suite de Equateur Pérou 2013 - 1
Equateur Pérou 2013 - 2
25 septembre - Enfin, de la très belle piste ...
Chambre très bruyante à Chao. Les camions prenaient un péage pour passer la nuit dans le grand parking ... contre ma chambre. Toute la nuit, moteur, gaz d'échappement ... Mais, la douche chaude était en parfait état de fonctionnement. Douche électrique comme toutes celles que j'ai eues depuis Quito. La sortie de Mocha est simple : on est de suite sur la panam mais avec seulement deux voies et, de temps à autre, un bout de chaussée possible pour les vélos. Mais ... la circulation des poids lourds et des bus est telle que l'on est obligé de mordre en permanence les cailloux, les saletés, les trous, les bosses. Ca dure une vingtaine de kilomètres avec de nouveau des eucalyptus et toujours des agro-industries "soutenables".
Carrefour à gauche : c'est la piste qui permet d'accéder au village de Chuquicara 60 kilomètres plus loin. Une barrière avec police à l'entrée de cette piste : on entre, d'après le panneau, dans le pays de la liberté ! Quel bonheur enfin de n'avoir quasiment plus aucun véhicule, la piste pour soi tout seul ! Pas tout à fait : je surprends trois cyclos comme moi qui ont campé là cette nuit. Jean, Handy, Eva sont là que j'avais vus chez Lucho à Trujillo. Ils m'offrent le café. Ils viennent du Mexique. La Colombie leur a laissé un merveilleux souvenir, contrairement à la réputation faite par les médias. Ils devraient suivre le même itinéraire que moi par le canyon del Pato. Je file, tout requinqué par le café et cette rencontre. Magnifique matinée, du soleil (pas trop), du vent arrière (un peu), de la piste comme aime mon Mulet. Il est impérial sur ce type de chaussée caillouteuse, sableuse, avec ses gros et larges pneus Marathon. C'est le désert jusqu'au Rio Santa où, là, un grand canal d'irrigation permet de très grandes cultures de maïs et de riz. Très belles rizières avec des petites parcelles tout en courbes. Ma tablette m'a bien servi car plusieurs carrefours peuvent être piégeants. Le fait de savoir très précisément où l'on est avec le GPS intégré à la tablette sur fond de carte Google Maps (et Earth) permet à coup sur de trouver le bon carrefour où tourner. On remonte la rive droite du Rio Santa durant une quarantaine de kilomètres jusqu'à un pont métallique avec de grosses traverses en bois espacées de plusieurs dizaines de centimètres, qui permet de rejoindre la rive gauche du Rio Santa où passe la route asphaltée. La police est là, très présente en général au Pérou dans les endroits stratégiques. Dix kilomètres plus loin, on trouve le tout petit village de Chuquicara. Dix km de trouille cette fois-ci non pas à cause des camions mais parce que la route est taillée dans des dépôts (marins ?) de plusieurs centaines de mètres de haut. Du coup, j'ai roulé tout le temps à gauche (la falaise surplombant parfois même le côté droit de la chaussée). Arrivée vers 14 h : pollo al horno, riz, salade, bière. Chuquicara est situé exactement au débouché de deux vallées dont celle qui mène au Canon del Pato : donc beaucoup de vent en permanence. J'opte pour un abri en dur : une pièce avec un lit sans drap ni eau ni électricité pour 15 soles : cher, mais le propriétaire m'a fait pitié (soi pobre ...). Pas d'internet bien sûr.
Demain, grande journée j'espère. Le plus dur sera la traversée des tunnels les plus longs qui sont en courbe montante et ... pas très larges.
Chao - Chuquicara 87 km 7h - 14h30 +795 m -383 m maxi 522 m
26 septembre - Tape-cul ...
... durant 58 km de piste, caillouteuse à souhait. Sans amortisseur, les reins en prennent un coup. C'est la première partie du Canon del Pato aujourd'hui. 12 tunnels, des gorges aux parois redoutables car immenses et peu compactes. On a l'impression que tout va tomber. Départ de ma chambre d'enfer (avec des cafards !) dès 6h30. Je sais que la journée va être dure. Tranquilo au début : faut bien se réveiller ! Les premiers tunnels - courts - sont bien là, en bordure du torrent tumultueux Rio Santa, tout gris et marron. Deux véhicules ne peuvent pas se croiser. Mais les véhicules roulent avec prudence. Dès l'entrée dans le tunnel, c'est un coup d'avertisseur et tous phares allumés. Dans plusieurs tunnels, je me suis trouvé avec des camions en face. Pas de grosse difficulté pour se croiser : je me plaque contre la paroi, le camion avance, me fait signe de continuer. Todo va bene.
Dure, dure la piste avec ... la tôle ondulée qui vous fait sauter de la selle à chaque demi-coup de pédale. Chaud, très chaud, la chemise à manche longue est enfilée pour éviter les cloques aux bras. Le chapeau est vissé très bas pour essayer de préserver le bout du nez. Soif, très soif, je bois régulièrement pour éviter la déshydratation. Je croise une mine de charbon - ou ce qu'il en reste -, quelques troupeaux de brebis, des cultures de maïs. Pas grand monde en fait dans ces 60 km de gorges. La pente devient rude vers la fin surtout que l'on saute tout le temps d'un caillou à l'autre ... Voilà le village tant espéré : Yuracmarca. Des travaux sont en cours, transformant le village en un nuage de poussières permanent. Soif, faim : un restaurant. Gagné : ici la bière est en bouteille de 63 cl. Il en faudra deux d'ici le dîner. Poulet traditionnel. Chambre très sobre comme hier, sans drap, mais je pense sans cafard ; 12 soles. Un haut-alpin en vélo ! Oui, un accompagnateur de montagne qui prend quatre mois à vélo en solitaire. On va longuement papoter au dîner ce soir.
Chuquicara - Yuracmarca 58 km 6h30 - 15h +958 m -157 m maxi 1450 m
27 septembre - tunnels, tunnels ...
