2020 - Tour de Sardaigne
A défaut de pouvoir aller en Asie centrale - pays fermé pour cause Covid - je vais faire un petit tour en Sardaigne. Pour y accéder, j'aurai pu prendre un bateau depuis Toulon. Mais une expérience cuisante lors de mon tour de Corse à vélo où ma voiture avait été volée m'a fait renoncer à cette solution. Alors la nage ? Les avions des compagnies les plus connues depuis Toulouse font d'énormes détours avec au moins un changement. Pour le vélo, ce n'est pas bon. Une seule compagnie fait un vol direct, non pas pour la Sardaigne mais pour Figari dans le Sud de la Corse : Volotea, avec un tarif très correct et des avions Airbus A319-A320. Aucun doute, c'est la meilleure solution. De Figari, une vingtaine de kilomètres me feront rejoindre Bonifacio pour prendre un ferry qui rejoindra en 1h30 le Nord de la Sardaigne. Tout est donc réglé comme du papier à musique ...
MAIS ... la COVID n'a pas dit son dernier mot ! Un message des instances italiennes dans le site du ministère des Affaires étrangères français daté du 13 septembre, indique qu'à compter du 14 septembre toute personne entrant en Italie doit présenter un test négatif datant de moins de 48h ... Douche froide ! ... En regardant bien, le test négatif peut n'être que sérologique et pas obligatoirement PCR. Le résultat du test PCR est donné après plusieurs jours donc impossible dans les 48h. Le test sérologique peut être fait en pharmacie avec résultat en un quart d'heure. Une petite porte entrouverte ? Trois autres formalités sont obligatoires : remplir de manière manuscrite une déclaration sur l'honneur (imprimé 4 pages) renseignant sur le pays de provenance, l'état négatif du voyageur pour la Covid 19, des renseignements divers, à remettre au capitaine du bateau lors de la traversée Corse - Sardaigne, une déclaration par internet mentionnant date d'entrée, de sortie, de logements ... et une déclaration à enregistrer dans les 48h avant l'entrée en Sardaigne. Donc, je vais essayer de respecter tout cela en croisant les doigts pour que mon test sérologique négatif soit accepté ...
ET PUIS, la compagnie maritime à qui j'ai acheté les billets aller-retour pour faire la traversée Corse - Sardaigne a décidé de cesser son activité le 15 septembre ! Décidément ... me faudra-t-il prendre un vélo-nageur ? Après moult coups de fil, une solution est trouvée avec la seule compagnie maritime qui fait encore la liaison Bonifacio (Corse) - Santa Teresa (Sardaigne) : Moby.
Qui pense encore que pédaler est la plus difficile des choses ?
Samedi 19 septembre 2020 – Retour en Corse
Passer par la Corse du Sud, c'est le plus sûr et le plus rapide pour s'approcher de la Sardaigne. Lol
3H30 : dur d'ouvrir l'oeil. Ma fille Laure a la gentillesse de me conduire à l'aéroport de Blagnac. L'aérogare est quasi vide, des dizaines de vols sont annulés. Les vols pour Bastia et pour Figari sont maintenus. Enregistrement du vélo sans difficulté aucune. Deux heures d'attente pour embarquer. Les rideaux métalliques des magasins s'ouvrent petit à petit. Les masques chirurgicaux sont obligatoires. De grands panneaux demandant le respect des gestes barrières. Sacré Covid ! Un nano à incidence universelle qui génère une trouille mondiale !
Le petit A319 aménagé de sièges un peu rustiques arrive avec un quart d'heure d'avance à Figari. Température correcte 20°C. Il est 7h30. Grosse affluence dans l'aérogare pour des départs Volotea Brest, Paris. Ca change de Blagnac. Le tapis roulant crache les bagages. Le vélo arrive … surprise, bonne, le carton est en bon état ! Le mari de Stéphanie ma logeuse arrive avec un ford max qui accepte l'emballage du Mulet. Sympa d'être venu me chercher à 8h du matin. La maison est proche – une dizaine de kilomètres. Le paysage est tout en relief, la chasse est ouverte, une piste dans le maquis : on arrive. Deux gros chiens, deux chats qui acceptent la cohabitation, deux garçons de 6 et 4 ans qui dorment encore avec leur maman.
Le remontage du vélo est sans souci. Trouver un magasin pour faire les provisions nécessaires pour la sécurité, me fait aller au village de Figari à environ 8 kilomètres du gite. Quel plaisir de voir des cultures d'oliviers, d'énormes chênes lièges même si la route est très fréquentée par un paquet de véhicules composés – curieux ! - de voitures peu courantes dans nos contrées pyrénéennes, qu'on ne voit … qu'à la télé ! Corse étonnante. D'où vient cet argent qui permet d'acquérir ces énormes et puissants véhicules ! Une supérette Spar me permet d'approvisionner les sacoches. Une cafeteria me tente pour une plâtrée de pâtes avec sauce de veau aux olives – parait-il une spécialité corse, et une bière blonde locale. La note est corsée … mais, bon, oui la Corse est corsée. Il faut bien s'alimenter.
Retour au gite pour pister le Tour de France à la Planche des Belles Filles. Mon nouveau téléphone me permet le visionnage en direct du contre-la-montre. Sacrés Slovènes ... de vraies mobylettes ...
Chaque fois que je dis que je vais en Sardaigne, les visages se plissent. « il y a eu beaucoup de covid », « il n'y a plus qu'une compagnie maritime à faire la liaison » … Y aurait-il quelques soucis entre Corses et Sardes ?
Dimanche 20 septembre 2020 – Un tigre de papier … le transit vers la Sardaigne
Le réveil sonne. Il fait nuit noire. Le tonnerre et les éclairs ont sévi une bonne partie de la nuit mais sans pluie. La Corse, un enfer doux … sauf qu'il est 3h30 ! C'est l'heure d'hier … Encore un peu de repos donc. Le petit-déjeuner est frugal : café au lait, banane. Je fais les derniers réglages de selle (déterminant, au millimètre près pour le mal aux fesses). Le mulet est chargé. On file retrouver Bonifacio que nous avions découvert (mon Mulet et moi) lors de la virée en boucle de la Corse.
La route de Figari à Bonifacio
Ah ! des casquettes orange sont postées tous les 150 mètres. Les hommes en poste sont là sur le bord de la route téléphone collé à l'oreille, fusil à la main gauche. Sans doute protègent-ils la faune pour éviter que les voitures les écrasent ?
Figari - Les maisons en granite
Carrefour avec la route d'Ajaccio. Bonifacio n'est plus très loin. Puis carrefour avec Porto Veccio. La ville s'éveille. Je suis à la recherche d'une bouteille de gaz qui se visse. En Corse, on ne voit que des bouteilles de gaz Camping-gaz. Peut-être en Sardaigne trouverai-je ce qui convient pour les réchauds MSR ? La raide pente pour accéder tout là haut après le tunnel est toujours aussi pentue. La vue sur les falaises Sud de l'île est unique. Un ferry sort du port, analogue à celui que je dois prendre à 15h. Le ciel est complètement dégagé. Bonifacio est en réveil touristique : c'est très agréable, avec une température presque automnale et une légère brise. L'embarquement pour les ferries de la compagnie Moby est tout au bout du port juste après les quais pour les immenses yachts. On change de monde là … et on n'est pas de ce monde là.
Fond du port de Bonifacio
Embarcadère du port de Bonifacio
Haut de Bonifacio depuis la citadelle
Entrée du port de Bonifacio (vue depuis le haut de la citadelle)
Bonifacio 14h les bureaux de la compagnie Moby ouvrent. Je montre mes imprimés tout beaux tout en couleurs avec les billets pour les ferries, les multiples copies de déclarations internet, l'imprimé qu'on doit remplir à la main mais après avoir téléchargé le support administratif, mon attestation de Covid négatif … L'employée me dit que depuis hier tout ça ne sert à rien. Je reste sceptique. Côté français, pas de contrôle d'identité, seule vérification qu'on a bien payé le transfert par ferry. Le bateau est quasi vide, juste une petite dizaine de véhicules de tourisme, quelques motos, un vélo.
