(suite de Norvège 2015 - 1)
Norvège 2015 - 2
Tromsö - Cap Nord
Mercredi 3 juin 2015 - Traversée en terre ... aride
Départ d'Alta tôt ce matin car c'est la journée avec la plus longue distance à parcourir. Je laisse l'Altafjord à l'Ouest pour joindre le Porsengerfjord à l'Est, ou plus simplement je passe d'Alta à Russenes. Finalement, Alta est une ville très étendue - une bonne quinzaine de kilomètres pour la quitter, avec beaucoup de concessions de marque automobile dont Citroën, et un petit aéroport qui doit recevoir des petits avions de ligne intérieure à la Norvège.
Pas un chat à 5h ce matin. La route est déserte. Mais il vaut tout de même mieux prendre la piste cyclable puisque je dois d'abord joindre Alta (le camping étant à 4 km au Sud de la ville) et complètement la traverser par la E6. Je salue la baie où les graveurs du Néolithique ont oeuvré. Je passe plusieurs rivières au débit impressionnant, et je quitte assez vite le bord du fjord pour monter et m'enfoncer dans les terres. Ce n'est pas très haut (toujours un maximum d'altitude autour de 400 mètres), mais le paysage change du tout au tout. Maintenant, bien sûr, il y a beaucoup d'eau qui coule de partout mais avec d'importantes zones humides et de marais "d'altitude", et probablement des tourbières. On entre dans une longue zone désertique, ventée à souhait, pour enfiler un très large plateau bordé par des rouleaux de nuages qui pourraient bien me causer du souci si d'aventure ils devaient se vider. Car, il fait froid. La neige est bien visible tout à côté de la chaussée et les lacs sont en grande partie recouverts d'une assez large pellicule de glaçons que, au départ, de loin, je pensais être de la végétation. Très peu de maisons sur ces hauts de hurlevent. Mais, quelques rennes dont un magnifique avec ces bois soyeux ramifiés qui lui donnent une belle prestance. Après des bosses, encore des bosses, la route est longiligne et paraît sans fin. Mais le paysage est, pour moi, un peu plus rassurant car plus montagneux. Le vent est très présent, pas mal de face. Je pense à la situation délicate où je serai si jamais les gros nuages avaient l'idée de m'asperger de neige. Pas d'âme qui vive dans cette longue traversée désertique et pas d'abri. Ca me rappelle un cuisant souvenir des Andes où je fus bloqué par une tempête de neige à plus de 4700 mètres ... Après 100 kilomètres pile, j'atteins la bifurcation espérée à Skaidi. Je laisse à gauche la direction d'Hammerfast pour rejoindre à l'Est Russenes au bord du Porsengerfjord. Encore des bosses à grimper petit petit. La circulation devient plus dense. La route n'est pas large, sans bas-côté pour les deux roues. On dirait qu'elle n'en finit pas. La descente espérée arrive enfin au 20ème kilomètre pour buter contre le fjord. Je tourne à gauche plein Nord pour aboutir à un camping que j'avais repéré pour avoir le wifi. Mais, le dispositif wifi du camping est archaïque - un peu comme les services aux campeurs (sauf les prix qui sont au top du top si je compare avec les campings où je me suis posé), et l'on doit aller à la cafétéria pour espérer avoir la ligne internet. La tenancière me propose un hyte : j'accepte après avoir fait baisser le tarif de 450 à 370 NOK. L'avantage énorme est d'avoir un lit, d'être dans un abri en dur, et d'être chauffé. Par la température qu'il fait, ca requinque le bipède en moins d'une nuit. En revanche, pas de cuisine à disposition comme dans les autres campings.
Journée solide ! Demain, ruée vers le Nord pour, après-demain, atteindre Honningsvag, clef d'entrée du NordKapp !
Altariver camping - Olderfjord Russenes camping, 124 km, +968 m -1003 m
Jeudi 4 juin 2015 - La lutte ! ...
La bagarre, la guerre même contre les éléments. Ce matin, refrain déjà écrit, pluie fine, paysage bien bouché. Il n'en fallait pas plus pour m'exciter un peu. Du coup, j'ai fait deux étapes prévues en une seule. Ce soir, je suis à Honningsvag que je ne devais atteindre que demain.