48 tunnels au total (12 traversés hier) pour 110 km de piste pour le Canon del Pato. Un beau morceau à franchir. Hier soir, la soirée a été très sympathique avec le Haut-Alpin d'adoption puisqu'il s'appelle Hervé de Berterèche, et a une maison familiale près de Mauléon dans les Pyrénées-Atlantiques. Hervé a été un jeune retraité militaire, est devenu accompagnateur de montagne, s'est fixé avec son épouse à Chauffayer dans le Champsaur, où ils ont construit une maison en structure bois, ronde, tournant avec le soleil, qui sert de gite. Dominique reconnaîtra bien ce dont il s'agit puisque nous étions allés voir cette maison. Le monde est donc très petit ! Hervé continue son périple vers le nord du Pérou mais en choisissant plutôt un itinéraire plus amazonien que côtier, puis l'Equateur, la Colombie, pour finir à Caracas au Vénézuela. Chaque année, Hervé fait un bout de tour du monde à vélo.
Ce matin, je pars plus tôt car je préfère de loin l'ombre au soleil pour pédaler. Une descente longue d'abord vers Huallanca 12 km plus loin, où se situe une grosse usine hydroélectrique. Puis, une très forte montée dans des pentes où jamais on n'aurait construit de piste en France, les virages se succédant l'un sur l'autre avec des pourcentages qui nécessitent le plus petit développement, et ... surtout à ne pas oublier pour les véhicules : faire marcher son avertisseur ou ... la musique à tue-tête ! Quelques endroits pour se garer car deux véhicules ne peuvent pas se croiser. Ca monte cahin-caha. Le coca se vide très vite, la chaleur devient caniculaire. Les parois du Canon del Pato sont terrifiantes car immensément hautes et profondes, très instables et la piste ne permet jamais de rouler à deux véhicules de front.
On est vraiment petit petit ! Les tunnels sont avalés du 13ième au 48ième, au début avec beaucoup de prudence et de crainte, la frontale allumée ; puis, les véhicules étant toujours plein phares et avertissant, le franchissement devient un jeu car tout le monde est très attentif, le moindre accrochage pouvant vite devenir catastrophique. Lorsque le Canon se termine, la vallée s'élargit, et la route devient ... asphaltée ! Que c'est bon pour le dos de ne plus sentir les coups pointus des cailloux. Les champs font leur apparition avec de la polyculture (avocats, maïs, pommes de terre ...), quelques petits troupeaux de brebis et de chèvres. Longues montées ... chaleur étouffante.
La bifurcation vers Mato est laissée à droite. Caraz, le gros village, but de cette étape, apparaît avec, à gauche, les sommets enneigés du Nevado Pisco et des Nevados Huandoy qui se cachent un peu derrière les nuages. Un très bel Hostal me tend les bras. Je négocie un peu le prix. Deux nuits, ce doit être nécessairement moins chers que deux fois une nuit (2 x 30 = 50 soles, pour ... moi). Soif, faim, douche ... Tout est bien.
Grande étape que ce Canon del Pato, même si, au plan paysager, en accord avec Hervé, ce n'est pas exceptionnel comme par exemple les vallées argentines et chiliennes que j'ai traversées il y a un an. Les 48 tunnels sont vraiment un chantier titanesque surtout lorsqu'on imagine les moyens utilisés pour les creuser. Peut-être le ciel va-t-il me permettre quelques belles photos des cimes enneigées tout là-haut à plus de 5000 mètres, pour rêver ?
Yuracmarca - Caraz 58 km 6h30 - 13h30 +1290 m -350 m maxi 2284 m
28 septembre - Caraz ... un feu d'artifice quotidien ..
A Caraz, c'est une réalité. Mais, on ne voit rien. Il y a une entreprise qui fabrique des feux d'artifice. Tous les soirs, la petite ville de Caraz est assommée de grands coups d'explosifs mais sans voir quoi que ce soit. Angoissant lorsqu'on ne sait pas, plutôt rassuré lorsqu'on a vu l'entreprise, pignon sur rue. Caraz est un balcon pour contempler les faces enneigées et glacées des Huandoy.
Ce matin, ciel bleu. La vue est magnifique avec même un aperçu des deux sommets du Huascaran. La petite ville se réveille au bruit des petits triporteurs, ces motos quatre temps équipées d'une banquette arrière avec capote intégrale et porte-bagage arrière qui sert souvent à deux ou trois personnes supplémentaires debouts, ou à transporter des colis hors norme. Quelques voitures-taxis, des collectivos - ces minibus souvent en surcharge, sont en attente de clients dans un parking près de la plaza de Armas. Changement à noter : Caraz est une ville propre, du moins pour le centre. Les rues sont balayées à l'ancienne, avec un balai. Un gros marché se tient près de l'énorme église qui domine la plaza de Armas. Le marché semble toujours ouvert et occupé. Les gringos sont, bien sûr, remarqués et gentiment moqués. Le costume traditionnel est surtout porté par les femmes, toujours très coloré, avec sur la tête - à la différence de l'Equateur - un énorme chapeau très haut qui fait un peu haut-de-forme. Les prix du marché ne semblent pas plus avantageux que ceux des boutiques trouvées dans les rues. Une rue Villar ! Décidément ce nom se trouve dans beaucoup de pays. J'entends mon prénom ! Ce sont Jean et Eve, le couple slovaque qui a suivi le même itinéraire à vélo. Leur ami Handy a déclaré forfait. Je m'en doutais un peu lorsque j'ai vu son vélo équipé de tout petits pneus, et la piste très dure remontée au Canon del Pato. Ils sont fourbus. Pour changer un peu, ils prévoient un trek de quatre jours dans la montagne.
29 septembre - Laguna Paron ... double ration pour le Mulet
Superbes, ces lacs d'altitude à 4000 mètres. La Laguna Paron est de ceux-là. La vue d'une photo truquée (je ne l'ai su qu'après) à l'hôtel Laguna Grande où j'étais, avec la légende "Alpamayo" belle pyramide au fond de la Laguna Paron, m'a vite fait décider de la balade d'aujourd'hui. J'ai prévu de combiner une montée de 19 km en voiture jusqu'au village Paron puis 15 km de vélo tout-terrain puis la descente totale en vélo des 34 km plus une quinzaine de kilomètres asphaltés jusqu'à Yungay. Ca "doit le faire" comme on dit dans les Hautes-Alpes.
