(suite de Maroc 2011 - 1)
Maroc 2011 -2
Mercredi 4 mai 2011
Finalement l'hôtel dans lequel j'étais à Boumalne "La Kasbah du Dadès" est à recommander. Tout est à peu près parfait : grande chambre, literie impeccable pour le repos mérité, salle de bain très propre et avec une eau chaude qui ... coule, emplacement exceptionnel (énorme terrasse avec une vue à 180° sur tout l'horizon), cuisine excellente (potage à la tomate épaissi avec des oignons, quelques petits légumes brisés, sel, poivre, piment, choix de spaghettis à la bolognaise - il manquait du parmesan ... -, melon aux six saveurs - orange en rondelles nappée de cannelle, avec en son centre du yaourt parfumé à la groseille), un cuisinier très attentif et doué, une ambiance générale du personnel très attentionné et respectant les consignes et les horaires, ... bref pour une demi-pension à 300 dirhams (que j'ai ramenée à 250), c'est vraiment une excellente adresse. Ce matin, en chargeant le Mulet, je constatais une augmentation du jeu du pédalier. J'ai essayé de trouver un cycliste réparateur à Boumalne mais c'était trop tôt. Finalement, je me suis décidé à regagner Ouarzazate en cloquediquant un peu tout le long, espérant y arriver sans encombre, mais c'est 115 km plus loin... Finalement, le pédalage fut bon. Pendant une dizaine de km j'ai pu vérifier que derrière une remorque de tracteur, le pédalage était extrêmement facile car l'air était assez aspirant pour peu qu'on se tienne à 1-2 m de la remorque (mais attention au freinage intempestif du conducteur du tracteur qui ne sait pas qu'il y a quelqu'un derrière). Ca m'a bien aidé car le vent était de face. J'ai encore vu toute la ligne de haute montagne du Haut-Atlas tout enneigée, du MGoun au Toubkal en passant par le Tizi-N-Tichka. De très beaux dromadaires (bruns ?) essayaient de trouver un peu de pitance pas trop loin de la route. Quand on voit ces étendues désertiques et ce soleil brûlant, on pense aussitôt à la formidable énergie solaire disponible. De fait, un projet de centrale photovoltaïque de 500 mégawatt est prévu ici. L'approche de Ouarzazate n'en finissait pas, les lignes droites étaient longues, longues. Mais la vue des lacs de barrage à ma gauche rafraichissait un peu la tête. J'étais bâché pour le soleil avec le chapeau de Dominique solidement ancré par le casque. Tout arrive, même Ouarzazate. Je suis allé à l'Office du Tourisme pour essayer de trouver d'autres hôtels. Finalement, je suis à l'hôtel Royal proche de la place centrale. La douche faite, je suis parti chercher un ... réparateur vélo ! Le premier trouvé n'avait pas les clefs pour le pédalier. Le second a été plus débrouillard (mais inquiétant un peu aussi). Il a dévissé la manivelle gauche puis avec une pince qu'il a redressé au marteau (sic!), il a, semble-t-il, pu visser un peu plus fort le moyeu du pédalier et m'a dit : "c'est bon !". Stupéfait, j'ai effectivement vu qu'il n'y avait presque plus de jeu. Il a remonté la manivelle gauche. Il n'a rien voulu, je lui ai donné 20 dirhams. Il était tout content (deux euros). Mais je ne sais pas jusqu'à quand ça va tenir. Je lui ai parlé de 500 km : il m'a dit que bien sûr ça pouvait tenir 500 km mais qu'il faudra changer la pièce. Du coup, tout content, j'ai mangé un plat de spaghettis avec un café (un vrai café c'est quand même pas mal !). Je vais rester deux nuits à Ouarzazate pour faire une petite pause d'un jour, avant de partir pour la deuxième partie du voyage.
8h30 - 15h30 +510 m - -875 m 119 km
Jeudi 5 mai 2011
Mélanges ...
Hier soir, repas de gala chez Dimitri ! ... qui n'est plus le légionnaire assoiffé qu'on décrit dans le Guide du Routard mais un ... Basque originaire de Saint-Pé-sur-Nivelle (famille Larralde) : tajine de lapin aux pruneaux (ce n'était peut-être qu'un chat mais il était pas mal), mousse au chocolat (plutôt crème de marron liquéfiée) et excellente bouteille de vin du Maroc de 33 cl (région du sud-ouest de Fès, je crois). Le cycliste était satisfait, le ventre un peu assagi !
