2002 - Cerbère - Hendaye


 

 

2020 - Tour de Sardaigne

A défaut de pouvoir aller en Asie centrale - pays fermé pour cause Covid - je vais faire un petit tour en Sardaigne. Pour y accéder, j'aurai pu prendre un bateau depuis Toulon. Mais une expérience cuisante lors de mon tour de Corse à vélo où ma voiture avait été volée m'a fait renoncer à cette solution. Alors la nage ? Les avions des compagnies les plus connues depuis Toulouse font d'énormes détours avec au moins un changement. Pour le vélo, ce n'est pas bon. Une seule compagnie fait un vol direct, non pas pour la Sardaigne mais pour Figari dans le Sud de la Corse : Volotea, avec un tarif très correct et des avions Airbus A319-A320. Aucun doute, c'est la meilleure solution. De Figari, une vingtaine de kilomètres me feront rejoindre Bonifacio pour prendre un ferry qui rejoindra en 1h30 le Nord de la Sardaigne. Tout est donc réglé comme du papier à musique ...

MAIS ... la COVID n'a pas dit son dernier mot ! Un message des instances italiennes dans le site du ministère des Affaires étrangères français daté du 13 septembre, indique qu'à compter du 14 septembre toute personne entrant en Italie doit présenter un test négatif datant de moins de 48h ... Douche froide ! ... En regardant bien, le test négatif peut n'être que sérologique et pas obligatoirement PCR. Le résultat du test PCR est donné après plusieurs jours donc impossible dans les 48h. Le test sérologique peut être fait en pharmacie avec résultat en un quart d'heure. Une petite porte entrouverte ?  Trois autres formalités sont obligatoires : remplir de manière manuscrite une déclaration sur l'honneur (imprimé 4 pages) renseignant sur le pays de provenance, l'état négatif du voyageur pour la Covid 19, des renseignements divers, à remettre au capitaine du bateau lors de la traversée Corse - Sardaigne, une déclaration par internet mentionnant date d'entrée, de sortie, de logements ... et une déclaration à enregistrer dans les 48h avant l'entrée en Sardaigne. Donc, je vais essayer de respecter tout cela en croisant les doigts pour que mon test sérologique négatif soit accepté ...

ET PUIS, la compagnie maritime à qui j'ai acheté les billets aller-retour pour faire la traversée Corse - Sardaigne a décidé de cesser son activité le 15 septembre ! Décidément ... me faudra-t-il prendre un vélo-nageur ? Après moult coups de fil, une solution est trouvée avec la seule compagnie maritime qui fait encore la liaison Bonifacio (Corse) - Santa Teresa (Sardaigne) : Moby.

Qui pense encore que pédaler est la plus difficile des choses ?

Samedi 19 septembre 2020 – Retour en Corse

Passer par la Corse du Sud, c'est le plus sûr et le plus rapide pour s'approcher de la Sardaigne. Lol

3H30 : dur d'ouvrir l'oeil. Ma fille Laure a la gentillesse de me conduire à l'aéroport de Blagnac. L'aérogare est quasi vide, des dizaines de vols sont annulés. Les vols pour Bastia et pour Figari sont maintenus. Enregistrement du vélo sans difficulté aucune. Deux heures d'attente pour embarquer. Les rideaux métalliques des magasins s'ouvrent petit à petit. Les masques chirurgicaux sont obligatoires. De grands panneaux demandant le respect des gestes barrières. Sacré Covid ! Un nano à incidence universelle qui génère une trouille mondiale !

Le petit A319 aménagé de sièges un peu rustiques arrive avec un quart d'heure d'avance à Figari. Température correcte 20°C. Il est 7h30. Grosse affluence dans l'aérogare pour des départs Volotea Brest, Paris. Ca change de Blagnac. Le tapis roulant crache les bagages. Le vélo arrive … surprise, bonne, le carton est en bon état ! Le mari de Stéphanie ma logeuse arrive avec un ford max qui accepte l'emballage du Mulet. Sympa d'être venu me chercher à 8h du matin. La maison est proche – une dizaine de kilomètres. Le paysage est tout en relief, la chasse est ouverte, une piste dans le maquis : on arrive. Deux gros chiens, deux chats qui acceptent la cohabitation, deux garçons de 6 et 4 ans qui dorment encore avec leur maman. 

Le remontage du vélo est sans souci. Trouver un magasin pour faire les provisions nécessaires pour la sécurité, me fait aller au village de Figari à environ 8 kilomètres du gite. Quel plaisir de voir des cultures d'oliviers, d'énormes chênes lièges même si la route est très fréquentée par un paquet de véhicules composés – curieux ! - de voitures peu courantes dans nos contrées pyrénéennes, qu'on ne voit … qu'à la télé ! Corse étonnante. D'où vient cet argent qui permet d'acquérir ces énormes et puissants véhicules ! Une supérette Spar me permet d'approvisionner les sacoches. Une cafeteria me tente pour une plâtrée de pâtes avec sauce de veau aux olives – parait-il une spécialité corse, et une bière blonde locale. La note est corsée … mais, bon, oui la Corse est corsée. Il faut bien s'alimenter.

Retour au gite pour pister le Tour de France à la Planche des Belles Filles. Mon nouveau téléphone me permet le visionnage en direct du contre-la-montre. Sacrés Slovènes ... de vraies mobylettes ...

Chaque fois que je dis que je vais en Sardaigne, les visages se plissent. « il y a eu beaucoup de covid », « il n'y a plus qu'une compagnie maritime à faire la liaison » … Y aurait-il quelques soucis entre Corses et Sardes ? 

Dimanche 20 septembre 2020 – Un tigre de papier … le transit vers la Sardaigne

Le réveil sonne. Il fait nuit noire. Le tonnerre et les éclairs ont sévi une bonne partie de la nuit mais sans pluie. La Corse, un enfer doux … sauf qu'il est 3h30 ! C'est l'heure d'hier … Encore un peu de repos donc. Le petit-déjeuner est frugal : café au lait, banane. Je fais les derniers réglages de selle (déterminant, au millimètre près pour le mal aux fesses). Le mulet est chargé. On file retrouver Bonifacio que nous avions découvert (mon Mulet et moi)  lors de la virée en boucle de la Corse.

La route de Figari à Bonifacio

Ah ! des casquettes orange sont postées tous les 150 mètres. Les hommes en poste sont là sur le bord de la route téléphone collé à l'oreille, fusil à la main gauche. Sans doute protègent-ils la faune pour éviter que les voitures les écrasent ?

Figari - Les maisons en granite

Carrefour avec la route d'Ajaccio. Bonifacio n'est plus très loin. Puis carrefour avec Porto Veccio. La ville s'éveille. Je suis à la recherche d'une bouteille de gaz qui se visse. En Corse, on ne voit que des bouteilles de gaz Camping-gaz. Peut-être en Sardaigne trouverai-je ce qui convient pour les réchauds MSR ? La raide pente pour accéder tout là haut après le tunnel est toujours aussi pentue. La vue sur les falaises Sud de l'île est unique. Un ferry sort du port, analogue à celui que je dois prendre à 15h. Le ciel est complètement dégagé. Bonifacio est en réveil touristique : c'est très agréable, avec une température presque automnale et une légère brise. L'embarquement pour les ferries de la compagnie Moby est tout au bout du port juste après les quais pour les immenses yachts. On change de monde là … et on n'est pas de ce monde là.

Fond du port de Bonifacio 

 

Embarcadère du port de Bonifacio

 

Haut de Bonifacio depuis la citadelle

 

 

Entrée du port de Bonifacio (vue depuis le haut de la citadelle)

Bonifacio 14h les bureaux de la compagnie Moby ouvrent. Je montre mes imprimés tout beaux tout en couleurs avec les billets pour les ferries, les multiples copies de déclarations internet, l'imprimé qu'on doit remplir à la main mais après avoir téléchargé le support administratif, mon attestation de Covid négatif … L'employée me dit que depuis hier tout ça ne sert à rien. Je reste sceptique. Côté français, pas de contrôle d'identité, seule vérification qu'on a bien payé le transfert par ferry. Le bateau est quasi vide, juste une petite dizaine de véhicules de tourisme, quelques motos, un vélo.

 

Plateforme d'embarquement des ferries Moby

 

Contrôle de température

 

Zone des catamarans

 

Sortie du port de Bonifacio

 

La sortie par le Sud est splendide. Les falaises blanches de Bonifacio s'étirent jusqu'à voir à l'Est les îles Lavezzi. Le trajet dure quarante cinq minutes.

Bonifacio vue du Sud

Archipel des îles Lavezzi

 

 

Arrivée en Sardaigne à Santa Teresa Di Gallura

A la descente du bateau, trois policiers italiens sont d'astreinte. Descendu dans les tout premiers du ferry, je pousse mon vélo, passe devant ces messieurs, leur fais un grand salut de la tête, et ne me retourne plus. Personne ne me hèle … Je suis en Sardaigne à Santa Teresa Gallura. Tous ces papiers et analyse que j'ai minutieusement préparés … n'ont servi à rien. Belle issue finalement. Dans la nuit, j'avais imaginé plein de scenari jusqu'à la quarantaine en Sardaigne … Comme quoi le scenario le plus simple reste souvent le plus réaliste : saluer poliment la représentation de la maréchaussée et filer le train sans se retourner. Tigre de papierssss donc pour cette covid-19 !


Lundi 21 septembre 2020 – Castelsardo – Prologue … sans trop d'histoire

Bizarre ce Bed and Breakfast sans enseigne dans une rue discrète mais … quand, après avoir sonné, la porte s'ouvre, une toute gentille grand-mère me dit bien que la réservation est bien là. Tout est d'une propreté irréprochable, le grand lit est très confortable. Une salle de bain partagée … c'est le seul point faible.

Le petit-déjeuner est plus que complet avec – cadeau – une omelette … La panse est bien pleine lorsque j'enfourche le Mulet. Les rues de Santa Teresa Gallura sont un peu humides après les nombreux orages de la nuit. Mais il ne pleut pas. J'enfile les rues en sens interdit (pas un chat ne bouge) et trouve la route SP90 qui doit mener à Castelsardo haut lieu touristique de la Sardaigne. 

Le trajet se déroule sans histoire sauf un coup de gueule contre un automobiliste qui est passé beaucoup trop près du vélo. J'ai appris qu'il ne fallait pas accorder trop d'importance aux panneaux situés sur les bords des routes : kilométrage approximatif, déviation « obligatoire » mais … qu'il est préférable de ne pas emprunter (aux dires des ouvriers d'un chantier qui m'ont recommandé de ne pas la suivre). La végétation est un maquis d'origine probablement récente liée à la déprise agricole. Quelques vaches, un peu de foin en boules, des vignes plutôt visibles vers Valledoria ainsi que du maréchage sur de grandes surfaces dans cette zone. Quelques plantations d'oliviers, d'amandiers. Les murets de clôture en assemblages de pierres sèches sont encore présents, souvent mangés par la végétation. On trouve toutefois de nombreux points d'achats possibles en « local bio fermier » de chèvres, de fromages, de vins.

La route "littorale" de Santa Teresa di Gallura à Castelsardo

Castelsardo

Forteresse de Castelsardo

Port Sud de Castelsardo

Le trajet n'est pas souvent plat, mais les pentes sont raisonnables. L'arrivée à Castelsardo se fait par l'Est avec une vision assez extraordinaire : le village perché avec sa forteresse et ses remparts qui est entouré de très belles plages. La voiture est muselée : on monte à pied dans les rues qui sont des escaliers. C'est au pied de cette vieille cité que j'ai pu trouver mon havre de paix de ce soir.

Santa Teresa Gallura – Castelsardo, 77 km,    +862 m   -835 m

Mardi 22 septembre 2020 – Alghero – une route mais parfois une sensation de prison !

Nuit avec vilains moustiques ! Ce matin je prends le parti de m'échapper avant 8h l'heure prévue du petit-déjeuner. Vers 7h, je file à la cuisine, déniche du lait, un yaourt, du pain, une chocolatine (ici comme à Paris du « pain au chocolat »). Un petit mot écrit de remerciements à mes hôteliers qui ne sont pas encore réveillés. La porte se referme.

Sacrées pentes à descendre pour joindre la route qui longe la côte. L'air est un peu frais, une brise légère, pas encore trop de circulation : ce sont les conditions rêvées pour s'échauffer progressivement en pédalant. Rejoindre Alghero, l'objectif du jour, fait traverser tant des quatre voies que des chemins de chèvre (mais asphaltées grossièrement quand même). L'itinéraire théoriquement du littoral, s'éloigne beaucoup de la Méditerranée. Un gros point noir commence à se généraliser : les multiples détritus sur les bords des routes. C'est vraiment dommage, pour nous insupportable. On trouve de tout … Ca finit par gâcher la vision de paysages très verts alors que la chaleur doit sévir fortement si l'on en croit les tuyaux noirs accolés aux pieds de vigne qui révèlent qu'on utilise ici le goutte à goutte même pour de telles plantes qui ont des racines très profondes ! Quand on quitte la route du « littoral » on est obligé de prendre une quatre voies jusqu'à Sassari qui a une piste cyclable. Magnifique ! Sauf que, comme beaucoup de pistes dédiées aux deux roues, les concepteurs ne doivent pas être des adeptes du vélo. Ces pistes latérales à la chaussée pour véhicules ont été faites après la pose du bitume et sont donc beaucoup moins lisses, montent et descendent de façon parfois très brutale car empiétant sur les talus, et ne sont jamais balayées. Ici, on a près de 10 km de piste cyclable qui illustre cela mais en plus avec un énorme grillage de 3 à 4 m de hauteur qui sépare la piste de la chaussée pour véhicules. On pédale donc dans un long tuyau de un mètre de large avec le talus rocheux à droite, et la grille de 4 mètres à gauche. Impression de prison garantie ! Pour éviter d'entrer dans la grande ville de Sassari à la sortie de la prison cyclable changement ! On entre dans une suite de chemins de chèvre très agréable pour le cycliste car sans voiture : gauche, droite à répétition (suivre les indications de Maps.Me) et … on tombe sur une autoroute. Je l'emprunte sur quelques kilomètres mais me rends vite compte que ce n'est pas pour les vélos. Un panneau d'interdiction finit de me convaincre. Je dégage pour prendre – oh ! que c'est agréable ! - une belle route provinciale sur laquelle il n'y a quasiment aucun véhicule (car autoroute non payante à côté) et très bien entretenue. Nouvelle déviation pour travaux : je fais comme hier, je prends la route en travaux laissée aux seuls usages de locaux. C'est parfait. Une bonne bière blanche (il commence à faire très chaud) à une douzaine de kilomètres d'Alghero. Trouver un logement n'est pas très facile car soit les gens ne veulent pas répondre quand on sonne, soit ils ne sont pas là. Je finis par trouver une très belle chambre dans un deuxième étage et … un garage pour le Mulet. 

Le cycliste est emprisonné sur des kilomètres

Le port d'Alghero

 

Total, encore un itinéraire vélo très moyen aujourd'hui. Normalement demain pour rejoindre Bosa ça devrait changer …

Castelsardo – Alghero, 75 km   +589 m   -604 m

Mercredi 23 septembre 2020 – Bosa – Des cataractes mais superbe route en corniche

Enfin une vraie belle route pour cycliste ! Définition : un très beau paysage tout le long, un déroulé bien asphalté sans trop de trous, des montées-descentes, de temps à autre des pauses photos, des plats de récupération, et … pas ou peu de circulation (camions, autos, motos). Tout colle pour cette belle route en corniche de Alghero à Bosa.