Plateforme d'embarquement des ferries Moby
Contrôle de température
Zone des catamarans
Sortie du port de Bonifacio
La sortie par le Sud est splendide. Les falaises blanches de Bonifacio s'étirent jusqu'à voir à l'Est les îles Lavezzi. Le trajet dure quarante cinq minutes.
Bonifacio vue du Sud
Archipel des îles Lavezzi
Arrivée en Sardaigne à Santa Teresa Di Gallura
A la descente du bateau, trois policiers italiens sont d'astreinte. Descendu dans les tout premiers du ferry, je pousse mon vélo, passe devant ces messieurs, leur fais un grand salut de la tête, et ne me retourne plus. Personne ne me hèle … Je suis en Sardaigne à Santa Teresa Gallura. Tous ces papiers et analyse que j'ai minutieusement préparés … n'ont servi à rien. Belle issue finalement. Dans la nuit, j'avais imaginé plein de scenari jusqu'à la quarantaine en Sardaigne … Comme quoi le scenario le plus simple reste souvent le plus réaliste : saluer poliment la représentation de la maréchaussée et filer le train sans se retourner. Tigre de papierssss donc pour cette covid-19 !
Lundi 21 septembre 2020 – Castelsardo – Prologue … sans trop d'histoire
Bizarre ce Bed and Breakfast sans enseigne dans une rue discrète mais … quand, après avoir sonné, la porte s'ouvre, une toute gentille grand-mère me dit bien que la réservation est bien là. Tout est d'une propreté irréprochable, le grand lit est très confortable. Une salle de bain partagée … c'est le seul point faible.
Le petit-déjeuner est plus que complet avec – cadeau – une omelette … La panse est bien pleine lorsque j'enfourche le Mulet. Les rues de Santa Teresa Gallura sont un peu humides après les nombreux orages de la nuit. Mais il ne pleut pas. J'enfile les rues en sens interdit (pas un chat ne bouge) et trouve la route SP90 qui doit mener à Castelsardo haut lieu touristique de la Sardaigne.
Le trajet se déroule sans histoire sauf un coup de gueule contre un automobiliste qui est passé beaucoup trop près du vélo. J'ai appris qu'il ne fallait pas accorder trop d'importance aux panneaux situés sur les bords des routes : kilométrage approximatif, déviation « obligatoire » mais … qu'il est préférable de ne pas emprunter (aux dires des ouvriers d'un chantier qui m'ont recommandé de ne pas la suivre). La végétation est un maquis d'origine probablement récente liée à la déprise agricole. Quelques vaches, un peu de foin en boules, des vignes plutôt visibles vers Valledoria ainsi que du maréchage sur de grandes surfaces dans cette zone. Quelques plantations d'oliviers, d'amandiers. Les murets de clôture en assemblages de pierres sèches sont encore présents, souvent mangés par la végétation. On trouve toutefois de nombreux points d'achats possibles en « local bio fermier » de chèvres, de fromages, de vins.
La route "littorale" de Santa Teresa di Gallura à Castelsardo
Castelsardo
Forteresse de Castelsardo
Port Sud de Castelsardo
Le trajet n'est pas souvent plat, mais les pentes sont raisonnables. L'arrivée à Castelsardo se fait par l'Est avec une vision assez extraordinaire : le village perché avec sa forteresse et ses remparts qui est entouré de très belles plages. La voiture est muselée : on monte à pied dans les rues qui sont des escaliers. C'est au pied de cette vieille cité que j'ai pu trouver mon havre de paix de ce soir.
Santa Teresa Gallura – Castelsardo, 77 km, +862 m -835 m
Mardi 22 septembre 2020 – Alghero – une route mais parfois une sensation de prison !
Nuit avec vilains moustiques ! Ce matin je prends le parti de m'échapper avant 8h l'heure prévue du petit-déjeuner. Vers 7h, je file à la cuisine, déniche du lait, un yaourt, du pain, une chocolatine (ici comme à Paris du « pain au chocolat »). Un petit mot écrit de remerciements à mes hôteliers qui ne sont pas encore réveillés. La porte se referme.
Sacrées pentes à descendre pour joindre la route qui longe la côte. L'air est un peu frais, une brise légère, pas encore trop de circulation : ce sont les conditions rêvées pour s'échauffer progressivement en pédalant. Rejoindre Alghero, l'objectif du jour, fait traverser tant des quatre voies que des chemins de chèvre (mais asphaltées grossièrement quand même). L'itinéraire théoriquement du littoral, s'éloigne beaucoup de la Méditerranée. Un gros point noir commence à se généraliser : les multiples détritus sur les bords des routes. C'est vraiment dommage, pour nous insupportable. On trouve de tout … Ca finit par gâcher la vision de paysages très verts alors que la chaleur doit sévir fortement si l'on en croit les tuyaux noirs accolés aux pieds de vigne qui révèlent qu'on utilise ici le goutte à goutte même pour de telles plantes qui ont des racines très profondes ! Quand on quitte la route du « littoral » on est obligé de prendre une quatre voies jusqu'à Sassari qui a une piste cyclable. Magnifique ! Sauf que, comme beaucoup de pistes dédiées aux deux roues, les concepteurs ne doivent pas être des adeptes du vélo. Ces pistes latérales à la chaussée pour véhicules ont été faites après la pose du bitume et sont donc beaucoup moins lisses, montent et descendent de façon parfois très brutale car empiétant sur les talus, et ne sont jamais balayées. Ici, on a près de 10 km de piste cyclable qui illustre cela mais en plus avec un énorme grillage de 3 à 4 m de hauteur qui sépare la piste de la chaussée pour véhicules. On pédale donc dans un long tuyau de un mètre de large avec le talus rocheux à droite, et la grille de 4 mètres à gauche. Impression de prison garantie ! Pour éviter d'entrer dans la grande ville de Sassari à la sortie de la prison cyclable changement ! On entre dans une suite de chemins de chèvre très agréable pour le cycliste car sans voiture : gauche, droite à répétition (suivre les indications de Maps.Me) et … on tombe sur une autoroute. Je l'emprunte sur quelques kilomètres mais me rends vite compte que ce n'est pas pour les vélos. Un panneau d'interdiction finit de me convaincre. Je dégage pour prendre – oh ! que c'est agréable ! - une belle route provinciale sur laquelle il n'y a quasiment aucun véhicule (car autoroute non payante à côté) et très bien entretenue. Nouvelle déviation pour travaux : je fais comme hier, je prends la route en travaux laissée aux seuls usages de locaux. C'est parfait. Une bonne bière blanche (il commence à faire très chaud) à une douzaine de kilomètres d'Alghero. Trouver un logement n'est pas très facile car soit les gens ne veulent pas répondre quand on sonne, soit ils ne sont pas là. Je finis par trouver une très belle chambre dans un deuxième étage et … un garage pour le Mulet.
Le cycliste est emprisonné sur des kilomètres
Le port d'Alghero
Total, encore un itinéraire vélo très moyen aujourd'hui. Normalement demain pour rejoindre Bosa ça devrait changer …
Castelsardo – Alghero, 75 km +589 m -604 m
Mercredi 23 septembre 2020 – Bosa – Des cataractes mais superbe route en corniche
Enfin une vraie belle route pour cycliste ! Définition : un très beau paysage tout le long, un déroulé bien asphalté sans trop de trous, des montées-descentes, de temps à autre des pauses photos, des plats de récupération, et … pas ou peu de circulation (camions, autos, motos). Tout colle pour cette belle route en corniche de Alghero à Bosa.