Rendez-vous a été pris hier avec un chauffeur de taxi à 6h30. Je regarde bien l'itinéraire (piste ...) de montée du taxi puisqu'il faut que je le prenne à la descente en vélo. Toute la montagne est travaillée : cultures multiples (maïs, pommes de terre, poireaux, choux ..., fleurs !), bétail très varié (moutons, chèvres, poules, cochons, vaches, ânes ...), plantations d'eucalyptus. La pente est toujours aussi redoutable : toute la terre se travaille sans moteur. Les habits traditionnels sont bel et bien portés tous les jours. La voiture s'arrête au bout du village. Une heure de montée. J'ai harnaché le vélo avec le minimum mais c'est quand même quelques kilos, le reste attendant à l'hôtel. Il s'ensuit 15 km de piste d'enfer qui s'enfile en zigzag dans une gorge relativement étroite (la quebrada). Tout roule sous les pneus Marathon. L'équilibre est à la limite car ça monte très fort. Je dois me pencher plus que d'habitude sur le guidon pour éviter que la roue avant se lève. Je fais le point avec ma tablette magique pour savoir si je suis bien sur le bon itinéraire : on attend le positionnement des satellites pendant 40 secondes, puis - milagro - le point bleu du positionnement GPS apparaît, pile sur la piste, avec l'habillage en trois dimensions par les photos Google Earth. Un monument de technologie ce résultat, lorsqu'on connait tous les défis qu'il a fallu résoudre ! Trois heures après, le but est atteint. Surprise, le niveau d'eau de la Laguna Paron a été abaissé d'environ 70 mètres (les couleurs des rochers en attestent) pour éviter une trop forte pression sur la moraine qui ferme le lac, moraine qui prend naissance au glacier du Huascaran Nord. Pas de chance, les nuages (blancs certes) sont de sortie et emmitouflent au trois quarts les pointes des Huandoy et les sommets voisins dont la fameuse pyramide dénommée faussement sur la photo Alpamayo. Le paysage de montée vaut au moins autant que le spectacle de la Laguna. On est ici dans le parc national du Huascaran (ticket de 5 soles).
La descente des 34 km s'est faite freins serrés crissants, le vélo pliant de tout son cadre mais retombant toujours bien sur ses pattes. Costaud le Monsieur ! L'asphalte, mais ... quel plaisir, ça glisse tout seul, le vélo ne dit rien. Rien à voir avec les rétablissements infligés au Mulet pendant cette longue et douloureuse descente. 14 h à l'hôtel de Caraz. Je mets toutes les sacoches. Direction Yungay, quelques 15 km plus loin que Caraz. Un petit clin d'oeil au passage sur ma gauche vers le Huandoy qui apparaît sous un angle différent. Yungay, ville toute neuve, reconstruite après la terrible catastrophe de 1970 qui a fait de 10 000 à 20 000 victimes selon les sources.
Caraz - Laguna Paron - Yungay 72 km vélo +1120 m vélo - 1825 m vélo
30 septembre - Yungay, ville martyre
En 1970, j'étais étudiant à l'Université de Bordeaux. Un Péruvien était dans mon année. On parlait souvent de montagne. En juin, il m'annonça qu'une tragédie s'était abattue dans les Andes, dans son pays, faisant des dizaines de milliers de victimes. Je crus qu'il plaisantait. Aujourd'hui, j'ai visité l'emplacement de l'ancienne ville de Yungay, terrassée par des laves torrentielles venues du Huascaran à la suite d'un très violent tremblement de terre (intensité 7.8) qui eut lieu le 31 mai 1970. Il ne reste rien que des débris apparents dont un bus uniquement reconnaissable par la ferraille, un morceau de mur de l'église. Des croix tombales un peu partout, probablement à l'emplacement des maisons. Tout a été laissé en l'état sans fouilles. La ville a été reconstruite en contrebas versant Nord. Un imposant cimetière a été bâti tout en hauteur, en forme de monument pyramidal circulaire, renfermant les victimes retrouvées, avec un étage par quartier. Le tout est surmonté d'un immense Christ, les bras ouverts, regardant le Huascaran. Emouvante, bien sûr, une telle vision. Mon ami péruvien avait donc dit vrai. On comprend mieux, dès lors, les précautions et la surveillance active des moraines qui retiennent les lagunas d'altitude ...
Des chants et des bruits de pas martiaux : ce sont les apprentis policiers de l'école de Yungay qui arpentent la ville. Mon hôtesse Rusula m'a servi un petit-déjeuner avec un verre de vrai jus d'orange, une tortilla, une marmelade maison, un vrai café "muy rico". Du coup, je vais rester une nuit de plus. L'hostal Gledel que tient Rusula m'avait été recommandé par Hervé de Berteretche. Il accueille pas mal de travailleurs. Dans la famille de Rusula, tout le monde est dans l'enseignement. Je croise des tchèques en camping-car qui viennent du Canada et comptent aller jusqu'à la Terre de Feu ...
Le vélo a été inspecté. Les freins ont pas mal souffert hier. La chaîne a été un peu brossée et huilée. Le dérailleur devient un peu fainéant en réagissant un peu à retardement. Espérons que tout ce matériel qui commence à en avoir vu pas mal, continuera à remplir les services demandés. L'itinéraire classique pour gagner demain les Lagunas Llanganuco m'a été déconseillé par la tenancière de l'Hostal Gledel car trop chaotique pour le vélo. Je prendrai donc l'itinéraire de Rusula demain aux aurores. Mais ... le temps s'est fortement couvert. Je comptais monter en vélo aujourd'hui sur les montagnes d'en face les deux Huascaran (coté Cordillère Noire) pour prendre des photos. Inutile ! La guigne de l'Equateur serait-elle encore active au Pérou ?
1er octobre - Keushu, Llanganuco ... mais le Huascaran est resté caché !
Une belle boucle réalisée ! Et pourtant, je ne comptais pas trop partir. Hier soir, j'étais au lit. On tape à ma porte : "Lluvia !" La pluie se met à dégouliner de partout. Je mets mon vélo dans un coin un peu à l'abri. Ce matin, 6 h, le ciel a l'air assez serein. Des nuages certes mais pas de pluie. Mais, le miracle ne s'est pas produit. Les Huandoy et autres Huascaran n'ont pas daigné sortir leur écharpe blanche de toute la journée.
J'ai finalement fait une boucle comme me l'a recommandé Rusula. La montée s'est faite par le Nord en allant rendre visite d'abord à la petite, toute petite, Laguna Keushu (il n'y a presque plus d'eau), puis en pénétrant dans la Quebrada de Llanganuco, un peu à la façon de la laguna Paron. Péage bien sûr (5 soles soit moins de 2 euros - on ne se ruine pas) à l'entrée du parc national du Huascaran. Puis, longue montée très chaotique - même pour les véhicules à moteur -, sur la rive droite, avec force lacets très ingénieusement tracés. L'arrivée à la laguna Llanganuco Chinancocha se fait à la façon dont on ouvre une fenêtre : enfin ... on respire mieux et ... ça ne monte plus sur ces satanés cailloux et rochers. Seul là-haut, émerveillé par la couleur vert émeraude des eaux, je poursuis un peu le long du lac pour peaufiner les angles de prise de vue. Comme à la Laguna Paron, on trouve les très beaux et originaux petits arbres quenual qui se caractérisent visuellement par un tronc à l'écorce très rouge et très effeuillée.