Sauf que ... j'ai failli ne pas partir ce matin. Toute la nuit il est tombé des cordes avec tonnerre, éclairs multiples, foudre tombant à répétition …

Au réveil, ça continue. Je me prépare néanmoins pensant qu'avec la levée du jour,  comme souvent, ça doit s'arrêter. Je file entre les gouttes, le vélo à la main, prendre un café dans un bar. La grand'rue est devenue ruisseau. Aucune voiture ne s'y aventure. Seuls les engins de la commune essaient tant bien que mal de pousser cette eau vers les évacuations mais les bouches sont totalement saturées. Il fait encore noir. Le café est dégusté. Attendre, partir, non attendre encore …

Le jour pointe son nez. De fait, la pluie diminue d'intensité. L'espacement entre les éclairs et le grondement du tonnerre se font plus lointain. Allez, je dégage. Je prépare le poncho … et je file dans un dédale de rues à sens unique pour trouver la route de Boso. Pendant quelques minutes, plus de pluie ! J'enclenche la kyrielle de virages montants descendants avec la mer un peu au loin. Beaucoup d'éclairs zébrant le ciel noir au Sud. L'orage s'est déplacé. Et puis … de grosses gouttes commencent à tomber. Arrêt rapide et poncho. Ce poncho est finalement rassurant car il protège non seulement pas mal de la pluie mais il devient un lien de coordination entre le Mulet et le Bipède en les solidarisant par la nécessité d'accrocher le poncho aux deux poignées du guidon.

Très belle route en corniche d'Alghero à Bosa

Au fond Alghero

 

La côte est relativement tourmentée mais sans accès direct à la mer depuis la route. Pas de paysan dans ces contrées rudes, raides, rocheuses, couvertes d'une végétation quasiment impénétrable. La petite musique des virages montants descendants dure environ 50 kilomètres. Je suis tout de même impressionné par une apparente absence de rapaces et même de ruches …

Alghero – Bosa, 52 km   +781 m   - 805 m

Jeudi 24 septembre 2020 – Oristano – Pas fâché d'être arrivé ! …

Une date marquante pour le cycliste ! Du coup le Mulet a mis les bouchées doubles pour monter cette trentaine de kilomètres juste après la sortie de Bosa où les pentes longues et prises à froid m'ont obligé de passer tout à gauche – autrement dit avec les plus petits développements. Je ne m'attendais pas à ça. C'était long comme un jour anniversaire sans fin !

Bosa est aussi comme Alghero, Castelsardo, Oristano, une cité très prisée des touristes à bateaux. Mais Bosa s'étire en plusieurs hameaux pas mal distanciés. Mon gite à Bosa était correct, sans plus : dortoir, salle de bain commune, petit-déjeuner frugal. Mais le temps ce matin était sans pluie, sans nuage. Une légère brise de mer et … des trous des trous dans le bitume qui nécessitaient de louvoyer pas mal sinon les fesses prenaient de sacrés coups.

Ces routes « provinciales » sont les meilleures pour le cycliste si l'on excepte les trous à répétition aux alentours des lieux les plus fréquentés par les autos et surtout par les poids lourds, et si l'on ne regarde pas trop le mode opératoire des chaussées (raccords en relief, couches non homogènes de l'asphalte notamment). Ces routes sont beaucoup moins fréquentées que les 4 voies. A noter : aucun chien errant depuis mon départ qui viendrait vous pointer les mollets. Les paysages sont toujours marqués par l'abandon des paysans : quelques rares parcelles où l'on a fait encore les foins, un peu de bétail (vaches, ânes, des troupeaux de brebis surtout dans les hauteurs périphériques de Oristano). Quelques vestiges archéologiques apparaissent bien embroussaillés sans aucune information. Rien de bien original.

A la sortie de Bosa

J'ai décidé de modifier quelque peu le programme que j'avais envisagé (voir la carte en début de récit au 19 septembre) en n'allant pas à Cagliari. Quelques motifs m'ont décidé : je n'avais pas prévu de très mauvais temps. J'ai eu beaucoup de chance de pouvoir partir d'Alghero pour Bosa. Demain, dans la région où je suis (Oristana), la météo devrait être catastrophique aux dires des prévisonnistes. Le circuit que j'envisageais ne prévoyait pas de devoir suivre des quatre voies. Or pour aller à Cagliari, sauf à rallonger encore d'au moins un jour, je serais obligé de border ou d'utiliser une quatre voies sur une large partie des quelques cent kilomètres : pas très réjouissant. Enfin, et c'est le critère le plus important, je ne dois pas aller trop vers le Sud de façon à être certain de reprendre l'avion de retour à Figari le 3 octobre. Aussi, d'Oristano, je vais filer plein Est pour rejoindre en deux-trois jours (selon la météo) Orgosolo et faire après la fin de la boucle.

Bosa - Oristano,  62 km   +687 m   -715 m

 Vendredi 25 septembre 2020 – Sorgono – Un mauvais temps … splendide !

J'avais des doutes ce matin dans mon lit douillé à Oristano : partir, pas partir … J'écoute le dehors : pas de vent, pas de pluie bruyante, pas d'éclair. J'avale mon gros pot de yaourt, la banane, trois biscuits. Je descends les sacoches, le vélo. La serveuse du bar à côté a mis la musique à tue-tête et installe tables et chaises dehors. Le jour n'est pas encore là. Il est un peu moins de 7h. Je pars.

Sortir d'Oristano n'est pas évident. Vive Maps.me qui m'indique la succession des rues à emprunter pour gagner la SP55, mon fil d'Ariane qui doit me guider vers Sorgono, petit village en altitude. 

La circulation est encore faible, seuls les travailleurs matinaux toujours un peu pressés foncent vers Oristano. Le jour commence à pâlir. Et c'est alors que les prévisions des météorologistes vont se vérifier. Les nuages sont d'une couleur un peu inhabituelle : très gris-noir mais avec une curieuse teinte violette – sans doute issue du soleil levant qui essaie de percer. Les nuages sont hauts, ça va tenir. Mais au Sud, c'est noir noir ! Un puis plusieurs éclairs zèbrent le ciel. Je compte. Cinq secondes jusqu'au grondement du tonnerre. Ca va, c'est encore loin. Mais pour pas très longtemps. Trois gouttes puis une avalanche rapide de gouttelettes qui se transforment en paquets d'eau. Poncho vite mis. Mais c'est un peu tard. On séchera plus tard. Je continue sous un déluge d'eau. La circulation est tout d'un coup devenue nulle. Je suis seul. Les éclairs se multiplient. Les roulements du tonnerre semblent plus proches. Mais … que c'est beau ! Les flashes des éclairs illuminent d'un nouveau jour le paysage environnant. La route est juste pour moi. Seuls quelques bus de travailleurs vont à la ville dans l'autre sens. Et il pleut toujours et encore. Pour me rassurer, je pointe de temps à autre le fond de carte pour voir où je me trouve. Ca grimpe pas mal. Je n'y vois toujours pas grand chose mais c'est une curieuse impression que je ressens : à la fois je me rends compte qu'il faut appuyer sur les pédales mais aussi cet environnement orageux avec ses coups de gueule par les éclairs et le tonnerre montre des couleurs paysagères inhabituelles avec du gris-noir qui se mélange au mauve puis au jaune avec le jour qui maintenant est sorti de l'horizon.

Pas d'arrêts photos fréquents car … il pleut. Mais le paysage, la montagne, sont là, très différents de ce que j'ai pu trouver le long de la côte Ouest. Je me trouve mieux là en montagne. La vie y semble moins artificielle. Les éleveurs sont plus nombreux même si ce sont toujours vaches, brebis, chèvres qui apparaissent. Pays de vignes aussi, non irriguées, travaillées à l'ancienne sans désherbants apparents. Au détour d'un des multiples virages, le passage du Mulet affole quelques perdrix qui décollent avec le son très caractéristique de leurs battements d'ailes. Je vois – enfin – quelques ruches ! 

Ecorces de chêne-liège

 

Conséquences des pluies diluviennes

 

Sorgono approche. Un village-rue qui s'étire longuement de part et d'autres de la route principale que j'emprunte, mais avec aussi beaucoup de ruelles très en pente où les voitures restent garées, très nombreuses. Je trouve difficilement une chambre, la quasi totalité des B&B étant fermés. Une vieille demeure aux pierres usées par le temps, pas très engageante mais à l'intérieur modernisée avec tout le confort. Excellent pour une bonne récupération. Le mauvatal. Crevaison du pneu avant. Il y a une grosse épine qui a réussi à traverser le pneu. Enlevée avec le tournevis, le vélo est à nouveau en service mais avec une pression insuffisante du fait de la pompe à main qui ne peut pas gonfler à 4 bars. On fait avec en n'allant pas trop vite dans les virages en descente.

Oristano – Sorgono, 68 km   +1300 m   -600 m


Samedi 26 septembre 2020 – Orgosolo – Dure journée

La traversée Ouest-Est du milieu de la Sardaigne se fait par une succession de bosses et de creux. Ce sont les montées qui restent marquantes pour le cycliste. Aujourd'hui, je me suis perdu donc en ai bavé dans des vallons bien encaissés.

Parti à 7h, le temps est parfait pour pédaler : pas de vent, pas de pluie, température 18-20°C, route déserte. Juste une pente régulière d'environ 8% durant quatre kilomètres pour atteindre un col – aucun col n'a d'appellation en Sardaigne – et passer dans un vallon suivant. Les paysages sont peu différents avec une végétation arbustive très dense sans occupation humaine. Le col passé, les gros nuages bien joufflus ont besoin de se soulager. Poncho ! Rien de bien original … Mais si … un flottement inhabituel du guidon attire mon attention. Dans un virage en descente le flottement durcit la direction et j'ai toutes les peines pour ne pas passer dans le fossé. Frein bru

Ce sont surtout les montées qui sont marquantes. Le vent tourbillonnant n'arrange pas les choses. Je me trompe dans un embranchement et suis contraint de monter dans des pistes empierrées. Heureusement la circulation est quasi nulle. Je pense ne pas atteindre la petite ville Orgasolo. J'ai toujours un peu de nourriture et la tente. Bout de gruyère avec du pain, banane, jus de fruit, ce sera le casse-croûte de la virée.

Sorgono

 

Chêne-Liège

 

Premières peintures murales ("murales") de Orgosolo

Orgosolo

Les kilomètres s'égrènent quand même. Orgasolo est en vue non sans efforts (près de 1800 mètres de dénivellation positive cumulée aujourd'hui). Petite ville tout en pentes très fortes avec cette particularité de peintures murales dans beaucoup de maisons (environ 400 - j'ai mis une photo en page d'accueil du site, prise en arrivant cet après-midi).

Total, journée un peu inhabituelle qui m'a fait penser aux pentes sévères de l'Ariège. Mais je reste un peu sur ma faim pour les originalités paysagères.

Sorgono – Orgosolo, 81 km   +1796 m   -1778 m

Dimanche 27 septembre 2020 – Orgosolo – Farniente mauvais temps

Les pluies incessantes toute la nuit ne se sont pas calmées ce matin. Je me suis donné jusqu'à 10h pour espérer partir. Comme j'avais un peu d'avance sur mon programme, j'ai opté pour un repos de récupération. C'est curieux ces sautes de pluie avec pas mal de vent : en forme de giboulées. Ca m'a permis d'aller faire quelques photos des réputés murs peints de Orgosolo. J'en mettrai quelques-unes après ce texte lors de mon retour a casa !

Et puis, j'ai pu suivre à la télévision le très bel exploit de notre compatriote cycliste Julian Alaphilippe, champion du monde.

J'ai été stupéfait des prix (relativement bas) de l'immense chambre tout confort et de la qualité de la restauration de Il Portico : à recommander sans réserve.

 

J'ai mis ci-dessous les "murales", peintures murales vues à Orgosolo. Pour les visionner, cliquer sur la 1ère et attendre environ 5 secondes pour la netteté, les suivantes sont instantanées en cliquant sur flèche droite

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Lundi 28 septembre 2020 – La Caletta – Descente au littoral Est

Aujourd'hui, quel que soit le temps, je dois partir … A l'habitude, les pluies redoublent d'intensité au lever du jour. Parfois, pourtant, ça se calme. Mais là, non, ce maudit temps ne cesse pas. Je boucle bien les sacoches, harnache le Mulet, mets le poncho avec le casque vissé sur la capuche et sur la casquette … pour le soleil !, et file dans les ruelles pentues de Orgosolo. J'ai repéré quelques points de passage : Oliena, Ulla biti … pour aboutir à La Caletta au bord de la Méditerranée. Les freins commencent à se faire entendre du fait de l'usure. Dans un virage à la sortie de Orgosolo une peinture très originale – et probablement très connue : deux rochers côte à côte ont pris forme humaine représentant un bipède faisant la sieste une main sur le ventre. Assez original.

Versant Est de la Sardaigne, on trouve des cultures connues : ici la vigne est reine. D'immenses étendues de vigne à culture traditionnelle sont présentes qui enjolivent le paysage. Des troupeaux de brebis sont aussi présents gardées par le réputé Patou, chien blanc des Pyrénées, qui a l'oeil et … la gueule pour avertir lorsqu'un mouvement inhabituel se fait sentir. Il fait son boulot ! Les deux tiers du trajet aujourd'hui se font en parallèle à une quatre voies interdites aux cyclistes. C'est une ancienne route, large, qui est devenue délaissée par les véhicules, donc excellente pour une piste cyclabe. Un bonheur de la parcourir et, en plus, les descentes sont plus fréquentes que les montées. Sous la pluie, c'est une bénédiction ! 


 à la sortie de Orgosolo

 

Chêne-lièges

L'ancienne route devenue de fait une très agréable piste cyclable

 

En approchant de la Côte, on traverse une zone industrielle - à tous les sens du terme – avec d'énormes surfaces de serres. Qu'y trouve-t-on ?

 

Port de La Caletta

Peintures sur une digue du port de La Caletta

Port de La Caletta

La Caletta a l'air d'être une cité en dimanche : les bateaux de pêche (beaucoup sont très petits) attendent au port, les bateaux de loisirs sont très nombreux le long de quais relativement récents, et sans personne. La petite ville de La Caletta a l'air endormi comme une cité balnéaire qui aurait perdu sa clientèle.

Les gens se tiennent très à l'écart : le 1 mètre de distance est plutôt ici 3 mètres. Comme les Italiens parlent fort, à 3 mètres tout va. Les serveurs au restaurant vous regardent de loin et rechignent à s'approcher. Le masque mais aussi le gant sont de rigueur dans les boutiques de commerce alimentaire. Tout le monde est pestiféré avec cette peur de la Covid. Les quelques touristes présents ont une corpulence plutôt proéminentes. Quatre personnes de bon gabarit, apparemment habituées du restaurant où je me trouve, s'assoient autour d'une double table de quatre, réservée. 

