqu'au moment où tout d'un coup un pressant besoin déclenche un subit "les toilettes" ! Mais, problème on est en phase d'atterrissage et l'hôtesse lui impose de se rasseoir. J'essaie de lui parler de choses et d'autres pour éviter l'inondation à mes pieds ! Rien n'y fait. Il me dit : "tu va voir, j'y vais, je vais leur pisser dessus". Et je le vois débouler vers l'arrière en remontant la pente du couloir (l'avion descend !). Le congolais finit par disparaître et réapparaît soulagé à l'arrêt de l'avion… 

Jeudi 18 août 2022

21h Istanbul, l’Airbus A321 neo decolle: Impressionnante traversée de la mer Noire. Le soleil couchant illumine merveilleusement tout le théatre des opérations en mer Noire et en mer d’Azof. On imagine les terribles drames qui se sont deroulés ou se déroulent à Odessa, à Mykolaiv, à Kherson, à Melitopol, à Marioupol … Terrible dissonance entre la surpenante lumière du soir et le quotidien ukrainien …Puis c’est la mer Caspienne, la mer d’Aral et ce qu’il en reste … Assis confortablement dans nos fauteuils, on se sent vraiment privilégiés. 

Allumage brutal des lumières : la pause nocturne est terminée. Pas de petit déjeuner ce matin. Il est cinq heures. La nuit est encore là quand nous atterrissons à Bishkek sur une piste étonnamment bosselée. La sortie est rapide. Pas de visa, juste contrôle rapide police, je récupère les sacoches et … le velo dont le carton a été très défonce avec déchirures énormes. Mais il ne manquait rien au remontage. Change rapide de monnaie pour payer mon taxi-van qui m’accueillait avec mon nom prénom en grand … Le trajet pour la capitale Bishkek s’est fait à fond la caisse … L’arrivée au petit hôtel Tunduk s’est faite alors que tout l’hôtel était dans un calme … normal. Il était 6h30. Plein de morceaux de vélos ont accueilli le Mulet tout penaud puis tout fier d’être au moins à la hauteur de ses copains. Trois cyclistes étaient déjà au petit dejeuner deux français  et une basquaise espagnole. 

Il se trouve que la gérante et propriétaire de l’hôtel a fait des études supérieures à Grenoble et à Lyon, d’où l’excellente facilité pour moi ignare en langues surtout quand elle s’écrit en cyrillique. Vive les logiciels de cartographie gps. Azema la tenanciere ne ménage pas ses efforts pour faciliter la vie de ses clients. Trouver les meilleurs plans pour le change, pour la nourriture, pour les restaurants, pour mettre une carte SIM locale, Azéma sait faire et avec un grand sourire. Seule contrainte, se déchausser pour déambuler dans la demeure. 

Toutes les banques et autres maisons de change se trouvent dans le même quartier à environ 5 km de l’hôtel. J’ai entrepris de commencer à y aller en vélo mais j’ai vite trouvé plus facile d’y aller en bus et pedibus cum jambis. Quatre établissements m’ont dit d’aller ailleurs … bizarre. Le cinquième m’a changé les dollars en somonis, la monnaie locale. Vers 13h locale soit 9h francaise je file vers un bistrot recommandé par Azema pour manger des langmans, pâtes pleines dans une sauce tomates oignons et de débris de viande. Pas de vin. Les employées, la tête engoncée dans un fichu, ne comprenait pas le mot wine. on me répétait à l’envie te te. J’ai fini par opter pour un coca. Même le mot beer leur semblait inaudible. Des progres à faire …

La sieste fut bonne dans un grand lit. Puis essai de la balise satellite Garmin inreach mini. Positionnement GPS impeccable. Un seul réglage imparfait : si la balise affichait bien l’heure locale, les waypoints envoyés qui sont des points envoyés manuellement par l’utilisateur s’affichent sur la carte du site en page d’accueil avec l’heure du fuseau Europe Berlin +2 alors qu’ils sont envoyés depuis la balise en heure locale. Donc attention les petits drapeaux sur la carte waypoints sont avec quatre heures de retard sur l’heure locale.

Vendredi 19 août 2022

Journée de transition: Difficile de lire l’écriture en cyrillique, difficile de ne pas parler la langue locale, difficile de voir que les gestes coutumiers pour par exemple dire qu’on voudrait un peu casser la croûte sont recus avec un froncement de sourcils … Finalement on devient quasi muet sans même pouvoir se débrouiller avec la langue des signes.

Aujourd’hui, journée de préparation pour starting bloc du Mulet. Vérification des composants du vélo en particulier les serrages de vis, de boulons, d’écrous qui doivent supporter les chaos et bosses des pistes. Demain, enfin le vrai départ mais pour un début bitume avec néanmoins force trous si j’en juge les quelques kilomètres faits pour gonfler les pneus à 3,5 bars et pour remplir au trois quart le bidon d’essence pour le réchaud. La balise satellite semble bien fonctionner avec une visualisation quasi instantanée sur la carte de la page d’accueil du site. 

Beaucoup de travaux dans les rues

Le petit raccourci ! ...

Hôtel Tunduk, repère des voyageurs tranquilles

 On se déchausse

Excellent pain !

Des trolleybus très ... nerveux !

Quelques achats de provisions supplémentaires (fromage, amandes, poisson-tomate ?, eau en bouteille) m’ont montré la richesse des étalages des grandes surfaces. Déjeuner de midi dans un restaurant coréen qui avait de la bière et bien d’autres alcools plus costauds.

Très important le moment de charger les sacoches pour ne garder que l’indispensable mais avec un volant de quelques cinq jours de survie pour éventuels besoins, avec plein de tubes de café Carte Noire en sachets. Le surplus reste à l’hôtel Tunduk jusqu'à mon retour bien caché dans le carton vélo massacré par les peu précautionneux employés au chargement des avions.

Ce soir, tout est prêt. Dommage que le petit dejeuner ne soit possible qu’à 8h car on perd presque deux heures de fraicheur. J’ai pu l’avancer d’un quart d’heure. J’aurai pu m’en passer mais j’ai pensé qu’il était préférable d’avoir la panse bien garnie pour amorcer le pédalage du Mulet chargé.

Coucher de soleil sur les montagnes enneigées. Même de la ville avec un trolleybus qui déboule à fond les manettes devant l'objectif, c'est beau !

Samedi 20 août 2022

Saint Bernard, bonne fête mon frère.

Enfin, premier jour de pédalage. Le Mulet est bien équilibré. Le chargement en poids est trois quarts arrière un quart devant … Reveillé plusieurs fois dans la nuit, le cycliste finit par un petit moyen déjeuner vers 7h30. Omelette, raisin, croissants, pain beurre café au lait, confiture de framboises. La circulation à Bishkek est moins stressante que les multiples bosses et creux des bords de la chaussée. Je finis par m’éloigner un peu du flot urbain pour continuer par des petites routes. Gros avantage ça circule moins, gros inconvenient elles sont plus étroites et … les frissons sont là quand véhicules et camions arrivent à la hauteur du Mulet. J’ai rallongé l’écarteur qui me protège un peu. Je finis par arriver sur la grand route qui est finalement préférable pour la sécurite du bipède à vélo. Plus large donc plus d’espace pour s’écarter, plus roulante, moins de trous et de bosses. Le paysage montre des montagnes moins enneigées au Sud. Finalement, je suis comme dans toutes sorties de ville dans un contexte toujours à peu près le même : navettes qui prennent les travailleurs en faisant des queues de poisson à vive allure, voitures à fond la caisse pour être le moins en retard au boulot, piétons courant de toutes parts.