Sauf que ... j'ai failli ne pas partir ce matin. Toute la nuit il est tombé des cordes avec tonnerre, éclairs multiples, foudre tombant à répétition …
Au réveil, ça continue. Je me prépare néanmoins pensant qu'avec la levée du jour, comme souvent, ça doit s'arrêter. Je file entre les gouttes, le vélo à la main, prendre un café dans un bar. La grand'rue est devenue ruisseau. Aucune voiture ne s'y aventure. Seuls les engins de la commune essaient tant bien que mal de pousser cette eau vers les évacuations mais les bouches sont totalement saturées. Il fait encore noir. Le café est dégusté. Attendre, partir, non attendre encore …
Le jour pointe son nez. De fait, la pluie diminue d'intensité. L'espacement entre les éclairs et le grondement du tonnerre se font plus lointain. Allez, je dégage. Je prépare le poncho … et je file dans un dédale de rues à sens unique pour trouver la route de Boso. Pendant quelques minutes, plus de pluie ! J'enclenche la kyrielle de virages montants descendants avec la mer un peu au loin. Beaucoup d'éclairs zébrant le ciel noir au Sud. L'orage s'est déplacé. Et puis … de grosses gouttes commencent à tomber. Arrêt rapide et poncho. Ce poncho est finalement rassurant car il protège non seulement pas mal de la pluie mais il devient un lien de coordination entre le Mulet et le Bipède en les solidarisant par la nécessité d'accrocher le poncho aux deux poignées du guidon.
Très belle route en corniche d'Alghero à Bosa
Au fond Alghero
La côte est relativement tourmentée mais sans accès direct à la mer depuis la route. Pas de paysan dans ces contrées rudes, raides, rocheuses, couvertes d'une végétation quasiment impénétrable. La petite musique des virages montants descendants dure environ 50 kilomètres. Je suis tout de même impressionné par une apparente absence de rapaces et même de ruches …
Alghero – Bosa, 52 km +781 m - 805 m
Jeudi 24 septembre 2020 – Oristano – Pas fâché d'être arrivé ! …
Une date marquante pour le cycliste ! Du coup le Mulet a mis les bouchées doubles pour monter cette trentaine de kilomètres juste après la sortie de Bosa où les pentes longues et prises à froid m'ont obligé de passer tout à gauche – autrement dit avec les plus petits développements. Je ne m'attendais pas à ça. C'était long comme un jour anniversaire sans fin !
Bosa est aussi comme Alghero, Castelsardo, Oristano, une cité très prisée des touristes à bateaux. Mais Bosa s'étire en plusieurs hameaux pas mal distanciés. Mon gite à Bosa était correct, sans plus : dortoir, salle de bain commune, petit-déjeuner frugal. Mais le temps ce matin était sans pluie, sans nuage. Une légère brise de mer et … des trous des trous dans le bitume qui nécessitaient de louvoyer pas mal sinon les fesses prenaient de sacrés coups.
Ces routes « provinciales » sont les meilleures pour le cycliste si l'on excepte les trous à répétition aux alentours des lieux les plus fréquentés par les autos et surtout par les poids lourds, et si l'on ne regarde pas trop le mode opératoire des chaussées (raccords en relief, couches non homogènes de l'asphalte notamment). Ces routes sont beaucoup moins fréquentées que les 4 voies. A noter : aucun chien errant depuis mon départ qui viendrait vous pointer les mollets. Les paysages sont toujours marqués par l'abandon des paysans : quelques rares parcelles où l'on a fait encore les foins, un peu de bétail (vaches, ânes, des troupeaux de brebis surtout dans les hauteurs périphériques de Oristano). Quelques vestiges archéologiques apparaissent bien embroussaillés sans aucune information. Rien de bien original.
A la sortie de Bosa
J'ai décidé de modifier quelque peu le programme que j'avais envisagé (voir la carte en début de récit au 19 septembre) en n'allant pas à Cagliari. Quelques motifs m'ont décidé : je n'avais pas prévu de très mauvais temps. J'ai eu beaucoup de chance de pouvoir partir d'Alghero pour Bosa. Demain, dans la région où je suis (Oristana), la météo devrait être catastrophique aux dires des prévisonnistes. Le circuit que j'envisageais ne prévoyait pas de devoir suivre des quatre voies. Or pour aller à Cagliari, sauf à rallonger encore d'au moins un jour, je serais obligé de border ou d'utiliser une quatre voies sur une large partie des quelques cent kilomètres : pas très réjouissant. Enfin, et c'est le critère le plus important, je ne dois pas aller trop vers le Sud de façon à être certain de reprendre l'avion de retour à Figari le 3 octobre. Aussi, d'Oristano, je vais filer plein Est pour rejoindre en deux-trois jours (selon la météo) Orgosolo et faire après la fin de la boucle.
Bosa - Oristano, 62 km +687 m -715 m
Vendredi 25 septembre 2020 – Sorgono – Un mauvais temps … splendide !
J'avais des doutes ce matin dans mon lit douillé à Oristano : partir, pas partir … J'écoute le dehors : pas de vent, pas de pluie bruyante, pas d'éclair. J'avale mon gros pot de yaourt, la banane, trois biscuits. Je descends les sacoches, le vélo. La serveuse du bar à côté a mis la musique à tue-tête et installe tables et chaises dehors. Le jour n'est pas encore là. Il est un peu moins de 7h. Je pars.
Sortir d'Oristano n'est pas évident. Vive Maps.me qui m'indique la succession des rues à emprunter pour gagner la SP55, mon fil d'Ariane qui doit me guider vers Sorgono, petit village en altitude.
La circulation est encore faible, seuls les travailleurs matinaux toujours un peu pressés foncent vers Oristano. Le jour commence à pâlir. Et c'est alors que les prévisions des météorologistes vont se vérifier. Les nuages sont d'une couleur un peu inhabituelle : très gris-noir mais avec une curieuse teinte violette – sans doute issue du soleil levant qui essaie de percer. Les nuages sont hauts, ça va tenir. Mais au Sud, c'est noir noir ! Un puis plusieurs éclairs zèbrent le ciel. Je compte. Cinq secondes jusqu'au grondement du tonnerre. Ca va, c'est encore loin. Mais pour pas très longtemps. Trois gouttes puis une avalanche rapide de gouttelettes qui se transforment en paquets d'eau. Poncho vite mis. Mais c'est un peu tard. On séchera plus tard. Je continue sous un déluge d'eau. La circulation est tout d'un coup devenue nulle. Je suis seul. Les éclairs se multiplient. Les roulements du tonnerre semblent plus proches. Mais … que c'est beau ! Les flashes des éclairs illuminent d'un nouveau jour le paysage environnant. La route est juste pour moi. Seuls quelques bus de travailleurs vont à la ville dans l'autre sens. Et il pleut toujours et encore. Pour me rassurer, je pointe de temps à autre le fond de carte pour voir où je me trouve. Ca grimpe pas mal. Je n'y vois toujours pas grand chose mais c'est une curieuse impression que je ressens : à la fois je me rends compte qu'il faut appuyer sur les pédales mais aussi cet environnement orageux avec ses coups de gueule par les éclairs et le tonnerre montre des couleurs paysagères inhabituelles avec du gris-noir qui se mélange au mauve puis au jaune avec le jour qui maintenant est sorti de l'horizon.
Pas d'arrêts photos fréquents car … il pleut. Mais le paysage, la montagne, sont là, très différents de ce que j'ai pu trouver le long de la côte Ouest. Je me trouve mieux là en montagne. La vie y semble moins artificielle. Les éleveurs sont plus nombreux même si ce sont toujours vaches, brebis, chèvres qui apparaissent. Pays de vignes aussi, non irriguées, travaillées à l'ancienne sans désherbants apparents. Au détour d'un des multiples virages, le passage du Mulet affole quelques perdrix qui décollent avec le son très caractéristique de leurs battements d'ailes. Je vois – enfin – quelques ruches !