Chambre très simple mais très bien au Royal Hôtel (80 dirhams la nuit sans petit-déjeuner), très propre. Nuit super ronflante. Petit-déjeuner presque à l'heure habituelle (vers 7h30) au restaurant Royal qui jouxte l'hôtel (propriétaire différent) : personne évidemment à cette heure. Les tables commencent à être mises en place sur la terrasse dans l'avenue Mohamed V. Puis, omelette, café au lait et bien sûr un excellent jus d'orange pressée (c'est un des must du voyage car très régulier partout et avec toujours l'accord parfait des papilles). L'énorme projecteur solaire allongeait inconsidérément les moindres reliefs. Irréelle la vision des berbères devenant ainsi par leur ombre ondulante, des silhouettes doubles. Quelques véhicules poussifs, quelques vélos qui faisaient un grincement un peu semblable au mien. A l'heure où je quitte la table, quelques costumes arrivent, cadres clope au bec pour commander le thé berbère.
Direction La Kasbah de Taourirt. Un très bel ensemble architectural en terre, conservé et entretenu, accessible aux touristes (moyennant 20 dirhams), ancienne demeure du Pacha de Marrakech. On visite principalement les appartements du Glaoui. On enfile toute une série labyrintique de pièces plus ou moins grandes, plus ou moins basses, tout un tas d'escaliers avec parfois des petites ouvertures vers l'extérieur (en forme de meurtrière) mais aussi de belles salles toutes ornées avec des ouvertures en arcs dans les murs et des plafonds charpentés par du bois de cèdre avec parfois du stuc peint ... Un plafond très coloré dépareillé mais c'est pour des séquences de tournage de film qui auront lieu cet après-midi. Ouarzazate est une ville de cinéma ... Le musée du cinéma qui est en face de la Kasbah n'est pas très engageant : beaucoup d'objets en ... toc. Plus intéressants peut-être les très beaux étals de marchands de tissus et de bibelots : un jeune vendeur a réussi à me faire prendre un très beau chèche couleur bleu touareg qui sera pour Domi.
RAM. Non ce n'est pas l'ingénieux système de mise en mémoire de nos appareils de communication par internet mais la compagnie aérienne marocaine, qui a une agence juste à côté de l'hôtel Royal. Je rentre pour confirmer mon vol de retour pour le 13 mai. En réalité, la confirmation ne sert qu'à avertir le passager d'éventuelles modifications dans le vol. La confirmation n'est pas obligatoire, le siège passager est de toutes façons réservé. Sauf ... qu'il peut y avoir du surbooking (dixit l'employé de RAM) et alors, mieux vaut arriver assez tôt le jour du départ !
Le capteur solaire fonctionne à plein depuis ce matin. La terrasse de l'hôtel est parfaitement située. La batterie de l'appareil photographique en avait besoin. Mais, au loin, une rumeur qui enfle. Un oeil par-dessus le parapet : une manif ! là-bas à 50 m. L'ex soixante huit hard que je suis descend voir. C'est une manifestation des voitures beige crème avec une énorme banderole qui fait toute la largeur de l'avenue Mohamed V traduite en français (et en arabe) qui dit : "les Grands taxis de Ouarzazate condamnent l'explosion de Marrakech à l'hôtel Argana". Pas mal non ?
Poulet - frites ! Ca y est cette fois-ci, les odeurs de grillade m'ont attiré. Pal mal l'éternel plat intercontinental, même si les frites n'étaient pas très nombreuses à honorer le bipède doré. Pas de vin mais tout de même l'excellent thé marocain qui reste le meilleur du monde avec la menthe et le sucre en ... quantité bien sûr ! Et ... la tarte au citron : oui, je l'ai trouvé au Salon de thé de la place centrale mais pas aussi bon tout de même que la tarte au citron d'Amatchi et même que celle que l'on trouve à Leclerc de Gap ! Mais, au Maroc, c'est une divine surprise néanmoins, accompagnée d'un puissant café noir très ... serré !