... La nuit au chaud m'a bien requinqué. Malgré le temps très moyen - poncho obligé - la route qui longe le Porsangerfjorden est assez unique. Elle épouse les contreforts rocheux souvent taillés pour les besoins de la chaussée, laissant paraître de très beaux dessins naturels, avec le fjord à droite, aujourd'hui noir d'encre à cause du plafond grisonnant du ciel. Petit crachin comme d'habitude mais aujourd'hui avec des développements plus sérieux puisque j'ai eu quelques flocons de neige, et même du grésil. Il faut dire que la température m'a incité à me couvrir davantage et à mettre gants, moufles, et passe- montagne sous le casque. Au bout d'une quarantaine de kilomètres, le vent s'est soudainement mis à tourbillonner dans tous les sens en rafales. Et voilà le bipède pédalant arc-bouté sur le guidon jouant les équilibristes pour contrecarrer les humeurs d'Eole. Le problème est que ce petit jeu a duré ... tout le temps, rendant très difficile l'option que j'avais choisie de monter la tente après une cinquantaine de kilomètres. Quelques fenêtres de soleil tout de même (pour les photos !) font apparaître la mer tout autrement avec de belles nuances vert émeraude (un vert qui ressemble étrangement au vert des aurores boréales). J'ai fini par arriver beaucoup plus loin que ce que j'avais prévu, et buter contre le très long tunnel de 6800 mètres qui permet de gagner, après un nouveau tunnel de 4480 mètres, la bourgade de Honningsvag une trentaine de kilomètres plus loin, sur l'île Mageroya. Que faire ? Camper avant le long tunnel ? Les bourrasques de vent incessantes depuis le milieu de la matinée vont malmener la tente et le bonhomme dedans, sans compter que la pluie empêche d'allumer le réchaud. Il est juste 14h. Je décide de ... bien dormir et de bien manger à l'abri, donc je dois atteindre Honningsvag.
Lampe torche allumée, je descends les trois premiers kilomètres (pente 9%) puis je monte les 3800 mètres suivants (pente encore à 9%). J'ai l'expérience des tunnels avec le bruit assourdissant que génère un seul véhicule. Mais quand la chaussée est étroite et surtout quand on doit monter petit petit à 5 km/h en zigzagant pour maintenir l'équilibre, alors que le véhicule arrive derrière, il y a toujours un petit pincement qui fait dépenser une énergie folle pour ne pas zigzaguer comme un saoul. Et ... on est bien content lorsque l'on sort de cette lessiveuse infernale d'autant que les turbines marchent à fond pour éviter qu'il y ait trop d'air vicié. A la sortie du tunnel, poncho obligé ! Quelques kilomètres plus loin, autre tunnel mais à peu près plat de 4480 mètres, avant d'arriver au village espéré Honningsvag où j'ai réservé pour demain un lit dans un dortoir d'une auberge. L'accueil est de grande qualité : aucun problème pour passer deux nuits. Dehors ... devinez ! Ca mouille.
Le Cap Nord n'est plus bien loin. J'irai après-demain samedi.
Russenes - Honningsvag, 104 km, +724 m -793 m
Vendredi 5 juin 2015 - Le miracle n'a pas eu lieu !
Grasse matinée ce matin, réveil à 7h30. L'ouverture des rideaux de ma chambre n'a pas fait changer le décor ! Ca pleut toujours en continu avec des bourrasques de vent, les maisons du bourg de Honningsvag sont embrumées, la montagne juste derrière n'est qu'une vague apparence ... La nuit n'a rien changé. Le soleil de minuit a dû pourtant tout essayer. Autant en profiter pour s'empiffrer. Le petit déjeuner de l'auberge est royal. On mange trois fois comme d'habitude : deux oeufs frits, un bol de lait, deux tasses de café, 2 verres de jus d'orange, 4 tartines grillées beurre/confiture, fromage ... Ca fait du bien !
A tout bien penser, j'ai largement le temps, prenant le bateau du retour vers Tromsö mardi matin. Autant choisir le meilleur jour pour faire les 40 kilomètres restants pour atteindre le Cap Nord. Les prévisions météorologiques prédisent toutes que le moins mauvais jour sera dimanche, après-demain. Demain, samedi, ca devrait meme être pire qu'aujourd'hui puisque rafales de vent et pluie avec moyenne de 5-6°C seraient au programme. La tenancière de l'auberge me facilite les choses en me laissant la chambre non seulement pour la nuit de samedi à dimanche mais aussi du lundi au mardi avec, s'il vous plait un petit-déjeuner spécialement pour moi à 4h30 le mardi pour que je puisse prendre "l'express côtier" de Hurtigruten. Tout converge bien : départ pour terminer au Cap Nord dimanche.