Sortie de Bishkek, les montagnes apparaissent

Les cimetières musulmans toujours un peu à l'écart des villages

Un passage à niveau gardé

Attention ! Machines à vapeur

C'est encore la saison des regains

On garde les vaches à cheval !

... et aussi les brebis

Les vingt derniers kilomètres, je m’enfonce pour de bon et laisse la deux fois trois voies. Ce n’est pas mieux car je me rends compte très vite que c’est un raccourci de l’itinéraire Bishkek-Osh. De très grosses voitures filent à vive allure et m’obligent à me balancer sur le bas-côté. Le gymkana habituel. 

Le regain se fait, joli, abondant. Les troupeaux sont gardés par un homme à cheval. 

Je dois trouver à Chong Aryk un logis chez Ulan. D’après Maps. je devrais y être. Je demande dix fois en montrant une photo de sa maison. Non pas de Ulan, allez voir au village suivant. Sachant que les erreurs sur maps.me et sur google;maps sont assez rares, je persiste en m’enfonçant dans le hameau avec toujours la même question. Un petit garcon d’une dizaine d’années finit par me guider et me mettre devant la maison de Ulan. Tout va alors pour le mieux. Accueil généreux et magnifique dans une maison avec trois enfants dont un tout petit, tout rondouillé qui circule à quatre pattes. Pour la petite histoire ceux qui m’ont dit d’aller voir au village suivant sont juste les premiers voisins de Ulan …

Bilan positif de cette première étape. Le bonhomme et le velo ont assuré. La balise satellite présente un fonctionnement parfait et très précis pour la localisation géographique. J’ai pu avoir un déjeuner copieux en arrivant, et même une toilette dans un sauna artisanal mais très efficace.

Bishkek-Chong Aryk   70,5 km   +435 m   -217 m

Dimanche 21 août 2022

Lever 6h. Petit déjeuner kirghize sans café au lait, sans pain grillé … mais avec quatre oeufs au plat, un bol de lait de vache que Ulan est allé traire ce matin, un sandwich farci de viande. La note est un peu salée compte tenu du confort spartiate mais bon …

Température 5 degres. Fait pas très chaud pour amorcer le pédalage. L’étape d’aujourd’hui est un peu sévère car je dois monter à 2200 mètres. la route est pourrie, étroite mais bon …

Jeu de piste de 15 kilomètres avant d’atteindre la grand-route qui monte au tunnel à 3000 m  que je passerai demain. La vallée que je remonte n’est pas très agréable avec des parois sévères un torrent qu’on entend mais qu’on ne voit que rarement, et surtout des ordures partout à croire qu'on jette de tout partout. il y a du travail pour protéger la nature mais bon …

je n’ai prévu que 50 kilomètres aujourd’hui pour atteindre 2200 mètres. Bien m’en a pris car la tension nerveuse m’a épuisé. Bosses et creux avertisseurs des véhicules, bruit permanent des moteurs qui me faisait naviguer les yeux du rétroviseur aux bosses et creux de la chaussée. Bref pas très agréable cette portion. Mais un petit clin d’oeil réjouissant avec une descente d’un troupeau de brebis puis de vaches provoquant un bouchon de voitures et de camions. Pas de chien mais des bergers sur des chevaux assuraient le mouvement.

Départ un peu frais ...

Les vélos passent ...

Montée progressive vers le tunnel

Déjà la redescente des troupeaux  ?

Des ruches !

 

Campement mais avec beaucoup de vent

Le point de campement atteint est en réalite un espace à peu près plat pour une seule tente. Mais le vent souffle, fort. Difficile dans ce cas de monter le petit abri de toile. pas de réseau téléphonique. Le vent avec des rafales assez violentes m’empêchera de faire fonctionner le réchaud. Mais la fille ainée de Ulan m’a glissé une poche de nourriture avec un sandwich et des fruits. Allez, repos tout cet après-midi car demain journée encore rude pour grimper au tunnel …

Chong Aryk - tente 2241 m.  50 km.  +1253 m.  -104 m

Lundi 22 août 2022

Journée redoutée avec la longue et pentue montée au tunnel de Ashuu à 3180 mètres.

La nuit sous tente a été écourtée par la venue peu discrète de deux loustics qui ont bien éclairé la tente mais m’ont laissé tranquille. Le sol pas mal empierré me donnait quelques douleurs aux changements de position. Le vent violent du soir a limité l’utilisation du réchaud. Donc diner pas terrible. 

6h, on dégage. Le pliage de tente est rapide. Le vélo est remis sur la route. Les sacoches reprennent leur place. La balise satellite trouve les coordonnées géographiques. Toutes les 30 minutes, la localisation géographique du Mulet est envoyée et figure tres précisement sur la carte de la page d’accueil du Site. -2 degrés glagla … La montée sera rude et longue avec de nombreux arrêts pour ne pas faire exploser le bonhomme. 12 kilomètres à grimper. J’ai mis 4 bonnes heures ! Le diable de tunnel est devant mes yeux. Les cyclistes rencontrés à Bishkek et d’autres par internet font entrer ce tunnel de Ashuu parmi les "tunnels de la mort". Raisons mutiples : pas de ventilation, éclairage insuffisant, étroitesse, pollution qui a déjà été mortelle. Le passage se fait en faisant du stop pour qu’un camionneur prenne le vélo et son bipède. Les policiers demandent au chauffeur s’il peut me prendre. Et c’est l’entrée dans l’enfer où quand on croise un camion un peu large, l’un ou l’autre doit monter sur la très étroite margelle contre la paroi. Plus on avance plus l’air devient opaque. Le chauffeur a bien pris la précaution de me demander de fermer la glace passager. Oui, judicieux de traverser ce trou de 2,8 km le plus rapidement possible sans respirer cette pollution qui apparemment s’échappe difficilement.

Température négative ce matin

Rude montée au tunnel

Au fond l'entrée Nord du tunnel de Ashuu

A la sortie Sud du tunnel de Ashuu

La descente avant la bifurcation vers Suusamir et Kyzil-Oi

Au carrefour, concentration de petits camelots

Suusamir à gauche

En sortie Sud du tunnel, changement de température et quasiment plus de vent.

Grand soleil. Le paysage est immense ! Montagnes enneigées tout au fond, très vastes vallées 2000 mètres en dessous. Grande et belle descente sur une chaussee au bitume tout récent et … sans trous !

Mais l’heureuse surprise ne dure pas longtemps. Au point de bifurfaction qui laisse la grand-route pour prendre la direction de la vallée de Suusamir, la galère reprend mais en changeant de nature. 20 kilomètres de tôle ondulée d’une piste tout en cailloux et, qui plus est, gangrénée d’énormes portions de trous disposés évidemment de facon aléatoire.

Les avant-bras commencent à trembloter. Heureusement la pente est plutôt descendante. 

Arrivée à Suusamir, un village qui s’étire le long de la piste. Altai hotel … personne ne connait. C’est plus loin ! Comme il y a deux jours, je fais confiance à google map, me poste pile devant l’endroit et … une dame passe … Oui, c’est là, cette maison en retrait. Je tombe sur un jeune couple avec trois petits enfants, des chèvres, des brebis, des poules qui gambadent libres dans la cour. Une bonne maison probablement ! Intérieurs refaits à neuf. Le cycliste est tout content d’autant que le tarif demandé est trois fois inférieur au tarif du compère Ulan il y a deux jours.