Vendredi 6 mai 2011
Hier soir en mangeant, un collègue marocain professeur d'anglais au lycée de Ouarzazate (qui parlait un français remarquable) m'a dit que la route Ouarzazate - Taznakht était très belle. L'itinéraire que j'avais prévu passait par Agdz pour rejoindre ensuite Taznakht, mais en deux jours, avec le passage de trois cols. Comme je ne suis pas très sûr de la réparation du jeune marocain sur mon pédalier, j'ai finalement opté ce matin de rejoindre Taznakht en un jour en passant par cette "belle vallée" recommandée par le collègue anglais. Départ pas très matinal comme toujours parce que les marocains servant le petit déjeuner ne sont pas très matinaux. Je retourne donc pendant 29 km sur la route de Marrakech (que j'avais suivie à l'aller sous les trombes d'eau). Le paysage sur les montagnes du Toubkal est superbe avec, en premier plan, les très belles cultures. Dans les champs, pas mal de monde au travail, quelques ânes broutent, et ... un très beau cadrage pour une photo avec, en premier plan, trois femmes ramassant l'herbe avec l'âne à côté qui attend le chargement, derrière, un village et, en fond, la chaine enneigée du M'Goun. L'arrêt s'impose : clic, mais ... les petites dames n'aiment pas du tout. Je vais vers elles et essaie de discuter puis leur propose de les aider à monter sur le dos de l"âne le grand sac d'herbes coupées. Un jeune homme passe. Je l'invite à venir faire de même. Il refuse catégoriquement ! Je finis par monter l'énorme sac sur l'âne après une bonne rigolade ... On laisse, vite après, la route de Marrakech pour filer plein sud-ouest sur une route extrêmement étroite qui ne peut supporter deux véhicules en même temps sur la chaussée. Donc ... attention le bipède cycliste !! Un oeil permanent sur le rétroviseur s'impose. Comme toujours, quelques défaillants de la vue m'ont fichu quelques frayeurs. La vallée est effectivement très belle, bordée de montagnes moyennes très variées et dans les tons et dans les configurations. De l'eau coule vers ... l'est, le désert. Quelques animaux sont surpris dont une très belle grande aigrette et un animal que j'ai vu à plusieurs reprises qui ressemble un peu à un écureuil mais qui a une démarche qui fait penser à un lézard (!!). Pas mal d'élevages avec des bergers qui gardent moutons (blancs et noirs mélangés), chèvres, mais aussi un grand troupeau de petites vaches très brunes. Un très bel oued dénommé Oued Iriri mais ... après, c'est-à-dire au bout d'une quarantaine de km depuis Ouarzazate, la montée du Tizinbachkoum (col à 1700 m) commence, avec une pente douce d'abord mais qui n'en finit pas. Et ... Monsieur le Vent a la bonne idée de pointer son nez ... de face ou de trois quart, en même temps que la pente devient plus généreuse, que le col semble être atteint ... car ça redescend un peu, mais non ça remonte, ça remonte même fort, à nouveau un col mais ... non ça continue à nouveau à descendre puis à monter ... cela une bonne dizaine de fois ! Le bonhomme sur le vélo peste contre ce vent de face qui ne s'est jamais arrêté jusqu'au bout, jusqu'au village de Taznakht. J'apprendrai que le vent se lève régulièrement en début d'après-midi mais que le matin c'est calme. J'ai donc fait, par un itinéraire plus court, deux journées prévues en une seule, mais cela m'a permis d'économiser Monsieur le Mulet. Car il lui reste encore au moins trois cols avant Marrakech dont le fameux Tizi N'Test. Comme prévu, la pseudo réparation n'est pas terrible. Le Mulet couinait et renâclait dès le départ puis un peu moins dans les pentes fortes. Le bipède qui était dessus pestait contre ce terrible vent au point qu'il se demandait s'il allait pouvoir arriver à ... l'étape ! Le village de Taznakht est coupé en deux, à gauche (nord) c'est l'ancien village, à droite (sud) c'est le nouveau avec tous les petits commerces et les hôtels. Je trouve des français en panne de voiture (un caillou a percé le radiateur) avec un guide berbère, attablés dans un hôtel-restaurant. Je demande si le repas est correct : "très bon". Donc je présume que l'hôtel doit être acceptable. Le guide berbère fait comme s'il me connaissait depuis toujours, me présente au patron pour une demi-pension extrêmement raisonnable (150 dirhams). Pour ceux qui ne voient pas le nom de Taznakht sur la carte, ça se situe à peu près à mi-chemin antre Agdz et Taliouine sur la carte de la page d'accueil. J'avoue que toute la deuxième partie de cette étape d'aujourd'hui m'a un peu forcé le mollet. Quel foutu vent ! Tout était presque réuni : la pente qui obligeait à monter "petit", les véhicules arrivant par derrière un peu trop près, et le Vent qui était à la fois permanent et très changeant avec parfois des bourrasques à ... bien tenir le guidon : de quoi faire remiser le vélo quand on voit la facilité avec laquelle les moteurs encaissent les morsures d'Eole !