Ecorces de chêne-liège
Conséquences des pluies diluviennes
Sorgono approche. Un village-rue qui s'étire longuement de part et d'autres de la route principale que j'emprunte, mais avec aussi beaucoup de ruelles très en pente où les voitures restent garées, très nombreuses. Je trouve difficilement une chambre, la quasi totalité des B&B étant fermés. Une vieille demeure aux pierres usées par le temps, pas très engageante mais à l'intérieur modernisée avec tout le confort. Excellent pour une bonne récupération. Le mauvatal. Crevaison du pneu avant. Il y a une grosse épine qui a réussi à traverser le pneu. Enlevée avec le tournevis, le vélo est à nouveau en service mais avec une pression insuffisante du fait de la pompe à main qui ne peut pas gonfler à 4 bars. On fait avec en n'allant pas trop vite dans les virages en descente.
Oristano – Sorgono, 68 km +1300 m -600 m
Samedi 26 septembre 2020 – Orgosolo – Dure journée
La traversée Ouest-Est du milieu de la Sardaigne se fait par une succession de bosses et de creux. Ce sont les montées qui restent marquantes pour le cycliste. Aujourd'hui, je me suis perdu donc en ai bavé dans des vallons bien encaissés.
Parti à 7h, le temps est parfait pour pédaler : pas de vent, pas de pluie, température 18-20°C, route déserte. Juste une pente régulière d'environ 8% durant quatre kilomètres pour atteindre un col – aucun col n'a d'appellation en Sardaigne – et passer dans un vallon suivant. Les paysages sont peu différents avec une végétation arbustive très dense sans occupation humaine. Le col passé, les gros nuages bien joufflus ont besoin de se soulager. Poncho ! Rien de bien original … Mais si … un flottement inhabituel du guidon attire mon attention. Dans un virage en descente le flottement durcit la direction et j'ai toutes les peines pour ne pas passer dans le fossé. Frein bru
Ce sont surtout les montées qui sont marquantes. Le vent tourbillonnant n'arrange pas les choses. Je me trompe dans un embranchement et suis contraint de monter dans des pistes empierrées. Heureusement la circulation est quasi nulle. Je pense ne pas atteindre la petite ville Orgasolo. J'ai toujours un peu de nourriture et la tente. Bout de gruyère avec du pain, banane, jus de fruit, ce sera le casse-croûte de la virée.
Sorgono
Chêne-Liège
Premières peintures murales ("murales") de Orgosolo
Orgosolo
Les kilomètres s'égrènent quand même. Orgasolo est en vue non sans efforts (près de 1800 mètres de dénivellation positive cumulée aujourd'hui). Petite ville tout en pentes très fortes avec cette particularité de peintures murales dans beaucoup de maisons (environ 400 - j'ai mis une photo en page d'accueil du site, prise en arrivant cet après-midi).
Total, journée un peu inhabituelle qui m'a fait penser aux pentes sévères de l'Ariège. Mais je reste un peu sur ma faim pour les originalités paysagères.
Sorgono – Orgosolo, 81 km +1796 m -1778 m
Dimanche 27 septembre 2020 – Orgosolo – Farniente mauvais temps
Les pluies incessantes toute la nuit ne se sont pas calmées ce matin. Je me suis donné jusqu'à 10h pour espérer partir. Comme j'avais un peu d'avance sur mon programme, j'ai opté pour un repos de récupération. C'est curieux ces sautes de pluie avec pas mal de vent : en forme de giboulées. Ca m'a permis d'aller faire quelques photos des réputés murs peints de Orgosolo. J'en mettrai quelques-unes après ce texte lors de mon retour a casa !
Et puis, j'ai pu suivre à la télévision le très bel exploit de notre compatriote cycliste Julian Alaphilippe, champion du monde.
J'ai été stupéfait des prix (relativement bas) de l'immense chambre tout confort et de la qualité de la restauration de Il Portico : à recommander sans réserve.
J'ai mis ci-dessous les "murales", peintures murales vues à Orgosolo. Pour les visionner, cliquer sur la 1ère et attendre environ 5 secondes pour la netteté, les suivantes sont instantanées en cliquant sur flèche droite
Lundi 28 septembre 2020 – La Caletta – Descente au littoral Est
Aujourd'hui, quel que soit le temps, je dois partir … A l'habitude, les pluies redoublent d'intensité au lever du jour. Parfois, pourtant, ça se calme. Mais là, non, ce maudit temps ne cesse pas. Je boucle bien les sacoches, harnache le Mulet, mets le poncho avec le casque vissé sur la capuche et sur la casquette … pour le soleil !, et file dans les ruelles pentues de Orgosolo. J'ai repéré quelques points de passage : Oliena, Ulla biti … pour aboutir à La Caletta au bord de la Méditerranée. Les freins commencent à se faire entendre du fait de l'usure. Dans un virage à la sortie de Orgosolo une peinture très originale – et probablement très connue : deux rochers côte à côte ont pris forme humaine représentant un bipède faisant la sieste une main sur le ventre. Assez original.
Versant Est de la Sardaigne, on trouve des cultures connues : ici la vigne est reine. D'immenses étendues de vigne à culture traditionnelle sont présentes qui enjolivent le paysage. Des troupeaux de brebis sont aussi présents gardées par le réputé Patou, chien blanc des Pyrénées, qui a l'oeil et … la gueule pour avertir lorsqu'un mouvement inhabituel se fait sentir. Il fait son boulot ! Les deux tiers du trajet aujourd'hui se font en parallèle à une quatre voies interdites aux cyclistes. C'est une ancienne route, large, qui est devenue délaissée par les véhicules, donc excellente pour une piste cyclabe. Un bonheur de la parcourir et, en plus, les descentes sont plus fréquentes que les montées. Sous la pluie, c'est une bénédiction !
à la sortie de Orgosolo
Chêne-lièges
L'ancienne route devenue de fait une très agréable piste cyclable
En approchant de la Côte, on traverse une zone industrielle - à tous les sens du terme – avec d'énormes surfaces de serres. Qu'y trouve-t-on ?
Port de La Caletta
Peintures sur une digue du port de La Caletta
Port de La Caletta
La Caletta a l'air d'être une cité en dimanche : les bateaux de pêche (beaucoup sont très petits) attendent au port, les bateaux de loisirs sont très nombreux le long de quais relativement récents, et sans personne. La petite ville de La Caletta a l'air endormi comme une cité balnéaire qui aurait perdu sa clientèle.
Les gens se tiennent très à l'écart : le 1 mètre de distance est plutôt ici 3 mètres. Comme les Italiens parlent fort, à 3 mètres tout va. Les serveurs au restaurant vous regardent de loin et rechignent à s'approcher. Le masque mais aussi le gant sont de rigueur dans les boutiques de commerce alimentaire. Tout le monde est pestiféré avec cette peur de la Covid. Les quelques touristes présents ont une corpulence plutôt proéminentes. Quatre personnes de bon gabarit, apparemment habituées du restaurant où je me trouve, s'assoient autour d'une double table de quatre, réservée.
Orgosolo - La Caletta, 81 km +687 m -1302 m
Mardi 29 septembre 2020 – Olbia – Grosse ville pour le cycliste …
La Calette a des fresques murales immenses peintes sur les digues du port. Ca crée un peu de poésie dans une petite ville qui cherche le touriste. Ce matin, départ tranquille avec un ciel bleu magnifique. Tout peut arriver donc en Sardaigne ? J'ai pris l'option de prendre les petites routes qui s'approchent le plus des rivages. Une grosse 4 voies a été construite, voie rapide vers Olbia. Très fréquentée, peut-être interdite aux deux roues, la petite route provinciale est, ce matin, idéale pour pédaler. Pas trop de véhicules, une chaussée pas trop abîmée, et surtout un petit air frisquet qui fait beaucoup de bien aux neurones, surtout quand on lève la tête et que l'on voit un ciel de rêve.