La montée des 31 km a été très longue, un peu plus de cinq heures de piste. Je redoutais la descente pour le vélo. Les freins toujours serrés, elle a presque duré autant que la montée. Après 10 km, j'ai opté pour la piste classique de montée des véhicules, traversant des villages très typés avec même une fiesta qui m'a permis de boire la chicha, une boisson non alcoolisée à base de maïs : très agréable quand c'est frais. Dans un autre village, des ébénistes refaisaient la double porte d'entrée de l'église : du joli travail de sculpture dans du cèdre. Mais, surtout, au cours de cette descente, j'ai pu bien voir le cheminement des laves torrentielles depuis les pans glacés du Huascaran (Nord) jusqu'à la localisation de l'ancienne ville de Yungay. La piste ne laisse place au béton des rues que dans le centre de Yungay. Tout d'un coup : le vélo ne dit plus rien, la selle devient presque confortable, les mains se relâchent ... On est arrivé ! Une performance correcte avec près de 2000 mètres de dénivelée positive sur piste à 4-6 km/h, et à peu près autant en descente. Curieux : je n'ai presque pas bu et n'ai pas eu soif. Ce soir, je n'ai même pas pris la bière habituelle mais ... le poulet/frites/salade, oui !
Yungay - Laguna Keushu - Laguna Llanganuco Chinancocha - Yungay 63 km +1980 m -1912 m maxi 3900m
2 octobre - Les Huascaran lèvent un peu le voile ...
Je suis parti de Yungay avec un cadeau ! Rusula m'a offert un bonnet tricoté par elle, avant qu'elle ne perde son bras droit. Avec son mari, elle a tenu à saluer mon départ.
La route asphaltée est un régal. Le ciel est toujours un peu couvert, surtout à ma gauche (altitude de +6000 m oblige). Je me mets à maudire ce Huascaran. Un menuisier rabote un montant de fenêtre un peu voilée, sur des tréteaux, dehors. Beaucoup de bétails dans les champs mais en tout petits troupeaux.
Un coup d'oeil à tout hasard vers la gauche : inouï ! Sa majesté Huascaran montre le bout du museau. Avec la chaleur du soleil, la condensation diminuant, les glaces sommitales luisent. Ce n'est pas le grand beau, mais les deux sommets Sud et Nord sont capturés dans le petit boitier Sony. Carhuaz n'est pas bien belle. Cette petite ville est en fête mais l'accueil fut bien meilleur partout au Pérou jusqu'à présent. Ce qui frappe, en y entrant, est le peu de propreté des trottoirs et des caniveaux. Trouver un hébergement n'a pas été commode. Je me suis arrêté à Carhuaz en raison de l'accès à Olimpico, ce passage d'altitude qui vient d'etre totalement réaménagé avec une route goudronnée et un tunnel à 4750 m.
Dernier jour de fête aujourd'hui à Carhuaz. De très nombreuses bandas avec des danseurs très colorés parcourent la ville en tous sens, et se replient ensemble à la plaza de Armas pour s'exécuter dans l'église de la ville, chacune à tour de rôle. Un vaste marché occupe toutes les rues, très surveillé par la police. De gros nuages gris/noirs s'accumulent venant du sud-est. Subitement, c'est l'averse, provoquant une petite panique chez tous les camelots pas très équipés. C'est le sauve-qui-peut dans tous les sens. Pas de parapluie. Les beaux chapeaux de ces dames sont recouverts de sacs plastiques. On ne voit plus grand chose dehors lorsque le tonnerre se met lui aussi à la fête. Heureusement, la pluie ne dure pas trop longtemps. Les rues sont jonchées de légumes et de fruits. Les balais sortent. La musique des bandas reprend. Ce soir, la Plaza de Armas est noire de monde.
Yungay - Carhuaz 30 km 8h - 11h +391 m -219 m maxi 2515 m
(en fonction de votre connexion il faut baisser la qualité de la vidéo en cliquant sur la petite roue en bas à droite)
3 octobre - Paso Olimpico, le plus haut tunnel du monde !
Il faut se l'attraper ce tunnel. Il est à 4730 m avec une énorme pancarte prétendant que ce serait le tunnel le plus élevé en altitude. Partant de Carhuaz (environ 2500 m), il faut monter la différence sur 53 km. J'ai gambergé pas mal pour savoir s'il était raisonnable de tenter le diable. Hier soir, le ciel était couvert de gros nuages, avec de la pluie puis les grondements du tonnerre. N'est-ce pas un peu long ? 53 km, c'est juste la montée ; il faut revenir. Combien de temps durera cette montée ? ... Ce matin, à 6 h, le ciel avait l'air de me faire signe de partir. J'avais repéré la veille la sortie de Carhuaz mais ... j'ai voulu prendre un raccourci et suis tombé dans une espèce de bidonville qui puait l'urine. La route est trouvée. En piste pour essayer de grimper les 50 km qui mènent à ce tunnel. Mais, avant ... normalement, belle vue sur le profil Sud-Ouest des Huascaran, si ... les écharpes de nuages sont sorties.
Chance ! Est-ce la pluie et le tonnerre d'hier soir ? Ce matin, je peux voir les deux Huascaran dégagés bien que pas très éclairés - il est entre 6 h et 7 h. La route est magnifique : asphaltée, pente régulière, très peu de trafic. Et ce sera comme cela jusqu'en haut, sauf ... 8 km à hauteur de plusieurs villages qui se touchent dont Shilla. Difficile de comprendre que l'on ait fait une route superbe sauf pour les portions habitées où, là, on retrouve les vieilles pistes caillouteuses avec toutes les déjections qui dégoulinent de partout. Sinon, cette toute nouvelle route tracée avec des pentes raisonnables (6-8% la plupart du temps), asphaltée, deviendra à n'en pas douter, une classique des courses cyclistes au Pérou.