Du coup, plusieurs petites siestes aujourd'hui. Sans doute la bête en avait besoin. J'ai redressé mon guidon qui avait une fâcheuse tendance à s'affaler vers l'avant et à se déplacer vers la gauche. Puis, j'ai fait plusieurs tentatives pour sortir m'acheter de quoi manger. Je suis revenu rincé. A la troisième, j'ai pu arriver au supermarché du coin. Plein de personnes encapuchonnées essayaient de se sécher tout en discutant. Rentré vers 17h, l'arc-en-ciel apparaît ! Bonne augure ? Bizarre puisque demain la météo du pays Sami (il paraît que Laponie fait mauvais genre car cela signifierait "porteurs de haillons") annonce pire qu'aujourd'hui.
Samedi 6 juin 2015 - Du gris à la couleur ...
Les prévisions météorologiques seraient-elles un peu pessimistes ? ou ... un peu en avance ? Car c'est demain qu'il doit faire beau temps. Demain, pour les 40 derniers kilomètres. Ma journée a été consacrée à ... dormir, mais aussi à repérer le lieu de l'embarquement pour le bateau qui me portera jusqu'à Tromsö, pour voir la face cachée des paysages traversés en vélo. Si vous pas comprendre, regarder carte ! Pas évident de s'y retrouver dans les quais de Honningsvag. Les norvégiens ne sont pas très généreux en panneaux d'indication. Après avoir fait trois fois le tour des possibilités sous ... la pluie, je finis par demander pour trouver l'évidence : le quai d'accostage est devant l'immeuble de la police. "Le prochain arrive dans 1 heure" me dit le patron fort sympathique d'une librairie, épicerie, cafétéria, bureau de tabac. Je repars après m'être pelé de froid pendant une heure, lorsque l'immense masse blanche et rouge pénètre dans la baie. Accostage parfait sans manoeuvre. Le navire d'Hurtigruten est pastillé de hublots. La corde est lancée, arrimée, les battants hydrauliques basculent sur le quai, tout est parfaitement opéré. Le Mulet est maintenant rassuré pour mardi prochain.
C'est vers 14h que le soleil montre le bout du nez. Deux heures après, il est encore là même si la barrière nuageuse rechigne à s'évaporer (il fait 5°C !). Un petit (re)tour au port sous le soleil me donne une lecture très différente de ce matin. Tout devient couleur alors que ce matin c'était blanc et gris. Les bateaux de pêcheurs - petits - sont des bijous de technicité à voir tout le matériel sur les ponts. Entrée au Musée : intéressant pour connaitre un bout d'histoire de l'ile de Mageroya. On vivait de la pêche avec particulièrement le cabillaud qu'on fait sécher pendu à l'air libre durant plusieurs mois avec un pouvoir de conservation qui serait alors de plusieurs années. On trouve, comme dans les musées de ce type, beaucoup d'outils en bois ou en corne imaginés par les pêcheurs d'alors pour faciliter la capture, des barques agrémentées d'une ou deux voiles, mais aussi des harpons qui devaient servir à chasser la baleine. Toute une pièce est consacrée à la Deuxième guerre mondiale avec documents et photos montrant les effets de la politique de la terre brûlée d'Hitler qui a ordonné en 1944 l'évacuation de toute population du Finnmark (pas seulement de l'ile de Mageroya) et la destruction par le feu des villages. A noter qu'à Honningsvag seule l'église est restée intacte. Dès la fin de la guerre, très vite la très grande majorité de la population évacuée a repris possession des lieux. L'épisode du Tirpitz est évoqué, le cuirassier allemand qui finit par être coulé par la Royal Air Force en novembre de la même année. Originalité ? Le Musée évoque un chien Saint-Bernard prénommé Bamse qui fut durant des années la mascotte de la marine norvégienne. Une statue en bronze de Bamse a été érigée devant le musée face à la mer.
