Norvège 2015 - 1
Tromsö - Cap Nord
Direction le Nord ... ? Oui, peut-être, pourquoi pas ... Que de très bonnes impressions reçues de plusieurs amis qui sont déjà allés tout là-haut au bout du continent européen en Norvège. Peut-être un petit air d'Islande - où je suis déjà allé ? Un aperçu de la carte Google earth : pas mal du tout les petits recoins (fjords) ! C'est plat, me dit le Mulet ? Un aperçu des dénivellations me donne tout de même l'impression que passer de 0 m à 400 m à de nombreuses reprises ne doit pas être de tout repos. Le temps ? Fin mai-début juin ne semble pas trop mal avec le soleil de minuit permanent. Mais, à l'évidence, si les estimations météo se vérifient, pluies fréquentes et froid relatif seront au rendez-vous avec une très forte probabilité. La pluie ... c'est ce que je redoute le plus dans mes voyages car rouler un jour sous la pluie n'est pas trop ennuyeux mais deux jours d'affilée devient limite car je n'emporte habituellement qu'un seul change : le mouillé sèche en un jour sur le porte-bagage arrière en roulant. Cette fois, j'ai mis un change de plus : donc deux jours de pluie oui ... paré, mais après il faut impérativement faire sécher les vêtements. Et là ... ce sera un problème majeur pour moi surtout avec des températures inférieures à 10°C. On verra bien ! ...
J'ai finalement opté pour un périple assez court pour tester un peu ces contrées inconnues de moi. La vie semble très chère. Mais tous les échos notent un bon accueil des cyclistes par la population qui accepterait le camping sauvage pour peu que l'on soit correct : demander une autorisation de poser pour la nuit son abri, laisser l'endroit comme on l'a trouvé sans détritus sans dégradation.
Le Cap Nord m'a aimanté dans mon choix. Ca va me changer des tropiques !
Où atterrir ? Tromsö est la cité norvégienne qui semble être un bon point de départ pour un périple initiatique au-delà du cercle arctique. Donc, choix Toulouse - Tromsö en avion. Pour faciliter l'épineuse question de l'emballage du vélo au retour, j'ai choisi de repartir de la même ville, mes hôtes de Tromsö ayant accepté de conserver mon carton vélo. Airbnb m'a permis de trouver une solution pour me loger avec un tarif acceptable (la Norvège parait avoir un niveau de prix moitié plus élevé que les prix français).
Atteindre le Cap Nord est une chose, mais revenir par le même itinéraire ne m'enchantait pas trop. Le retour par le navire côtier Hurtigruten de Honningsvag à Tromsö a été choisi pour profiter de l'envers des paysages traversés en vélo.
Mercredi 27 mai 2015 : Tromso oui mais ... sans bagage !
Enregistrement sans problème à l'aéroport de Toulouse-Blagnac, sauf un petit surcoût pour le vélo : le site Lufthansa indique 50 euros, en réalité il faut ajouter 10 euros de "taxe". Très agréable journée hier d'abord chez Laure et Pierre avec les petits Baptiste et Ninon, puis chez Thomas et Nadine. Dominique m'a annoncé qu'elle venait de cueillir un nouvel essaim d'abeilles ! Ca fait donc quatre essaims que nous avons ramassés cette année ! Ce matin, Thomas, toujours tip top, m'a conduit de très bonne heure à l'aéroport. Quelques légers bouchons sur la rocade toulousaine mais arrivée sans encombre.