La montée m'a fait penser au Galibier versant sud. Après les villages, on entre dans une quebrada exactement comme pour les lagunas Paron et Llanganuco, avec passage au contrôle du parc national du Huascaran. Puis, la vallée s'élargit pour donner naissance à ce que dans les Pyrénées on nommerait des oulettes - grandes prairies d'altitude façonnées par les glaciers avec un torrent qui déambule. Beaucoup de bétails (vaches, ânes). On laisse derrière soi les Huascaran pour grimper le dernier raidillon, une kyrielle de lacets sur 10 kilomètres, plus impressionnants à voir que redoutables. J'arrive à 13 h soit tout de même 6h30 de montée.
Un bout de biscuit, une banane, un petit coup de Coca cola, la descente est vite entamée car, toujours au Sud-Est, les nuages commencent à devenir vilains. Un quart d'heure plus tard, les premières gouttes. Poncho ? Il y a du vent donc ça ne devrait pas durer. Au fur et à mesure de la descente d'altitude, le temps devient meilleur. Descente roulante car le trafic est quasi nul. Un peu de gymkhana dans les pistes des villages. Je me fais surtout remarquer par les freins qui couinent. Les sommets sont à nouveau dans les nuages. Arrivée à Carhuaz à 15 h. Inespéré !
Carhuaz n'était pas une cité très engageante. La fiesta est finie. Elle devient presque sinistre. Pas un restaurant digne de ce nom. Pourtant, il faudra bien manger ce soir après cette étape qui sort un peu de la norme !
Carhuaz - tunnel du Paso Olimpico - Carhuaz 106 km 6h30 - 15h +2012 m -1949 m maxi 4130 m
4 octobre - En petite vitesse pour Huaraz
Pas fâché de laisser Carhuaz. La route qui mène à Huaraz, loin pour moi d'être tranquille, est très étroite. Comme d'habitude, bus, collectivos, camions vont à fond de train. Les chiens ont toujours besoin de prouver qu'ils gardent bien leur patron. On longe toujours le Rio Santa (qui alimente le Canon del Pato). Beaucoup de flemme ce matin. Tous les prétextes sont bons pour s'arrêter : village perché, église, une photo de plus des Huascaran un peu endormis, relief de crêtes lointaines au soleil levant et, plus insolite dans ces lieux, un aérodrome avec une vraie tour de contrôle mais sans avion.
Je profite de ma flemme aiguë pour mettre de l'huile sur la chaîne qui ne cesse pas de couiner. Même le vélo n'a pas très envie de rouler : les vitesses ne passent plus que par deux et en net retard. L'entrée dans Huaraz se devine, il n'y a pas de panneau. C'est bien une très grande ville (plus grande que l'agglomération de Pau !) tout en longueur. Je cherche Jo's hotel dans Independencia district que m'avait recommandé Hervé des Hautes-Alpes. Personne ne connait. Je file à la Plaza de Armas pour interroger l'Office du tourisme. Carte en main, la direction est claire : six quadras tout droit au Nord, deux quadras à l'Est.
Une porte métallique, un tout petit trou pour passer la main et ouvrir la porte, une sonnette à 2 mètres. L'accueil est très agréable mais ... beaucoup de cyclistes sont là dont au moins trois que j'ai déjà rencontrés : le couple suisse et Handy, celui qui a dû déclarer forfait au Canon del Pato. Il n'est toujours pas très bien et rejoindra Lima en bus. J'en profite pour faire laver mon costume de pédalage, puisque je reste là deux nuits. Je paierai en partant m'a-t-on dit, combien ? je ne sais pas. La rue principale (qui prolonge la Panam) est bouclée par la police. Surprise. Le vélo passe bien sur. Une manifestation en musique et chansons : ce sont des enfants avec leurs maîtres qui, pancartes dressées, clament qu'il faut protéger l'eau, que l'eau c'est la Vie. Le centre-ville est propre, à la différence des quarante kilomètres de route entre Carhuaz et Huaraz. Devinez ce que j'ai mangé ce soir ? ... de la vraie purée !
Carhuaz - Huaraz 45 km 7h - 12h +498 m -119 m maxi 3090 m
5 octobre - Huaraz, la fourmilière
Même la nuit, ça tonne de tous cotés. Renseignement pris, les petits villages à l'entour de Huaraz, sont en fête et tirent des charges creuses qui explosent comme le feraient des feux d'artifice ... à n'importe quelle heure de la nuit. A 6 h, les bandas arrivent. La musique résonne dans la ville jusqu'à la nuit tombée. Vers 10 heures, c'est une nouvelle manifestation des élèves des écoles, de la grande maternelle au collège, avec costumes spécifiques à chaque école, pour vanter les bénéfices du sport. Tout cela se passe dans une ambiance bon enfant.
Le marché central est sous abri, organisé comme souvent par commerces du même type. Mais c'est la rue centrale qui reste la plus fréquentée avec, et c'est assez original, des arcades de part et d'autre sur des centaines de mètres qui donnent accès aux boutiques les plus variées, dont de très nombreuses agences de trekking proposant toutes sortes de combinaisons (de la visite en voiture aux grandes courses d'alpinisme ou aux treks de quelques jours avec les ... ânes). Beaucoup de mendicité mais aussi des personnes qui viennent se poser sous les arcades pour essayer de vendre leurs quatre biscuits faits maison à un prix ... nettement supérieur à ceux des pâtisseries. On a l'impression de faire une bonne action en achetant ainsi.
Passage chez le coiffeur ! Ca commençait à peser sur le vélo ! Les coiffeuses étaient curieuses comme des pots de chambre avec les questions classiques adressées au gringo. Au total, les Français restent des gens sympathiques d'après ce que j'ai pu entendre. Mon nez et mes cuisses pèlent fort ! Plus que quelques jours sous le ... soleil, comme dans le Sud-Ouest (de la France) semble-t-il !
A la plaza de Armas, la cathédrale est en construction depuis une quinzaine d'années, m'a-t-on dit. En attendant, les cérémonies ont lieu dans l'église juste à coté. Le musée d'Archéologie était ouvert. On se rend compte de la diversité des cultures (civilisations ?) qui ont marqué le Pérou, bien avant les Incas.
Préparant les "vivres de course" pour demain, j'ai voulu acheter trois bananes à une marchande de coin de rue : ce n'était pas assez ! Je suis allé voir la voisine, toute contente de vendre trois bananes et quatre pommes. Journée de repos. J'ai à nouveau huilé un peu la chaîne. Demain, dernier grand jour d'altitude.