Orgosolo - La Caletta, 81 km   +687 m   -1302 m

Mardi 29 septembre 2020 – Olbia – Grosse ville pour le cycliste …

La Calette a des fresques murales immenses peintes sur les digues du port. Ca crée un peu de poésie dans une petite ville qui cherche le touriste. Ce matin, départ tranquille avec un ciel bleu magnifique. Tout peut arriver donc en Sardaigne ? J'ai pris l'option de prendre les petites routes qui s'approchent le plus des rivages. Une grosse 4 voies a été construite, voie rapide vers Olbia. Très fréquentée, peut-être interdite aux deux roues, la petite route provinciale est, ce matin, idéale pour pédaler. Pas trop de véhicules, une chaussée pas trop abîmée, et surtout un petit air frisquet qui fait beaucoup de bien aux neurones, surtout quand on lève la tête et que l'on voit un ciel de rêve. 

En fait, on ne longe pas trop la côte mais on passe de points touristiques en ronds-points d'accès aux plages. La forêt à ma gauche a sacrément brûlé sur pas mal de kilomètres. Les couleurs ocres, noires, jaunes donnent au passant que je suis de belles compositions esthétiques. Pas une maison n'a été touchée. Cette étape sent le commencement de la fin de mon périple. Normal, le beau temps est revenu ! Les trente derniers kilomètres avant Olbia la grosse ville sont … redoutables pour la sécurité des deux roues. La chaussée est relativement étroite avec de part et d'autre des ridelles métalliques en continu ne permettant aucun écart au cycliste d'autant que les bas-côtés sont inexistants. Lorsqu'un véhicule arrive par derrière, il est obligé de mordre largement sur l'autre sens de circulation pour m'éviter, donc il est impossible d'avoir de front un véhicule dans un sens, un autre dans l'autre sens et le bipède à vélo. Le regard dans le rétroviseur est quasi constant car les véhicules doivent absolument ralentir très fort dans les cas où, en face, d'autres véhicules arrivent. Aucune échappatoire n'est possible pour le cycliste du fait des ridelles continues. Bon, on a vu pire …

Zone incendiée

... et toujours les ridelles sans bas-côtés

 

Olbia - la voie ferrée est peinte en blanc

 

Port d'Olbia

L'entrée dans Olbia est extrêmement dense avec pas mal de travaux de chaussée qui obligent à quelques contours pas toujours évidents pour celui qui vient là pour la première fois. A côté de l'hôpital, un particulier loue des chambres. Accueil excellent, appartement d'une propreté irréprochable, attentions pour les locataires d'un jour (café, yaourt, croissant, bouteille d'eau ...), calme reposant. Une petite visite alentour me fait découvrir un port multiple avec une entreprise de construction et de réparations de bateaux de plaisance dont de très longs et magnifiques voiliers, de catamarans. Au loin, on voit d'énormes ferries dont la hauteur dépasse les immeubles attenants.

La Calette – Olbia, 63 km   +343 m   -346 m


Mercredi 30 septembre 2020 – Palau – é bé belle bé !

Ce matin, à Olbia, j'avais un serveur de première qui m'a préparé un petit-déjeuner presque sur-mesure. C'est le propriétaire de la maison qui m'accueillait. Il en était même gênant faisant les cent pas me regardant avaler jus de fruit, café au lait, yaourt, croissant, pomme …

Je suis parti assez tôt pour bénéficier d'une bonne température, le ciel étant tout dégagé. Le gymkhana dans les rues de Olbia m'a fait retrouver une très belle route mais … sur quelques kilomètres seulement. Après, c'est à nouveau la chaussée encadrée par les ferrailles de ces glissières de « sécurité » sans bas-côtés, un enfer pour les cyclistes qui deviennent très vulnérables. Dans aucun pays à ma connaissance on ne trouve ce type de maillage métallique sur trois à quatre hauteurs de glissières. Et puis … mon vélo commence à godiller. Le connaissant par coeur, je sais que j'ai crevé de la roue arrière. Je m'arrête le plus vite possible profitant d'une entrée de propriété. Je désosse le Mulet, me mets plein de graisse noire pour sortir la roue. Comme pour la première crevaison, le passage de la main sous l'enveloppe me fait accrocher une forte épine que j'ai eu du mal à extraire. La trou est net. La rustine est bien collée. Je remonte tout, gonfle, et ça repart.

L'étape est courte. Je pense aller rendre visite à Palau, une cité probablement très touristique qui se situe face aux îles Maddalena très habitées avec des ferries qui font les navettes quotidiennes, dominée par la forteresse de Monte Altura. De fait, de belles plages, un panorama immense rendent très attractive cette ville de Palau. De très curieuses et originales configurations rocheuses caractérisent aussi cette région avec des formations granitiques rondes et sculptées naturellement. Palau, cité culturelle aussi qui possède un musée ethnographique. J'ai pu admirer une exposition de photographies (tirages papier de 80 cm x 60 cm) sur le thème générique de la souffrance, la plupart étant des saisies de visages dont l'expression révéle des situations terribles avec bien plus de force que la seule écriture ne pourrait le faire.

Très belle route à la sortie d'Olbia

 

 

Deuxième crevaison due à de sacrées épines

 

A croire que les concepteurs de ces aménagements n'ont jamais fait de vélo ! ...

 

Vigne irriguée au goutte-à-goutte aérien

 

Baie de Palau

Eglise de Palau

Port de Palau

La forteresse di Monte Altura domine Palau

Le granite naturellement sculpté

Palau

Ferry vers les îles Maddalena

 

Je suis à seulement 25 kilomètres de Santa Teresa di Gallura que j'atteindrai demain pour, vendredi, reprendre le ferry pour la Corse.

Olbia – Palau, 51 km   +657 m   -606 m

Jeudi 1er octobre 2020 – Santa Teresa di Gallura, retour

J'étais hébergé sur les hauteurs de Palau dans un club de vacances qui loue des appartements studios très bien entretenus malgré la quasi absence de vacanciers. Le site est perché. Les vues sont magnifiques notamment sur la baie de Porto Puddu.

Mon objectif ce matin est dérisoire : rejoindre Santa Teresa pour demain matin prendre le ferry pour Bonifacio : 25 kilomètres. La route serpente en corniche puis rejoint l'axe à grande circulation Olbia – Santa Teresa. Peu de kilomètres mais toujours le même sentiment d'insécurité lié à l'absence de bas-côtés et aux glissières continues qui font frémir le cycliste dès lors que deux véhicules en sens inverse se rapprochent.

On est ici en plaine avec de grandes étendues de roseaux, quelques élevages de vaches et de chevaux, mais pas de signes visibles de paysans. La grande ville Santa Teresa s'annonce avec des panneaux indiquant les quais d'embarquement pour les ferries reliant la Corse. Je retourne chez ma logeuse du départ. Grand tour à pied sur les hauteurs dominant la mer face à Bonifacio presque à portée de main, avec ses falaises blanches ensoleillées. 

Pas mal de baigneurs encore à la belle plage de sable de Rena Blanca. Mais la ville est impressionnante par le vide que l'on ressent. Il y a une grande majorité de volets fermés, habitations ou commerces. 

Baie de Porto Puddu

Terribles ridelles pour les cyclistes

Port de Santa Teresa Di Gallura, entrée maritime en Sardaigne

Au fond, Bonifacio

 

Eglise de Santa Teresa Di Gallura

 

La vue depuis ma chambre

Au fond Bonifacio

 

Santa Teresa Di Gallura

 

Plage de Santa Teresa di Gallura

Mon petit tour en Sardaigne se termine. Demain matin je dois prendre le ferry de retour pour Bonifacio à 7h. . 

Palau – Santa Teresa Di Gallura, 25 km   +253 m   -238 m

Vendredi 2 octobre 2020 – Figari (Corse) – pas de contrainte Covid

Il fait nuit noire ce matin à Santa Teresa Di Gallura lorsque j'harnache le Mulet. Direction les quais d'embarquement pour Bonifacio. Le ferry de la compagnie Moby est là, toutes lumières allumées. Un policier me salue avec le respect dû à la charge du vélo, et m'invite à me mettre au premier rang pour embarquer. Quelques véhicules sont déjà là. Il est 6h30. J'apprendrai à Figari qu'aucune traversée Bonifacio – Santa Teresa n'a été possible durant au moins trois jours consécutifs en raison du mauvais temps : tiens ici aussi ? … La remontée vers Bonifacio se fait dans une fraîcheur très supportable pour rester sur le pont suivre la naissance du jour sur les îles Lawesi. Le bateau a une trentaine de passagers. Le ferry recule puis tourne sur lui-même pour pointer la belle cité Corse. Un peu de houle donne du roulis. Accroche-toi ! Par précaution j'ai ficelé le Mulet au bastinguage. Le disque solaire émerge des nuages à l'horizon. Les fumées noires des deux cheminées font réfléchir au … bilan carbone. L'entrée dans le port de Bonifacio fait diminuer la vitesse. On accoste en tout début de quai laissant tous les voiliers plus au fond. Le signal du départ est donné. Le vélo sort en tête passe tranquilou devant un policier galonné. Pas de signe particulier. Je continue et sors sans aucun contrôle. Bon, excellente chose.

Le ferry Moby pour le retour en Corse

 Bonifacio

 

On est en Corse ...

Il est à peine 8h. Un petit café ? Je hisse le vélo sur des terrasses en bois couvertes de tables rondes et de chaises, et … « Hola ! Pas de vélo ici ». Je sors mon casque lentement … « Pas de vélo ! ». Je me mets à rigoler comme d'ailleurs les autres consommateurs assis. J'exécute l'ordre, passe devant le monsieur et lui dis d'une voix un peu forte : « Vous avez mal dormi monsieur ? Vous n'êtes pas bien réveillé je crois ? ». Les rires augmentent, le monsieur se remet à grogner … (ma mère aurait dit : il doit avoir les vers !). J'ai pris le café et le croissant dans le bar voisin. Curieux tout de même cette excitation bizarre de si bonne heure ! …

Il me reste environ 25 kilomètres pour retrouver la maison réservée avec airbnb où j'ai laissé le carton d'emballage du vélo ainsi que du change. Je passe le bourg de Figari, laisse à gauche l'aéroport pour retrouver Stéphanie, son mari, leurs enfants dans un bout de maquis

Santa Teresa Di Gallura - Bonifacio – Figari, 25 km   +340 m   -315 m

Samedi 3 octobre 2020 - Toulouse - aéroport vide

L'avion de la compagnie Volotea part à 14h de Figari. Je suis accompagné gracieusement par mon hôte Airbnb. Le carton vélo rentre juste dans la voiture. L'avion pour Toulouse (A320) est complet. Dans le hall d'enregistrement, j'entends une voix : "monsieur Etchelecou" ? Je me retourne masqué comme il se doit. ... Et voilà que je rencontre là à Figari airport un couple que j'avais rencontré à El Chalten ! Improbable ! Daniel et son épouse sont des voyageurs au long cours arpentant les pays du monde. Photographe remarquable, Daniel a l'oeil et le coup d'oeil pour magnifier tout ce qu'il voit à travers le viseur de l'appareil. Etonnante rencontre !

L'A320 est plein comme un oeuf. Il décolle avec quelques minutes d'avance. Le temps est beau. L'arrivée sur le continent sera un peu plus mouvementée en raison du mauvais temps présent. L'atterrissage à Blagnac se fait néanmoins sans embardée. Le tunnel est arrimé. Les couloirs sont de véritables labyrinthes. On est arrivé avec vingt minutes d'avance sur l'horaire affiché. L'aérogare est sans lumière, aucun magasin n'est ouvert. Impression étonnante d'une aérogare vide ! La sortie est ... très policée. Plus de forces de l'ordre que de manifestants ... sous la pluie ! On sort mais on ne rentre plus. Thomas est venu me chercher. Le 3008 est là au parking P0. Retrouvailles ... Diner excellent préparé par Nadine. Ca y est, je ne suis plus en Sardaigne ...

Dimanche 4 octobre 2020 - Eysus - retour au bercail

Ben ! La neige est tombée ! La belle chaine des Pyrénées est encapuchonnée de blanc ! Apparemment le mauvais temps n'était pas qu'en Sardaigne ... Attention aux radars ... Attention au masque ... Retour aux réalités sans vélo ... 

Un bilan ?

Le tour que j'ai fait m'a fait parcourir la moitié Nord de la Sardaigne. Le départ depuis le Sud de la Corse m'a fait redécouvrir la très belle cité de Bonifacio. La traversée en ferry permet de contempler l'immense panorama du Sud de Bonifacio jusqu'aux iles Lavezzi. J'ai longé la côte Ouest du Nord de la Sardaigne jusqu'à Oristano, traverser en travers vers la côte Est, remonter ce versant Est. Cette courte balade (de l'ordre de 600 km) me laisse un peu sur la faim. La Sardaigne n'a pas les montagnes de Corse même si dans la traversée Ouest-Est pas mal de vallons doivent être franchis avec des pentes parfois supérieures à 12%. Les indications des panneaux (directions, distance) sont assez imprécises et vous conduisent parfois sur des pistes qu'un vélo de route à roues fines aurait du mal à gravir. Les paysages, dans l'ensemble, restent assez uniformes avec un maquis végétal assez généralisé, les seules cultures importantes étant les oliviers et la vigne. Peu d'élevages, principalement des vaches, des brebis - plus rares -, des chevaux, de temps à autre des cochons, des ruches. Les villages traversés sont en général très ramassés - en montagne surtout. Une petite ville de montagne - Orgosolo - reste tout à fait originale par son passé de refuge pour des résistants sociaux dont témoignent les "murales" ces peintures murales qui sont aujourd'hui une vraie attraction touristique. Les points les plus attractifs pour le tourisme restent les cités côtières de Castelsardo, Alghero, Bosa, Oristano à l'Ouest, et de toute la zone littorale de l'Est de la Sardaigne de La Caletta (Olbia) à Santa Teresa Di Gallura. Toute cette côte Est est très prisée des habitués de la mer, et ressemble à ce qu'on peut trouver sur toutes les côtes littorales de Corse ou de Crète par exemple.

Le Covid a vidé la Sardaigne de l'affluence touristique : impressionnante est la quantité de maisons, d'appartements fermés sur les littoraux. Pour le cycliste, un effet bénéfique : une circulation routière en général peu dense surtout dans la traversée Ouest-Est de l'île. Toutefois, Un gros effet négatif pour tous ceux qui voudraient aller pédaler : l'insécurité liée à l'aménagement de kilomètres continus de ridelles métalliques sur les routes relativement étroites, sans bas-côtés. Le nombre de bouquets de fleurs accrochés aux ridelles témoignent de la dangerosité de cet aménagement routier conçu par des personnes qui n'ont dû jamais prendre un vélo. 

La Sardaigne accueille néanmoins de la plus belle des façons ! 

 

2006 - Thonon - Trieste

L'Alpine Léman - Adriatique

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CRETE 2019

 
Itinéraire réalisé
 

Jeudi 2 mai 2019, Héraklion ... pas mal !

Départ aux aurores d'Eysus : 3h30, le clairon sonnait !

"Quel est le sous-traitant ?" ... "Aegean ... ". L'employé réitère sa question. Je renouvelle ma réponse... Je suis bien à l'aéoport de Blagnac. J'ai pris un billet Toulouse-Héraklion pour un vol direct par la compagnie Aegean. Tout s'est très bien passé avec pour le vélo un paiement direct à la commande, une pratique bien préférable à celles des autres grandes compagnies aériennes qui font durer le suspens jusqu'au jour du départ du fait de l'incertitude du transport du vélo dans le même avion que le bipède. Le sous-traitant était Avia. C'était pour savoir qui devait porter le carton-vélo dans la soute à bagages de l'avion. Un SMS de Gérard me disant que ma voiture est parquée chez mon fils. Sympa Gérard de m'avoir dépanné en me conduisant à Blagnac.