Bilan de la journée très positif pour moi. Je craignais beaucoup de ne pas pouvoir atteindre le tunnel avec le poids de mon vélo. De nombreux arrêts dans la partie haute certes mais gros défi accompli. La portion de tôle ondulée a secoué sérieusement le Mulet au point de décrocher une fixation de sacoche arrière. Plus de peur que de mal.

Demain, j’ai prévu une étape plus douce … normalement.

Tente 2150 m - tunnel de Ashuu 3180 m - Suusamir 2014 m   44,5 km    +885 m.  -1059 m 

Mardi 23 août 2022

Bien sympathique cet accueil à Suusamir. Ce matin deux oeufs au plat avec des frites maison, un peu grasses certes mais oh ! combien apprécié du francais. Finalement, je vais finir par aimer le thé très sucré soyeux et réconfortant. Du coup, je m’en fais un demi-litre que je mets dans un bidon.

J’ai prévu de joindre Kyzyl Oi une bourgade à quelques 40 kilomètres. Mais quels kilomètres ! Bosselée, cailloutée, sablée, pleine de trous, de bosses … la piste a continué d’être terrible tout du long. On rejoint d’abord une vallée par une quinzaine de kilomètres par une piste tellement défoncée que deux autres pistes parallèles ont été crées par les voitures et les camions. Sauter comme un cabri quand on est lourdement chargé mène à quelques déboires : mon écarteur pourtant coincé entre tente et matelas a pris la poudre d’escampette ; plus ennuyeux, l’armature arrière de mon porte-bagages qu’il avait fallu réparer. s’est de nouveau cassée sous l’effet des chocs répétés. Deux petites gamelles aussi, pas graves, du fait de la roue avant qui s’était malencontreusement pitée dans un tas de sable. 

Des débuts de pistes très dures qui vont se prolonger durant des dizaines et des dizaines de kilomètres

Les montagnes sont plus proches

La tôle ondulée ... pas besoin de kiné !

Une botteleuse pour le regain

Stockage des pierres

Kokomernen, une très belle rivière dans cette vallée de Suusamir

Rares camions mais on est habillé pour l'hiver avec leur passage !

Quelques cultures de tournesol

Les moissonneuses pour les céréales

On papote à ... distance

Rares portions bitumées dans quelques hameaux

La seule maison vue avec des panneaux photovoltaïques

Quelques passages de rivières avec des nacelles

On s'enfonce dans la vallée de Suusamir

Réparation de fortune du porte-bagages arrière

Ca saute ! ...

CBT une association qui contribue à améliorer la vie des touristes et des habitants

La vallée qui mène à Kyzyl-Oi est très sauvage, traversée par un magnifique torrent vert émeraude impétueux très large enchassé dans des falaises aux couleurs rouilles. Superbe. Son nom local est Kokomernen. Le hameau lui même de Kyzyl-Oi signifie cuvette rouge. Au bout de 39 kilomètres de cette terrible piste on a le sentiment d’arriver dans un havre de paix. CBT est un organisme associatif communautaire créé en relation avec une association suisse pour développer un tourisme accueillant à l'aide de logements confortables dans tout le pays, et des activités touristiques dans le respect du développement durable et profitant aux populations locales. Quand j'arrive à Kyzyl-Oi je tombe sur le panneau CBT. On m'indique une maison d'accueil pour couchage et repas. Le confort est à l'européenne. Agréable découverte !  Un petit repas avec soupe et feuilleté de pâtes enfermant de multiples légumes, confiture locale, thé, pain. Manquait la bière que j'ai fini par trouver après avoir compris que Pibo signifiait bière en russe.

J'ai inspecté le vélo bien malmené encore aujourd'hui. Les boulons sont bien serrés. J'ai bricolé une réparation du porte-bagages avec des colliers plastiques auto-serrants. 

Demain encore et toujours de la piste …

Suusamir Kyzyl-Oi 40 km.  +60m.  -344 m

Mercredi 24 août 2022

Youpee ! Les 25 kilomètres de piste en tôle ondulée ont été franchis sans que le porte-bagage arrière cède. Inutile de dire que j'en ai presque rêvé cette nuit. Oui, le bricolage d'hier pour faire tenir un tube qui a cédé à nouveau est probablement solide, mais durant la nuit une autre solution minimisera le risque de casse : harnacher la sacoche sur le deuxième tube porteur donc modifier un peu les réglages des crochets de la sacoche à condition bien sûr de pouvoir les dévisser. 6h debout, la sacoche est dehors, la clef alène est insérée et miracle ça dévisse ! Tant bien que mal je réussis ainsi à libérer les tensions qui s'exercent sur le tube rapiécé. Du coup, le petit déjeuner est vite avalé (3 oeufs au plat, thé), paiement, au revoir et je mets le Mulet au défi de la tôle ondulée sur 25 kilomètres. Pas un bipède dehors, à moi la piste. Nombreuses veilles sur ma sacoche qui risque de se faire … la malle. Ca a l'air de tenir.

La vallée que je descends a des couleurs presque irréelles avec le soleil levant. Teintes pastels, une rivière Kokomernen toujours aussi monstrueuse par le débit, le tout dans une ambiance paisible et quasi silencieuse. Quelques véhicules s'arrêtent à ma hauteur, intrigués probablement de voir un vélo sauter comme un cabri. Pouce levé, le message est toujours sympathique. Pas de village durant cette chevauchée en forme de rodeo. Arrivé presque au bout de cette vallée sauvage promise à un bel avenir touristique (mais pas ou très peu pour les cyclistes en l'état de la "route") quelques vaches et chevaux annoncent la fin de l'épreuve. On rencontre alors une magnifique route bitumée sans trou, large de 10 mètres, avec une circulation presque nulle. Fin du supplice pour aujourd'hui. Le vélo a tenu bon. Un Kirghize m'interpelle avec toutes ses dents dorées. Beau sourire. Mieux vaut avoir ses sous dans la bouche !

Enigme ? ...

Ca y est, la belle route bitumée est atteinte !

Puis c'est la montée libératoire vers Kaech. Une vingtaine de kilomètres sur un billard pour moi tout seul. Pourtant cette liaison reste une grande classique pour joindre Jalalabad et Och plus au Sud.

Chaek. Pas facile de trouver un logement. C'est pourtant une petite ville. Je finis par trouver mon bonheur dans une ruelle du centre. Lit, douche, … abri. C'est bon. Mais douche inédite avec une robinetterie de nain, un flexible percée qui, lorsqu'on ouvre les robinets laisse gicler un bon débit qui, si on se tourne comme il faut, vous asperge bien comme il faut là où il faut 

Arrivé assez tôt, un petit resto. Surpris, je rentre dans un hall avec plein de personnes endimanchés. En réalité ce sont des cols blancs (pas moins de 5 banques se trouvent là côte à côte) qui viennent déjeuner. Je suis invité à une table ronde avec une carte en cyrillique. Pas d'anglais. Conseillé, je prends finalement une très bonne combinaison poulet, riz, autre viande enchâssée dans une pâte, thé, eau gazeuse.