6 octobre - Caramba ! ... quelle saucée j'ai pris !
Je coyais qu'il n'y avait que dans l'Oreille cassée de Tintin que ce mot existait ! Non, je l'ai entendu aujourd'hui à Recuay dans la bouche d'un Monsieur qui m'interrogeait sur mon parcours, et qui a lâché "Caramba" comme nous dirions "Ca alors !". J'étais arrêté devant ce qui serait normalement une salle dans une grotte avec stalactites et stalagmites, mais qui, là, était à ciel ouvert, comme si on avait une carrière sculptée. Surprenant ! Le Monsieur Caramba m'a dit avoir envie d'aller à Lima à vélo ...
Journée très, très humide pour atteindre les 4050 m de la Laguna Conococha tout au bout de la Cordillère Blanche, au Sud. C'est dimanche, donc le trafic n'a pas été dense, heureusement. Le poncho a été de sortie une nouvelle fois, mais cette fois ce n'était pas pour rire comme disent les enfants. Même le tonnerre a été plusieurs fois de la partie. Le ciel était gris-noir. Le plafond des nuages se rapprochait au fur et à mesure que je montais, et ... j'ai fini par y plonger dedans.
Conococha, c'est aussi un tout petit village (4105 m) qui surplombe l'immense lagune. J'ai du m'y arrêter car, non seulement, il pleuvait dru mais il a grêlé et même un peu neigé ! J'ai eu juste le temps de mettre un tout petit peu mon vélo à l'abri lorsque la grêle puis la neige sont tombées. A 4000 mètres, ce n'est pas trop surprenant. Une soupe m'a réchauffé un peu, mais pas de chambre possible à Conococha. Il faut descendre à Santa Rosa, m'a-t-on dit. Descendre, oui, car c'est le grand saut vers le Pacifique maintenant : 4000 mètres de dénivelée négative depuis Conococha. Un régal, sauf que, là, il grêle, il neige, il pleut : la totale. Que faire ? Rester bloqué là-haut ? impossible même de planter la tente quelque part par ce temps. Donc, j'entreprends par force de descendre à ... Santa Rosa (15 km environ) tout encapuchonné.
Le vélo était déjà trempé, ce sera maintenant les chaussures. Le poncho, c'est bien mais totalement inefficace pour les jambes et les pieds. Les freins ... pas terribles du tout avec ce temps : il faut anticiper beaucoup car impossible de s'arrêter. Ils font un drôle de bruit à l'arrière. Santa Rosa ... aucune chambre possible. La guigne ! Avec ce temps pourri. Je continue, trempé pour trempé, quelques kilomètres de plus. Ca descend fort maintenant dans une vallée très étroite. Pas de ville avant le Pacifique. Je finis par voir un Monsieur tout dégoulinant qui me dit avec l'assurance d'un employé d'office du tourisme que, bien sûr, il y a des chambres dans le village un peu à l'écart, Mayorarca. J'arrive vers l'église et bute rapidement sur la fin des maisons. Deux dames papotent, un peu abritées dans la rue boueuse à souhait : "Une chambre ?" "Là, en face". Pas très engageant, mais au moins je serai à l'abri.
Le vélo est remisé au rez-de-chaussée. Je monte des escaliers quasi verticaux en terre cuite, passe sur des planches, me fais saigner le crane en franchissant une porte très basse (j'avais toujours le poncho ...) et trouve une pièce avec un lit, au sec. Ce sera mon cinq étoiles d'aujourd'hui ! Dehors, il pleut comme jamais ! ... J'inspecte les freins. Les patins à l'arrière sont usés jusqu'au métal. Le fer du patin touchait la jante. Pas bon du tout. Heureusement que j'ai un jeu de patins de remplacement. Ca me rappelle ma traversée de Thonon à Nice où, lors de la descente du col de la Bonnette dans des conditions semblables, j'avais tellement dû serrer les freins que le fer du patin arrière avait fini par découper la jante ...
Je suis maintenant définitivement en-dessous des 4000 mètres. Est-ce que demain la pluie aura cessé ? Vu comme c'est bouché partout, ce n'est pas gagné d'avance. Il me reste à voir si je peux trouver à manger. Sinon, j'ai toujours ma boite de thon en réserve depuis ... Quito.
Huaraz - Mayorarca 105 km 6h30 - 16h +1265 m -1043 m maxi 4105 m
7 octobre - La descente vers le Pacifique, ça sèche !
Grand beau ce matin ! Inespéré. Finalement les sacoches ont bien tout préservé malgré les pluies diluviennes reçues hier. Le problème, ce sont les chaussures. Impossible de faire sécher, donc chaussettes mouillées et chaussures mouillées ce matin. Photo souvenir de mon hôtesse qui avait mis son costume traditionnel pour honorer mon départ.
Beaucoup d'ouvriers attendent sur les bords de la route le passage du bus ou du camion qui les transportera jusqu'au lieu de travail. Que la montagne est belle, éclairée pour faire mieux apparaître ses reliefs ! La vallée du Rio Fortaleza est ponctuée de villages. Plus on descend en altitude, mieux apparaissent les immenses étendues désertiques. Seuls les abords du Rio sont verts. Beaucoup d'irrigations très intelligemment conçues conduisent l'eau à une vitesse maîtrisée vers les prés, vers les champs, vers les jardins potagers. A noter qu'il n'y a pas d'irrigation par aspersion, le système par ruissellement étant de loin plus efficace.
En arrivant sur la plaine côtière, le système de culture change totalement avec d'immenses étendues de maïs et de canne à sucre. Mon vélo présente un peu de fatigue dans le freinage (malgré le changement des patins à l'arrière, hier soir) et dans les passages de vitesse. Par précaution pour la machine, je suis descendu à l'économie sur les 40 premiers kilomètres puis le "solde" (quelques 80 kilomètres) a été parcouru tranquilou pour d'abord joindre la panaméricaine, ensuite bifurquer vers Barranca, une assez grande ville proche de l'Océan Pacifique. Plus que d'autres jours, les chiens ont essayé de me faire peur. Ils ont réussi en partie lorsqu'ils s'y mettaient à trois. Sinon, la technique est de leur faire face, d'attendre qu'ils approchent un maximum pour leur flanquer un coup de pied dans la gueule. C'est hardi, mais ça marche.
Pas fâché de descendre au niveau de la mer après ce long mois de vélo. Quatre jours de vélo-pépère m'attendent pour joindre Lima.