7h40 - 15h30 +995 m -800 m 90 km
Samedi 7 mai 2011
Hier au soir, j'ai commandé à tout hasard un tajine à la viande. Extraordinaire finesse de préparation. La viande était de l'agneau avec juste ce qu'il fallait de gras pour que ça fonde dans la bouche. L'accompagnement était un mélange subtil d'olives, d'oignons, de petits pois frais, de pommes de terre. Très bel équilibre de cuisson ! La nuit fut bonne. Sans trop l'espérer, j'avais donné petit-déjeuner 7h. Le petit-déjeuner était prêt à l'heure. Le départ fut donc rapide. Un bonheur de route ... sans circulation à cette heure-là quasiment. On est à un peu plus de 1500 m et on file sur une suite de plateaux en montant un peu avec le passage de deux cols à 1800 m environ. La végétation apparaît plus verte que vers Ouarzazate : à l'évidence, l'altitude et la proximité plus grande de l'océan explique que l'on ait là des troupeaux beaucoup plus nombreux avec des bergers (souvent deux d'ailleurs) qui gardent plus de 1000 têtes (toujours brebis et chèvres mélangés). Des tentes pointent dans la montagne de temps en temps : ce sont les cabanes de bergers d'ici. On a de l'élevage extensif et des cultures sur de très grandes parcelles : beaucoup de blé mais aussi des plantations d'amandiers (peut-être aussi d'oliviers). Une douce brise frontale est là pour peaufiner l'aérodynamisme de mon bronzage : très agréable. La pente est douce souvent mais bien réelle avec des portions proches des cols, un peu plus physiques. Tout le long de ce parcours d'est en ouest, la belle barrière du Haut-Atlas est là avec les plus hauts sommets encore un peu enneigés. Je crois reconnaître le Toubkal mais je dois me tromper, le Toubkal étant vraisemblablement un peu plus derrière à l'ouest. La brise commence à enfler (de face) vers 12h. Mais l'essentiel est fait, les cols sont franchis. Maintenant, c'est la longue descente (pas toujours descendante !) vers Taliouine. Décor de plissements rocheux qui feraient parler le plus muet des géologues ! C'est vrai que Dame Nature, là, il y a quelques millions d'années, a eu du fil à retordre pour faire une place à toutes les demandes de couches géologiques. La discussion a dû être vivre à voir les enchevêtrements qui en résultent. L'auberge du Safran approche. Car, ici, la culture du Safran est une spécialité locale (mais je n'ai pas su voir une seule fleur dans les champs - sans doute n'est-ce pas la bonne saison). L'auberge est là encore très bien tenue, avec des chambres aux couleurs de décoration toutes différentes. Vue sur les plissements à 180°. Etant arrivé assez tôt, je demande un ... tajine à la viande ! Le tajine fut très bon mais la viande était, là, de la chèvre en boulettes. La musique des papilles n'était pas aussi harmonieuse qu'hier soir ... Taliouine est un village-rue sur la route Agadir - Ouarzazate. Le climat un peu venté est très agréable (le thermomètre affiche 33°C) ... tant qu'on n'est pas en vélo. Demain, je préfère poursuivre tant que je sens mon vélo plein d'entrain encore, quitte à avoir un jour d'avance sur mes prévisions. Mais j'ai encore un sacré col le Tizi N'Test à monter (après-demain normalement). J'aurai un peu moins d'appréhension une fois ce col franchi. Donc, demain, j'espère pouvoir arriver au début de la montée du col, soit une distance à faire de l'ordre de 90-100 km. Le temps est maintenant au beau fixe, semble-t-il.
7h - 13h30 +635 m -1000 m 89 km
Dimanche 8 mai 2011
Etape de liaison comme on dirait. La flemme aux pédales, je suis parti ce matin à 7h30 de Taliouine, le village pour géologues (un cas d'école, ces plissements qui l'entourent !). Il fait un temps de rêve (à cette heure là !) à flââânner. Je compte arriver au pied du dernier col de ce voyage, le Tizi N'Test, soit environ 80 km. L'heure est presque à la contemplation tellement on sent que la Nature a repris des forces dans la nuit. Quelques hommes et femmes vaillants sont dans les champs. Toujours du blé, mais aussi de plus en plus de grandes étendues de cultures très mécanisées (notamment des citronniers). Il se côtoie deux formes de cultures à mille lieux l'une de l'autre : ici on ramasse à la faucille l'herbe pour nourrir le bétail, là, tout est clôturé, l'arrosage est enterré, automatisé, tout est aligné, et, parfois, sous de grandes serres recouvertes de plastique. Le paysage verdit de plus en plus au fur et à mesure qu'on va vers l'ouest. Les arbres montent de plus en plus haut en altitude, toujours le blé, mais aussi de superbes étendues de cet arbre magique qui s'exploite désormais en coopérative de femmes : l'Arganier. Qui m'a renseigné ? ... La maréchaussée en uniforme. Je n'en ai pas crû mes yeux lorsque m'arrêtant à la hauteur d'un barrage de police, le policier le plus proche me tendit la main : "alors, comment ça va !". Je vous disais qu'au Maroc tout le monde se connaît depuis toujours ! En réponse à ma question, les deux policiers m'expliquèrent que cet arbre pousse principalement en montagne, qu'il ne se plante pas mais qu'il pousse tout seul (sans doute avec l'aide du vent et des oiseaux), qu'il procure de l'huile très fine pour les parfums, l'eau de toilette, les crèmes, qu'il fait trois productions annuelles. Sacrée aubaine cet arbre ! ... Sa répartition est aléatoire