Vol sans histoire Toulouse-Héraklion. Pas une place de libre. On comprend quand on voit le monde (touristes) et le climat de la Crète en cette saison. Les sommets sont enneigés, le soleil ravive les belles couleurs de la mer, une brise pas trop forte atténue l'impression de chaleur.

Un peu de bazar quand même à l'aéroport pour récupérer les bagages. Un beau taxi Fiat doblo pour le carton-vélo et c'est la descente vers l'hôtel Rea tout près du port. Le Mulet est remonté, gonflé. Premier problème à résoudre : le carton-vélo que je dois récupérer pour le retour ! Le tenancier de l'hôtel me dit qu'il faut lui trouver une place ... demain !

Un petit tour en ville pour mes vivres de demain et pour reconnaitre la sortie de la ville d'Héraklion. Le départ sera un peu tardif en raison de l'heure du petit-déjeuner (à partir de 8h) : pas très adapté aux habitudes du Mulet. Une moussaka-bière ce soir ...

Vendredi 3 mai 2019 - Tzermiado, les moulins à vent du plateau de Lassithi

Belle entrée en matière mais juste en fin de matinée ! Le départ de l'hôtel Rea à Heraklion a été un peu stressant : le tenancier de l'hôtel n'avait toujours pas trouvé de solution pour garder mon précieux carton-vélo avec mes affaires de change du retour en France, quelques soucis de vis de béquille foirées, et mes roues un peu voilées qui me faisaient tressauter avec la vitesse dans les quelques descentes ... Sans doute un coup lié au chargement dans l'avion : pourtant il était écrit dans trois langues qu'il fallait le maintenir vertical …

Les 25 premiers kilomètres ont été sans intérêt principalement sur une quatre voies avec pas mal de trafic et une chaussée gorgée de trous et d'objets perdus de toutes natures. En revanche, dès la sortie de ce couloir de grande circulation, la paix était revenue. Route sinueuse et montante, progressivement d'abord, puis plus sévère dans les derniers kilomètres pour accéder au plateau de Lassithi. On remonte ainsi une vallée avec quelques rares villages, une végétation qui fait penser à ce que l'on trouve sur les versants sud aragonais : oliviers, amandiers, chênes kermes ..., quelques rares chèvres dont on entend surtout les clochettes, et une énorme retenue d'eau.

Au fur et à mesure de la montée vers le plateau de Lassithi, la chaussée se rétrécit simplement marquée par deux bandes blanches latérales sans marquage central. Là, le bipède cycliste est aux aguets l'oeil de gauche rivé sur le rétroviseur (neuf plus large que celui que j'avais : 8 cm de diamètre ... il faut au moins cela !), l'oeil droit inspectant les défauts de la chaussée pour éviter trop d'a-coups. Nombreux sont voitures, bus, motos, scooters qui font la balade du plateau de Tassilhi où l'on peut voir les fameux moulins à vent qui ont permis d'avoir de l'eau. Quelques-uns fonctionnent encore pour les quelques cultures que l'on y trouve notamment pommes de terres, mais surtout maintenant maraichage.

Direction Tzermiado maison Kronio ! C'est la bonne adresse donnée à l'oreille par Jean-Yves qu'on ne peut ne pas trouver car ... située à un carrefour stratégique (passage obligée) où l'on se fait alpaguer par le patron des lieux qui d'emblée en me voyant parle français. J'y trouve d'autres français et la patronne qui est française. Je commande des côtelettes d'agneau avec des frites plus un verre de rouge. Le patron m'offre un apéro maison et le petit verre de raki en fin de déjeuner. Je demande une chambre, et c'est un appartement avec cuisine, chambre, salle de bain qui m'est alloué avec possibilité d'utiliser la piscine de la maison !

Bonne entrée en matière donc ce vendredi 3 mai avec une bonne dénivellation montante. Et puis ... durant presque toute la montée la vision enneigée des plus hautes montagnes de l'Ile, le massif du Psiloritis ! et ... aussi un très beau rucher dont les visions me réconfortent toujours un peu.

Héraklion - Tzermiado, 58 km +1307 m -471 m

Samedi 4 mai 2019 - Mochlos, deux heures de privilège …

Un préalable d'abord pour souligner la très grande qualité de la Maison Kronio à Tzermiado : produits locaux cuisinés avec délicatesse, accueil familial des deux époux Christine (française) et Vassilis, gite très confortable et calme, prix très correct. Un peu de pub pour eux : www.kronio.eu

Aujourd'hui, un peu comme d'habitude, je suis parti à 7h au point du jour. C'est dans les premières heures du jour que l'ambiance, le ressenti, le plaisir de pédaler tranquillement, la route libérée de tout véhicule, sont les plus insolites et, pour moi, le plus apprécié. La neige plâtre encore un peu les montagnes alentours. La température est encore un peu fraiche. Direction vers l'Est vers Agios Nikolaos d'abord puis Mochlos, tout petit port que l'on atteint après une descente ... qu'il vaut mieux éviter de remonter. Les vitesses du pédalier passent bien, bifurcation à gauche à deux kilomètres de la Maison Kronio, le Mulet s'élève régulièrement pour donner une splendide vue panoramique du plateau Lassithi jusqu'au fin fond du plus haut sommet de Crète qui, en une nuit (?), a vu sa couverture blanche quasiment disparaître !

Passé un col, on change complètemisent de paysage et de sensations. La descente est aisée sur une petite chaussée avec moult virages. L'air est moins vif, les oiseaux chantent de plus en plus. Pas d'autres bruits. Quelques hameaux originaux sont traversés avec notamment quelques mounaques artistiquement habillées. Et ... des clarines tintinnabulent. Dans le silence du matin, un troupeau de brebis montent vaillamment marquant de pointillés tout ronds le passage du troupeau. Je suis posé le long d'un mur, écoute la mélodie qui s'éloigne ... Le silence plein du paysage qui m'entoure invite à la rêverie ... Les oliviers, les amandiers apparaissent puis quelques vieilles vignes un peu laissées à l'abandon. Le fond de la vallée approche : direction la grande ville d'Agios Nikolaos. Je me faufile dans le centre-ville dans une ambiance bien sûr totalement différente des deux heures précédentes. La plage est atteinte, des parasols sont alignés sur le sable sans personne dessous : c'est trop tôt. Retour rapide pour prendre la route côtière sur une vingtaine de kilomètres. Mais là, aïe ... Eole pointe son nez ... pile devant mon guidon. Ce ne sera que sur cette portion. Je fais le gros dos pédalant tout petit jusqu'à joindre la grand-route qui doit me permettre d'atteindre Mochlos, ce petit port perdu tout au fond d'un vallon. Si le vent est moins violent, la pente n'est pas extrême mais c'est un bon exercice de pédalage durant une vingtaine de kilomètres sans discontinuer.

Au passage, arrêt sur le site Minoen réputé de Gournia qui daterait de -1700 à -1450 av. JC. Etonnante ruines accolées les unes aux autres dont le mystère reste encore à éclaircir (à noter l'inventivité prolifique des archéologues qui, on l'espère, finiront peut-être par adopter une interprétation commune ?).

Tout en haut de la longue pente de 20 km, une bifurcation. La tablette est sortie, le signal GPS indique la bonne direction à prendre. Et c'est alors une descente freins serrés sur cinq kilomètres pour atteindre le petit village de Mochlos après être passé devant une énorme carrière. Hôtel Mochlos : facile à retenir m'avait dit Jean-Yves ! Le papi de 82 ans patron des lieux mange une salade « crétoise » d'artichauts arrosés d'huile d'olive. Il m'invite après avoir rempli un verre de vin rouge de sa production. Evidemment, je ne me fais pas prier.

Tzermiado - Mochlos, 81 km +1111 m -1905 m

Dimanche 5 mai 2019 - Analipsi, entre les coups de vent et les gouttes

Pas bon le temps ! Déjà hier après-midi à Mochlos le ciel commençait à avoir toute la palette des gris, quatre gouttes sont tombées. Cette nuit, la soufflerie d'Eole s'est mise en route avec de furieux coups de boutoir. Réveil à 6h, rapide petit-déjeuner dans la chambre, départ à 6h45.

Tiendra, tiendra pas ? Le ciel n'est pas bien beau, un peu de vent mais il ne pleut pas. La remontée de la fosse dans laquelle se trouve Mochlos n'est pas très facile avec une piste légèrement asphaltée ou cimentée, très étroite et par endroits bien raide. Le village est endormi. Moments préférés du Mulet.

Le programme du jour est normalement d'atteindre Analipsi située au bord de la mer de Libye sur la côte Sud de la Crète. Première destination : la ville Sitia au bord de la mer de Crète. Poncho pas poncho ? Le Mulet renacle donc ... pas poncho. Le vent en rafales chassera les gouttes. Sitia a un aéroport. Grande ville ! Un chapelet d'éoliennes décore les hauteurs alentour. Mais, surprise, elles ne tournent pas ! Peut-être est-ce comme en France où dans certains contrats on n'actionne les moulins à vent que lorsqu'il y a des besoins complémentaires en énergie à assurer. Trouver l'embranchement vers le Sud nécessite d'entrer dans les rues déjà bien agitées, étroites, pas mal défoncées. Un panonceau très discret indique « Iérapetra ». C'est la bonne voie. Mais c'est aussi une direction de pédalage Nord-Sud, alors ... j'ai dû essuyer de très nombreux souffles très déstabilisants durant 30 km. Casser un peu la croûte par deux fois, boire un grand coup, et le bonhomme repart en adoptant la stratégie la moins coûteuse en énergie : ne surtout pas forcer quand on reçoit les rafales de vent, tenir juste l'équilibre, et forcer à nouveau la rafale partie. Tactique apprise en Patagonie mais ... un peu plus efficace ici que là-bas ! La route grimpe jusqu'à un col sans nom mais là l'effet Venturi devient redoutable puisque la masse d'air soufflée par le vent est obligée de passer dans un couloir aérien qui se resserre, donc ... accélération du vent que l'on reçoit en pleine poire. Toute la zone géographique au Sud de Sitia est très cultivée : essentiellement des oliviers mais aussi des cultures maraichères.

A vrai dire, ce matin je ne pensais pas boucler l'étape prévue en raison des aléas météorologiques. C'est passé. La descente vers Analipsi au bord de la mer de Libye fut assez facile malgré les rafales d'Eole. La côte est très touristique (style Costa Brava). J'ai trouvé une chambre chez un couple grec (elle, allemande) tout près d'un beau rucher Langstroth, un peu sur les hauteurs. Et j'ai - pour la première fois en Crète - trouvé des pâtes carbonara !

Journée un peu éprouvante par la somme des montées et surtout ce fichu vent de face durant la trentaine de kilomètres après Sitia.

Demain courte étape pour juste atteindre Iérapétra.

Mochlos - Analipsi 67 km +1399 m -1412 m

Lundi 6 mai 2019 - Iérapétra, et ... mon passeport ?

Analipsi, Iérapétra, de curieux mais bien jolis noms ! Au-delà du regard un peu critique que l'on peut avoir sur une grande hétérogénéité des constructions (un peu moins pour Iérapétra), sur le développement des cultures sous serre qui badigeonne de blanc sale le paysage, sur les kilomètres de tuyaux noirs qui s'accrochent tant bien que mal aux poteaux, aux murs, sur les arbres ... on trouve un point commun : la qualité de l'accueil que l'on devrait d'ailleurs pouvoir probablement généraliser à l'ensemble des Crétois. A Analipsi, alors que je m'apprétais à enfourcher le vélo, mes hôtes d'un jour ont tenu ce matin à m'offrir à nouveau un café grec agrémenté de patisseries faites par Madame. Monsieur est un ancien juge, musicien à ses heures, collectionneur de vieux postes TSF qui tapissent tout un pan du séjour. Petit point de délicatesse : ils ont ouvert la télévision sur une émission d'Arte en français, alors que le couple n'en comprend pas un mot.

Petite étape aujourd'hui pour rejoindre Iérapétra par le bord de mer. Un peu de montagne russe avec une circulation un peu bruyante, le rétroviseur est bien utile. Le soleil semble revenir doucement, les serres sous plastique commencent à apparaître. La montagne à ma droite est encore cachée par des voiles nuageux pas très sympathiques. L'entrée dans Iérapétra est un jeu de labyrinthe pour trouver Popy Appartments où m'attend un superbe lit king size. Mais ... la tenancière me demande fort logiquement mon passeport. Facile à trouver puisqu'il est toujours à la même place. Après avoir tourné et retourné tout mon barda, à l'évidence je ne l'ai plus !

Pause réflexion : je mets ma tête à réfléchir à l'envers. Soit il est à Héraklion, soit à Tzermiado, soit à Mochlos. Après coups de téléphone à Stelios de l'hôtel Rea à Héraklion, puis à l'hôtel Mochlos, la certitude est là : le passeport est à Mochlos. Et c'est là que la gentillesse et la délicatesse crétoise s'affiche encore. Poppy, mon hôtelière de Iérapétra, m'a proposé de téléphoner. Puis, elle se propose d'aller chercher avec sa voiture LE passeport à une station service qui se trouve sur le chemin du retour de Mochlos à Héraklion, passeport qu'un client de l'Hôtel Mochlos devrait déposer dans la soirée d'aujourd'hui à ladite station-service, à la demande du tenancier de l'hôtel Mochlos ! C'est compliqué ! Est-ce que cela va marcher ? …

Pourquoi ce passeport est resté à ... Mochlos ? A l'enregistrement, on demande une pièce officielle qui est souvent rendue de suite. A Mochlos, pendant que le fils enregistrait ma fiche, je goûtais les artichauts et buvais un coup avec le père. Comme le lendemain matin je suis parti avant que la réception ouvre, le passeport est resté en rade à l'hôtel. Morale de l'histoire : reprendre de suite après l'enregistrement ses papiers !

L'étape était courte car je voulais visiter un peu la vieille ville surtout le port, le fort médiéval, la maison où Napoléon aurait dormi. Mais le passeport m'a un pris la tête. Rien de tout ça. Demain, montée vers Ano Viannos normalement si le passeport arrive ce soir, courte étape mais il faudra je pense mouliner pas mal.

Analipsi - Iérapétra, 31 km +302 m -280 m

PS : 19h J'ai le passeport !

Étonnante la chaîne de solidarité : l'hôtelier de Mochlos qui a donné à un client qui a accepté de s'arrêter à LA station essence sur la route d'Herakion donc au nord de l'île puis mon hôtelière qui a accepté de traverser du Sud au Nord en voiture pour récupérer le passeport, revenir et me le remettre et sans accepter un quelconque défraiement. Le genre humain a encore de bonnes ressources. Tout cela s'est passé en 5h. A noter : Poppy à Iérapétra accueille tous ses locataires avec des petites pâtisseries faites par sa maman et avec du raki fait par son papa !

Mardi 7 mai 2019 - Ano Viannos, un village martyr qui revit

A l'Ouest de Iérapetra s'étale sur des dizaines de kilomètres tout un ensemble de cultures sous serre. Ce n'est certes pas la mer de plastique mais le naturaliste n'est pas très à son aise dans ces paysages aussi confisqués. Ma route ce matin longe la côte de la mer de Libye jusqu'à Mirtos. La sortie de Iérapétra est un peu bizarre car on a tendance à vouloir passer par le plus direct c'est-à-dire ici le plus souvent prendre le sens interdit. Sans doute la logique de la circulation automobile n'est-elle pas celle des cyclistes.