Très bon. J'y retourne ce soir. Mais … c'est fermé. J'ai beau regarder maps.me et maps aucun restaurant dans le coin, que des nourritures rapides mais qui sont en réalité des épiceries. Comme le jour baisse, je préfère assurer en retrouvant ma chambre pour y avaler une boite de poissons à la tomate et du gruyère.

Curieuse petite ville sans vrai hôtel, avec un seul beau restaurant qui n'est pas ouvert le soir.

J'entends le muezzin … je dors tout près de la mosquée.

Kysyl-Oi - Chaek  47 km (dont 25 km de tôle ondulée)  +298 m.  -346 m

Jeudi 25 août 2022

Chaek, pas un souvenir impérissable. Ce matin on tape à la fenêtre ! Madame la Pluie est là. Tiens, tiens on l'avait oubliée celle-là. Au petit déjeuner quatre oeufs ! Le poncho est de sortie. Content poncho ? Départ de la cour de maison où j'ai passé la nuit, envahie de voitures capots ouverts. Le muezzin a réveillé les coqs à cinq heures.

La grande route qui traverse Chaek va se prolonger par plus de quarante kilomètres de "route en grands travaux" et donc du roulage sur cailloux ! Décidément les BTP ont du pain sur la planche. Pénible quand même : après la tôle ondulée, il faut avancer sur des silex. 

Comme l'a fort bien remarqué mon frère Claude aujourd'hui je sors de l'itinéraire prévu (boucle rouge page d'accueil du site) en raison d'une recommandation d'un guide d'agence de voyage qui m'a déconseillé l'itinéraire prévu pour joindre le lac Son Kol car cette piste est empruntée par de très nombreux camions qui transportent de la houille. Il m'a conseillé de passer par Kyzart. Mais en plus de devoir parcourir une chaussée loin de ressembler à une vraie route, les camions de charbon descendent aussi par cette chaussée en construction sur laquelle j'essaie de tenir l'équilibre et d'avancer. Comme la moitié au moins des camions ne bachent pas le chargement, on a plein de gros blocs noirs sur la route, sans compter la poussière qui vous mitraille lorsqu'ils vous dépassent.

Le regain est bottelé

Le combustible

La faux et la pelle en ... équilibre

La pluie a cessé au bout de 20 kilomètres mais un gros plafond de nuages va rester toute la journée aux environs de 3000 mètres. C'est pile l'altitude du lac Son Kol.

CBT a un relais à Kyzart. En cinq minutes, j'ai une chambre, une douche, un petit repas (encore trois oeufs frits !!). Un couple d'allemands en vélo se trouve là. Ils sont arrivés par l'Est (Kochkor) et montent au lac Son Kol demain en vélo léger. Le départ de la piste de Son Kol n'est pas facile à trouver. Absolument aucun panneautage. Vrai jeu de piste qui devient facile en interrogeant maps.me. Je suis allé en reconnaissance et ai pu me rendre compte combien le cheval comptait pour tous les déplacements et travaux agricoles.

Ca fait quelques jours d'affilée que je pédale sans trop de repos. J'espère pouvoir arriver au lac demain  car j'ai un handicap supplémentaire par rapport à la montée au tunnel : ce n'est pas du bitume c'est de la piste … Si j'arrive au lac je prendrai une journée de farniente.

Ps : le lac Son Kol ne doit pas être couvert par les réseaux de téléphone donc pas de panique si pas de mes nouvelles. De plus, journée de repos au lac veut dire aussi que je n'activerai pas probablement la balise satellite.

Chaek Kyzart 47 km.  +574 m.  -107 m

Vendredi 26 août 2022

Message sur le tchat :

André : Aujourdhui vendredi 26 août 2022, pas de signal de déplacement balise satellite sur la carte. Il a plu toute la nuit. Prévision météo pour aujourdhui pluie et éclairs à la mi-journee. Je reste à Kyzart pour tenter demain la montée au lac Son Koul.

Toute la nuit il a plu. Report de la "montée impossible' pour tentative demain samedi 27 août 2022. Journée de repos total dans un village où l'on ne voit dans les ruelles presque que des enfants qui vous hélent : "what's your name"...

Le couple de cyclistes parti pour huit mois de voyage a renoncé lui aussi à la montée au lac Son Koul pour gagner Chaek la petite ville où j'étais hier. Ils vont ensuite gagner Osh au Sud du Kirghizistan puis l'Ouzbékistan. 

Un couple de français à cheval me demande où peut-on trouver à manger ? Ils arrivent du lac Son Koul où, m'ont-ils dit, il est tombé de la neige et des grêlons de la taille d'une balle de ping pong. Pourtant, ils n'avaient pas l'air marseillais...

Très mauvais temps, les nuages sont très bas ...

La neige est tombée

Journée morose. Le temps s'améliore !

suite Kirghizistan 2022-2

 

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Vendredi 26 août 2022

Message sur le tchat :

André : Aujourdhui vendredi 26 août 2022, pas de signal de déplacement balise satellite sur la carte. Il a plu toute la nuit. Prévision météo pour aujourdhui pluie et éclairs à la mi-journée. Je reste à Kyzart pour tenter demain la montée au lac Son Koul.

Toute la nuit il a plu. Report de la "montée impossible' pour tentative demain samedi 27 août 2022. Journée de repos total dans un village où l'on ne voit dans les ruelles presque que des enfants qui vous hèlent : "what's your name"...

Le couple de cyclistes parti pour huit mois de voyage a renoncé lui aussi à la montée au lac Son Koul pour gagner Chaek la petite ville où j'étais hier. Ils vont ensuite gagner Osh au Sud du Kirghizistan puis l'Ouzbékistan. 

Un couple de français à cheval me demande où peut-on trouver à manger ? Ils arrivent du lac Son Koul où, m'ont-ils dit, il est tombé de la neige et des grêlons de la taille d'une balle de ping pong. Pourtant, ils n'avaient pas l'air marseillais...

Très mauvais temps, les nuages sont très bas ...

La neige est tombée

Journée morose. Mais le temps s'améliore !

Samedi 27 août 2022 - La montée impossible !

Aïe ! Hier soir vendredi 20h30 la douche froide : l'itinéraire conseillé par le guide rencontré à Kyzyl-Oi pour joindre le lac Son Koul est impraticable à vélo. C'est un itinéraire uniquement pédestre : conclusion sans appel d'un autre guide Talant qui compte aller demain - comme moi ! - au lac Son Koul. Et de me montrer l'itinéraire pour monter au lac qui part de Kyzart, sur la carte. Tempête sous mon crâne ! Que faire ! Talant et sa famille y monte mais avec un combi WW 4x4. Il me certifie que pour moi c'est le meilleur cheminement ! Et de me donner les points du tracé de cet itinéraire pour que je les mette dans Maps.me afin que je ne me perde pas. Format d'exportation .kml et chargement sur le logiciel de cartographie. Bon, que faire : j'y vais ou je n'y vais pas. C'est pour demain. On est la veille au soir et on me dit de changer car mon tracé ne passe pas …

Qui croire ?

L'avantage du nouveau tracé est que, comme il est avec la famille et les enfants en bas âge, Talant ne va pas partir aux aurores, j'aurai une sorte de sécurité d'assistance potentielle ...

C'est décidé : je pars pour le nouvel itinéraire.