Dimanche 7 juin 2015 - Cap Nord atteint
La prévision météorologique s'est vérifiée. Ce matin soleil ! Inespéré ! Un solide petit-déjeuner et c'est parti pour une petite virée ... sur le papier. Certes, il n'y a qu'une trentaine de kilomètres depuis Honningsvag. Mais, la dénivellation cumulée pourrait être digne de cols de chez nous : plus de 1300 mètres. Le Mulet, comme pour toutes les fins de périple, me cause du souci. La chaîne grince et accroche un peu, les vitesses passent à la façon du double débrayage (seuls les anciens comprendront !), mais là c'est le guidon qui me paraît anormalement souple, et surtout qui pivote trop facilement vers l'avant lorsque je tiens les cornes. Pourtant, j'ai serré fort le boulon qui le tient sur la potence. Au diable, le Mulet ! Il va bien tenir le coup pour ces quelques kilomètres qui lui restent à faire. La montée est affichée à 9%. C'est curieux, ici en Norvège, dès qu'une pente s'accentue, on a le panneau 9% (sans doute en avaient-ils de reste ... des panneaux ?). En réalité, pas mal de secteurs sont à plus de 9%. Le paysage se creuse en profondeur au fur et à mesure de la montée : des lacs de toutes parts alimentent des torrents au fort débit qui se déversent dans la mer de Barents. Le froid est vif (annoncé +6°C) avec un peu de vent. Mes yeux sont grands ouverts. Le rythme est bon. La route enroule les bordures des lacs. Quasiment pas de circulation. On a l'impression de monter au ciel ! De nombreux arrêts photos. La vision panoramique s'élargit de plus en plus. Quelques nuages mais hauts dans le ciel. La boule lointaine du centre d'accueil du Cap Nord apparaît, bientôt de plus en plus grosse. C'est que ... l'accès au Cap Nord est payant ! Mais, le guichetier, m'ayant demandé d'où je venais, m'a dit que c'était "free" pour moi. Un imposant bâtiment sert tout à la fois de cafétéria, de restaurant (avec des spécialités pour le moins originales comme du crabe royal au champagne), de magasins de souvenirs, de poste (avec le cachet Nordkapp), de salle de spectacles son et lumière ... Il faut dire que de nombreux cars transportent les touristes venant de tous pays. Et puis, symbole du Cap Nord, il y a le Globe devant lequel tout touriste (moi compris) se fait photographier, en bout de falaise sur fond de mer de Barents. L'harnachement du Mulet suscite un étonnement impressionné ! Et ... je rencontre un Ariégeois, consultant pétrolier, depuis 20 ans en Norvège pour cause de rencontre d'une blonde âme soeur. Il a fini par apprendre le norvégien !
L'arrivée tout là haut s'est faite aux environs de 11h30. Malgré la présence de l'énorme bâtiment, de beaucoup de gens montés en camping-cars, l'accès à ce site ressemble aux espaces d'altitude les plus sauvages où l'on puisse aller. Les véhicules assurent aux occupants une réelle sécurité. Mais, pour les péquins comme moi qui ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour affronter tout ce qu'on peut redouter dans des conditions extrêmes (froid, vent, pluie, neige voire panne ou blessure), l'anticipation de ce qui risque arriver est obligatoire. Ainsi, je comptais monter la tente pour ne redescendre que demain lundi. Mais, au vu des éléments météorologiques - prévision de pluie et de vent à nouveau pour ce soir, j'ai décidé de redescendre dans la foulée à Honningsvag. Car, la trentaine de kilomètres montés est beaucoup trop engageante physiquement pour être confronté à des conditions météos difficiles. Donc, direction le bas ! en faisant bien attention à ménager ma monture, surtout le guidon. Arrivé à Honningsvag, les premières gouttes ! ...
Il reste que cette dernière route pour accéder au Cap Nord est remarquable par la qualité de sa réalisation et, surtout, par l'ampleur panoramique des paysages uniques qui se dévoilent au fur et à mesure de la montée. Là encore, ce qu'on vit ainsi à petite vitesse en vélo est d'une très forte intensité.