En fait, on ne longe pas trop la côte mais on passe de points touristiques en ronds-points d'accès aux plages. La forêt à ma gauche a sacrément brûlé sur pas mal de kilomètres. Les couleurs ocres, noires, jaunes donnent au passant que je suis de belles compositions esthétiques. Pas une maison n'a été touchée. Cette étape sent le commencement de la fin de mon périple. Normal, le beau temps est revenu ! Les trente derniers kilomètres avant Olbia la grosse ville sont … redoutables pour la sécurité des deux roues. La chaussée est relativement étroite avec de part et d'autre des ridelles métalliques en continu ne permettant aucun écart au cycliste d'autant que les bas-côtés sont inexistants. Lorsqu'un véhicule arrive par derrière, il est obligé de mordre largement sur l'autre sens de circulation pour m'éviter, donc il est impossible d'avoir de front un véhicule dans un sens, un autre dans l'autre sens et le bipède à vélo. Le regard dans le rétroviseur est quasi constant car les véhicules doivent absolument ralentir très fort dans les cas où, en face, d'autres véhicules arrivent. Aucune échappatoire n'est possible pour le cycliste du fait des ridelles continues. Bon, on a vu pire …
Zone incendiée
... et toujours les ridelles sans bas-côtés
Olbia - la voie ferrée est peinte en blanc
Port d'Olbia
L'entrée dans Olbia est extrêmement dense avec pas mal de travaux de chaussée qui obligent à quelques contours pas toujours évidents pour celui qui vient là pour la première fois. A côté de l'hôpital, un particulier loue des chambres. Accueil excellent, appartement d'une propreté irréprochable, attentions pour les locataires d'un jour (café, yaourt, croissant, bouteille d'eau ...), calme reposant. Une petite visite alentour me fait découvrir un port multiple avec une entreprise de construction et de réparations de bateaux de plaisance dont de très longs et magnifiques voiliers, de catamarans. Au loin, on voit d'énormes ferries dont la hauteur dépasse les immeubles attenants.
La Calette – Olbia, 63 km +343 m -346 m
Mercredi 30 septembre 2020 – Palau – é bé belle bé !
Ce matin, à Olbia, j'avais un serveur de première qui m'a préparé un petit-déjeuner presque sur-mesure. C'est le propriétaire de la maison qui m'accueillait. Il en était même gênant faisant les cent pas me regardant avaler jus de fruit, café au lait, yaourt, croissant, pomme …
Je suis parti assez tôt pour bénéficier d'une bonne température, le ciel étant tout dégagé. Le gymkhana dans les rues de Olbia m'a fait retrouver une très belle route mais … sur quelques kilomètres seulement. Après, c'est à nouveau la chaussée encadrée par les ferrailles de ces glissières de « sécurité » sans bas-côtés, un enfer pour les cyclistes qui deviennent très vulnérables. Dans aucun pays à ma connaissance on ne trouve ce type de maillage métallique sur trois à quatre hauteurs de glissières. Et puis … mon vélo commence à godiller. Le connaissant par coeur, je sais que j'ai crevé de la roue arrière. Je m'arrête le plus vite possible profitant d'une entrée de propriété. Je désosse le Mulet, me mets plein de graisse noire pour sortir la roue. Comme pour la première crevaison, le passage de la main sous l'enveloppe me fait accrocher une forte épine que j'ai eu du mal à extraire. La trou est net. La rustine est bien collée. Je remonte tout, gonfle, et ça repart.
L'étape est courte. Je pense aller rendre visite à Palau, une cité probablement très touristique qui se situe face aux îles Maddalena très habitées avec des ferries qui font les navettes quotidiennes, dominée par la forteresse de Monte Altura. De fait, de belles plages, un panorama immense rendent très attractive cette ville de Palau. De très curieuses et originales configurations rocheuses caractérisent aussi cette région avec des formations granitiques rondes et sculptées naturellement. Palau, cité culturelle aussi qui possède un musée ethnographique. J'ai pu admirer une exposition de photographies (tirages papier de 80 cm x 60 cm) sur le thème générique de la souffrance, la plupart étant des saisies de visages dont l'expression révéle des situations terribles avec bien plus de force que la seule écriture ne pourrait le faire.
Très belle route à la sortie d'Olbia
Deuxième crevaison due à de sacrées épines
A croire que les concepteurs de ces aménagements n'ont jamais fait de vélo ! ...
Vigne irriguée au goutte-à-goutte aérien
Baie de Palau
Eglise de Palau
Port de Palau
La forteresse di Monte Altura domine Palau
Le granite naturellement sculpté
Palau
Ferry vers les îles Maddalena
Je suis à seulement 25 kilomètres de Santa Teresa di Gallura que j'atteindrai demain pour, vendredi, reprendre le ferry pour la Corse.
Olbia – Palau, 51 km +657 m -606 m
Jeudi 1er octobre 2020 – Santa Teresa di Gallura, retour
J'étais hébergé sur les hauteurs de Palau dans un club de vacances qui loue des appartements studios très bien entretenus malgré la quasi absence de vacanciers. Le site est perché. Les vues sont magnifiques notamment sur la baie de Porto Puddu.
Mon objectif ce matin est dérisoire : rejoindre Santa Teresa pour demain matin prendre le ferry pour Bonifacio : 25 kilomètres. La route serpente en corniche puis rejoint l'axe à grande circulation Olbia – Santa Teresa. Peu de kilomètres mais toujours le même sentiment d'insécurité lié à l'absence de bas-côtés et aux glissières continues qui font frémir le cycliste dès lors que deux véhicules en sens inverse se rapprochent.
On est ici en plaine avec de grandes étendues de roseaux, quelques élevages de vaches et de chevaux, mais pas de signes visibles de paysans. La grande ville Santa Teresa s'annonce avec des panneaux indiquant les quais d'embarquement pour les ferries reliant la Corse. Je retourne chez ma logeuse du départ. Grand tour à pied sur les hauteurs dominant la mer face à Bonifacio presque à portée de main, avec ses falaises blanches ensoleillées.
Pas mal de baigneurs encore à la belle plage de sable de Rena Blanca. Mais la ville est impressionnante par le vide que l'on ressent. Il y a une grande majorité de volets fermés, habitations ou commerces.
Baie de Porto Puddu
Terribles ridelles pour les cyclistes
Port de Santa Teresa Di Gallura, entrée maritime en Sardaigne
Au fond, Bonifacio
Eglise de Santa Teresa Di Gallura
La vue depuis ma chambre
Au fond Bonifacio
Santa Teresa Di Gallura
Plage de Santa Teresa di Gallura
Mon petit tour en Sardaigne se termine. Demain matin je dois prendre le ferry de retour pour Bonifacio à 7h. .
Palau – Santa Teresa Di Gallura, 25 km +253 m -238 m
Vendredi 2 octobre 2020 – Figari (Corse) – pas de contrainte Covid
Il fait nuit noire ce matin à Santa Teresa Di Gallura lorsque j'harnache le Mulet. Direction les quais d'embarquement pour Bonifacio. Le ferry de la compagnie Moby est là, toutes lumières allumées. Un policier me salue avec le respect dû à la charge du vélo, et m'invite à me mettre au premier rang pour embarquer. Quelques véhicules sont déjà là. Il est 6h30. J'apprendrai à Figari qu'aucune traversée Bonifacio – Santa Teresa n'a été possible durant au moins trois jours consécutifs en raison du mauvais temps : tiens ici aussi ? … La remontée vers Bonifacio se fait dans une fraîcheur très supportable pour rester sur le pont suivre la naissance du jour sur les îles Lawesi. Le bateau a une trentaine de passagers. Le ferry recule puis tourne sur lui-même pour pointer la belle cité Corse. Un peu de houle donne du roulis. Accroche-toi ! Par précaution j'ai ficelé le Mulet au bastinguage. Le disque solaire émerge des nuages à l'horizon. Les fumées noires des deux cheminées font réfléchir au … bilan carbone. L'entrée dans le port de Bonifacio fait diminuer la vitesse. On accoste en tout début de quai laissant tous les voiliers plus au fond. Le signal du départ est donné. Le vélo sort en tête passe tranquilou devant un policier galonné. Pas de signe particulier. Je continue et sors sans aucun contrôle. Bon, excellente chose.