Tant bien que mal le nouvel itinéraire passe en plein champ à la sortie de Kyzart. Je m'aide de Maps.me qui se révèle très efficace. Les traces de roue ne sont pas nombreuses. Ce ne doit pas être très fréquenté. D'après la carte, je suis bien sur le bon tracé. Une bonne quinzaine de kilomètres tout terrain me font buter sur une pente sérieuse. Faut y aller ! Un panneau Son Koul me rassure mais m'interroge. Aucun véhicule … Pourtant la trace est là ! Je laisse à ma gauche tout un troupeau de chevaux accompagné par deux jeunes à cheval. Très vite, je sens que le poids de mon attirail va m'empêcher d'aller très haut ! La piste est mauvaise, pleine de cailloux glissants, roulant sous les pieds. Stop ! Talent n'est toujours pas arrivé avec son combi 4x4. Suis-je sur le bon chemin ? Faut au moins essayer de monter ! Alors, j'applique la solution éprouvée en Patagonie lorsque j'ai passé la frontière Argentine - Chili : diviser le poids à monter. Monter d'abord deux sacoches durant 30-50 mètres. Descendre pour monter une sacoche, la tente, le matelas. Puis descendre à nouveau pour pousser le vélo ainsi allégé. Cela fait donc trois montées et deux descentes pour gagner … 30 à 50 mètres. C'est peu mais … ça monte ! Et c'est ainsi que je finis par gravir cette pente assez effroyable du dernier kilomètre en six heures pour gagner le col Tuz-Ashuu à 3200 mètres d'altitude qui domine le majestueux lac Son Koul. Talant est arrivé alors que j'étais dans les affres de cette montée à la Sisyphe. Plus tard, au Turusbek camp, il m'a dit qu'il ne s'était pas arrêté à ma hauteur par crainte de ne pouvoir redémarrer en raison de la pente et des cailloux roulants.

Arrivée au col vers 18h …

Montée paisible à la sortie de Kyzart

La piste commence à devenir délicate

La vallée s'élargit

 Le stock de bouses de vaches séchées

Là la piste commence à devenir pentue

Direction lac Son Koul !

 

Troupeau de yacks

1ère montée avec deux sacoches, 2ème montée avec une sacoche + tente + matelas, 3ème montée en poussant le vélo

Ca monte de plus en plus ...

en bas à droite de la photo le ... Mulet qui n'en peut plus !

La yourte est pliée pour la descente sur un Mulet mécanique

Là haut le col à 3200 m qui permet la bascule vers le lac Son Koul !

Aperçu de la montée que je viens de franchir

Magnifique !

Lac Son Koul

 Le col Tuz-Ashuu à 3200 mètres 

Les estives du lac Son Koul à plus de 3000 mètres d'altitude

Le camp de yourtes de la famille Turusbek

La yourte salle à manger

Le guide Talant venu avec sa famille, qui parle un français impeccable

La descente vers le lac est jonchée de traces de pneus dans les très belles estives où l'on trouve notamment des chevaux, des vaches, des yacks. Le passage des petits ruisseaux n'est pas très facile. Un cavalier me hèle. Je lui montre Turusbek camp sur la carte. Il me fait comprendre qu'il est guide là-bas et me demande de le suivre. C'est ainsi que je finis par voir le combi WW de Talant. Il est presque tard. L'accueil de la famille Turusbek est chaleureux. Le site des yourtes est d'une surprenante propreté malgré tous les animaux présents. Talant finit par me dire - lui qui parle un français parfait - que, à sa connaissance, aucun cycliste chargé comme je le suis n'est passé par cet itinéraire. Donc acte !

Une bonne bière, un bon repas … et un gros bon dodo dans une yourte pour moi tout seul.

 Kyzart - lac Son Koul.  30 km.  +1049 m.  -390 m  11h d'efforts

Dimanche 28 août 2022 - La descente infernale !

Ca fait un peu froid à 3000 mètres ! La yourte est restée portes ouvertes, alors ! Ce matin, comme tous les matins au lever du jour, tout est paisible. Ce camp de yourtes est un jardin d'Eden. Tous les animaux sont tranquilles et cohabitent harmonieusement. Le cheval côtoie le chien qui regarde picorer les poules en se faisant caresser alors que le chat gambade en s'accrochant aux peaux des yourtes !

Tout paraît à sa place là haut dans ce havre de paix niché loin de tout, à la merci des humeurs de la météo, qui passe du soleil à la neige en un rien de temps. 8h le petit déjeuner est prêt. Café ! 

Aujourdhui si je n'ai pas la montée d'hier à faire, c'est donc que ce sera facile puisque ça descend ! J'ai modifié mon parcours en raison de la fragilité de mon porte bagages, estimant qu'il n'était pas raisonnable de pratiquer des pistes chaotiques au risque d'avoir une panne irréparable en pleine solitude ! J'ai décidé de joindre la route bitumée en empruntant la piste "classique" versant Est du lac.

Je quitte à regret ce Turusbek camp un peu paradisiaque, pourtant à la merci de toutes les intempéries et très loin de tout ravitaillement. Pourtant la cuisine, l'accueil, la propreté méritent toutes les étoiles du monde.

Il faut à nouveau passer un col plus haut encore à 3420 mètres. Petit petit développement. Et arrive la descente. Là encore, surprise. Cette piste est la voie d'accès la plus fréquentée donc la plus endommagée avec néanmoins de beaux blocs de rochers qui peuvent être assez dangereux comme j'ai pu le voir avec l'éclatement d'un pneu de voiture. Terrible chaos de tôles ondulées qui ont secoué Mulet et Bipède durant une bonne cinquantaine de kilomètres. Je pensais que le vélo allait exploser à des moments. 50 kilomètres de pistes chaotiques c'est long, très long pour les poignets et les freins qui doivent être actionnés quasiment tout le temps.

Enfin, la terre promise est atteinte. La douceur du bitume après tant de misère faite au vélo ont rendu le Mulet un peu paresseux. Monsieur ne voulait plus passer les vitesses. Marre du sable, des cailloux ! 

Ma yourte d'une nuit

50 kilomètres de "descente"

Un pneu en rade ...

Enfin le bitume est là !

Je continue un peu plus sur cinq kilomètres de revêtement lisse - quel bonheur - jusqu'à Sarybulac où j'avais repéré un café hôtel. Ouf ! Il y a de la place. En réalité, c'est une sorte de relais routier où s'arrêtent les camions faisant principalement du transport international. On est là sur l'axe majeur de Torugard qui permet de joindre la Chine.

Petit dortoir de quatre lits. Je suis seul. Toute la nuit, le bruit des moteurs de camions. Une salle de bain avec de vrai WC type européen et non à la turque, de l'eau chaude, une douche mais…pas de flexible et de pommeau de douche … seulement un robinet mitigeur …

Turusbek camp (Son Koul). - Sarybulak   70 km.  +728 m.  -1426 m

Lundi 29 août 2022

Sarybulak, relais routier. Nuit assez paisible si ce n'est le bruit de fond des moteurs de camions. La salle de bain n'a toujours qu'une douche sans douchette. Petit-déjeuner avec encore quatre oeufs frits. L'avancée vers Kochkor la métropole régionale se fait sur un bitume tout lisse sans circulation ou presque mais sous un ciel nuageux. Quelques claquements de tonnerre auront lieu dans l'après-midi. Rien d'original à signaler sinon la surprise de voir des emmanchements de vallées latérales sans accès par piste. 