sur l'espace mais cet arbre semble avoir besoin de bien 150 à 200 m2 de surface au sol. Beaucoup de ressemblances avec les oliveraies d'Aragon ... Au loin, une petite fumée ... sort d'un monticule conique d'environ 5 mètres de hauteur. D'autres monticules à côté ... faits de grosses branches de bois, recouverts pour certains de terre, et trois hommes noirs de poussières qui remuent ... du charbon de bois. Enfin, je le trouve ! Depuis le temps que je cherche à voir la fabrication artisanale du charbon de bois comme on le faisait dans les Pyrénées il n'y a pas si longtemps (Céleste Gimenez, d'Eysus, m'avait tout expliqué car elle en avait fait au Bois du Bager dans sa jeunesse). Car cette fabrication illustre le mécanisme de la combustion sans oxygène qui serait vraisemblablement une solution bien préférable à l'incinération dans la plupart des situations. Ca se consume sans apport d'oxygène : on allume la meule de bois recouverte de terre par des brindilles allumées dans une cheminée faite au centre haut de la meule, on bouche. Tout se consume en gros en huit jours d'après ce qui m'a été dit. Il reste le carbone (le charbon de bois). J'ai pu faire pas mal de photos de toutes les étapes. Lucien Espagno sera content de voir enfin des photos vraies de cette combustion anaérobie. Chaude, chaude la route à partir de 12h. Le soleil est vraiment en forme aujourd'hui. Je m'arrête pour boire un coup à un petit bistrot de bord de route. Le bistrot est en réalité une épicerie. Je demande une omelette. On me la porte dans ... la poêle avec du pain. Et je mange donc, avec la main droite bien sûr ! La bifurcation vers le nord tant attendue arrive avec le panneau Tizi N'Test. Il me faut trouver ce petit village perdu indiqué sur la carte Michelin. 10 km après, c'est bon : Tafingoult, à droite toute, et je tombe sur quelques rares maisons mais deux essentielles : l'épicerie et le (cyber)café ! A moi la sieste ... Ce soir camping sous les étoiles !
7h30 - 14h15 +455 m -685 m 80 km
Lundi 9 mai 2011
Surprenant accueil dans ce petit village du bout du monde Tafingoult ! J'étais même gardé par la police locale qui se résume à une seule personne en uniforme avec un très beau pick up Toyota 4x4. "Bienvenue !" tel était le mot le plus entendu ! Match de foot ... à la télé le soir. Les jeunes étaient à la fête ! Mon diner : une boite de conserve de thon et une boite de conserve de sardines : pas mal non ? plus un demi-litre de lait. Nuit réparatrice sous la tente. Le matin, les petits pas des chèvres et des ânes qui vont au marché hebdomadaire me réveillent. 6h30, tout le monde se prépare pour le souk local. La tente est vite pliée. Je prends un thé en guise de petit déjeuner au souk. Puis, ... à moi la joyeuse et longue pente qui doit me mener au Tizi N'Test. Très très beau, d'abord les arganiers puis l'étage des chênes verts. J'entends les très nombreuses perdrix grises et rouges. Je stoppe et j'en vois une qui se promène en chantant son hymne au soleil. Plus haut, sur le bord de la route une chouette de tengman, toute surprise d'entendre les pneus de mon vélo et qui s'écarte au dernier moment. Cette toute petite chouette est assez courante je crois au Maroc pour l'avoir déjà photographié. Ca monte, c'est long, 30 km ... J'ai mis 5h30, calculez la moyenne ! La chaleur d'enfer est arrivée à partir de 10h. Nombreux arrêts-buvettes. La route est très étroite et assez défoncée tout le long, rapiécée à la pelle, donc ... pleine de bosses est de ... creux entre lesquels on doit essayer de louvoyer pour s'économiser un peu. On a là une route comme on en avait il y a ... belle lurette en France avec les virages penchés (vers l'intérieur). La vue panoramique est majestueuse au fur et à mesure de la montée. Au col, une auberge pleine de motards qui, apparemment, s'en sont mis plein la panse. Descente immédiate pour moi versant nord du col avec un temps qui change brutalement : de la canicule au froid, aux nuages, au vent, et même à quelques gouttes de pluie. La vraie descente ne commence qu'à une dizaine de km du col et là ... un coup de fringale ! Le bonhomme s'endort presque sur le mulet ! Vite, je réagis en ingurgitant des amandes, du pain et du fromage, une banane, deux pommes, et ... je bois comme un trou ! Il faut dire que je suis passé du pic de chaleur entre 11h et 13h en montant, au froid vif et au vent en rafales après. Beaucoup de bousiers sur cette route, ces bestioles qui mangent les excréments et qu'on trouve de plus en plus rarement en France. Sûr qu'en voiture, on en écrase pas mal car on ne les voit pas. En vélo, on peut faire coucou à ces boules noires qui avancent un peu difficilement. Une réserve pour mouflons est fermée par des grillages. La descente est tranquille et longue. Des noyers dans un grand virage, des pêchers, quelques ensembles d'habitations. Je cherche pour manger et dormir et tombe sur Talat n'Yacoub. Mais pas de possibilité de communiquer par internet. Une auberge que je ne nommerai pas m'accueille. A éviter : c'est crasseux, c'est cher, seul l'environnement est très fleuri avec de beaux arbres noyers, amandiers, pêchers, un très beau potager. Je téléphone à Dominique : on s'entend comme si on était dans la pièce à côté ! Un bon rasage, et ... dodo !