Pas de chariot ! Je demande à un employé vêtu d'un bel habit qui me répond "je ne sais pas, je ne sais pas quoi vous dire" : la compétence au meilleur niveau ! Pas un caddie à l'horizon. Après un footing de quelques centaines de mètres, j'en trouve un dehors. Il faudra dire à la gestion chinoise nouvelle de l'aéroport d'investir dans des ... chariots ! Internet ? Oui avec un mot de passe à rentrer. Autant dire qu'il y a encore du progrès à faire à l'aéroport international de Toulouse-Blagnac ! Les contrôles de bagage sont très minutieux. Lufthansa est la compagnie qui gère deux de mes trois vols aujourd'hui : de Toulouse à Francfort puis de Francfort jusqu'à Oslo. Après, d'Oslo à Tromsö, c'est Scandinavian Airlines. Le délai est très court pour changer d'avion à Francfort : une petite heure ... De Francfort à Oslo, on a eu un Airbus 320 -200 rutilant. A Oslo, le chargement des bagages dans l'avion pour Tromsö ne fait pas apparaître de grand carton ... A l'embarquement, mon billet fait sonner la machine. L'employé vérifie et voit de suite que le vélo et le sac contenant les sacoches n'ont pas été chargés. Je monte tout penaud dans la carlingue d'un Boeing 737 qui sent la moquette élimée. La neige apparaît très proche du sol ! De belles montagnes encapuchonnées font penser aux ... Pyrénées blanches ! La Norvège apparaît dans un paysage embrumé mais gorgé d'eau de toutes parts. Atterrissage musclé. Je file au service des bagages spéciaux, et comprends que je me fais engueuler par la femme qui me dit que c'est de ma faute ! Un comble alors que sur les billets d'attestation de bagage, tant le bike que le grand sac de sacoches seront délivrés à Tromsö. Elle me dit de revenir demain pour 10 h. D'ici là, deux avions doivent arriver d'Oslo. Félix, très apparenté à la dame qui m'héberge, nigérian d'origine, montre une pancarte "André". On discute ... Afrique ... tout le long du trajet en voiture. Madame Ann-Katrine me reçoit : très belle chambre surchauffée avec la fenêtre ouverte ! Des chats ! Des enfants dont une petite handicapée. La cuisine est à ma disposition. Je file à pied acheter de quoi manger. Le jour est sans fin. La nuit sera longue ... Demain, Félix semble disposer à me conduire à l'aéroport. Croisons les doigts pour que les bagages soient là ! Première journée, première surprise ...
Jeudi 28 mai 2015 - Le Mulet retrouvé
La première nuit sans nuit en Norvège ne m'a pas trop perturbé. C'est vrai qu'entre le jour brumasseux et la nuit étoilée, la différence est quasi nulle. Attention à bien surveiller la montre donc ! Sinon, c'est la cata assurée au bout de quelques jours avec endormissement garanti en pédalant. Encore faut-il avoir un vélo !
Ce matin, avant de foncer chevaux-vapeurs au vent vers l'aéroport, j'ai fait appeler ma logeuse Ann-Katrin au service bagages spéciaux pour avoir des nouvelles de mes bagages. Restée pendue au téléphone plus de trois quarts d'heure, elle a fini par me dire que personne n'avait pu la renseigner. Félix mon chauffeur m'invite à m'embarquer tout de même. Si je n'ai pas le coeur à trop rigoler, on plaisante avec la bière de banane que j'apprécie particulièrement au Burundi et au Rwanda. Félix prend l'initiative d'appeler à nouveau l'aéroport. Le Nigérian a appris le norvégien ! Il parle comme un livre et ... après moultes transferts d'appels, il finit par m'annoncer que les colis sont là, ... le tout en conduisant bien sûr ! Je finis par croire qu'un africain peut tout faire ... Le service des bagages spéciaux est en vue avec ... un carton tout éclaté ... que je ne reconnais pas de suite. J'ai un haut-le-coeur lorsque je vois à côté du carton mon sac contenant les sacoches. C'est bien le Mulet qui est là ! L'employée m'explique que c'est la douane qui a fait ce travail pour vérifier si l'emballage ne contenait pas des objets interdits. Je signe le papier de réception à contre-coeur mais y suis obligé. Mon vélo est, je pense, suffisamment solide pour subir les outrages des douaniers norvégiens ! Passage en ville pour trouver une banque où changer mes euros. Ce n'est qu'au bout de la cinquième banque - la Post Bank - que ce fut possible ! Toutes les précédentes ne changeaient que pour les clients de la banque et encore en montrant la carte bancaire du titulaire, ce que Félix n'avait pas sur lui.