Le ferry Moby pour le retour en Corse
Bonifacio
On est en Corse ...
Il est à peine 8h. Un petit café ? Je hisse le vélo sur des terrasses en bois couvertes de tables rondes et de chaises, et … « Hola ! Pas de vélo ici ». Je sors mon casque lentement … « Pas de vélo ! ». Je me mets à rigoler comme d'ailleurs les autres consommateurs assis. J'exécute l'ordre, passe devant le monsieur et lui dis d'une voix un peu forte : « Vous avez mal dormi monsieur ? Vous n'êtes pas bien réveillé je crois ? ». Les rires augmentent, le monsieur se remet à grogner … (ma mère aurait dit : il doit avoir les vers !). J'ai pris le café et le croissant dans le bar voisin. Curieux tout de même cette excitation bizarre de si bonne heure ! …
Il me reste environ 25 kilomètres pour retrouver la maison réservée avec airbnb où j'ai laissé le carton d'emballage du vélo ainsi que du change. Je passe le bourg de Figari, laisse à gauche l'aéroport pour retrouver Stéphanie, son mari, leurs enfants dans un bout de maquis.
Santa Teresa Di Gallura - Bonifacio – Figari, 25 km +340 m -315 m
Samedi 3 octobre 2020 - Toulouse - aéroport vide
L'avion de la compagnie Volotea part à 14h de Figari. Je suis accompagné gracieusement par mon hôte Airbnb. Le carton vélo rentre juste dans la voiture. L'avion pour Toulouse (A320) est complet. Dans le hall d'enregistrement, j'entends une voix : "monsieur Etchelecou" ? Je me retourne masqué comme il se doit. ... Et voilà que je rencontre là à Figari airport un couple que j'avais rencontré à El Chalten ! Improbable ! Daniel et son épouse sont des voyageurs au long cours arpentant les pays du monde. Photographe remarquable, Daniel a l'oeil et le coup d'oeil pour magnifier tout ce qu'il voit à travers le viseur de l'appareil. Etonnante rencontre !
L'A320 est plein comme un oeuf. Il décolle avec quelques minutes d'avance. Le temps est beau. L'arrivée sur le continent sera un peu plus mouvementée en raison du mauvais temps présent. L'atterrissage à Blagnac se fait néanmoins sans embardée. Le tunnel est arrimé. Les couloirs sont de véritables labyrinthes. On est arrivé avec vingt minutes d'avance sur l'horaire affiché. L'aérogare est sans lumière, aucun magasin n'est ouvert. Impression étonnante d'une aérogare vide ! La sortie est ... très policée. Plus de forces de l'ordre que de manifestants ... sous la pluie ! On sort mais on ne rentre plus. Thomas est venu me chercher. Le 3008 est là au parking P0. Retrouvailles ... Diner excellent préparé par Nadine. Ca y est, je ne suis plus en Sardaigne ...
Dimanche 4 octobre 2020 - Eysus - retour au bercail
Ben ! La neige est tombée ! La belle chaine des Pyrénées est encapuchonnée de blanc ! Apparemment le mauvais temps n'était pas qu'en Sardaigne ... Attention aux radars ... Attention au masque ... Retour aux réalités sans vélo ...
Un bilan ?
Le tour que j'ai fait m'a fait parcourir la moitié Nord de la Sardaigne. Le départ depuis le Sud de la Corse m'a fait redécouvrir la très belle cité de Bonifacio. La traversée en ferry permet de contempler l'immense panorama du Sud de Bonifacio jusqu'aux iles Lavezzi. J'ai longé la côte Ouest du Nord de la Sardaigne jusqu'à Oristano, traverser en travers vers la côte Est, remonter ce versant Est. Cette courte balade (de l'ordre de 600 km) me laisse un peu sur la faim. La Sardaigne n'a pas les montagnes de Corse même si dans la traversée Ouest-Est pas mal de vallons doivent être franchis avec des pentes parfois supérieures à 12%. Les indications des panneaux (directions, distance) sont assez imprécises et vous conduisent parfois sur des pistes qu'un vélo de route à roues fines aurait du mal à gravir. Les paysages, dans l'ensemble, restent assez uniformes avec un maquis végétal assez généralisé, les seules cultures importantes étant les oliviers et la vigne. Peu d'élevages, principalement des vaches, des brebis - plus rares -, des chevaux, de temps à autre des cochons, des ruches. Les villages traversés sont en général très ramassés - en montagne surtout. Une petite ville de montagne - Orgosolo - reste tout à fait originale par son passé de refuge pour des résistants sociaux dont témoignent les "murales" ces peintures murales qui sont aujourd'hui une vraie attraction touristique. Les points les plus attractifs pour le tourisme restent les cités côtières de Castelsardo, Alghero, Bosa, Oristano à l'Ouest, et de toute la zone littorale de l'Est de la Sardaigne de La Caletta (Olbia) à Santa Teresa Di Gallura. Toute cette côte Est est très prisée des habitués de la mer, et ressemble à ce qu'on peut trouver sur toutes les côtes littorales de Corse ou de Crète par exemple.
Le Covid a vidé la Sardaigne de l'affluence touristique : impressionnante est la quantité de maisons, d'appartements fermés sur les littoraux. Pour le cycliste, un effet bénéfique : une circulation routière en général peu dense surtout dans la traversée Ouest-Est de l'île. Toutefois, Un gros effet négatif pour tous ceux qui voudraient aller pédaler : l'insécurité liée à l'aménagement de kilomètres continus de ridelles métalliques sur les routes relativement étroites, sans bas-côtés. Le nombre de bouquets de fleurs accrochés aux ridelles témoignent de la dangerosité de cet aménagement routier conçu par des personnes qui n'ont dû jamais prendre un vélo.
La Sardaigne accueille néanmoins de la plus belle des façons !
CRETE 2019

Jeudi 2 mai 2019, Héraklion ... pas mal !
Départ aux aurores d'Eysus : 3h30, le clairon sonnait !
"Quel est le sous-traitant ?" ... "Aegean ... ". L'employé réitère sa question. Je renouvelle ma réponse... Je suis bien à l'aéoport de Blagnac. J'ai pris un billet Toulouse-Héraklion pour un vol direct par la compagnie Aegean. Tout s'est très bien passé avec pour le vélo un paiement direct à la commande, une pratique bien préférable à celles des autres grandes compagnies aériennes qui font durer le suspens jusqu'au jour du départ du fait de l'incertitude du transport du vélo dans le même avion que le bipède. Le sous-traitant était Avia. C'était pour savoir qui devait porter le carton-vélo dans la soute à bagages de l'avion. Un SMS de Gérard me disant que ma voiture est parquée chez mon fils. Sympa Gérard de m'avoir dépanné en me conduisant à Blagnac.
Vol sans histoire Toulouse-Héraklion. Pas une place de libre. On comprend quand on voit le monde (touristes) et le climat de la Crète en cette saison. Les sommets sont enneigés, le soleil ravive les belles couleurs de la mer, une brise pas trop forte atténue l'impression de chaleur.
Un peu de bazar quand même à l'aéroport pour récupérer les bagages. Un beau taxi Fiat doblo pour le carton-vélo et c'est la descente vers l'hôtel Rea tout près du port. Le Mulet est remonté, gonflé. Premier problème à résoudre : le carton-vélo que je dois récupérer pour le retour ! Le tenancier de l'hôtel me dit qu'il faut lui trouver une place ... demain !
Un petit tour en ville pour mes vivres de demain et pour reconnaitre la sortie de la ville d'Héraklion. Le départ sera un peu tardif en raison de l'heure du petit-déjeuner (à partir de 8h) : pas très adapté aux habitudes du Mulet. Une moussaka-bière ce soir ...