7h - 17h +1465 m -1020 m 71 km
Mardi 10 mai 2011
Je n'ai pas trainé à l'auberge. Petit-déjeuner a minima (il n'y avait pas de café ni de lait car hier il "a fait chaud" !! Pas non plus de jus d'orange traditionnel (c'est la seule fois dans ce séjour !). Aujourd'hui j'ai du temps. Je reviens sur mes pas (en montant ! ... il doit être un peu fêlé cet André doit se dire le Mulet) cinq km plus haut pour revoir la très belle mosquée de Tinmel du XIIe. Elle a été restaurée. Je pensais pouvoir y entrer. Peine perdue : tout est fermé à double tour. Personne ! alors que ce doit être un chef d'oeuvre si l'on en croit les descriptions. La descente vers Marrakech est loin d'être de tout repos, car il y a encore quelques petits cols qu'il faut grimper en petit petit ! sous la chaleur bien sûr. Mais des nuages s'accumulent à droite (est) et devant moi (nord). La route est toujours aussi cabossée, mais la circulation est tranquille. Quelques gués même se passent en faisant trempette. J'entends une ... machine-outil : un menuisier ! Je m'arrête pour voir avec quoi il travaille. Une bonne toupie qu'il a équipé d'une scie circulaire à l'horizontale qui a un bruit de roulement un peu anormal, une dégauchisseuse-raboteuse-mortaiseuse dont il me vante les mérites. Tiens, ça me fait plaisir tout d'un coup de voir du bois travaillé !... Le torrent devient énorme au fur et à mesure de la descente. On voit les énormes ravages des crues récentes ! puis l'eau stagne, le lit devient très large : c'est un lac de barrage. Si j'avais pu lire le message de Michel au sujet de l'auberge du "Sanglier qui fume" je me serai arrêté car je l'ai vu, elle est encore là. J'ai opté pour un "poulet grillé" avec pommes sautées dans un très bel établissement de Ouirgane. Mais, en fait de poulet grillé, j'ai eu droit à une belle carcasse ailée donc ... très peu de viande. Par contre, un café qui requinque ! J'en avais besoin pour affronter un des tout derniers "cols" sous le cagnard. A droite, les montagnes enneigées du massif du Toubkal, l'embranchement pour Imlil : ça y est je suis à Assni, à une cinquantaine de km de Marrakech. Le ... tonnerre se met à gronder, plusieurs fois, des gouttes, je m'abrite, je repars et trouve le souk habituel d'Assni. Comme par hasard, je suis hélé par un berbère "qui a fait le Toubkal 35 fois" (et donc avec qui je devrai pouvoir rappeler beaucoup de souvenirs puisqu'il y a une dizaine d'années j'ai pu le gravir à skis - la fin en crampons). Assni est très animé, le cybercafé fonctionne. Il y a une auberge de jeunesse où je vais passer la nuit pour 30 dirhams. Un petit risque : j'ai donné 100 dirhams à Mohammed "qui a fait 35 fois le Toubkal" pour le repas de ce soir et le petit-déjeuner que je dois prendre chez lui ... Je vous raconterai la suite !