Arrivé "à la maison", je dégraffe délicatement, je découpe au cutter les collants, j'extirpe le fugueur qui n'a pas voulu me suivre hier ... et ... comme prévu, tout le vélo est remonté entier : solide le randocycle ! Je suis donc rassuré ! et peux penser aux jours qui viennent en calculant bien mes étapes. La neige est là juste à 50 mètres au-dessus. Akuna matata ("pas de problème"), m'a dit Félix, la route sera dégagée. Je demande à ma logeuse si, au retour du bateau que je vais prendre le 9 juin pour revenir du Cap Nord, elle peut m'accorder une chambre - arrivant vers minuit. Réponse positive.
Le carton en lambeaux est gardé par précaution au cas où je n'en aurai pas de meilleur pour le retour. Les provisions pour trois jours de sécurité sont faites. Je n'ai pas eu le temps de visiter Tromsö, préférant profiter encore du confort douillé de la chambre. Le temps est maussade, nuageux, avec une très fine pluie légère de temps à autre : au moins je ne vais pas risquer les brûlures au deuxième degré comme dans mes autres périples sous les tropiques.
Demain matin, départ avec le Mulet pour je ne sais où précisément mais sur l'itinéraire qui figure sur la carte affichée. Il est probable que les possibilités de liaison internet vont être très réduites. Mes humeurs quotidiennes risquent donc d'être posées en pointillés sur le site.
Vendredi 29 mai 2015 - Serpentin dans les fjords
Pluie toute la nuit, et ... aussi ce matin ! Le poncho sera de sortie. La circulation de Tromsö n'est pas très dense et, chose suprême pour un cycliste, très respectueuse des vélos, au point de bloquer une file pour laisser traverser un cycliste ! Ca change de la Colombie. Journée sans histoire, pas très longue (sur le vélo). Mais un joli début avec près de 100 km et deux traversées en ferries. On prend d'abord la grand'route E8, puis la route secondaire 91. La paix sur cette route secondaire avec de temps à autre juste un bruit de moteur. La campagne est très peu peuplée. Les maisons sont colorées, le plus souvent avec un soubassement en dur et un parement en bois pour les niveaux habités. L'arbre dominant est le bouleau. Quelques petits élevages de brebis égaient la campagne, mais c'est la nature pas mal terrassée qui domine. On longe les fjords par tout un tas de contours. On ruse un peu avec la neige qui reste très basse. Cette pelisse blanche donne des allures de grandes montagnes. On voit les très belles courbes dans le paysage creusées par les glaciers. Le plafond nuageux est bas. Deux ferries permettent aux véhicules de traverser aisément les fjords par des va-et-vient permanents. C'est ainsi que je me suis retrouvé à Olderness à 15h30. Camping ? Que nenni mais des chambres toutes simples à plus de 100 euros dans des cabanons sans accueil avec un numéro de téléphone au cas où l'on serait intéressé. Je continue au-delà d'Olderness pour trouver un endroit où camper. En haut d'une montée, un écart de la route permet de dominer un paysage somptueux. Je pousse le Mulet un peu à l'écart, et pose la tente devant ce panorama unique : les montagnes enneigées, l'océan aux pieds, entouré de bouleaux, je casse la croûte, mais ... j'ai oublié l'eau ! Le bidon d'essence est rempli. J'attendrai demain soir pour manger et boire chaud. Saucisses de "Strasbourg", maquereau à la tomate, fromage de Brie (mais oui), pomme, pain. J'oublie de dire que ça pince bien depuis ce matin : la petite pluie fine mais aussi le froid (glagla sur les ferries) et un peu de vent.