Une déviation de Kochkor évite une circulation trop dense à l'intérieur de la ville. En revanche, la section communale est truffée de trous. La maison que je dois joindre est Fatima homestay recommandée par Philippe Saluzzo, gendre de la maison, ami de Claude Berducou. Aucune indication extérieure. L'approche se fait par Google maps qui vise juste. Très belle demeure équipée avec le confort occidental dont une vraie douche avec douchette dans une salle de bain privée. Et, surprise des surprises, le déjeuner se déroule dans une magnifique salle à manger avec 18 convives d'une agence de voyage qui donne l'apparence d'un club très fermé. Excellente cuisine dont un poivron farci d'une grande qualité.

Belle route bitumée ... C'est l'accès privilégié à la Chine par Torugart

Un peu de nettoyage de la transmission du vélo qui bloque de plus en plus.

Demain, repos. Donc pas de fonctionnement de la balise satellite. Le programme initial prévu est changé pour tenir compte de la fragilité du porte-bagages arrière. Choix d'un parcours sans trop de pistes afin de ne pas tomber en panne sérieuse au milieu de nulle part.

Sarybulak - Kochkor  37,5 km.  +15 m.  -443 m

Mardi 30 août 2022

Pas grand chose aujourd'hui. Repos total. Grasse matinée 8h avec petit déjeuner pantagruélique en compagnie d'un groupe d'italiens. C'est impressionnant la quantité et la diversité proposées : fruits, biscuits divers, fromage, saucisse, crêpes, confitures, omelette, thé, café, fromage blanc … la maison Fatima est extraordinaire au sens propre !

Une gentille petite fille de la maison Maria m'a accompagné voir une coopérative artisanale où l'on trouve énormément d'objets, des tapis aux chaussons jusqu'à des animaux empaillés (aigle, loup, bouquetin …).

 Les WC sont très souvent extérieurs au bâtiment principal

C'est la fête !

On attend le pain tout chaud !

Un aperçu du marché quotidien à Kochkor

Ah ! sacré téléphone ... tu vas marcher !

Dans toutes les grosses bourgades, d'éminents hommes statufiés

Curieux : à midi, j'avais envie de … frites ! Je cherche en centre-ville où il y a beaucoup d'animations avec des véhicules dans tous les sens, et trouve une seule boutique avec des frites à en baver. Mais, surprise, alors que je fais signe qu'un cornet de frites m'intéresserait, le vendeur me fait une réponse négative. Je renouvelle ma demande un peu autrement. La réponse est encore négative alors que sur le comptoir il y a des cornets de frites alignés… Bizarre.

Le temps s'est mis à la pluie ce soir …

Diner en tête à tête avec Ronald, un français de Nice qui depuis quelques années passe six mois par an au Kirghizistan ! Il a fait du homestay Fatima son camp de base. La vie à Nice lui paraît de plus en plus insupportable alors que le Kirghizistan le ravit pour la Nature en particulier.

Il me dit qu'au Kirghizistan c'est le dernier né mâle qui hérite de la totalité des biens de la famille. Ce mode d'héritage est totalement exceptionnel voire unique au monde, alors que les règles d'héritage des sociétés coutumières notamment du Pays Basque et du Béarn ont toujours été le droit d'ainesse intégral - la totalité des biens du patrimoine familial revenant au premier né garçon ou fille.

Dodo de bonne heure … comme d'habitude !

Mercredi 31 août 2022

La Maison Fatima reste exceptionnelle et surprenante. Exceptionnelle par le confort et la qualité du service donné. Surprenante par les relations familiales qui cohabitent dans cette grande demeure. Au moment de prendre congé, la doyenne de la famille me retient et va chercher un kalpak de très belle facture, me le met sur la tête pour être un "vrai" kirghize. Cadeau ! Essayant de dire que je n'avais plus de place dans mes sacoches, elle retourne dans la pièce et revient avec le même kalpak plié complètement à plat pour que je le glisse dans un petit coin. Merci à toute cette belle famille ! A recommander pour tous les voyageurs !

La sortie de Kochkor se fait dans le calme, à la différence d'hier où ça grouillait de partout. Très large route. Je suis presque seul. A ma droite les montagnes sont étincelantes de la neige tombée hier. Cependant, le beau bitume ne dure pas longtemps. Les travaux reprennent mais, avec surprise, tous les engins de chantier sont à l'arrêt alors que la matinée est bien avancée. Les lourds camions de charbon sont encore là mais filent vers la capitale à l'embranchement majeur qui, moi, me fait pédaler vers le lac Issyk Koul dans une portion totalement en travaux (arrêtés). De temps à autre au Kirghizistan d'énormes statues de bouquetins trônent. Ici c'est un énorme cerf qui a dû subir les affres du temps car il lui manque une patte. Clic clac. Lorsque je repars je ne me rends pas compte que je n'ai plus le casque sur la tête. Puis, une voiture ralentit, me fait de petits tut tut et je vois le passager arrivant à ma hauteur avec mon casque sur la tête ! Sympa car, perdu, je perdais aussi la balise satellite que j'ai fixé au casque.

Lac Issyk Koul

Avec les travaux routiers, j'ai dû ne pas apercevoir l'embranchement qui me permettrait d'aller côté Sud du lac Issyk Koul. Je vois pointer loin devant moi une énorme quantité de toits brillant au soleil.

A mon grand étonnement j'arrive à Balitchy, ville au bord d'Issyk Koul. Un peu de jeu de piste pour trouver Gulnara guesthouse que j'avais repérée. Pour la première fois, pas de lit mais un matelas par terre sur beau tapis. Quelques très grandes larges artères roulantes traversent la ville. On est à l'entrée Ouest du lac.

Kochkor - Balitchy  62 km  +198 m.  -354 m

Vendredi 2 septembre 2022

Allez, c'est reparti ! Après une journée de repos complet pour cause de tourista - ah! les abricots frais c'est bon mais traitres au possible dans ces pays asiatiques - départ pour gagner progressivement la capitale. Les grandes artères de Balitchy sont encore très calmes. Retour au grand rond-point carrefour pour Kochkor, les côtes Ouest et Sud du lac Issyk Koul, Bishkek. L'accès aux quatre voies autoroutières est non seulement possible mais c'est la seule solution pour joindre les principales cités. En avant sur l'autoroute vers la capitale.

La circulation y reste très modérée. Le cycliste n'a que soixante petits centimètres pour rouler - autant dire qu'avec les sacoches je dépasse de partout. Pas de souci pour la sécurité. Quelques camions de charbon sont encore de sortie surtout après avoir dépassé la bretelle venant de Kochkor

Poissons séchés

La panthère des neiges ?

Train lourd de marchandises avec deux locomotrices

Ainsi, une cinquantaine de kilomètres passent dans un paysage très ouvert bordé de montagnes colorées. Mais, que de détritus partout partout ! A croire qu'il n'y a jamais de nettoyage !