Honningsvag - Cap Nord - Honningsvag, 78 km, +1320 m -1323 m
Lundi 8 - Mardi 9 juin 2015 - Retour à Tromsö
Seule la journée d'hier dimanche a été ensoleillée. La météo avait visé juste. Des cyclotouristes rencontrés à l'auberge d'Honningsvag m'ont dit qu'ils avaient dû renoncer lundi en raison du très mauvais temps rencontré : froid, vent, pluie, grésil. Un des deux est tombé malade. Ils ont été impressionnés par l'engagement sur ces 35 km pour atteindre le Cap Nord. Cela confirme ce que je pressentais hier dans mon billet. La bateau de Hurtigruten n'étant réservé que pour le mardi 9, j'ai passé mon lundi à faire la sieste et à bien repérer le quai d'embarquement. Car la Norvège ne brille pas par un excès de panneautage, c'est le moins que l'on puisse dire.
4h : réveil ce mardi matin. Mon petit-déjeuner est prêt ! Je range la chambre dans cette auberge si bien tenue. Rien à dire sinon des compliments. Les sacoches sont accrochées. Je vérifie que tout est bien là. Rien dessous le lit. Et ... le poncho ! mais oui, il aura été mon vêtement le plus utilisé dans ce court voyage. Je m'abrite sous l'auvent de la police, tout près de l'embarcadère. Un jeune couple d'asiatiques se réfugie à mes côtés. Un fort et long bruit sourd ... Le bateau arrive dans la baie de Honningsvar. Accostage à la perfection. La passerelle pour les passagers lentement s'ouvre. Mais la pente est forte. Avec la pluie, il faut bien tenir la rampe. Et ... un autre bruit sourd mais plus sec : une dame s'étend de tout son long et se cogne sévèrement la tête sur l'acier de la passerelle. Apparemment plus de peur que de mal. Quelques secondes plus tard, un autre choc. Là, c'est un homme. Du coup, avec le couple asiatique, on se met en appui pour les gens qui descendent. Et ... on se fait presque engueuler par un gars de l'équipage !
Je mets le Mulet en soute bien attaché avec l'antivol pour éviter la chute au cas où le bateau aurait des humeurs. Carte d'enregistrement magnétisé du vélo, du bonhomme. Et c'est parti pour 18 heures de navigation. Ce n'est pas très rapide, mais c'est "l'express côtier" Le système de puce gps intégré à ma tablette m'a permis de mesurer la vitesse du bateau : 20 km/h et au mieux 30 km/h. Bateau à étages avec piscine et jakuzzi mais personne n'a voulu y plonger le petit orteil car... ça flottait sec avec des rafales de vent.
Le parcours entre les îles, le long de multiples fjords, laissant apparaître des reliefs enneigés accrochés par les nuages, a quelque chose de fantomatique. Le bateau va de temps à autre en pleine mer, et, là, tangage assuré mais pas trop renversant pour l'estomac. On est mélangé à des gens qui sont en croisière et font le plus souvent une huitaine de jours sur le bateau avec descente dans les escales pour écouter des concerts, voir des expositions. L'engouement pour de telles croisières concerne tout de même une population bien particulière : gens d'un âge certain, au portefeuille bien garni, au tour d'estomac largement au-dessus de la moyenne, et ... qui n'ont pas peur de boire cocktails, bières, vins, apéritifs, liqueurs ! C'est assez impressionnant à voir. En tous cas, c'est la première fois que je vois la bière affichée à plus de 10 euros. De larges baies vitrées permettent un panorama à 200° pour peu que l'on soit dans un fauteuil du 7ème étage à l'avant. Escales à Havoysound, à Hammerfest, à Oksfjord. Juste avant Hammerfest, on passe devant une île dédiée à l'exploitation gazière, Hammerfest étant plus un ensemble d'alignements de maisons qu'une ville.