Tromsö - 8 km après Olderness , 94 km et deux traversées de fjord, + 709 m - 689 m
Samedi 30 mai 2015 - Soleil de minuit
Superbe emplacement pour camper. Coucher tôt. Dommage que les huitriers-pie vus hier ne piaillent pas. Le diner est un peu maigre, mais ça ira. Au bout de quatre heures de sommeil, un éclairage surprenant ! Tout est jaunâtre. J'écarquille un peu plus les yeux. C'est bien le soleil que je vois, là, pile en face illuminant tous les sommets enneigés bordant le fjord. C'est curieux, alors que je n'avais pas vu le soleil de la journée, là ... il est proche de minuit, il éclaire comme un phare géant. Les nuages sont tellement épais que, durant la journée, on a juste un halo informe sinon la pluie. Le soir tard lorsque l'horizon est bas mais que le le soleil pointe, alors il passe en-dessous du plafond nuageux et nous envoie un coup de projecteur surpuissant ! Je sors vite de la tente en chaussettes pour emprisonner par une photo le soleil à minuit pétante ! Inutile de dire que l'on y voit mieux qu'en plein jour.
7h, la sonnerie ! Je n'ai finalement pas mal dormi. Petit-déjeuner : banane, biscuits. En route par une corniche qui épouse toutes les sinuosités du paysage. J'ose dire que depuis Tromsö, je vois des détritus ... partout dans les fossés bordant la route : c'est assez impressionnant de voir tous ces emballages plastiques qui ont été manifestement jetés par la fenêtre des véhicules ... Un col ! presque ... ça monte à 9% pour gommer les 400 mètres de dénivellation juste avant de descendre vers Storslett. Un petit supermarché ! Je fonce vite m'acheter de l'eau plate, et du ravitaillement pour deux jours de plus, la prochaine ville étant Alta que je n'atteindrai que le 1er juin au soir. Après Storslett, j'avais repéré un camping avec peut-être le wifi et un tarif généreux pour bike + tente : j'y suis.
La route est quasiment déserte. Mais où sont les camions ? C'est très agréable de se sentir très en sécurité, les quelques voitures freinant sévèrement dès je suis en vue : faut dire que je suis assez gros en largeur. Les bas-côtés sont toujours très humides, beaucoup de ruisselets, de mares, des bosquets de bouleaux partout. La neige est toujours là en congères. J'ai cherché en vain des papillons ! François Bixel m'a pourtant dit de bien regarder. Il faut tout de même dire que le froid est encore un peu vif : j'ai mis par confort mes sous-gants de montagne. Les seules fleurs aperçues ressemblent à des primevères (toutes jaunes). J'ai rencontré un Suisse dans un camping-car big size. Il n'aimait pas trop ce temps maussade qui dure depuis quelques jours. Un norvégien m'a demandé si le pays me plaisait : assurément avec la montagne, la neige, l'eau ... mais pas les détritus (mais je ne savais dire que basura l'espagnol prenant le pas sur l'inglish !). Je constate que le premier camping où je suis est très confortable et surtout très propre avec des douches chaudes puissantes, des toilettes avec papier, une grande cuisine complète à disposition des campeurs. Que ça dure ...
Il est 16h : le soleil semble vouloir enfin sortir un peu. Demain, étape avec deux fortes dénivellations à monter et un kilométrage solide. Allez Mulet, affûte tes sabots ...
Journée encore un peu froide mais sans pluie. Le soleil va encore pointer un peu avant minuit. Au fait, j'ai entendu les oiseaux chanter encore à minuit !
Olderness - un peu après Storslett, 61 km, +435 m -522 m
Dimanche 31 mai 2015 - Un enchantement !