Jusqu'à Mirtos, c'est une occupation par les immeubles et les serres quasiment continue. Heureusement que la mer conserve ses magnifiques couleurs qui vont du vert au bleu moiré selon les endroits. A Mirtos, embranchement à droite pour entamer une très longue montée jusqu'à Ano Viannos. 25 kilomètres sans relâche ou presque avec le plus petit développement. C'est long, très long. La circulation est quasiment nulle. Le vélo retrouve les belles odeurs de la montagne. Beaucoup de points hauts sont marqués par des chapelles toutes fermées. Arrive un grand carrefour avec un immense monument qui fait prendre conscience des terribles tragédies de la deuxième guerre mondiale. Massacre par les nazis de plus de 500 habitants d'une vingtaine de villages autour d'Ano Viannos, et destruction des maisons et des récoltes.

Le village d'Ano Viannos, perdu au milieu des montagnes, revit avec des services publics (poste, santé) qui demeurent très malgré le peu d'habitants présents.

Iérapétra - Ano Viannos, 50 km +1065 m -517 m

Mercredi 8 mai 2019 - Timbaki, après une très belle vallée
 
 
Très bons les œufs frits des poules de l'hôtelière ! A 6h avec un vrai café, une orange et un yaourt, ça recharge un bonhomme.
Il faisait frisquet ce matin à près de 1000 m. Je passe devant l'arbre énorme qui doit bien faire 10 m de circonférence (photo à venir). Le village d'Ano Viannos est encore endormi.
Sans l'imaginer, je vais traverser une vallée suspendue magnifique pour le pédalage : très peu de véhicules, une chaussée à peu près correcte mais avec tout de même pas mal de rigoles de 10 cm de large qui font sursauter le mulet, un paysage façonné par et pour les oliviers et les vignes. Plein de petits villages doivent être traversés. Ça monte un peu, fort parfois, mais on ne sent presque pas l'effort.
 
 
Arrêts photos de temps à autre pour illustrer différentes manières de travailler le sol. Quelque chose frôle ma cheville...C'est un chiot sorti d'on ne sait d'où qui vient chercher une caresse.
Pas de mère à l'horizon. Bizarre ! Un petit orphelin ... qui cherche un maître ! Je file pour le semer. Il va vite le bougre, et pousse des petits cris qui feraient craquer n'importe qui. Pas question ! Un tracteur vient en sens inverse. Je fais signe pour que le conducteur le voit et ... s'en occupe. Le chiot ralentit, j'en profite pour dégager le plus vite possible.
Un bruit feutré, tout doux, au rythme très lent. C'est un Massey Ferguson de « l'après-guerre » qui arrive : magnifique ! je passe Pyrgos, Asimi, et arrive sans trop m'en rendre compte à Vori où j'ai prévu de m'arrêter. L'auberge que j'avais repéré est sur les hauteurs du village. Deux coups de sonnette : pas d'aubergiste apparemment. Je descends au centre de ce village bien endormi. Une placette, quelques arbres pour la chaleur, quelques vieux sirotent un café. Je demande un plat de nouilles. Non, un Café ça sert du ... Café. Ce village me paraît bizarre et pas très accueillant. Je décide de filer vers la mer. Timbaki est à quelques km, une petite ville mais construite tout en longueur de part et d'autre de l'artère routière centrale. Rien ne m'attire vraiment. Je continue droit vers la mer. A ma droite Little Inn. Exactement ce qu'il me faut à deux pas du port. Ce port qui ressemble à un bien trop grand costume quand on voit le tout petit nombre de bateaux. En tout et pour tout quatre petits rafiots de pêche. Pas mal de bars, restaurants qui attendent le client. Je m'arrête prendre un café glacé en attendant que je puisse m'enregistrer à Little Inn, et prendre une bonne douche.
 
 
Belle et bonne balade aujourd'hui. La montagne et l'intérieur des terres sont tout de même plus authentiques que le bord de mer. Il reste que les couleurs de la mer de Libye sont vraiment de toute beauté !
 
Ano Viannos - Timbaki, 88 km +702 m -1253 m
Jeudi 9 mai 2019 - Plakias, après encore des paysages somptueux
 
 
Chaque soir, on m'offre le raki le plus souvent fait maison à partir de distillation de fruits. Très fort, c'est un alcool que l'on sert en général en fin de repas. Bien sûr, je n'en bois qu'un tout petit verre (à liqueur) pour pouvoir bien dormir et repartir le lendemain en forme sur mon vélo. C'est fait avec une grande gentillesse. Hier, en plus, on m'a offert une salade de fruits. Little Inn est encore un hôtel très bien tenu, avec tout le confort pour bien se ressourcer après le pédalage. Petit bémol : comme souvent ici en Crète, pas de petit déjeuner avant 8h. Les cyclistes perdent donc une bonne heure et demie de bonheur ! Car pédaler aux aurores est un luxe que ne peuvent comprendre que ceux qui ont eu le courage de partir autour de 6 heures
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La balade aujourd'hui paraît technique en raison de l'ampleur des montées à faire. A la vérité, il y a souvent des portions intercalées qui permettent de reprendre souffle. On prend la montagne et on grimpe. Les serres plastiques deviennent de plus en plus rares au fur et à mesure que l'on prend de l'altitude. En revanche, l'olivier est partout présent avec quantité de vignes basses à gros ceps. C'est aujourd'hui que j'ai vu le plus de ruchers très colorés mais le plus souvent avec un seul corps de ruche. J'avais la route pour moi presque tout seul. L'éclairage solaire enluminait les montagnes enneigées. La température était idéale pour grimper sans anorak.
 
 
La route visite tous les villages. Ainsi on traverse Agia Galini, Kria Vrisi, Akoumia, Kissou Campos, Spili. Juste après Spili, j'ai pris un chemin de traverse délaissant la voie principale pour m'enfoncer encore plus profond voir quelques fermes (rares). On tombe alors sur des pentes très raides, des chemims qui deviennent des pistes. Les replats sont maigres qui accueillent oliviers,et vignes principalement. De petits tracteurs quatre roues motrices au centre de gravité bas travaillent soit avec un cultivateur (forme de herse) soit avec un rotavator. Passé un col, la descente devient très raide en bordure de gorges truffées de cavités. Un tout petit village - Frati - est curieusement à cheval entre deux abrupts.
 
 
On atteint le fond des gorges de Kourtaliotiko. On passe vite car on voit bien que ça tombe pas mal sur la route ! La chaussée s'est effondrée sur une grande portion. Des gabions sont positionnés pour consolider les bords de la chaussée. Des grillages bien minces sont là plus pour rassurer que pour protéger. Et ... tout au fond des gorges, un troupeau de chèvres essaie de trouver le meilleur endroit pour à la fois se coucher et manger pas loin. Tout au-dessus d'elles, les parois sont trouées de cavités parfois gigantesques et surplombantes.
 
Une dizaine de kilomètres après quelques montées-descentes, on file vers la mer avec la ville très touristique de Plakias.
 
 
En mangeant un bout de poulet, j'observais les autres convives attablés. Ils avaient tous des points communs : ils étaient d'un âge très avancé, ils étaient très empatés avec beaucoup de difficultés pour marcher et pour monter quelques marches, ils étaient trés affalés avec une belle bouteille de vin au trois quart vide, l'assiette restant à moitié pleine. Ils étaient très, très ... Mon assiette était vide, ma bouteille (bière) était vide ... Je suis certainement très mauvaise langue ! Très, très …
 
Timbaki - Plakias, 56 km. +1081m. -1051 m
Vendredi 10 mai 2019 - Chora Sfakion, nid portuaire qui se mérite
 
 
Le temps est bien couvert ce matin sur les bords de la mer de Libye. Je croque vite deux gâteaux, un peu de yaourt, une mortadelle, un bout de fromage, un œuf dur, le tout arrosé de jus d'orange et de café délayé. Ouf ! j'ai failli m'étouffer. Je demande la permission d'emporter un petit croissant et une tout petite chocolatine. L'employé est marocain donc on fait un peu la causette sur Marrakech son origine. Il faut partir!
 
 
La sortie de Plakias est tortueuse avec de belles surprises à la clef. On est cueilli à froid dès les premiers hectomètres par des inclinaisons énormes, ... et cela dure jusqu'à joindre la ... route normale que j'aurai dû prendre.Total pour commencer, quatre bons kilomètres sur un chemin empierré tout tortueux et piégeux. Bouchon ! Un troupeau de brebis ! Je reste derrière m'agitant un peu pour faire accélérer le mouvement. Heureusement, le berger est compréhensif, et à ma question 'Chora Sfakion', il m'indique le bon embranchement alors que je m'apprêtais sans le vouloir à suivre une piste qui allait me faire tout redescendre. Ah ! la belle étoile du Berger !
 
 
Un gros coup de rein et j'arrive au bitume bien-aimé. Bel exploit de n'avoir pas mis pied à terre. Je dois dire que ce fut digne des plus belles pentes de Thaïlande, et sur piste empierrée.
Un peu de remontant - du lait chocolaté - et ça repart. Tiens, on a fait les foins ! La route est belle, fait de beaux arrondis serpentant dans une montagne très verte où l'on trouve pas mal de petits troupeaux de brebis dont les clarines réchauffent les oreilles du Mulet. Le panorama est immense sur la mer de Libye vue des hauteurs de la montagne. J'ai traversé successivement Sellia, Rodakino, Skaloti. Et ... un homme marche avec deux bâtons télescopiques, un sac à dos, une casquette couvrante sur la tête. C'est un Belge qui traverse d'Est en Ouest la Crète. En causant, on se rend compte qu'on a dormi dans les mêmes lieux. A l'improviste, il demandait s'il n'y avait pas une chambre et chaque fois il trouvait même dans les plus petits hameaux. Magie de l'accueil.
 
L'approche de Chora Sfakion est très secrète. Certes on suit la route, mais on n'aperçoit d'abord que les blocs ennoyés du port qu'on devine puis l'amas des maisons blanches apparaît au fond d'une vaste crique. La route côtière du Sud de l'île s'arrête là. Chora Sfakion ... le ferry pour ... s'en sortir !
 
 
Demain, changement de mode de déplacement : bateau, marche, bateau ..
 
Plakias - Chora Sfakion, 45 km. +890 m. -894 m
 
 
Samedi 11 mai 2019 - Paleochora, après la gorge de Samaria
 
 
Grasse matinée. Le ferry qui embarque pour le port de Loutro puis le terminus d'Agia Romeri ne part qu'à 10h30. Aujourd'hui, j'ai prévu de remonter la section la plus belle de la gorge de Samaria, la plus fréquentée de l'île. A ma grande surprise, il est indiqué que l'on peut y trouver notamment le gypaète barbu, le vautour fauve, l'aigle royal alors que depuis Heraklion je n'ai pas aperçu un seul rapace. Sans doute avais-je le nez dans le guidon ? Il faut dire encore que le bétail n'est pas encore trop dans la nature, à l'exception des chèvres ensauvagées que l'on qualifie aussi Cri-cri.
 
 
Je laisse Mulet et sacoches aux bons soins d'un employé de restaurant, et pars gaiement avec une sacoche pour garder papiers (passeport !), argent, et un peu de nourriture. La remontée de la gorge laisse entrevoir les étonnantes et nombreuses cavités rocheuses dans les parois plissées comme si elles avaient été torturées. Pas trop de monde. Un guichet avec une grosse tête et un carnet à souche. On entre dans un parc national donc monnaie !... Des passerelles en bois trouvé sur place permettent de franchir à pieds secs le torrent. Il a dû pleuvoir pas mal car parfois l'eau surpasse les blocs de rocher mis en place pour passer à pieds secs.
 
 
La section la plus étroite de la gorge reste un peu impressionnante : c'est la porte de fer. Le passage se fait sur des passerelles de bois surplombant le torrent. Une main courante conforte l'indécis pour faciliter la traversée, courte néanmoins. On lit que porte de fer n'aurait pas de sens (porte d'enfer ?). Des ruines sont présentes ici et là témoignant d'une réelle occupation humaine. Ce fut un zone refuge. Cette gorge a servi de chemin de fuite lors de la deuxième guerre mondiale.
 
L'heure tournant, il faut revenir pour prendre le deuxième ferry qui conduit deux heures plus tard à Paleochora. Les ferries sont en bon état. Ils assurent aussi la mission des express côtiers comme en Norvège puisqu'il n'y a pas de transport routier possible. Ils assurent donc le transport de toutes les marchandises.
 
Une très belle baie abrite Paleochora. J'ai eu droit à un soleil couchant aux couleurs pastels probablement uniques.
 
 
Chora Sfakion - Agia Roumelli - Gorge de Samaria - Paleochora
 
Dimanche 12 mai 2019 - La Canée (ou Chania), changement d'ambiance
 
 
C'est la première fois qu'on accepte de me préparer un petit déjeuner la veille pour que je puisse partir autour de 6h30 ! Maria's hôtel à Paleochora est aussi à recommander pour l'immense panorama qui s'offre sur la mer de Libye (particulièrement beau au soleil couchant), pour la qualité de l'accueil et de la restauration, pour les prix très corrects, pour l'excellence des poissons tout frais péchés. La patronne m'a demandé de venir à la cuisine vérifier la fraîcheur de la dorade que j'avais commandée.
 
Pour pédaler j'étais donc armé ce matin. C'est un peu à regret que je suis parti de Paleochora.Il faudra y revenir … J'ai pour objectif de traverser la Crète du Sud au Nord en essayant de joindre La Canée que l'on nomme encore Chania, selon que l'on retient plutôt les appellations d'origine italienne, grecque ou turque. Le parcours depuis Paleochora s'est révélé tout en douceur malgré la dénivellation cumulée non négligeable. Il faut dire qu'enfourcher le vélo dès 6h30 apporte une grande sécurité en temps et un grand apaisement à l'écoute de toute la nature qui s'éveille. Très, très peu de voitures, aucun camion, dans les courbes les plus pentues, j'ai eu toute liberté pour passer d'un bord à l'autre de la chaussée. On pédale plus facilement lorsqu'on prend les virages sur la plus grande largeur.
 
 
Paleochora - La Canée c'est une histoire de bosses à la géologie très originale qui mérite des éclaircissements. Plein de cavités encore dans cette zone géographique. Le couvert végétal reprend un peu partout avec des plantations d'oliviers partout où c'est possible.
La montagne est toujours très peu peuplée. Quelques villages ou plutôt gros hameaux : Kandanos, Kakopetros, Voukolies, Kamissana. Une ombre volante passe au dessus de ma tête : c'est trop gros pour un corbeau et la forme en ailes cassées est plutôt celle d'une grosse bête. Je lève le nez et reconnais de suite l'allure de l'aigle royal : ailes un peu rabattues, il file tout droit sans un coup d'aile, à vitesse plus rapide que le vautour comme s'il avait pointé quelque chose d'intéressant. Une telle vision me donne toujours la pèche ! Pas mal de chèvres clarines au cou. Sur une crête au loin, quatre éoliennes vont bon train. Beaucoup de ruches encore dont un rucher de près de 80. C'est exceptionnel !
 