Ne voulant pas rester tout le temps sur ce long ruban sans trop d'intérêt, j'ai pris l'option d'aller voir une vallée latérale quasi perpendiculaire à l'autoroute plein Nord. Oh! Surprise, la route reste bitumée alors qu'il n'y a quasiment que quelques successions de demeures pas toujours habitées comme je vais m'en rendre compte à mes dépens. Car j'avais lors de ma tourista d'hier repéré quelques guesthouses dans les profondeurs montagneuses. Mais … la première indiquée sur maps n'existe pas. Une deuxième affichée sur un panneau routier existe mais est fermée. Son apparence cossue fait que, très isolée, elle doit avoir un gardien. Gagné ! Sauf que le gardien qui dispose d'une belle loge ne veut même pas que je mette la tente. Et moi d'insister en regardant le ciel surchauffant demandant aussi de l'eau. Le gardien, très brave homme certainement mais appliquant les ordres du propriétaire cerbère des lieux, finit par me concéder un emplacement occupé par la famille dindons, donc avec beaucoup de garnitures fécales. Pourquoi pas ? Mais mon frère Claude qui me suit à la trace de la balise satellite m'indique qu'il y a, quelques kilomètres au-dessus, un village où il pourrait y avoir une meilleure solution. Claude et Bernard, toujours très soucieux du confort de leur grand frère, me redonnent un peu de gnac dans cette étape si chaude - j'ai 37°C au compteur. Je laisse là le gardien des demeures fantômes, et commence à grimper à nouveau vers une paradisiaque guesthouse rêvée bien ombragée. La balise satellite est rebranchée. Un panneau à l'entrée d'un hameau indique la guesthouse rêvée mais là encore, après une descente cross du Mulet, personne ne répond, seule une vieille voiture accidentée semble laisser croire qu'il y a du monde. Mais Nenni !

Je reprends mon biclou et continue pour trouver le graal ! Un village, mais après interrogation avec Google traduction (pratique …) les guesthouses marquées sur maps n'existent pas sauf celle qui est en réalité une belle hôtellerie de luxe pour cavaliers et chevaux, située … sur l'autre versant, autrement dit dans encore un autre village. Et … c'est ainsi que fourbu et cramé de soleil j'arrive dans un superbe centre équestre - le Mulet va être aux anges - où je rencontre l'administratrice en chef pour lui demander si le Mulet mécanique et son jockey à pédales sont dignes de crécher ce soir dans l'établissement. Après quelques aller retour avec Google traduction l'affaire est possible, conclue par de jolis billets américains mais avec un excellent café d'accueil.

Ouf! Le bonhomme a eu chaud, très chaud. La douche fut excellente et le cluc (sieste profonde et courte) itou.

Balitchy - Ashu.  81 km.  +408 m.  -499 m

Samedi 3 septembre 2022

Excellente nuit à l'hôtellerie du club hippique de Ashu. Petit déjeuner adapté à ma condition de convalescent de tourista : café, crêpes nature, fromage blanc, pain beurre confiture, omelettes aux herbes. Bien rassasié, le départ est matinal (7h) et quelque peu frisquet. Un petit +5°C. La route d'hier depuis la quatre voies autoroutière est reprise à l'envers pour m'approcher de Bishkek. Elle est certes bitumée mais est très chaotique. L'arrière-train est encore mis à rude épreuve ! Je revois une à une les guesthouses fantômes d'hier. Mais, la circulation montante des véhicules notamment de belles et grosses voitures est pour le moins surprenante. Pas de ville, pas de gros villages … Ca reste la grosse énigme de ce matin. En passant, je salue famille Dindons que j'ai failli déranger hier par la proposition déplacée du gardien de la luxueuse guesthouse fermée.

La quatre voie est retrouvée. Avantage de rouler sur du lisse ! Les kilomètres défilent assez aisément jusqu'à un énorme rond-point où stationnent bon nombre de poids lourds. Des petites dames s'activent pour allumer des braseros qui grilleront des épis de maïs. Ce doit être très apprécié si j'en juge le nombre de braseros en action. Et … je retrouve les camions de charbon … J'opte pour délaisser la quatre voies afin de joindre la bourgade de Tokmok, ma destination d'aujourd'hui.

Une envie de yaourt me prenant, arrêt impératif à un "магазин" (épicerie). Je vois des yaourts Danone (sic) dans le bloc réfrigéré ! La vendeuse devant mes yeux exorbités ... m'offre gratis un sandwich. Bonne action de la gentille dame pour le valeureux biclou-iste.

De la pub sur les talus autoroutiers

Les braseros pour la cuisson du maïs

Camion de charbon sans protection ...

Des ruches

Approchant du but de la journée, j'ose adresser un message à mes logeurs d'un jour pour savoir s'ils acceptent que j'arrive en fin de matinée. Pas de problème : vous trouverez la clef sous le portail et vous rentrez et faites comme chez vous. La confiance … Arrivé au portail, mon téléphone sonne. Mon logeur a une caméra qui fait fonction de sécurité et qui a alerté le propriétaire. Il me précise la manière d'entrer, me demande en video wattsap d'entrer dans leur immense maison, me fait en video communication circuler dans la demeure pour m'indiquer ma chambre, la douche … Le Mulet a été épaté par le modernisme de ce jeune couple !

Ashu - Tokmok  77 km.  +56 m.  -704 m

Dimanche 4 septembre 2022

C'était prévu comme une journée banale de pédalage de transition. Ce le fut mais avec quelques imprévus. Original : deux ronds-points présentent des avions militaires probablement de l'époque soviétique. (Mon ami Christian Elichegaray grand aviateur qui vole sur son avion fabriqué par lui m'indique que c'est un MIG 23). La sortie de Tokmok n'en finit pas avec, chose classique, des habitations en chapelet le long de la longue, très longue chaussée rectiligne durant quasiment trente cinq kilomètres. Néanmoins, beaucoup de champs avec du maïs et surtout beacoup de cultures maraichères. On approche de la capitale donc logiquement on cultive pour alimenter les urbains. Loin d'être une belle quatre voies bien lisse, cette route entre Tokmok et Kant est un vrai piège permanent. Elle a dû être faite par morceaux et tous les dix mètres assez régulièrement un petit fossé sépare des tronçons de bitume tout cabossés. Et, bien sû, le vélo fait du yoyo en permanence … (solide quand même les jantes et les pneus). La circulation est intense à la différence des jours précédents et donc le rase-vélo. Un tracteur s'annonce tirant une remorque et une botteleuse qui est décalé d'au moins deux mètres vers la droite. Le tut tut du vieux tracteur est insistant. Un coup d'oeil dans le rétroviseur me fait bondir loin vers le bas-côté. J'avais la botteleuse décalé en plein dans mon sillage … Bien sûr, un petit coup de gueule de ma part. Ca ne sert à rien mais ça soulage un peu.

Mig 23

Longue longue fut cette ligne droite jusqu'à Kant. On sent déjà l'effet de la capitale proche. Beaucoup d'activités, de marchands, de magasins, d'ateliers de réparations. J'ai trouvé un très bel hôtel confortable pour mes fesses qui commencent à rouscailler, et… de la bière fraiche. Ah ! … que ça fait du bien !

Tokmok - Kant  38 km.  +31 m.  -92 m

Lundi 5 septembre 2022

C'est aujourd'hui le retour à Bishkek. Comme dans les abords des capitales, le trafic des véhicules est quasiment congestionné très tôt le matin. Ces derniers vingt cinq kilomètres seront les plus dangereux de ce petit périple. J'ai dû forcer ma concentration pour que mon vélo reste le plus droit possible sinon c'était l'accident assuré. La route bitumée certes mais comme toujours pleine d'embûches est une deux voies mais le plus souvent avec trois véhicules de front. Inutile de faire un dessin : le cycliste  n'a que très peu de marge pour avancer. Un coup de tromblon quand même lorsque j'ai dû brutalement freiner alors qu'une camionnette stationnée a démarré très vite m'obligeant à me déporter vers la gauche et donc vers le véhicule qui me suivait. Du coup, le conducteur de la camionnette qui décollait du stationnement en a calé, obligeant toutes les voitures à piler … La police était présente. Elle regardait … 

La mosquée de Bishkek, la plus grande d'Asie centrale

L'hôtel Tunduk que je devais rejoindre se situe dans un quartier où l'on refait les chaussées et donc avec des fermetures de plusieurs rues. Quelques hésitations mais j'ai fini par arriver à bon port. Azéma, la patronne de l'établissement, m'a accueilli comme si j'étais de la famille. 