Passer la nuit dans un camping présente avantages et inconvénients. Avantages pour l'accès à une cuisine, à des toilettes, à une douche chaude, à internet ; inconvénients pour la promiscuité et surtout les bruits : télévision dans les campings cars, passages fréquents devant votre tente, de piétons, de véhicules, et surtout bruits des retours dans la nuit de personnes éméchées qui réveillent tout le camp. Ici en Norvège, cette dernière catégorie est particulièrement pénible à supporter. Introduction bien sûr à une nuit moyenne passée au Fosselv camping. A 2h30 néanmoins, l'éclairage solaire sur le fjord était très surprenant, les couleurs dominantes (bleu et jaune) résultant vraisemblablement de l'angle terre-soleil au-delà du cercle arctique.
6h15. Je profite de la cuisine chauffée pour me faire un petit déjeuner café, banane, biscuits. La tente mouillée par la pluie d'hier soir a séché durant la nuit (l'humidité reste assez faible malgré tout). Le vélo est notablement chargé avec les victuailles achetées hier midi. Et c'est parti à 6h30 pour une bonne journée de pédalage. La route est pour moi tout seul. Les oiseaux ont encore chanté toute la nuit, et continuent (mais quand dorment-ils ?). Le ciel est très clair sans trop de nuages (miracle !). Je continue ma remontée vers le Nord avec des vues toujours renouvelées de l'eau des fjords et surtout des paysages montueux et neigeux alentours. Pauses photos nombreuses. C'est vraiment un pays gorgé d'eau : ça coule de tous les cotés, les bouleaux baignent, les prairies sont des éponges. Beaucoup de marais et, probablement, de tourbières (?). Mais la route n'est pas plane loin s'en faut ! Deux grosses bosses nécessitent petit plateau et presque tout petit pignon. La dénivellation totale ne sera pas négligeable. Ce qui frappe, c'est qu'on est dans un pays où les paysans sont inexistants ou vraiment très peu nombreux. Quelques brebis (de forte corpulence) dans des prés, quelques lopins avec de la pomme de terre, mais aucun jardin potager comme chez nous. Les rares maisons que l'on croise sont plutôt cossues avec, toujours, des engins de forte puissance pour terrasser, déneiger, transporter (pelle mécanique, petit bulldozer, chenillette, tracteur ...). La pêche est une activité dominante ici si l'on en croit les immenses séchoirs à poissons construits en forme de maison et bardés de grillage pour éviter que les oiseaux y trouvent pitance. On voit encore d'énormes cercles, autant de filets dans les fjords qui attestent d'une activité d'élevage piscicole.
Aujourd'hui, le soleil a daigné être de la partie ! Hier, très tôt il a été masqué par une avalanche de nuages qui sont restés toute la journée. Aujourd'hui, non, soleil permanent, les couleurs des paysages paraissent revigorées. La première montée est sérieuse, longue, sans portions pour souffler un peu. Alors qu'hier on creusait un tunnel pour éviter dans l'avenir "la bosse" de 400 mètres, aujourd'hui, cette montée entre Storslett et Badderen restera encore longtemps obligatoire. Mais c'est un enchantement, certes par les paysages naturels que l'on traverse mais peut-être surtout par la sérénité et la tranquillité que l'on ressent du fait de l'absence presque totale de circulation. Un vélo ne fait pas de bruit ...et, au détour d'un virage, une vision que j'attendais depuis Tromsö : un renne broutant paisiblement dans le sous-bois de bouleaux. Le pelage est très clair : les photos permettront à mon ami spécialiste Claude, de mieux identifier l'animal, solitaire, et fuyant assez vite l'homme, mais se retournant au bout de 50 mètres pour mieux apprécier le risque subi avec ce bipède cycliste qui cache ses yeux avec une boite bizarre ! Plus haut, dans les raides pentes herbeuses, trois autres individus déambulent paisiblement. Alteidet est dépassé. J'ai une amorce de fringale. Je m'arrête vite et boulotte une boite de maquereaux à la tomate, du fromage, quelques biscuits sucrés, une pomme, et un bon coup de coca cola. Ca monte encore, et je finis par tomber sur le camping espéré (car il dispose du wifi) : l'Altafjordcamping. La patronne n'est pas là. Une pseudo employée me propose, à condition de la payer de suite, une cabane au lieu de ma tente pour moitié prix : 200 NOK (soit 23 euros environ), avec chauffage de la cabane, lit, salon, plaques chauffantes pour la cuisine. électricité. Marché vite conclu.