8h - 15h45 +735 m -805 m 62 km
Mercredi 11 mai 2011
Ouahou ! Soirée un peu spéciale hier soir chez "Mohammed qui a fait 35 fois le Toubkal". En attendant l'heure du diner (vers 19h), je jette un oeil sur une équipe de menuisiers qui fabriquent des volets avec des persiennes. Je regarde bien les coupes, le montage, la façon de travailler avec les machines. Un appel "André" m'extirpe de là. Il faut aller chez Mohammed : c'est son cousin qui le dit ! J'obtempère et marche vers le lieu du festin. On sort du bourg d'Assni (à pied) pour entrer dans un quartier nouveau, peuplé principalement des habitants des quelques cinq ou six villages qui ont été inondés par le barrage construit récemment. En réalité, à côté des ensembles style HLM, se trouvent des bidonvilles c'est-à-dire des "habitats précaires" comme on dirait en termes universitaires plus élégants (cf. la thèse de mon ami Sid Ahmed Souiah que j'avais dirigée). Le tout sans autorisation bien sûr. Secteur très populeux. Mohammed 35 Toubkal me dit qu'en attendant le repas, il faut que j'aille monter sur la colline derrière, faire un petit tour. Pour cela, il me délègue sa nièce, une jeune fille qui exécute sans rechigner et qui me devance donc sur ce sentier du belvédère du "Toubkal". En montant, j'essaie de voir si elle comprend et parle un peu le français. A l'évidence, l'anglais lui convient mieux. Arrivés au haut de la colline (20 minutes), elle me demande en français des dirhams ... Je lui réponds qu'il n'a jamais été question de dirhams avec son oncle. On redescend après, malgré tout, une belle photo du Toubkal (une des rares que l'on peut faire de ce sommet un peu enfermé sur l'environnement paysager). Beaucoup de rires de la part des copines de ma guide. Je pars rejoindre Mohammed 35 Toubkal. Le tajine se fait. Sa femme n'est pas là ni ses deux enfants, ils sont à la montagne. Je suis invité à m'asseoir sur un tabouret fait main. J'essaie de meubler un peu le temps qui passe : donc pas d'autorisation pour ce qu'il a construit, pas de sanitaire, pas d'eau au robinet ... Le cousin arrive, sapé comme un milord. On boit le thé. Et ... il se met à tomber quatre gouttes. Je demande à rentrer à l'intérieur. La télé fait du bruit, avec une antenne constituée de six câbles dénudés (il devrait faire breveter !). Le tajine au poulet est finalement très bon car garni de légumes frais dont des fèves. Je me régale, en prends plus que ma part (on est trois à manger). Je suis bien entendu déchaussé sur des peaux de moutons. J'ai droit à un dessert de fruits : melon, pomme, banane. L'heure tourne et ... je vois la lumière du soleil de plus en plus faiblement. Heureusement, en montant, j'ai bien enregistré l'itinéraire pour rejoindre l'auberge de jeunesse où je crèche, et j'ai pris ma lampe de poche ! Le cousin se décide : "Msieur, il faut voir ce que ma famille fait" ... Je pressens ce que je redoutais un peu. Je dis à Mohammed 35 que j'ai fait beaucoup de vélo, que je suis fatigué et que je dois aller me coucher ! Mohammed me dit qu'un repas commence et se termine toujours par un thé, que je dois donc boire le thé ! Bon, je suis poli. Le thé arrive. Mohammed 35 dit que ce serait bien de "voir ce que les gens de la montagne fabriquent" ... Je l'interromps en lui précisant que je suis lourdement chargé avec le vélo et les sacoches pour l'avion, qu'il n'est pas question que je porte un gramme de plus et ... qu'il doit bien comprendre, lui le montagnard au 35 Toubkal que j'ai besoin de dormir. Car ... bien sûr, il fallait aller chez le cousin à côté ... Le cousin renouvelle avec insistance son offre. Je fini par hausser le ton, et leur dis que je viendrai demain matin au petit-déjeuner et que l'on verra à ce moment-là. Mohammed 35 accepte, et ils finissent par me laisser franchir la porte, de nuit. Je rentre normalement à l'auberge de jeunesse quelques km plus loin avec la frontale, après avoir traversé deux quartiers très mal éclairés et très peuplés. La chambre est toujours là, le vélo aussi. Je ferme à double tour et m'assois pour adopter une stratégie ! A l'évidence, comme c'est écrit dans le Guide du Routard, ce type de situation est assez fréquent pour attirer le toutou et se faire gauler pour qu'il soit forcé d'acheter ... Tempête sous un crâne ! Bilan : je mets le réveil à 6h pour départ en douce de nuit juste avant le lever du jour, sur la route