Je vois un cycliste belge qui lors de sa descente du lac Son Koul a chuté et a dû se faire mettre des points à l'hôpital de Bishkek ayant fait les quelques 300 kilomètres d'abord en stop, puis en poussant le vélo pour finalement trouver un taxi. Sacré descente cette piste de Son Koul. 

Le carton-vélo est toujours là. Je colle et recolle les morceaux déchirés espérant que ça tiendra au moins le temps de l'enregistrement à l'aéroport mercredi. Le vélo est désossé puis gainé avec une longue élastique de 5 mètres de façon à ce qu'aucune pièce ne puisse se perdre même si le carton se déchirait à nouveau. 

Petit resto Coréen ce soir.

Kant - Bishkek 28 km.  +119 m.  -25 m

Mardi 6 et Mercredi 7 septembre 2022

L'heure du retour a sonné ! Rien à faire sinon bien rafistoler le carton pour qu'il soit présentable au guichet d'enregistrement et prévoir aussi le pire au cas où les manipulations répétées feraient des déchirures béantes donc bien solidariser toutes les pièces du vélo mais aussi tente, matelas, casque et une des sacoches. Total bon poids 26 kg à la balance du comptoir d'enregistrement de Turkish Airlines.

Le casse-tête du taxi. Au Kirghizistan il n'y a pas de pick-up. Reste le van qui peut contenir le long carton du vélo. Puis trouver un chauffeur qui accepte de me récupérer à 2h-3h du matin. Par magie, un coup de téléphone d'Azéma et la solution est trouvée : un taxi avec un van sera devant l'hôtel à 2h le 7 septembre. A moitié rassuré quand même car trouver un chauffeur qui accepte une course en pleine nuit ? Azéma est confiante … La nuit fut très courte. Une touriste de l'hôtel est intéressée par le taxi. Bon … mais 2h pile pour embarquer … 1h45 le moteur tourne devant la porte. On charge délicatement le mulet et le sac des sacoches. Et … on attend la dame ... A fond les manettes, on traverse la capitale, ma poignée de maintien serrée à mort. Bôf, on a quand même le temps. Des passages devant des radars connus font subitement décélérer le van honda. A l'aéroport, un porteur attend avec un chariot. Pratique ces porteurs qui évitent de trop chercher où aller. L'enregistrement s'opère sans difficulté bien qu'un voyageur sans scrupule me passe devant. Pourquoi pas mais avec un brin de politesse ça passerait plus aisément. J'écris là à Istanbul dans l'immense salle de transit, véritable tour de Babel, très bruyante, très polyglotte, très voilée, très très très … Que devient le Mulet ? Peut-être se gèle-t-il dans son carton peut-être déjà éventré ?

A l'arrivée à Lyon, voilà ... comment a été traité le vélo par Turkish Airways :

Bilan

Une satisfaction personnelle pour avoir réussi à conjurer positivement la montée "impossible" par le versant Nord du lac Son Koul. L'entrainement que je m'étais imposé depuis des mois m'a permis de garder la tête froide face à l'impossibilité pour moi, compte tenu de la charge, de gravir en pédalant le col Tuz-Ashuu à 3200 mètres qui fait la jonction avec le superbe paysage du lac Son Koul. Certes, j'avais un poids d'une quelque cinquantaine de kilos (vélo et bagages), mais je pense que même sans bagage la montée complète par ce versant à vélo sans poser le pied par terre doit être vraiment très difficile voire exceptionnelle, même à VTT. J'ai eu le plaisir personnel de retrouver une forme de maîtrise que je n'avais pas eu l'occasion de mettre en application depuis mes plus difficiles courses en montagne voici ... bon nombre de décennies.

Surprise quand même de la difficulté des pistes non bitumées, très nombreuses, très cassantes, avec mon vieux vélo qui s'est montré très vaillant, sans crevaison (excellents nouveaux pneus bien cramponnés de chez Schwalbe), sans rayons cassés, sans voilage de jante. La casse d'un bras de mon porte-bagages arrière résulte d'une casse antérieure mal réparée. La réparation de fortune s'est avérée suffisante. Néanmoins, cette fragilité m'a fait opter de limiter le parcours sur pistes que j'avais prévu, pour une raison de sécurité, depuis le lac Son Kol. Rien à regretter.

Le fonctionnement de la balise satellite Garmin Inreach mini s'est avéré très efficace et très précis. L'envoi systématique de points de positionnement GPS toutes les demi-heures avec transfert immédiat sur la carte du site ddvagabondages.fr est très sécurisant pour la famille et les amis qui suivent le bipède et son Mulet. Première expérience de ce type, très positive et même rassurante puisque même sans réseau téléphonique et sans réseau internet, on sait très précisément où se trouve à quelques mètres près le porteur de la balise satellite.

L'accueil des Kirghizes a été sans surprise, toujours agréable pour le cycliste. La difficulté de communiquer du fait des langues différentes, a été compensée par la belle tradition kirghize d'honorer l'hôte d'autant mieux qu'il se transporte à vélo et avec sa maison sur les porte-bagages. A recommander l'association CBT qui permet dans beaucoup de villages de trouver des auberges locales qui vous hébergent et vous nourissent de la meilleure des façons pour les occidentaux.

Je connaissais le Sud du Kirghizistan pour y être allé deux fois, d'abord lors d'une expédition au Pic Lénine, puis lors de mon périple à vélo (avec le même Mulet) de Tashkent à Kashgar. Le Nord du Kirghizistan est très montagneux. On navigue en permanence dans des vallées d'altitude aux fortes dénivellations, assez peu peuplées avec l'impression d'être presque seul. Si l'accueil des habitants est toujours agréable pour le visiteur, la nourriture kirghize surprend l'occidental qui, au bout de quelques jours, a des envies de trouver bière, vin, plats connus, des manques toujours difficiles à combler. Si beaucoup de touristes se régalent à parcourir les montagnes et les lacs du Kirghizistan à cheval, à pied, en véhicules tout terrain, les cyclistes restent peu nombreux. Ces cyclistes circulent surtout dans le sens habituel Issyk-Koul (puis éventuellement Son-Koul), Narin, Osh. Je n'ai rencontré aucun cyclo-touriste dans le sens Ouest-Est que j'ai pratiqué.

Boucle pas très longue mais ponctuée de rudes étapes, pistes très nombreuses et cassantes, hébergements satisfaisants et reposants, alimentation plus pour se nourir que vraiment pour manger agréablement avec un peu de manques, accueil toujours très chaleureux surtout dans les estives, et néanmoins ... un petit défi pour cyclo-touriste !

            

 2017 - Indonésie

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Photo du jour

24/02/24

 Un sous-marin dans la baie de Puerto Montt devant les fumerolles du volcan Chaiten