Journée magnifique par l'ambiance, la sénérité des lieux, et ... le soleil ! Demain, étape pour atteindre Alta, la dernière petite ville du Grand Nord norvégien.
Camping Fosselv (Storslett) - Camping Altafjord (Langfjordbotn), 88 km, +1122 m -1112 m
Lundi 1er juin 2015 - C'était trop beau ! ... le poncho est content ...
Finalement, dormir dans une petite cabane et dans un lit n'est pas mal du tout ! Surtout quand on entend la pluie cogner sur la toiture. Ce matin, je me suis réveillé un peu plus tôt car l'étape me paraissait longue et dure. Un autre cycliste qui avait mis sa tente près des toilettes a eu le réflexe de mettre sa tente ... dans les toilettes ! La pluie, ce n'est pas terrible lorsque le matin on doit charger la tente sur le vélo avec, bien sûr, un poids supplémentaire et le terrible souci de devoir remonter et dormir dans une tente humide. Après avoir avalé une tasse de café, j'ai enfourché le Mulet avec ... le poncho car il faisait ce petit crachin pas tout à fait désagréable mais drôlement pénible car le paysage devient noir avec un plafond de nuages très bas (donc on ne voit rien ...) et les fjords qui ne sont plus qu'un espace béant sans relief et sans apparence. La route en corniche longe le ou les fjords (on ne sait plus à côté duquel on est tellement l'eau est continue) avec des effets de montagne russe drôlement pénibles quand on est bien chargé car, bien sûr, les mollets n'acceptent que les petites vitesses dès qu'on lève le nez de l'horizontale. Je pensais trouver de grosses bosses, un peu comme hier, mais j'ai trouvé des tunnels. J'ai pu ainsi tester si les conducteurs qui venaient par derrière me voyaient. J'ai un petit clignotant rouge en continu. Ca a l'air de bien fonctionner. Les tunnels sont éclairés. L'intérêt des tunnels est qu'il ne pleut pas dedans ! Car j'ai dû garder le poncho durant une soixantaine de kilomètres. Ce n'est pas tellement désagréable le poncho dès l'instant où il est tenu à la taille par une ceinture (ça l'empêche de tourner sur le corps), avec le capuchon fixé par le casque (sinon, bonjour l'aveugle ! soit le capuchon descend sur les yeux, soit il tourne sur le visage, soit ... il fait les deux, et alors on n'y voit plus rien). Tout ça pour dire que ce matin, ce fut un peu galère : ne rien voir du paysage, pédaler sous la flotte, et pointer les yeux à 5 mètres devant. Ce n'est pas la journée d'hier.
Supermarché Coop à Kvenvik avec, devant, deux vélos chargés : l'un m'a doublé, il va aussi au Cap Nord, l'autre en revient après avoir pris le bateau de Tromsö à Honningsvag, c'est-à-dire exactement l'inverse de ce que je compte faire (oui mais lui, c'est un anglais !). Quelques échanges pour savoir où, après Alta, on peut trouver à ... manger, car, entre Alta et Honningsvag, la carte ne montre pas de village digne de ce nom. Là, on commence à rentrer dans un Nord de plus en plus isolé. Déjà que la Norvège est très peu peuplée ...
Je suis arrivé à Alta beaucoup plus tôt que prévu, vers 14 h. Mais j'ai fait 25 km de trop ! Car j'avais repéré un camping de l'autre côté de la ville (vers le Nord) mais ... il était fermé. Aussi, retour et direction plein Sud à 4 km pour trouver le grand confort à l'Alta River Camping. J'ai prévu d'y passer deux nuits pour un peu recharger les batteries et pour aller voir d'un peu près des gravures rupestres. Ce soir, j'ai bu ma première bière depuis mon départ ...