 
Il a dû beaucoup pleuvoir juste avant que j'arrive car la route est jonchée d'éboulements de terre et de rochers qui n'ont pas encore été enlevés. A regarder de près tous ces terrains sont très instables constitués de roches détritiques enchâssés dans des éléments argileux très réactifs lors d'intempéries un peu intenses.
 
 
La mer de Crète est en vue. Plutôt que de prendre la route à quatre voies, j'opte pour la route côtière ou ... ce que je croyais être une route côtière. Je traverse des localités Tavronitis, Molène, Stalos ... pour avoir vite la surprise d'être à La Canée. En réalité, c'est une succession ininterrompue de maisons, immeubles, commerces ... sur la vingtaine de kilomètres de Tavronitis à La Canée. J'ai été dépassé deux fois par un petit train à quatre remorques-wagons chargées de plein de touristes, avec la clochette qui était activée pour avertir du passage.
 
Trouver l'hôtel que j'avais repéré via Booking n'a pas été de tout repos. Un casse-croûte s'est imposé. Je suis tombé sur une pizzeria aux plats très prisés par les touristes fort nombreux qui allaient et venaient. Mon vélo a fait sensation. On cherche toujours le moteur ! Le GPS et la cartographie de map'me (gratuit) m'ont bien dépanné pour débusquer l'hôtel magnifique à prix raisonnable mais il m'a fallu faire une bonne grimpette sur quelques kilomètres. J'ai un peu rale aussi - signe de bonne santé peut-être ? -. lorsqu'une voiture est passée à dix centimètres. On était en ville donc ça ne roulait pas vite Au feu rouge, je rattrape la voiture, me déporte pour être pile côté chauffeur, lui montre mes deux doigts dans les yeux, et lui fait la distance de 10 cm avec ma main. Il grogne en grec. Et je lui passe devant au démarrage du feu vert bien au milieu avant bien sûr de me rabattre. Le grec a continué à vociférer mais m'a dépassé en faisant un grand déport de plus d'un mètre : merci !
Ah ! Le Mulet était tout content.
 
 
Paleochora - La Canée, 78 km +1067 m -941 m
 
Lundi 13 mai 2019 - Kalives, après un tour aux monastères
 
 
Excellente nuit dans un remarquable hôtel très bien tenu et ... sans autre client que moi. J'ai été gâté avec un petit déjeuner copieux. Étourdi autant que le gérant qui m'a fait l'addition, j'ai emporté la clef de la chambre. Quelqu'un viendra la chercher à Kalives où je dors ce soir
 
 
Les petites routes sont très nombreuses sur la côte Nord de la Crète. Ça monte encore pas mal, à s'y méprendre quand on ne regarde que la carte. Les deux sont dans la péninsule d'Akrotiri au Nord ouest de La Canée (ou Chania ou Hania). Le monastère d'Agia Triada présente un ensemble bâti en carré très imposant au milieu d'une immense étendue de terre assez peu cultivée hormis l'olivier et la vigne. On y trouve de très gros arbres pluricentenaires. Ce monastère fait un peu penser à un grand étal commercial où l'on fait déguster divers vins locaux et l'huile produite sur les terres. On y présente aussi tout un tas d'ustensiles, d'outils, de machineries anciennes assemblés dans un bric à brac ayant une allure de vide grenier.
Un musée regroupe des icônes très anciennes, des manuscrits, des incunables, des vêtements de cérémonie ... Peu de vie donc dans ce monastère.
 
 
Ce n'est pas le cas du monastère de Gouverneto situé à 5 kilomètres du précédent que l'on atteint par une piste de plus en plus escarpée et pentue. Le site est loin de tout. L'entrée est soumise à des règles strictes pour le respect des 10 moines qui y sont présents. L'impression est très différente du premier. Ce qui marque immédiatement est la pauvreté des moyens ne serait-ce que pour simplement entretenir les lieux et bâtiments. Ce serait le plus ancien monastère de Crète datant du XVIeme siècle. Un moine jeune accueille les visiteurs mais se cache vite pour éviter de paraître sur une photo. L'église au centre du monastère est chargée de peintures murales, d'icônes représentant très souvent les moments de la mort du Christ.
 
Ces deux monastères orthodoxes au départ retirés loin du monde, sont aujourd'hui sous les va et vient assourdissants des avions commerciaux et surtout militaires de l'aéroport tout proche de Chania. La richesse naturelle des lieux est réelle. En témoigne la présence de plusieurs centaines de ruches que j'ai pu voir, ainsi qu'une buse variable faisant ces orbes régulières caractéristiques.
 
J'ai suivi le plus possible les petites routes côtières pour atteindre d'abord Souda localité principale de la baie qui accueille de très gros paquebots et qui est aussi une base militaire active si j'en juge par le navire parti en mer. Puis, terminus de ce soir : le mignon petit village côtier de Kalives, une échappatoire pour moi à la forte fréquentation touristique de Chania.
 
 
Chania (La Canée) - monastères - Kalives, 57 km. +756 m. -875 m
 
Mardi 14 mai 2019 - Retimno, on y va pour y retourner
 
 
Je suis de plus en plus épaté par l'amabilité des Crétois, ces habitants de l'île qui sont pour beaucoup d'origine autre mais qui ont cette particularité de toujours essayer de satisfaire, d'être même prévenant, et curieux de ce que vous faites, vous cherchez, vous ne comprenez pas. Ce matin, j'ai eu droit à un petit déjeuner bien musclé avec notamment deux œufs frits. Il fallait partir en ayant fait le plein !
 
 
Petite étape jusqu'à Retimno, ce joyau de Crète où l'on va, où l'on trouve énormément de touristes, mais où l'on se dit que l'on doit revenir après s'être documenté sur les multiples péripéties historiques qui ont affecté cette cité, afin de comprendre les empilements de constructions, de fortifications, de ruines, d'églises ... Retimno est certes devenue La ville où il faut venir parce qu'il y fait bon vivre mais Retimno c'est bien plus !
 
 
Pour le cycliste, il faut reconnaître que cette côte Nord de la Crète n'est pas trop faite pour lui. La circulation est très dense, assez désordonnée. Il est obligé souvent d'utiliser la grande route parfois à quatre voies donc assez dangereuse. Les routes et rues secondaires sont pas mal cabossées. Aussi, le Mulet et le bipède qui l'accompagne sont assez satisfaits de repartir demain vers les hauteurs de l'île pour deux jours de montagne. Mais, il faudra appuyer sur les pédales !
 
Kalives - Retimno, 51 km. +386 m. -389 m
 
Mercredi 15 mai 2019 - Anogia, versant Nord du Psiloritis
 
 
Psiloritis ou mont Ida, plus haut sommet de la Crète à 2456 mètres, encore tout enneigé. A Anogia, petite bourgade tout en pente, l'histoire nous rattrape avec les terribles tragédies de la deuxième guerre mondiale. Tout le village a été détruit par les nazis en août 1944. C'était la troisième fois que ce village était détruit. Il a été rebâti.
 
 
Je suis parti ce matin de bonne heure pensant que l'étape jusqu'à ce village des hauteurs serait un peu rude. Le temps m'a aidé : température idéale pour pédaler, légère brise pas du tout gênante, ciel nuageux donc pas de soleil éblouissant. Tout était bien. Sortir de Retimno n'est pas bien évident. J'avais mon fil d'Ariane moderne avec Map's me qui est vraiment un dispositif cartographique très précieux. Malgré cela, j'ai rallongé l'itinéraire de quelques kilomètres. Mais heureusement qu'en plus du gps on a aussi un pif qui fait sentir si on se trompe ! Très utile le pif.
 
 
Au début, on est très vite tenu de prendre la route à quatre voies assez dangereuse pas tant pour son trafic, conséquent néanmoins, que pour les énormes trous dans lesquels le Mulet peut se faire très mal. L'entretien des chaussées n'est pas une grande priorité en Crète.
 
Dès l'instant où l'on quitte le ruban infernal de la quatre voies, tout devient calme, le trafic est presque nul, le bitume est lisse, et ... on entend enfin les oiseaux et non les moteurs. Je me dirige plein Sud vers le massif du Psiloritis, tout encapuchonné de nuages. Le temps idéal pour pédaler tiendra-t-il ? Quelques gouttes m'ont fait douter pour mettre ou non le poncho. Finalement, quasiment pas de pluie. Le plafond nuageux, très bas, a obligé les vautours fauves (enfin je les ai vus) à voler très bas. J'ai pu les observer en passant près d'un canyon où ils planaient probablement pas loin de leurs aires dans ce type de gorge (étroitesse, grande hauteur, orientation Nord-Sud) qu'ils préfèrent.
 
 
Des panneaux solaires de grandes dimensions suivant la course du soleil ont été installés dans d'anciens champs. Cinq éoliennes moulinent sur une crête tandis qu'une autre pourtant voisine doit faire grève.
 
Je traverse pas mal de petits villages : Perama, Mourzana, Garazo, Omala ... pour arriver à Anogia qui est la localité de référence du secteur avec notamment un collège et un hôpital. Peu de panneaux indicatifs. Mais mon fil d'Ariane moderne me guide. Il faut aller tout là haut en montant tout petit petit. Une vieille dame tout en noir me hele comme si on se connaissait déjà. C'est bien là que je suis attendu pour deux nuits. Le temps est toujours incertain, plutôt gris foncé mais sans goutte ... Accueil Crétois avec comme partout du raki.
 
 
Retimno - Anogia, 58 km. +1055 m -303 m
 
Jeudi 16 mai 2019 - Anogia, plateau du Nido et grotte de Zeus
 
 
Le Psiloritis est bien tentant. C'est le point culminant de la Crète. L'enneigement est encore à 2000 mètres et ... mes tennis de vélo sont peut-être un peu justes sans bâtons ni piolet !
Journée un peu compliquée parce qu'il faut d'abord se rendre au plateau du Nido à 24 kilomètres.
Dans l'ordre : une sacoche comme sac à dos, short, tennis, un peu de casse croûte; un bon petit déjeuner à 7h ; départ à pied pour auto-stop. Au bout d'1,5 kilometre de marche, un pick up toyota s'arrête. C'est bon pour une grande portion de la montée. Ce sont deux bergers père et fils qui montent traire les brebis. Ça tourne, ça vire à toute allure. Le village d'Anogia émerge d'une mer de nuages. Au soleil levant, c'est très beau mais ... ça va trop vite pour prendre une photo nette.
 
 
Je ne bronche pas, tenu solidement par mon bras à la poignée. Tout d'un coup, demi tour. On me dit de descendre, c'est là ... Il me reste 4 kilomètres. Pas un chat, que le fin écho des clarines des brebis.
 
 
Beaucoup de brebis et de chèvres sur ces hauteurs d'Anogia. Pas une vache, pas un cheval. Arrivé au bout du bout de la route, de jolis panneaux explicatifs relatifs à l'occupation ancienne des estives, à la présence d'espèces protégées. Et un cheminement pour accéder à la renommée grotte de Zeus enfanté là par Rhéa pour éviter que Cronos son père ne le dévore.
 
 
Quelques centaines de mètres plus loin, l'accès est libre mais probablement surveillé à partir d'une heure un peu plus tardive. Le porche est imposant. La neige abondante fait hésiter à descendre plus profond. Le temps est magnifique. Il est bien tentant d'aller plus haut. J'amorce une grimpette dans des éboulis de gros calibres avec des épineux qui griffent pas mal les jambes.
 
 
Je monte ainsi 300 mètres de denivellation jusqu'à la neige. Les tennis aux pieds dans ces éboulis piquants et la neige ... pas l'idéal. L'incertitude du retour des 25 kilomètres me fait décider de redescendre. Le sommet était encore à trois heures. Décision pragmatique. Finalement, j'ai redescendu toute la route à pieds. Ça m'a permis de mieux m'imprégner des odeurs de tout cet immense site du Nido, et de voir en particulier ces cabanes rondes tout en pierres plates jusqu'au toit, remarquablement agencées avec un trou central pour laisser la fumée s'echapper. On les nomme 'mitata'.
 
 
Les vautours fauves sont venus faire un tour. Beaucoup de brebis dans ces estives du Nido, mais les bergers ne restent pas la nuit avec le troupeau. En marchant à 4-5 kilomètres par heure, j'ai mis 4 heures pour tout redescendre à pied. J'avoue que les jambes commençaient à tirer.
 
 
C'est la dernière journée un peu sportive de ce périple en Crète. Demain, je reviens à la 'capitale' Heraklion. A n'en pas douter une autre ambiance.
 
 
Anogia - Nido grotte Zeus - Anogia, 29 km de marche
 
Vendredi 17 mai 2019 - Heraklion, après Knossos de l'époque Minoène
 
 
Les jambes étaient dures à me faire avancer ce matin. Ce n'est pas tous les jours que je fais 28 kilométres de bitume, à pied. Le petit déjeuner de Maria propriétaire de l'hôtel Aristea pris en terrasse a tout revigoré. Grand beau encore ce matin. Mais, aujourd'hui se termine le séjour dans les hauteurs de la Crète ! C'est la descente vers Heraklion. Certes, j'ai un jour d'avance sur mes prévisions mais c'est parce que je n'ai pas eu de pépin ni de mauvais temps.
 
 
Que c'est agréable de laisser le vélo s'en aller tout seul vous portant et n'ayant qu'à surveiller la direction et un peu la vitesse aussi. Tout là haut une grosse boule comme le point d'un i sur la montagne. On observe le ciel aussi en Crète. Une voix forte, je lève la tête. Un berger pite au sommet d'une colline me fait un grand salut ! Les lacets s'enchaînent avec quelques pauses photos montrant les villages haut perchés. Les oliviers, la vigne mais aussi des noyers garnissent toutes les meilleures terres les moins pentues. Je n'ai jamais vu autant de ruches en Crète. Par centaines avec souvent de gros ruchers mais qui, outre le miel, servent aussi à polliniser et à faire des élevages de reine. Une apiculture très technique donc.
 
 
Une grande et belle gorge sauvage : les gorges de Gonies, célébrées par un panneau de Geoparc fort instructif ... et 10 mètres à côté un monument en souvenir de quelques 23 hommes exécutés là par les nazis. La Crète est une belle île mais une île martyre.
 
 
 
Une couverture un peu ocre s'étale au-dessus de la mer de Crète. Cela signifie qu'Heraklion approche. La pollution est aussi sonore. Les témoignages de ce qu'il est convenu d'appeler la civilisation minoene, sont encore bien présents dans plusieurs lieux. En passant à Tilissos, on trouve des ruines de trois villas minoenes. Mais, le site le plus grandiose et le plus fréquenté étant celui de Knossos, j'ai fait le détour par Knossos non sans me fourvoyer plusieurs fois. Incroyable la longueur de la queue pour prendre son billet d'entrée. 15 euros. J'espère que les chercheurs en profitent. Le site paraît subir quelques aménagements probablement fort discutables avec notamment la construction (contemporaine) de structures en pierres sèches mélangées aux ruines originelles. Ce qui est frappant néanmoins est l'ampleur en surfaces et en volume de ce 'palais' plusieurs fois détruit et reconstruit, dont l'origine minoene semble bien établie.
 
 
Pendant la visite, le Mulet et ses sacoches étaient bien gardés par un bande de trois copains qui parquaient les véhicules. Redescente vers Heraklion pour trouver la halte de ce soir.
 