Vendredi 3 mai 2019 - Tzermiado, les moulins à vent du plateau de Lassithi
Belle entrée en matière mais juste en fin de matinée ! Le départ de l'hôtel Rea à Heraklion a été un peu stressant : le tenancier de l'hôtel n'avait toujours pas trouvé de solution pour garder mon précieux carton-vélo avec mes affaires de change du retour en France, quelques soucis de vis de béquille foirées, et mes roues un peu voilées qui me faisaient tressauter avec la vitesse dans les quelques descentes ... Sans doute un coup lié au chargement dans l'avion : pourtant il était écrit dans trois langues qu'il fallait le maintenir vertical …
Les 25 premiers kilomètres ont été sans intérêt principalement sur une quatre voies avec pas mal de trafic et une chaussée gorgée de trous et d'objets perdus de toutes natures. En revanche, dès la sortie de ce couloir de grande circulation, la paix était revenue. Route sinueuse et montante, progressivement d'abord, puis plus sévère dans les derniers kilomètres pour accéder au plateau de Lassithi. On remonte ainsi une vallée avec quelques rares villages, une végétation qui fait penser à ce que l'on trouve sur les versants sud aragonais : oliviers, amandiers, chênes kermes ..., quelques rares chèvres dont on entend surtout les clochettes, et une énorme retenue d'eau.
Au fur et à mesure de la montée vers le plateau de Lassithi, la chaussée se rétrécit simplement marquée par deux bandes blanches latérales sans marquage central. Là, le bipède cycliste est aux aguets l'oeil de gauche rivé sur le rétroviseur (neuf plus large que celui que j'avais : 8 cm de diamètre ... il faut au moins cela !), l'oeil droit inspectant les défauts de la chaussée pour éviter trop d'a-coups. Nombreux sont voitures, bus, motos, scooters qui font la balade du plateau de Tassilhi où l'on peut voir les fameux moulins à vent qui ont permis d'avoir de l'eau. Quelques-uns fonctionnent encore pour les quelques cultures que l'on y trouve notamment pommes de terres, mais surtout maintenant maraichage.
Direction Tzermiado maison Kronio ! C'est la bonne adresse donnée à l'oreille par Jean-Yves qu'on ne peut ne pas trouver car ... située à un carrefour stratégique (passage obligée) où l'on se fait alpaguer par le patron des lieux qui d'emblée en me voyant parle français. J'y trouve d'autres français et la patronne qui est française. Je commande des côtelettes d'agneau avec des frites plus un verre de rouge. Le patron m'offre un apéro maison et le petit verre de raki en fin de déjeuner. Je demande une chambre, et c'est un appartement avec cuisine, chambre, salle de bain qui m'est alloué avec possibilité d'utiliser la piscine de la maison !
Bonne entrée en matière donc ce vendredi 3 mai avec une bonne dénivellation montante. Et puis ... durant presque toute la montée la vision enneigée des plus hautes montagnes de l'Ile, le massif du Psiloritis ! et ... aussi un très beau rucher dont les visions me réconfortent toujours un peu.
Héraklion - Tzermiado, 58 km +1307 m -471 m
Samedi 4 mai 2019 - Mochlos, deux heures de privilège …
Un préalable d'abord pour souligner la très grande qualité de la Maison Kronio à Tzermiado : produits locaux cuisinés avec délicatesse, accueil familial des deux époux Christine (française) et Vassilis, gite très confortable et calme, prix très correct. Un peu de pub pour eux : www.kronio.eu
Aujourd'hui, un peu comme d'habitude, je suis parti à 7h au point du jour. C'est dans les premières heures du jour que l'ambiance, le ressenti, le plaisir de pédaler tranquillement, la route libérée de tout véhicule, sont les plus insolites et, pour moi, le plus apprécié. La neige plâtre encore un peu les montagnes alentours. La température est encore un peu fraiche. Direction vers l'Est vers Agios Nikolaos d'abord puis Mochlos, tout petit port que l'on atteint après une descente ... qu'il vaut mieux éviter de remonter. Les vitesses du pédalier passent bien, bifurcation à gauche à deux kilomètres de la Maison Kronio, le Mulet s'élève régulièrement pour donner une splendide vue panoramique du plateau Lassithi jusqu'au fin fond du plus haut sommet de Crète qui, en une nuit (?), a vu sa couverture blanche quasiment disparaître !
Passé un col, on change complètemisent de paysage et de sensations. La descente est aisée sur une petite chaussée avec moult virages. L'air est moins vif, les oiseaux chantent de plus en plus. Pas d'autres bruits. Quelques hameaux originaux sont traversés avec notamment quelques mounaques artistiquement habillées. Et ... des clarines tintinnabulent. Dans le silence du matin, un troupeau de brebis montent vaillamment marquant de pointillés tout ronds le passage du troupeau. Je suis posé le long d'un mur, écoute la mélodie qui s'éloigne ... Le silence plein du paysage qui m'entoure invite à la rêverie ... Les oliviers, les amandiers apparaissent puis quelques vieilles vignes un peu laissées à l'abandon. Le fond de la vallée approche : direction la grande ville d'Agios Nikolaos. Je me faufile dans le centre-ville dans une ambiance bien sûr totalement différente des deux heures précédentes. La plage est atteinte, des parasols sont alignés sur le sable sans personne dessous : c'est trop tôt. Retour rapide pour prendre la route côtière sur une vingtaine de kilomètres. Mais là, aïe ... Eole pointe son nez ... pile devant mon guidon. Ce ne sera que sur cette portion. Je fais le gros dos pédalant tout petit jusqu'à joindre la grand-route qui doit me permettre d'atteindre Mochlos, ce petit port perdu tout au fond d'un vallon. Si le vent est moins violent, la pente n'est pas extrême mais c'est un bon exercice de pédalage durant une vingtaine de kilomètres sans discontinuer.
Au passage, arrêt sur le site Minoen réputé de Gournia qui daterait de -1700 à -1450 av. JC. Etonnante ruines accolées les unes aux autres dont le mystère reste encore à éclaircir (à noter l'inventivité prolifique des archéologues qui, on l'espère, finiront peut-être par adopter une interprétation commune ?).
Tout en haut de la longue pente de 20 km, une bifurcation. La tablette est sortie, le signal GPS indique la bonne direction à prendre. Et c'est alors une descente freins serrés sur cinq kilomètres pour atteindre le petit village de Mochlos après être passé devant une énorme carrière. Hôtel Mochlos : facile à retenir m'avait dit Jean-Yves ! Le papi de 82 ans patron des lieux mange une salade « crétoise » d'artichauts arrosés d'huile d'olive. Il m'invite après avoir rempli un verre de vin rouge de sa production. Evidemment, je ne me fais pas prier.
Tzermiado - Mochlos, 81 km +1111 m -1905 m
Dimanche 5 mai 2019 - Analipsi, entre les coups de vent et les gouttes
Pas bon le temps ! Déjà hier après-midi à Mochlos le ciel commençait à avoir toute la palette des gris, quatre gouttes sont tombées. Cette nuit, la soufflerie d'Eole s'est mise en route avec de furieux coups de boutoir. Réveil à 6h, rapide petit-déjeuner dans la chambre, départ à 6h45.
Tiendra, tiendra pas ? Le ciel n'est pas bien beau, un peu de vent mais il ne pleut pas. La remontée de la fosse dans laquelle se trouve Mochlos n'est pas très facile avec une piste légèrement asphaltée ou cimentée, très étroite et par endroits bien raide. Le village est endormi. Moments préférés du Mulet.