Après quelques assoupissements, minuit : accostage à Tromsö. Enfin ! ... Pour retrouver le vélo, j'ai monté trois fois les 7 étages pour tomber sur des portes fermées. J'ai fini par demander à une employée qui... ne savait pas, a téléphoné, puis m'a enfermé dans un ascenseur en appuyant sur 2 comme 2ème deck ! Le vélo retrouvé, il y a un mètre de dénivellation avec le quai. Je me cale derrière une voiture. L'élévateur est actionné, je sors... Poncho ! Je me perds un peu dans les rues du centre de Tromsö. On n'y voit pas grand chose avec nuages, pluie, brouillard. Bref, ce n'est pas encore la fin ! Je demande la direction du grand pont qui doit faire au moins deux kilomètres avec montée sévère pour joindre le continent, Tromsö-centre étant sur une île. Je finis par retrouver la route des premiers kilomètres de l'aller, et après quelques hésitations (le soleil de minuit, ce ne sera pas pour ce soir!), j'atteins, rincé comme un poireau, le havre espéré de ma logeuse. Porte fermée ! Je sonne deux petits coups deux fois : rien. Me serai-je trompé ? Je finis par envisager de monter la tente au pied de l'immeuble, lorsque je vois un tapis et ... oui : la clef est sous le tapis. Sauvé ! pas tout à fait. J'ouvre la porte de la chambre que j'avais lorsque je suis arrivé à Tromso : fermée et ... pas de tapis. Je trouve un jeu de clefs. Je tourne, ça marche ! Mais j'entends bouger dans la chambre. Le lit est occupé ! je referme. Une porte est ouverte à côté. Ouf, c'est là, c'est la bonne. A demain !
Mercredi 10 juin - Jeudi 11 juin 2015 - La découverte de l'arctique
Après le coucher un peu agité de mardi soir (qui était plutôt mercredi puisqu'il était 1h30), il est temps de faire l'inventaire de toutes mes affaires : sec - mouillé, mangeable - à jeter, propre - sale. Et surtout, il faut que je rafistole le carton vélo. J'ai toujours un gros rouleau de toile collante assez solide en prévision de ce genre de situation. Avec la patience d'une brodeuse, j'assemble, je reconstruis, je mets bout à bout, sauf qu'il y a un trou énorme de 25 cm environ de diamètre et, bien sûr, à l'endroit le plus sollicité : les poignées. Ma logeuse Ann-Katrin a la bonne idée de me prêter un cutter. Je découpe un des rabats intérieurs cartonnés et j'ajuste le morceau avec force collant. Ca me fait penser au pitonnage dans du mauvais rocher. Aucun piton n'est bon, mais en en mettant trois ou quatre ça doit tenir. Méthode Coué mais ... il n'y a pas d'autres solutions. Au bout de trois heures de rafistolage méthodique, pas de doute, ça va tenir. L'emballage du vélo couche dehors mais à l'abri de la pluie.
Mercredi matin, les collants sont restés collés. En route pour une escapade vers les musées de la ville. Je prends le bus en direction du Centre d'information touristique. J'y trouve un employé parlant remarquablement le français : il vient d'Orléans, et est en Norvège depuis 6 mois pour cause de jolie norvégienne ... Il aime faire du vélo, et finalement c'est lui qui demande les renseignements pour le Cap Nord. Je trouve une très belle carte du Nord de la Norvège au 1/500 000 (1 cm = 5 km) qui rend mon parcours impressionnant, alors que la seule carte que j'ai pu trouver en France est au 1/2 500 000 (1 cm = 25 km) rendant mon périple tout riquiqui. Le Musée Polaria à l'architecture originale concentre quelques aquariums avec phoques, étoiles de mer, crabes, poissons divers. On a vite fait le tour. En revanche, LE Musée à voir à Tromsö est le Musée Polaire situé dans une ancienne demeure. Il fourmille de documents sur l'histoire de la découverte arctique. Tirages de photos anciennes, témoignages écrits, reconstitution des modes de vie, inventions techniques, instruments d'orientation, outils de pêche et de chasse, bateaux, traîneaux, maquettes de dirigeable et d'hydravions, animaux empaillés, squelettes reconstitués, récits d'illustres explorateurs (dont Roald Amundsen), tout cela est minutieusement offert au public dans un labyrinthe de pièces boisées de partout. Le Musée "Perspectives" est une compilation de tout ce qui dans les religions ou les modes de vie Sami ajoute une dimension surnaturelle aux éléments de la vie quotidienne. La Cathédrale, toute récente, placée comme un phare sur la ville, reçoit un nombre très important de visiteurs avec des concerts un peu permanents notamment des concerts d'orgues.