Mayorarca - Barranca 125 km 7h - 14h +96 m -3174 m maxi 3200 m
8 octobre - Caral -2000 à -2600 avant J-C
Des piles d'assiettes en forme de pyramides ... Je ne pouvais pas ne pas aller voir ce qui a été identifié comme le témoignage de la première civilisation américaine. Le site archéologique de Caral comprend six pyramides qui présentent un dernier étage plat. La visite approfondie ne peut se faire qu'à pied, dans le sable. On a une vision panoramique dès l'entrée sur le site qui se trouve dans une zone désertique. Ainsi, au lieu des 45 km prévus, j'en ai fait 107 aujourd'hui dont 62 km de piste. Parti de Barranca, on prend la direction Sud vers Supe puis, plein Est, une piste pour atteindre le village de Caral, et, de là, une nouvelle piste qui se termine dans le sable. Impossible de poursuivre en restant sur le vélo. Dès l'abandon de la voie goudronnée, on entre dans la culture irriguée à grande échelle : canne à sucre, maïs, mais aussi asperges et fraises.
Les fouilles sont en cours. Peu ou pas d'indications pour guider les gens, même aux bifurcations obligatoires. Assurément, ce site de Caral est promis à un bel avenir touristique. Retour par la même piste très chaotique, puis panam jusquà Huacho.
On trouve, comme au Sud de Lima, beaucoup de propriétés privées en bordure de l'océan Pacifique dont des exploitations industrielles de volailles. A Huacho, grande ville, j'ai eu la chance de tomber dans un hôtel où le propriétaire est un amoureux de la petite reine. J'ai eu droit à une portion très avantageuse de chicharons de calamars et de poulpes. J'en aurai pourtant mangé le double. Plus que trois jours de pédalage pour atteindre Lima, trois étapes normalement plutôt courtes. On lève un peu le pied ...
Barranca - Caral - Huacho 107 km 7h - 15h +548 m -590m
9 octobre - Désert, propriétés ... privées
J'ai eu du désert de sable durant les trois quarts du parcours Huacho - Huancay, avec des montées insidieuses. Ca montait très peu, mais avec les plus de 100 kg à transporter, la moindre pente à trois degrés pousse à l'humilité : 7 km/h et pas plus sinon c'est vite l'asphyxie ! Alors, le désert "presque plat" devient vite une galère, d'autant que la route est toute droite et que j'ai été ... dans le brouillard et le petit crachin typiques de la côte Pacifique.
La sortie de l'hôtel fut rapide. A 6h30, mes sacoches sont prêtes. Je sors de la chambre et dis bonjour à la personne qui assure l'accueil. Pas de réponse mais une moue qui en dit long. Manifestement, le l'ai surprise. Du coup, je comprends qu'il faut que j'évacue vite. Mes sacoches ont été prestement descendues dans la rue par ladite veilleuse de l'hôtel. Adishatz ! 10 km plus loin, juste après le péage, je m'arrête pour manger un peu, en demandant deux oeufs frits : pour toute réponse, je reçois un "dos solares" presque véhément. Du coup, ça m'a accéléré le coup de fourchette ! C'est curieux comme les gens sont vraiment très surprenants parfois.
Le désert de sable de part et d'autre de la route, long, long, tout en ligne droite dans un brouillard qui est devenu du crachin, à petite vitesse : c'est fatiguant ! L'océan Pacifique se devine à peine, à droite, souvent masqué par les énormes installations d'élevage de poulets, pitées dans le sable. On dirait un "mur du Pacifique". Quand il n'y a pas de bâtiments d'élevage, on voit défiler des grands panneaux "concessions minières". On se demande où se trouvent les espaces accessibles au public ...
J'ai avalé la boite de thon achetée à Quito. Je crois que je n'ai pas assez mangé ces derniers jours. Chancay est une ville presque méconnue sur internet, avec pourtant plusieurs dizaines de milliers d'habitants. Direction la plaza de Armas comme toujours. Je trouve un hôtel confortable. Mais les prix augmentent à mesure que l'on s'approche de la capitale Lima ...
Huacho - Chancay 71 km 7h - 15h +571 m -570 m
10 octobre - Corniche Pacifique ... exceptionnel !
Imaginez une dune de sable de plusieurs centaines de mètres de hauteur et d'une vingtaine de kilomètres de longueur, qui longe l'océan Pacifique. Le brouillard ajoute à l'insolite. Une très belle chaussée goudronnée a été tracée, en corniche, dans des pentes telles que des engins de chantier doivent en permanence évacuer le sable pour permettre le passage des ... camions. Et des seuls camions ! Interdits les voitures et les vélos. Situation probablement unique au monde.
C'était trop tentant. J'ai pris cette route avec crachin et brouillard. Exceptionnel ! Mais il vaut mieux regarder vers l'océan que vers les tonnes de sable qui vous dominent. C'est plus ... rassurant. La route épouse toutes les ondulations sculptées par le vent. L'océan écume en s'écrasant en boucles contre la dune. Quelques kilomètres et l'on aperçoit en contrebas un ensemble bâti qui est surprenant au plan architectural par les matériaux, les formes, la composition, et par la population qui l'habite, des végétariens d'après ce que m'a dit Kike. C'est repéré sur les cartes par Eco Yoga villages. L'accès se fait depuis Pasamayo.
En sortant de cette merveille paysagère (mais contresens écologique), on apprend par le péage demandée, que c'est une route sous concession. On tombe alors sur des tanks, des canons de la Marine péruvienne. On est entouré de propriétés militaires. Instinctivement, j'ai enfoncé mon casque un peu plus sur ma tête. Quelques kilomètres plus loin, toujours sain et sauf, j'arrive au village d'Ancon, puis à Santa Rosa où j'ai décidé de me poser. Pas d'hôtel, pas de wifi. Un hospedaje m'accueille. Comme souvent, avant de payer, la douche est toujours chaude ; comme souvent, après avoir payé, l'eau chaude doit arriver ... plus tard ou jamais. Pas fâché d'être à quelques dizaines de kilomètres de Lima. Demain ... l'arrivée !