Camping Altafjord (Langfjordbotn) - Camping AltaRiver (Alta), 113 km, +848 m -821 m
Mardi 2 juin 2015 - Age de pierre à Hjemmeluft (prononcer : iémélut)
Site assez exceptionnel : Hjemmeluft qui veut dire baie des phoques en sami (lapon) est ce que nous appellerions Baie d'Alta, où se trouvaient - autrefois - phoques, baleines, dans une contrée également habitée par les ours. Ce n'est qu'en 1973 que l'on découvrit les premières gravures faites sur d'imposantes plateformes rocheuses lisses alors que la plupart des rochers sont recouverts de mousses, de lichens. Ceci s'expliquerait par l'action de l'eau de mer qui aurait poncé les dalles rocheuses se trouvant en bordure de l'océan. C'est sur ces dalles que les premières gravures auraient été faites. On trouve des dalles rocheuses gravées du bord actuel de l'océan jusqu'à une altitude de 26 mètres au-dessus du niveau de la mer. Les plus hautes sont les plus anciennes (autour de -5000 -6000 ans avant J.-C.). La surélévation de la partie terrestre consécutive à la fonte glaciaire (+3000 mètres d'épaisseur) expliquerait ces différences de positionnement altitudinal. Mais toutes les gravures auraient été faites sur le bord de la mer. On trouve encore des restes d'habitat de l'âge de pierre.
C'est particulièrement grandiose cette baie d'Alta où l'on imagine chasseurs et pêcheurs d'il y a -2000 à -6000 ans av. J.-C. dans un paysage semblable à ce que l'on a sous les yeux aujourd'hui. Ces gravures représentent des scènes de chasse principalement mais aussi des formes symboliques liées au besoin de surnaturel. Le ciel, l'eau, la terre, ces trois éléments constitueraient respectivement la demeure des dieux, celle des hommes et des animaux, celle du néant. Les gravures seraient la traduction d'une forme de mise en relation des trois éléments. Quelques animaux (dont l'ours et les oiseaux) auraient été jugés capables d'aller et venir entre ces trois éléments.
Pour mieux faire apparaître les gravures (taillées à la pierre dure), les premières identifications ont été peintes d'une couleur ocre-rouge (qui ressemble étrangement à la couleur que l'on trouve pour pas mal de peintures rupestres dans beaucoup de pays). Mais, les spécialistes ont fait décider de ne plus peindre, voire de décolorer les gravures rupestres, pour mieux approcher les conditions d'origine et la vision qu'on pouvait en avoir avec un paysage à peu près semblable. Une anecdote : un ouvrier avait foré des trous dans un rocher pour implanter un pylône pour la très haute tension électrique. Or c'était en plein dans une série de gravures. Depuis que ces gravures sont inscrites au patrimoine mondial de l'UNESCO (1985), on a pu faire enlever le pylône, mais une énorme tige métallique reste encore enfoncée (mais coupée au ras du rocher) à côté d'un très beau renne ...
La visite de ce site spectaculaire dure au moins 2 heures avec un audiophone (en français !) qui permet de mieux saisir la signification de ces merveilles. On se rend compte qu'il faut souvent avoir des yeux de spécialistes pour identifier les formes gravées. Mais c'est sûr qu'ils ont beaucoup d'imagination les spécialistes, alimentée par la Connaissance.
A l'accueil du Musée (car on y rentre par un Musée très documenté avec une salle d'exposition sur les Ours comprenant de magnifiques spécimens avec des positions plus vraies que nature !), j'ai eu la surprise d'être accueilli par un Breton qui avait bien repéré le ... français ! ... qui parle couramment l'anglais, l'italien, l'allemand, l'espagnol.
Demain matin, départ très matinal car c'est la plus longue étape en kilomètres ... si j'arrive là ou je voudrais ! Il est possible qu'une forme de traversée du désert durant trois jours empêche une communication sur le site.
suite Norvège 2015 - 2 →