L'heure est maintenant à l'emballage précis des affaires tant des sacoches que du vélo. En prévision de l'éclatement du carton du vélo, j'ai attaché avec l'élastique de 5 mètres toutes les pièces démontées du vélo pour permettre de réduire au maximum ses dimensions : roue avant, guidon mis à l'équerre, béquille, tige de selle. Le vélo ainsi ficelé avec les pédales retournées, ne ressemble plus à rien, mais rentre bien dans le carton. Je le coince un peu avec le matelas coquille d'oeufs, avec le casque. Et s'ensuit la séance la plus délicate de fermeture totale du carton pour que les multiples rafistolages fassent tenir sans discussion la bête enfermée. Départ demain vendredi 8h pour l'aéroport de Tromsö, avec Félix le nigérian norvégien.
Vendredi 12 juin - Samedi 13 juin 2015 - Retour au bercail
Deux oeufs frits, un café, du pain à la confiture, il faut ça pour attendre ce soir l'arrivée à Toulouse. Félix arrive, à l'africaine, vingt minutes après l'horaire convenu. La traversée vers l'aéroport de Tromsö se fait sans difficulté avec un long tunnel. Le soleil a fait un trou assez large pour me narguer ! L'enregistrement du carton vélo se fait sans difficulté et sans surcoût ! Le vélo est embarqué avec précaution apparemment. Un 737 tout vieux nous emmène à Oslo. Descente et changement d'avion. Les bagages sont déjà extirpés de la soute lorsqu'on pénètre dans l'aéroport car je ne vois que des containers dehors. Coué me dit que c'est sûr qu'ils sont déjà partis. Seulement 50 minutes séparent l'arrivée du 737 du départ de l'A320 pour Francfort. On passe de Scandinavian Airlines à Lufthansa. En passant, je regarde la porte blindée de la cabine de pilotage de l'A320 avec une pensée émue pour les victimes du crash récent dans les Alpes de Haute-Provence. Le temps défile. 2h30 plus tard, un atterrissage à Francfort long mais long .... l'avion a roulé pendant au moins 20 minutes pour arriver au hall de débarquement. Je piste la soute. Impossible de bien voir. Mais c'est sûr que le Mulet est par là ! Un petit coup de Wifi : ça marche ! Cet aéroport de Francfort est, d'après un spécialiste rencontré dans l'avion, un des hubs européens les plus importants en trafic. On a l'impression que les antennes d'embarquement s'étirent sur des kilomètres. On marche, on marche, on change d'étage, on pense entrer directement dans l'avion : non, d'abord un bus accordéon pour rouler quinze bonnes minutes et trouver notre machine volante.
L'avion A319 décollera avec 35 minutes de retard par la seule piste de décollage en service, après avoir fait la queue. Le service à bord était digne de celui d'Air France. J'avais de part et d'autre deux employés spécialistes en aérien, l'un sur un programme européen pour les satellites météo (construction, lancement, techniques de captage, énergie du satellite, gestion des données ...), l'autre pour l'ATR (avion de transport régional à 42 ou 72 places) assemblé à Toulouse sur une plateforme de Blagnac et qui connait un très beau succès de vente notamment dans les îles asiatiques. On arrive à Blagnac avec le même décalage horaire de 35 minutes. L'heure de vérité : vélo ou pas vélo ? Je prends un caddie (ça fait partie de la méthode Coué pour forcer le sort). Le retrait des bagages se fait au tapis 6. Le manège se met en route, les valises et autres sacs sont régurgités par la bouche noire caoutchoutée. Tourne-manège ... Le sac de sacoches arrive ! C'est bon signe. Je file au comptoir de bagages hors norme. Trois grands colis sont largués, puis ... fermeture du rideau métallique de la trappe d'arrivée. Je me dirige alors vers le bureau pour la déclaration de vélo non arrivé, et ... j'entends un enclenchement moteur et un voyant qui s'allume ... à la bouche de sortie des bagages volumineux. Je me précipite : c'est mon vélo qui arrive, tout seul, le carton tout de même un peu éventré avec le casque qui dépasse ! Mais, tout a l'air à peu près entier. La méthode Coué a marché !
Thomas et Nadine sont là. Le jeu de clés du qashqai m'est donné. Sortie du parking P0, direction Léguevin chez Laure et Pierre. J'ai les petits yeux.
Retour à Eysus ce samedi matin avec Pierre comme chauffeur. Le temps est orageux mais il fait ... très chaud (20°C). Bizarre, en quinze jours, l'herbe a terriblement poussé : aurait-il ... plu un peu ?