Chancay - Santa Rosa 40 km 7h30 - 12h +124 m -160 m
11 octobre - La terreur de l'entrée dans Lima
Plus on s'approche des capitales andines plus l'adrénaline monte chez le cycliste. Après avoir laissé sans regret ma douce habitation de Santa Rosa, me voilà dans le feu de l'action, non pas pour pédaler (c'est devenu une deuxième nature) mais pour lorgner les dangers potentiels afin de les éviter. La panam s'élargit de plus en plus, le nombre de véhicules croît sans cesse, au fur et à mesure que l'on s'approche de la capitale. Rien de bien original : on arrive à Lima, comme on arrive à Quito, comme on arrive à La Paz, comme on arrive à Santiago du Chili, pour ces capitales que je connais. C'est la guerre, déclarée par le plus faible (le cycliste) au plus fort (les véhicules). Je refuse d'aller toujours dans le sable du bas-coté de la chaussée goudronnée, même si parfois le monstre qui arrive est tellement énorme que je me dois d'y plonger. Résultat : je me fais frôler à de nombreuses reprises mais une fois tellement prêt que le coup de poing est parti dans le minibus. Ouf ! Ca fait du bien même si ça ne sert à rien.
Cahin caha, j'arrive tant bien que mal à l'aéroport international (après trois points GPS cartographiques qui m'ont évité de grosses erreurs) pour confirmer mon départ le 13, comme c'était demandé. L'aérogare est bondé. Je suis un OVNI avec mon vélo harnaché au milieu de tous ces gens. Le comptoir LAN (compagnie chilienne) est en vue. Pas besoin de confirmation pour l'enregistrement, me précise-t-on ; il faut se présenter trois heures avant l'heure indiquée. Et le carton pour le vélo ? Il suffit de le faire emmailloter dans du film plastique. Dehors, on m'indique qu'il y a des jeunes qui font ce travail deux fois moins chers qu'à l'aérogare.
Rassuré, je file chez Kike et Miriam qui m'avaient reçu il y a trois ans lors de mon parcours Lima - Santiago, le meilleur gite jamais trouvé en qualité d'accueil, de confort, de services (à recommander http://www.lima1night.com). Re-positionnement GPS cartographique car Lima est en grands travaux d'infrastructures routières, et, avec la poussière, il est très difficile de s'orienter car les noms des rues affichés dans Google Maps ne sont pas toujours les mêmes que ceux indiqués par les panneaux. Pause midi avec chicharons de poisson (le poulet va finir par être jaloux) et ... avocats en mayonnaise ! Enfin, je me décide à goûter ces avocats qui ont une saveur bien meilleure que chez nous, avec la mayo ! Même pas malade !
Le pédalage est fini. Je retrouve la porte de chez Kike. Accueil très cordial. Je porte une bouteille de vin rouge argentin. Et ... le carton ? On file une heure après avec Kike chez un marchand qui recycle les cartons. Rien ne va. Obligé d'en fabriquer un aux dimensions du vélo comme ceux d'Air France : 1,80 m x 0,80 m x 0,20 m. On papote sur le pas du magasin durant deux bonnes heures. Le carton n'entre qu'à moitié dans la voiture de Kike. Pas de problème : de la ficelle pour arrimer la porte de la malle.
Ce soir, je sens un peu de lassitude. Je dois me persuader que je suis bien arrivé. Les grosses inconnues sont finies puisque le Mulet aura bien son carton !
Santa Rosa - Lima (KIKE) 41 km 7h30 - 11h
12 - 13 octobre - Prêt pour le départ ...
... du retour en France. Deux journées de récupération chez Miriam et Kike : écoute de musiques, siestes prolongées, émissions TV Discovery et matches de foot, bonnes nourritures ... Le bonhomme est refait à neuf.
Débats prolongés (et pas toujours faciles avec l'espagnol) avec Miriam et Kike, et ... emballage du Mulet dans le très solide carton qui lui est dédié. Je l'ai un peu démantelé en lui enlevant la roue avant, flanqué une cale pour éviter que la fourche avant se déforme dans les manipulations aux aéroports, dégonflé les pneus pour éviter que la surpression les fasse éclater, démonté le guidon avant pour le ficher contre le cadre, tenu par du collant, enlevé la selle et sa tige pour les caler dans un porte-bidon, inversé les pédales pour éviter la surlargeur, démonté la béquille. Ainsi, le vélo a triste mine mais lui permet d'être bien sage dans son carton, avec comme compagnons de voyage le casque, le matelas, la pompe, les arceaux de la tente, l'écarteur, une sacoche vide. L'ensemble cartonné pèse 22,700 kg. Comme autre bagage en soute, deux sacoches pleines solidarisées par une élastique pour ne faire qu'un bagage de 9 kg, le total du poids en soute ne devant pas dépasser 32 kg. En bagage cabine, la quatrième sacoche pleine et la sacoche de guidon contenant le netbook. Je suis en limite de charge autorisée avec, normalement, un surcoût à payer pour le vélo de 60 à 75 euros ou dollars. Wait and see ... car tout dépendra de l'état mental du moment de l'employé(e) à l'enregistrement. Bisous à tous. A ... demain en France !
14 octobre - Le retour en France : bien arrivés ...
... et moi et le vélo ! Bravo LAN Chile et merci pour l'absence de surcoût à payer pour le vélo. A la différence de l'aller où j'avais dû payer un surcoût vélo de 75 euros. Pourquoi cette différence de traitement alors que le billet était aller-retour ? ... Ca fait toujours partie des mystères des compagnies ou plus exactement de la plus ou moins grande mansuétude de l'employé(e) qui fait l'enregistrement. A l'aller, j'avais eu une employée qui probablement cherchait à faire du zèle (surcoût d'abord de 100 euros puis, après contestation de ma part, surcoût ramené à 75 euros). A Lima, j'avais pourtant un poids cumulé global en soute de 32 kg, j'ai eu droit à un grand sourire et à "Bon Voyage".
Le changement d'avion à Madrid se faisait avec 3 heures de décalage : suffisant pour que le vélo prenne le même avion suivant que moi. A l'aéroport de Blagnac, tout était en ordre : sacoches intactes, carton-vélo en état. Le fiston Thomas m'attendait. Le carton-vélo dépassait un peu de la Clio. Soirée dans la famille de ma fille Laure. La boucle est bouclée le lendemain, avec mon arrivée à Eysus. Le qashqai laissée durant 40 jours chez ma fille, était probablement tout content de retrouver son chauffeur. A la maison, l'énorme frêne du voisin est tombé avec un coup de vent ... chez moi. Milagro ... aucun dégât !
Merci à toutes celles et à tous ceux qui m'ont soutenu dans ce périple pas trop facile, par leurs messages ou par leurs pensées.