Anogia - Knossos - Heraklion, 56 km +476 m -1240 m
 
Samedi 18 mai 2019 - Époustouflant musée archéologique d'Héraklion
 
Avant-dernier jour en Crète ! La visite du musée archéologique d'Heraklion est un passage obligé, paraît-il. Un petit coup de Mulet quand même qui se régale sans forcer pour gagner le centre-ville. L'atmosphère dehors est idyllique : soleil mais pas trop, petite brise marine, ciel d'un bleu immaculé, trafic modéré. Je pose le vélo et les sacoches au Rea hôtel où j'étais le premier jour. Je récupère le précieux carton d'emballage que j'avais laissé avec un change pour le voyage. Je démonte le vélo dans la chambre et cale tout ça dans le carton
 
J'arpente les rues vers le musée. Un monde fou se presse à l'entrée. Mon tour arrive. C'est journée gratuite pour tous les musées ! Une vingtaine de salles compose l'ensemble. D'emblée je n'en crois pas mes yeux. Les salles sont classées par chronologie. La salle 1 présente les objets les plus anciens. On est chez les Minoens soit au Néolithique.
 
 
Sont exposés toutes sortes de vases, coupelles, principalement des objets funéraires mais confectionnés par des artistes avec des formes et des colorations qui dénotent une inventivité exceptionnelle ! On est entre -2500 et -1500 av. JC ! Au fur et à mesure des découvertes de salle en salle, ce qui m'a le plus frappé c'est la finesse, la délicatesse des sculptures, des assemblages, le caractère réaliste de ces objets. Le disque de Festos, le pendentif aux deux abeilles, la déesse aux serpents, la lionne, les sculptures humaines, les vases ...
 
 
Tous ces objets ont été trouvés lors des fouilles de tous les sites minoens de Crète. Le fait de les voir rassemblés en un même lieu génère vraiment l'idée de l'existence d'une civilisation qui, malheureusement encore, reste à peu près totalement inconnue. Tout cela donne à la Crète un socle identitaire encore énigmatique, mais au fond tout en accord avec les interprétations et croyances des dieux helléniques. Les batailles et querelles de chercheurs sur le sens à donner à tout cela finiront bien par trouver une conclusion commune, mais est-ce bien nécessaire ?
 
 
Le port d'Heraklion a gardé un cachet d'antan avec la forteresse vénitienne qui gardait le port, construite au XVIeme siècle dont la structure intérieure en pierres de taille et voûtée est toujours intacte.
 
 
Quelques très anciennes pièces d'artillerie sont encore présentes avec même une importante réserve de boulets de canon. La digue qui protège le port fait au moins deux kilomètres. Ça dégourdir les gambettes en aller-retour. Beaucoup de personnes font leur footing sur cette digue, en regardant bien sûr la montre chrono cardio calor …
J'ai attrapé une bonne suee !
 
 
Photos prises au Musée archéologique d'Héraklion (le texte d'identification suit en général la photo) :
 
Dimanche 19 mai 2019 - Aegean, embarquement de mon vélo ... oublié !
 
Compagnie modèle, Aegean airlines est aussi tributaire des plateformes aéroportuaires et notamment du chainon toujours fragile de l'embarquement des bagages en soute. Une fois de plus, le vélo n'a pas été embarqué alors que je l'ai suivi jusqu'au passage du carton-vélo aux rayons X et de sa mise sur la carriole qui devait le mener à l'avion. L'avion est direct d'Héraklion à Toulouse donc j'étais confiant. A l'arrivée, le dégueuloir des bagages hors normes crache une poussette, deux énormes sacs de golf, puis ... rideau ! Je file donc au comptoir réclamation. La dame savait qu'il n'avait pas été embarqué ! Mais pas de souci, "il sera livré demain à domicile. On livre dans toute la France."
 
Mardi matin, message de Chronopost : "C'est le jour J : votre colis est en chemin et vous sera livré aujourd'hui avant 13h". De fait, à midi, le camion arrive. Le carton du vélo est pas mal troué. Vérification en présence du transporteur. Tout est là. Merci Chronopost. Mais combien tout cela coûte-t-il ? ...
 
 
 
 

 

 
 
 

Norvège 2015 - 1

Tromsö - Cap Nord

Direction le Nord ... ? Oui, peut-être, pourquoi pas ... Que de très bonnes impressions reçues de plusieurs amis qui sont déjà allés tout là-haut au bout du continent européen en Norvège. Peut-être un petit air d'Islande - où je suis déjà allé ? Un aperçu de la carte Google earth : pas mal du tout les petits recoins (fjords) ! C'est plat, me dit le Mulet ? Un aperçu des dénivellations me donne tout de même l'impression que passer de 0 m à 400 m à de nombreuses reprises ne doit pas être de tout repos. Le temps ? Fin mai-début juin ne semble pas trop mal avec le soleil de minuit permanent. Mais, à l'évidence, si les estimations météo se vérifient, pluies fréquentes et froid relatif seront au rendez-vous avec une très forte probabilité. La pluie ... c'est ce que je redoute le plus dans mes voyages car rouler un jour sous la pluie n'est pas trop ennuyeux mais deux jours d'affilée devient limite car je n'emporte habituellement qu'un seul change : le mouillé sèche en un jour sur le porte-bagage arrière en roulant. Cette fois, j'ai mis un change de plus : donc deux jours de pluie oui ... paré, mais après il faut impérativement faire sécher les vêtements. Et là ... ce sera un problème majeur pour moi surtout avec des températures inférieures à 10°C. On verra bien ! ...

J'ai finalement opté pour un périple assez court pour tester un peu ces contrées inconnues de moi. La vie semble très chère. Mais tous les échos notent un bon accueil des cyclistes par la population qui accepterait le camping sauvage pour peu que l'on soit correct : demander une autorisation de poser pour la nuit son abri, laisser l'endroit comme on l'a trouvé sans détritus sans dégradation.
Le Cap Nord m'a aimanté dans mon choix. Ca va me changer des tropiques !
Où atterrir ? Tromsö est la cité norvégienne qui semble être un bon point de départ pour un périple initiatique au-delà du cercle arctique. Donc, choix Toulouse - Tromsö en avion. Pour faciliter l'épineuse question de l'emballage du vélo au retour, j'ai choisi de repartir de la même ville, mes hôtes de Tromsö ayant accepté de conserver mon carton vélo. Airbnb m'a permis de trouver une solution pour me loger avec un tarif acceptable (la Norvège parait avoir un niveau de prix moitié plus élevé que les prix français).
Atteindre le Cap Nord est une chose, mais revenir par le même itinéraire ne m'enchantait pas trop. Le retour par le navire côtier Hurtigruten de Honningsvag à Tromsö a été choisi pour profiter de l'envers des paysages traversés en vélo.

Mercredi 27 mai 2015 : Tromso oui mais ... sans bagage !
Enregistrement sans problème à l'aéroport de Toulouse-Blagnac, sauf un petit surcoût pour le vélo : le site Lufthansa indique 50 euros, en réalité il faut ajouter 10 euros de "taxe". Très agréable journée hier d'abord chez Laure et Pierre avec les petits Baptiste et Ninon, puis chez Thomas et Nadine. Dominique m'a annoncé qu'elle venait de cueillir un nouvel essaim d'abeilles ! Ca fait donc quatre essaims que nous avons ramassés cette année ! Ce matin, Thomas, toujours tip top, m'a conduit de très bonne heure à l'aéroport. Quelques légers bouchons sur la rocade toulousaine mais arrivée sans encombre.
Pas de chariot ! Je demande à un employé vêtu d'un bel habit qui me répond "je ne sais pas, je ne sais pas quoi vous dire" : la compétence au meilleur niveau ! Pas un caddie à l'horizon. Après un footing de quelques centaines de mètres, j'en trouve un dehors. Il faudra dire à la gestion chinoise nouvelle de l'aéroport d'investir dans des ... chariots ! Internet ? Oui avec un mot de passe à rentrer. Autant dire qu'il y a encore du progrès à faire à l'aéroport international de Toulouse-Blagnac ! Les contrôles de bagage sont très minutieux. Lufthansa est la compagnie qui gère deux de mes trois vols aujourd'hui : de Toulouse à Francfort puis de Francfort jusqu'à Oslo. Après, d'Oslo à Tromsö, c'est Scandinavian Airlines. Le délai est très court pour changer d'avion à Francfort : une petite heure ... De Francfort à Oslo, on a eu un Airbus 320 -200 rutilant. A Oslo, le chargement des bagages dans l'avion pour Tromsö ne fait pas apparaître de grand carton ... A l'embarquement, mon billet fait sonner la machine. L'employé vérifie et voit de suite que le vélo et le sac contenant les sacoches n'ont pas été chargés. Je monte tout penaud dans la carlingue d'un Boeing 737 qui sent la moquette élimée. La neige apparaît très proche du sol ! De belles montagnes encapuchonnées font penser aux ... Pyrénées blanches ! La Norvège apparaît dans un paysage embrumé mais gorgé d'eau de toutes parts. Atterrissage musclé. Je file au service des bagages spéciaux, et comprends que je me fais engueuler par la femme qui me dit que c'est de ma faute ! Un comble alors que sur les billets d'attestation de bagage, tant le bike que le grand sac de sacoches seront délivrés à Tromsö. Elle me dit de revenir demain pour 10 h. D'ici là, deux avions doivent arriver d'Oslo. Félix, très apparenté à la dame qui m'héberge, nigérian d'origine, montre une pancarte "André". On discute ... Afrique ... tout le long du trajet en voiture. Madame Ann-Katrine me reçoit : très belle chambre surchauffée avec la fenêtre ouverte ! Des chats ! Des enfants dont une petite handicapée. La cuisine est à ma disposition. Je file à pied acheter de quoi manger. Le jour est sans fin. La nuit sera longue ... Demain, Félix semble disposer à me conduire à l'aéroport. Croisons les doigts pour que les bagages soient là ! Première journée, première surprise ...

Jeudi 28 mai 2015 - Le Mulet retrouvé
La première nuit sans nuit en Norvège ne m'a pas trop perturbé. C'est vrai qu'entre le jour brumasseux et la nuit étoilée, la différence est quasi nulle. Attention à bien surveiller la montre donc ! Sinon, c'est la cata assurée au bout de quelques jours avec endormissement garanti en pédalant. Encore faut-il avoir un vélo !
Ce matin, avant de foncer chevaux-vapeurs au vent vers l'aéroport, j'ai fait appeler ma logeuse Ann-Katrin au service bagages spéciaux pour avoir des nouvelles de mes bagages. Restée pendue au téléphone plus de trois quarts d'heure, elle a fini par me dire que personne n'avait pu la renseigner. Félix mon chauffeur m'invite à m'embarquer tout de même. Si je n'ai pas le coeur à trop rigoler, on plaisante avec la bière de banane que j'apprécie particulièrement au Burundi et au Rwanda. Félix prend l'initiative d'appeler à nouveau l'aéroport. Le Nigérian a appris le norvégien ! Il parle comme un livre et ... après moultes transferts d'appels, il finit par m'annoncer que les colis sont là, ... le tout en conduisant bien sûr ! Je finis par croire qu'un africain peut tout faire ... Le service des bagages spéciaux est en vue avec ... un carton tout éclaté ... que je ne reconnais pas de suite. J'ai un haut-le-coeur lorsque je vois à côté du carton mon sac contenant les sacoches. C'est bien le Mulet qui est là ! L'employée m'explique que c'est la douane qui a fait ce travail pour vérifier si l'emballage ne contenait pas des objets interdits. Je signe le papier de réception à contre-coeur mais y suis obligé. Mon vélo est, je pense, suffisamment solide pour subir les outrages des douaniers norvégiens ! Passage en ville pour trouver une banque où changer mes euros. Ce n'est qu'au bout de la cinquième banque - la Post Bank - que ce fut possible ! Toutes les précédentes ne changeaient que pour les clients de la banque et encore en montrant la carte bancaire du titulaire, ce que Félix n'avait pas sur lui.
Arrivé "à la maison", je dégraffe délicatement, je découpe au cutter les collants, j'extirpe le fugueur qui n'a pas voulu me suivre hier ... et ... comme prévu, tout le vélo est remonté entier : solide le randocycle ! Je suis donc rassuré ! et peux penser aux jours qui viennent en calculant bien mes étapes. La neige est là juste à 50 mètres au-dessus. Akuna matata ("pas de problème"), m'a dit Félix, la route sera dégagée. Je demande à ma logeuse si, au retour du bateau que je vais prendre le 9 juin pour revenir du Cap Nord, elle peut m'accorder une chambre - arrivant vers minuit. Réponse positive.
Le carton en lambeaux est gardé par précaution au cas où je n'en aurai pas de meilleur pour le retour. Les provisions pour trois jours de sécurité sont faites. Je n'ai pas eu le temps de visiter Tromsö, préférant profiter encore du confort douillé de la chambre. Le temps est maussade, nuageux, avec une très fine pluie légère de temps à autre : au moins je ne vais pas risquer les brûlures au deuxième degré comme dans mes autres périples sous les tropiques.
Demain matin, départ avec le Mulet pour je ne sais où précisément mais sur l'itinéraire qui figure sur la carte affichée. Il est probable que les possibilités de liaison internet vont être très réduites. Mes humeurs quotidiennes risquent donc d'être posées en pointillés sur le site.

Vendredi 29 mai 2015 - Serpentin dans les fjords
Pluie toute la nuit, et ... aussi ce matin ! Le poncho sera de sortie. La circulation de Tromsö n'est pas très dense et, chose suprême pour un cycliste, très respectueuse des vélos, au point de bloquer une file pour laisser traverser un cycliste ! Ca change de la Colombie. Journée sans histoire, pas très longue (sur le vélo). Mais un joli début avec près de 100 km et deux traversées en ferries. On prend d'abord la grand'route E8, puis la route secondaire 91. La paix sur cette route secondaire avec de temps à autre juste un bruit de moteur. La campagne est très peu peuplée. Les maisons sont colorées, le plus souvent avec un soubassement en dur et un parement en bois pour les niveaux habités. L'arbre dominant est le bouleau. Quelques petits élevages de brebis égaient la campagne, mais c'est la nature pas mal terrassée qui domine. On longe les fjords par tout un tas de contours. On ruse un peu avec la neige qui reste très basse. Cette pelisse blanche donne des allures de grandes montagnes. On voit les très belles courbes dans le paysage creusées par les glaciers. Le plafond nuageux est bas. Deux ferries permettent aux véhicules de traverser aisément les fjords par des va-et-vient permanents. C'est ainsi que je me suis retrouvé à Olderness à 15h30. Camping ? Que nenni mais des chambres toutes simples à plus de 100 euros dans des cabanons sans accueil avec un numéro de téléphone au cas où l'on serait intéressé. Je continue au-delà d'Olderness pour trouver un endroit où camper. En haut d'une montée, un écart de la route permet de dominer un paysage somptueux. Je pousse le Mulet un peu à l'écart, et pose la tente devant ce panorama unique : les montagnes enneigées, l'océan aux pieds, entouré de bouleaux, je casse la croûte, mais ... j'ai oublié l'eau ! Le bidon d'essence est rempli. J'attendrai demain soir pour manger et boire chaud. Saucisses de "Strasbourg", maquereau à la tomate, fromage de Brie (mais oui), pomme, pain. J'oublie de dire que ça pince bien depuis ce matin : la petite pluie fine mais aussi le froid (glagla sur les ferries) et un peu de vent.