de Marrakech. La nuit fut un peu agitée avec les étudiants qui étaient là à l'auberge. Mais, le clairon finit par sonner. Tout fut prêt en 3 minutes (le Mulet dormait avec moi dans la piaule). Je suis sorti en douce de l'auberge, ai mis ma frontale et, ... tout doucement, j'ai traversé Assni. Quelques terribles chiens ont dû montrer qu'ils faisaient leur boulot. Mais ... je me suis rendu compte que les marocains ne se réveillaient pas très tôt en général. Ainsi, ma fuite se réalisa sans encombre. Adieu Mohammed 35 et ton cousin, vous aviez pourtant l'air bien sympathique ! ... La descente vers Marrakech commence par une ... montée ! Les gorges dans lesquelles serpente l'oued sont extraordinairement labourées par les stigmates d'une crue récente. Mais, ça descend doucement, longuement, la route s'élargit, devient beaucoup plus lisse. Très vite, les faubourgs de Marrakech apparaissent. Direction, le centre donc la place ... Jamaa el Fna. La circulation est très chargée, les policiers sont encore sur les dents en interdisant l'accès de la place aux véhicules. Je finis par rallier l'hötel Imilchil pour aller rendre visite au sous-sol afin de voir si le carton et mes vêtements de voyage sont encore là ! Ils y sont ! Puis direction l'hôtel Hasna réservé par Sentiers Berbère pour cette nuit : hôtel au moins aussi bien que l'Imilchil pour le même prix (35 euros B&B). Je boucle la boucle de ce petit tour printanier au Maroc. J'ai faim, je prends un bain, je m'endors. Arte me réveille. Vite au souk pour manger : c'est presque donné par rapport aux prix pratiqués hors Marrakech. Allez, hier soir, j'avoue que je n'étais pas très fier car j'étais finalement enfermé avec deux types. Bôf, finalement, il suffit de trouver une porte de sortie ! L'Aventure ...
6h30 - 10h +150 m -230 m 48 km
Jeudi 12 mai 2011
Good la nuit avec surtout un lever à 8h30 ! En regardant la télé espagnole j'ai cru à une explosion d'Al Qaïda. Mais lorsque j'ai entendu "terremoto" j'ai été un peu "rassuré". Ici, à Marrakech sur la place Jamaa El Fna, tous les jours, il y a des manifestations avec banderole pour condamner l'attentat du 28 avril. Hier, pas étonnant que les policiers étaient sur les dents lorsque je suis arrivé : c'était le reconstitution de l'explosion du 28 avril en présence du principal accusé (reportage hier soir à la télé marocaine). Ce n'est pas étonnant que la circulation des véhicules ait été interdite en direction de la place. Ce matin, transfert de mes affaires et de mon vélo à l'hôtel Imilchil. Puis, visite aux tanneries, un quartier où finalement très peu de touristes vont because c'est un peu loin de Jamaa El Fna, et puis, ça sent fort. On peut se rendre compte du travail quasi inhumain de ces pauvres hommes qui sont là toute la journée sous le cagnard à prendre les peaux (de moutons, de chèvres, de dromadaires ...), à les tremper dans des bains différents, et à les battre sur le rebord en pierres et en ciment.
Au total, dans cette balade marocaine, j'ai fait 1165 km avec 10 600 m de dénivelée positive et un peu moins de 10 000 m de dénivelée négative. Un très beau tour avec deux grands cols qui n'ont rien à envier aux cols alpins et pyrénéens : le Tizi-N-Tichka et - peut-être plus encore - le Tizi N'Test, car on a une longue route étroite, cabossée, prête à s'ébouler dans pas mal d'endroits, tracée à "l'ancienne", sans trop de circulation, sur laquelle on s'identifierait facilement aux anciens "héros du Tour de France" si ce n'est que l'on ne crève plus, que les dérailleurs facilitent grandement les coups de pédale, que, même s'il peut y avoir un peu de jeu dans un pédalier, le matériel actuel est tout de même très fiable, et que nous ne sommes pas des ... héros !
13 mai 2011
André a atterri à l'aéroport de Toulouse. Devant la lenteur de son taxi et le beau temps toulousain, il a décidé de remonter son vélo et de rentrer à Léguevin à vélo. Une petite virée d'une vingtaine de km dans la campagne toulousaine, en passant par les routes de campagne de Cornebarrieu et Pibrac.
Au total, dans cette balade marocaine (cliquer sur Maroc dans "Pendant l'Aventure"), 1 165 km avec 10 600 m de dénivelée positive et un peu moins de 10 000 m de dénivelée négative. Un très beau tour avec deux grands cols qui n'ont rien à envier aux cols alpins et pyrénéens : le Tizi-N-Tichka et - peut-être plus encore - le Tizi N'Test.