Le programme du jour est normalement d'atteindre Analipsi située au bord de la mer de Libye sur la côte Sud de la Crète. Première destination : la ville Sitia au bord de la mer de Crète. Poncho pas poncho ? Le Mulet renacle donc ... pas poncho. Le vent en rafales chassera les gouttes. Sitia a un aéroport. Grande ville ! Un chapelet d'éoliennes décore les hauteurs alentour. Mais, surprise, elles ne tournent pas ! Peut-être est-ce comme en France où dans certains contrats on n'actionne les moulins à vent que lorsqu'il y a des besoins complémentaires en énergie à assurer. Trouver l'embranchement vers le Sud nécessite d'entrer dans les rues déjà bien agitées, étroites, pas mal défoncées. Un panonceau très discret indique « Iérapetra ». C'est la bonne voie. Mais c'est aussi une direction de pédalage Nord-Sud, alors ... j'ai dû essuyer de très nombreux souffles très déstabilisants durant 30 km. Casser un peu la croûte par deux fois, boire un grand coup, et le bonhomme repart en adoptant la stratégie la moins coûteuse en énergie : ne surtout pas forcer quand on reçoit les rafales de vent, tenir juste l'équilibre, et forcer à nouveau la rafale partie. Tactique apprise en Patagonie mais ... un peu plus efficace ici que là-bas ! La route grimpe jusqu'à un col sans nom mais là l'effet Venturi devient redoutable puisque la masse d'air soufflée par le vent est obligée de passer dans un couloir aérien qui se resserre, donc ... accélération du vent que l'on reçoit en pleine poire. Toute la zone géographique au Sud de Sitia est très cultivée : essentiellement des oliviers mais aussi des cultures maraichères.
A vrai dire, ce matin je ne pensais pas boucler l'étape prévue en raison des aléas météorologiques. C'est passé. La descente vers Analipsi au bord de la mer de Libye fut assez facile malgré les rafales d'Eole. La côte est très touristique (style Costa Brava). J'ai trouvé une chambre chez un couple grec (elle, allemande) tout près d'un beau rucher Langstroth, un peu sur les hauteurs. Et j'ai - pour la première fois en Crète - trouvé des pâtes carbonara !
Journée un peu éprouvante par la somme des montées et surtout ce fichu vent de face durant la trentaine de kilomètres après Sitia.
Demain courte étape pour juste atteindre Iérapétra.
Mochlos - Analipsi 67 km +1399 m -1412 m
Lundi 6 mai 2019 - Iérapétra, et ... mon passeport ?
Analipsi, Iérapétra, de curieux mais bien jolis noms ! Au-delà du regard un peu critique que l'on peut avoir sur une grande hétérogénéité des constructions (un peu moins pour Iérapétra), sur le développement des cultures sous serre qui badigeonne de blanc sale le paysage, sur les kilomètres de tuyaux noirs qui s'accrochent tant bien que mal aux poteaux, aux murs, sur les arbres ... on trouve un point commun : la qualité de l'accueil que l'on devrait d'ailleurs pouvoir probablement généraliser à l'ensemble des Crétois. A Analipsi, alors que je m'apprétais à enfourcher le vélo, mes hôtes d'un jour ont tenu ce matin à m'offrir à nouveau un café grec agrémenté de patisseries faites par Madame. Monsieur est un ancien juge, musicien à ses heures, collectionneur de vieux postes TSF qui tapissent tout un pan du séjour. Petit point de délicatesse : ils ont ouvert la télévision sur une émission d'Arte en français, alors que le couple n'en comprend pas un mot.
Petite étape aujourd'hui pour rejoindre Iérapétra par le bord de mer. Un peu de montagne russe avec une circulation un peu bruyante, le rétroviseur est bien utile. Le soleil semble revenir doucement, les serres sous plastique commencent à apparaître. La montagne à ma droite est encore cachée par des voiles nuageux pas très sympathiques. L'entrée dans Iérapétra est un jeu de labyrinthe pour trouver Popy Appartments où m'attend un superbe lit king size. Mais ... la tenancière me demande fort logiquement mon passeport. Facile à trouver puisqu'il est toujours à la même place. Après avoir tourné et retourné tout mon barda, à l'évidence je ne l'ai plus !
Pause réflexion : je mets ma tête à réfléchir à l'envers. Soit il est à Héraklion, soit à Tzermiado, soit à Mochlos. Après coups de téléphone à Stelios de l'hôtel Rea à Héraklion, puis à l'hôtel Mochlos, la certitude est là : le passeport est à Mochlos. Et c'est là que la gentillesse et la délicatesse crétoise s'affiche encore. Poppy, mon hôtelière de Iérapétra, m'a proposé de téléphoner. Puis, elle se propose d'aller chercher avec sa voiture LE passeport à une station service qui se trouve sur le chemin du retour de Mochlos à Héraklion, passeport qu'un client de l'Hôtel Mochlos devrait déposer dans la soirée d'aujourd'hui à ladite station-service, à la demande du tenancier de l'hôtel Mochlos ! C'est compliqué ! Est-ce que cela va marcher ? …
Pourquoi ce passeport est resté à ... Mochlos ? A l'enregistrement, on demande une pièce officielle qui est souvent rendue de suite. A Mochlos, pendant que le fils enregistrait ma fiche, je goûtais les artichauts et buvais un coup avec le père. Comme le lendemain matin je suis parti avant que la réception ouvre, le passeport est resté en rade à l'hôtel. Morale de l'histoire : reprendre de suite après l'enregistrement ses papiers !
L'étape était courte car je voulais visiter un peu la vieille ville surtout le port, le fort médiéval, la maison où Napoléon aurait dormi. Mais le passeport m'a un pris la tête. Rien de tout ça. Demain, montée vers Ano Viannos normalement si le passeport arrive ce soir, courte étape mais il faudra je pense mouliner pas mal.
Analipsi - Iérapétra, 31 km +302 m -280 m
PS : 19h J'ai le passeport !
Étonnante la chaîne de solidarité : l'hôtelier de Mochlos qui a donné à un client qui a accepté de s'arrêter à LA station essence sur la route d'Herakion donc au nord de l'île puis mon hôtelière qui a accepté de traverser du Sud au Nord en voiture pour récupérer le passeport, revenir et me le remettre et sans accepter un quelconque défraiement. Le genre humain a encore de bonnes ressources. Tout cela s'est passé en 5h. A noter : Poppy à Iérapétra accueille tous ses locataires avec des petites pâtisseries faites par sa maman et avec du raki fait par son papa !
Mardi 7 mai 2019 - Ano Viannos, un village martyr qui revit
A l'Ouest de Iérapetra s'étale sur des dizaines de kilomètres tout un ensemble de cultures sous serre. Ce n'est certes pas la mer de plastique mais le naturaliste n'est pas très à son aise dans ces paysages aussi confisqués. Ma route ce matin longe la côte de la mer de Libye jusqu'à Mirtos. La sortie de Iérapétra est un peu bizarre car on a tendance à vouloir passer par le plus direct c'est-à-dire ici le plus souvent prendre le sens interdit. Sans doute la logique de la circulation automobile n'est-elle pas celle des cyclistes.
Jusqu'à Mirtos, c'est une occupation par les immeubles et les serres quasiment continue. Heureusement que la mer conserve ses magnifiques couleurs qui vont du vert au bleu moiré selon les endroits. A Mirtos, embranchement à droite pour entamer une très longue montée jusqu'à Ano Viannos. 25 kilomètres sans relâche ou presque avec le plus petit développement. C'est long, très long. La circulation est quasiment nulle. Le vélo retrouve les belles odeurs de la montagne. Beaucoup de points hauts sont marqués par des chapelles toutes fermées. Arrive un grand carrefour avec un immense monument qui fait prendre conscience des terribles tragédies de la deuxième guerre mondiale. Massacre par les nazis de plus de 500 habitants d'une vingtaine de villages autour d'Ano Viannos, et destruction des maisons et des récoltes.
Le village d'Ano Viannos, perdu au milieu des montagnes, revit avec des services publics (poste, santé) qui demeurent très malgré le peu d'habitants présents.
Iérapétra - Ano Viannos, 50 km +1065 m -517 m













