Tromsö - 8 km après Olderness , 94 km et deux traversées de fjord, + 709 m - 689 m

Samedi 30 mai 2015 - Soleil de minuit
Superbe emplacement pour camper. Coucher tôt. Dommage que les huitriers-pie vus hier ne piaillent pas. Le diner est un peu maigre, mais ça ira. Au bout de quatre heures de sommeil, un éclairage surprenant ! Tout est jaunâtre. J'écarquille un peu plus les yeux. C'est bien le soleil que je vois, là, pile en face illuminant tous les sommets enneigés bordant le fjord. C'est curieux, alors que je n'avais pas vu le soleil de la journée, là ... il est proche de minuit, il éclaire comme un phare géant. Les nuages sont tellement épais que, durant la journée, on a juste un halo informe sinon la pluie. Le soir tard lorsque l'horizon est bas mais que le le soleil pointe, alors il passe en-dessous du plafond nuageux et nous envoie un coup de projecteur surpuissant ! Je sors vite de la tente en chaussettes pour emprisonner par une photo le soleil à minuit pétante ! Inutile de dire que l'on y voit mieux qu'en plein jour.
7h, la sonnerie ! Je n'ai finalement pas mal dormi. Petit-déjeuner : banane, biscuits. En route par une corniche qui épouse toutes les sinuosités du paysage. J'ose dire que depuis Tromsö, je vois des détritus ... partout dans les fossés bordant la route : c'est assez impressionnant de voir tous ces emballages plastiques qui ont été manifestement jetés par la fenêtre des véhicules ... Un col ! presque ... ça monte à 9% pour gommer les 400 mètres de dénivellation juste avant de descendre vers Storslett. Un petit supermarché ! Je fonce vite m'acheter de l'eau plate, et du ravitaillement pour deux jours de plus, la prochaine ville étant Alta que je n'atteindrai que le 1er juin au soir. Après Storslett, j'avais repéré un camping avec peut-être le wifi et un tarif généreux pour bike + tente : j'y suis.
La route est quasiment déserte. Mais où sont les camions ? C'est très agréable de se sentir très en sécurité, les quelques voitures freinant sévèrement dès je suis en vue : faut dire que je suis assez gros en largeur. Les bas-côtés sont toujours très humides, beaucoup de ruisselets, de mares, des bosquets de bouleaux partout. La neige est toujours là en congères. J'ai cherché en vain des papillons ! François Bixel m'a pourtant dit de bien regarder. Il faut tout de même dire que le froid est encore un peu vif : j'ai mis par confort mes sous-gants de montagne. Les seules fleurs aperçues ressemblent à des primevères (toutes jaunes). J'ai rencontré un Suisse dans un camping-car big size. Il n'aimait pas trop ce temps maussade qui dure depuis quelques jours. Un norvégien m'a demandé si le pays me plaisait : assurément avec la montagne, la neige, l'eau ... mais pas les détritus (mais je ne savais dire que basura l'espagnol prenant le pas sur l'inglish !). Je constate que le premier camping où je suis est très confortable et surtout très propre avec des douches chaudes puissantes, des toilettes avec papier, une grande cuisine complète à disposition des campeurs. Que ça dure ...
Il est 16h : le soleil semble vouloir enfin sortir un peu. Demain, étape avec deux fortes dénivellations à monter et un kilométrage solide. Allez Mulet, affûte tes sabots ...
Journée encore un peu froide mais sans pluie. Le soleil va encore pointer un peu avant minuit. Au fait, j'ai entendu les oiseaux chanter encore à minuit !

Olderness - un peu après Storslett, 61 km, +435 m -522 m

Dimanche 31 mai 2015 - Un enchantement !
Passer la nuit dans un camping présente avantages et inconvénients. Avantages pour l'accès à une cuisine, à des toilettes, à une douche chaude, à internet ; inconvénients pour la promiscuité et surtout les bruits : télévision dans les campings cars, passages fréquents devant votre tente, de piétons, de véhicules, et surtout bruits des retours dans la nuit de personnes éméchées qui réveillent tout le camp. Ici en Norvège, cette dernière catégorie est particulièrement pénible à supporter. Introduction bien sûr à une nuit moyenne passée au Fosselv camping. A 2h30 néanmoins, l'éclairage solaire sur le fjord était très surprenant, les couleurs dominantes (bleu et jaune) résultant vraisemblablement de l'angle terre-soleil au-delà du cercle arctique.
6h15. Je profite de la cuisine chauffée pour me faire un petit déjeuner café, banane, biscuits. La tente mouillée par la pluie d'hier soir a séché durant la nuit (l'humidité reste assez faible malgré tout). Le vélo est notablement chargé avec les victuailles achetées hier midi. Et c'est parti à 6h30 pour une bonne journée de pédalage. La route est pour moi tout seul. Les oiseaux ont encore chanté toute la nuit, et continuent (mais quand dorment-ils ?). Le ciel est très clair sans trop de nuages (miracle !). Je continue ma remontée vers le Nord avec des vues toujours renouvelées de l'eau des fjords et surtout des paysages montueux et neigeux alentours. Pauses photos nombreuses. C'est vraiment un pays gorgé d'eau : ça coule de tous les cotés, les bouleaux baignent, les prairies sont des éponges. Beaucoup de marais et, probablement, de tourbières (?). Mais la route n'est pas plane loin s'en faut ! Deux grosses bosses nécessitent petit plateau et presque tout petit pignon. La dénivellation totale ne sera pas négligeable. Ce qui frappe, c'est qu'on est dans un pays où les paysans sont inexistants ou vraiment très peu nombreux. Quelques brebis (de forte corpulence) dans des prés, quelques lopins avec de la pomme de terre, mais aucun jardin potager comme chez nous. Les rares maisons que l'on croise sont plutôt cossues avec, toujours, des engins de forte puissance pour terrasser, déneiger, transporter (pelle mécanique, petit bulldozer, chenillette, tracteur ...). La pêche est une activité dominante ici si l'on en croit les immenses séchoirs à poissons construits en forme de maison et bardés de grillage pour éviter que les oiseaux y trouvent pitance. On voit encore d'énormes cercles, autant de filets dans les fjords qui attestent d'une activité d'élevage piscicole.
Aujourd'hui, le soleil a daigné être de la partie ! Hier, très tôt il a été masqué par une avalanche de nuages qui sont restés toute la journée. Aujourd'hui, non, soleil permanent, les couleurs des paysages paraissent revigorées. La première montée est sérieuse, longue, sans portions pour souffler un peu. Alors qu'hier on creusait un tunnel pour éviter dans l'avenir "la bosse" de 400 mètres, aujourd'hui, cette montée entre Storslett et Badderen restera encore longtemps obligatoire. Mais c'est un enchantement, certes par les paysages naturels que l'on traverse mais peut-être surtout par la sérénité et la tranquillité que l'on ressent du fait de l'absence presque totale de circulation. Un vélo ne fait pas de bruit ...et, au détour d'un virage, une vision que j'attendais depuis Tromsö : un renne broutant paisiblement dans le sous-bois de bouleaux. Le pelage est très clair : les photos permettront à mon ami spécialiste Claude, de mieux identifier l'animal, solitaire, et fuyant assez vite l'homme, mais se retournant au bout de 50 mètres pour mieux apprécier le risque subi avec ce bipède cycliste qui cache ses yeux avec une boite bizarre ! Plus haut, dans les raides pentes herbeuses, trois autres individus déambulent paisiblement. Alteidet est dépassé. J'ai une amorce de fringale. Je m'arrête vite et boulotte une boite de maquereaux à la tomate, du fromage, quelques biscuits sucrés, une pomme, et un bon coup de coca cola. Ca monte encore, et je finis par tomber sur le camping espéré (car il dispose du wifi) : l'Altafjordcamping. La patronne n'est pas là. Une pseudo employée me propose, à condition de la payer de suite, une cabane au lieu de ma tente pour moitié prix : 200 NOK (soit 23 euros environ), avec chauffage de la cabane, lit, salon, plaques chauffantes pour la cuisine. électricité. Marché vite conclu.
Journée magnifique par l'ambiance, la sénérité des lieux, et ... le soleil ! Demain, étape pour atteindre Alta, la dernière petite ville du Grand Nord norvégien.

Camping Fosselv (Storslett) - Camping Altafjord (Langfjordbotn), 88 km, +1122 m -1112 m

Lundi 1er juin 2015 - C'était trop beau ! ... le poncho est content ...
Finalement, dormir dans une petite cabane et dans un lit n'est pas mal du tout ! Surtout quand on entend la pluie cogner sur la toiture. Ce matin, je me suis réveillé un peu plus tôt car l'étape me paraissait longue et dure. Un autre cycliste qui avait mis sa tente près des toilettes a eu le réflexe de mettre sa tente ... dans les toilettes ! La pluie, ce n'est pas terrible lorsque le matin on doit charger la tente sur le vélo avec, bien sûr, un poids supplémentaire et le terrible souci de devoir remonter et dormir dans une tente humide. Après avoir avalé une tasse de café, j'ai enfourché le Mulet avec ... le poncho car il faisait ce petit crachin pas tout à fait désagréable mais drôlement pénible car le paysage devient noir avec un plafond de nuages très bas (donc on ne voit rien ...) et les fjords qui ne sont plus qu'un espace béant sans relief et sans apparence. La route en corniche longe le ou les fjords (on ne sait plus à côté duquel on est tellement l'eau est continue) avec des effets de montagne russe drôlement pénibles quand on est bien chargé car, bien sûr, les mollets n'acceptent que les petites vitesses dès qu'on lève le nez de l'horizontale. Je pensais trouver de grosses bosses, un peu comme hier, mais j'ai trouvé des tunnels. J'ai pu ainsi tester si les conducteurs qui venaient par derrière me voyaient. J'ai un petit clignotant rouge en continu. Ca a l'air de bien fonctionner. Les tunnels sont éclairés. L'intérêt des tunnels est qu'il ne pleut pas dedans ! Car j'ai dû garder le poncho durant une soixantaine de kilomètres. Ce n'est pas tellement désagréable le poncho dès l'instant où il est tenu à la taille par une ceinture (ça l'empêche de tourner sur le corps), avec le capuchon fixé par le casque (sinon, bonjour l'aveugle ! soit le capuchon descend sur les yeux, soit il tourne sur le visage, soit ... il fait les deux, et alors on n'y voit plus rien). Tout ça pour dire que ce matin, ce fut un peu galère : ne rien voir du paysage, pédaler sous la flotte, et pointer les yeux à 5 mètres devant. Ce n'est pas la journée d'hier.
Supermarché Coop à Kvenvik avec, devant, deux vélos chargés : l'un m'a doublé, il va aussi au Cap Nord, l'autre en revient après avoir pris le bateau de Tromsö à Honningsvag, c'est-à-dire exactement l'inverse de ce que je compte faire (oui mais lui, c'est un anglais !). Quelques échanges pour savoir où, après Alta, on peut trouver à ... manger, car, entre Alta et Honningsvag, la carte ne montre pas de village digne de ce nom. Là, on commence à rentrer dans un Nord de plus en plus isolé. Déjà que la Norvège est très peu peuplée ...
Je suis arrivé à Alta beaucoup plus tôt que prévu, vers 14 h. Mais j'ai fait 25 km de trop ! Car j'avais repéré un camping de l'autre côté de la ville (vers le Nord) mais ... il était fermé. Aussi, retour et direction plein Sud à 4 km pour trouver le grand confort à l'Alta River Camping. J'ai prévu d'y passer deux nuits pour un peu recharger les batteries et pour aller voir d'un peu près des gravures rupestres. Ce soir, j'ai bu ma première bière depuis mon départ ...

Camping Altafjord (Langfjordbotn) - Camping AltaRiver (Alta), 113 km, +848 m -821 m

Mardi 2 juin 2015 - Age de pierre à Hjemmeluft (prononcer : iémélut)
Site assez exceptionnel : Hjemmeluft qui veut dire baie des phoques en sami (lapon) est ce que nous appellerions Baie d'Alta, où se trouvaient - autrefois - phoques, baleines, dans une contrée également habitée par les ours. Ce n'est qu'en 1973 que l'on découvrit les premières gravures faites sur d'imposantes plateformes rocheuses lisses alors que la plupart des rochers sont recouverts de mousses, de lichens. Ceci s'expliquerait par l'action de l'eau de mer qui aurait poncé les dalles rocheuses se trouvant en bordure de l'océan. C'est sur ces dalles que les premières gravures auraient été faites. On trouve des dalles rocheuses gravées du bord actuel de l'océan jusqu'à une altitude de 26 mètres au-dessus du niveau de la mer. Les plus hautes sont les plus anciennes (autour de -5000 -6000 ans avant J.-C.). La surélévation de la partie terrestre consécutive à la fonte glaciaire (+3000 mètres d'épaisseur) expliquerait ces différences de positionnement altitudinal. Mais toutes les gravures auraient été faites sur le bord de la mer. On trouve encore des restes d'habitat de l'âge de pierre.
C'est particulièrement grandiose cette baie d'Alta où l'on imagine chasseurs et pêcheurs d'il y a -2000 à -6000 ans av. J.-C. dans un paysage semblable à ce que l'on a sous les yeux aujourd'hui. Ces gravures représentent des scènes de chasse principalement mais aussi des formes symboliques liées au besoin de surnaturel. Le ciel, l'eau, la terre, ces trois éléments constitueraient respectivement la demeure des dieux, celle des hommes et des animaux, celle du néant. Les gravures seraient la traduction d'une forme de mise en relation des trois éléments. Quelques animaux (dont l'ours et les oiseaux) auraient été jugés capables d'aller et venir entre ces trois éléments.
Pour mieux faire apparaître les gravures (taillées à la pierre dure), les premières identifications ont été peintes d'une couleur ocre-rouge (qui ressemble étrangement à la couleur que l'on trouve pour pas mal de peintures rupestres dans beaucoup de pays). Mais, les spécialistes ont fait décider de ne plus peindre, voire de décolorer les gravures rupestres, pour mieux approcher les conditions d'origine et la vision qu'on pouvait en avoir avec un paysage à peu près semblable. Une anecdote : un ouvrier avait foré des trous dans un rocher pour implanter un pylône pour la très haute tension électrique. Or c'était en plein dans une série de gravures. Depuis que ces gravures sont inscrites au patrimoine mondial de l'UNESCO (1985), on a pu faire enlever le pylône, mais une énorme tige métallique reste encore enfoncée (mais coupée au ras du rocher) à côté d'un très beau renne ...
La visite de ce site spectaculaire dure au moins 2 heures avec un audiophone (en français !) qui permet de mieux saisir la signification de ces merveilles. On se rend compte qu'il faut souvent avoir des yeux de spécialistes pour identifier les formes gravées. Mais c'est sûr qu'ils ont beaucoup d'imagination les spécialistes, alimentée par la Connaissance.
A l'accueil du Musée (car on y rentre par un Musée très documenté avec une salle d'exposition sur les Ours comprenant de magnifiques spécimens avec des positions plus vraies que nature !), j'ai eu la surprise d'être accueilli par un Breton qui avait bien repéré le ... français ! ... qui parle couramment l'anglais, l'italien, l'allemand, l'espagnol.
Demain matin, départ très matinal car c'est la plus longue étape en kilomètres ... si j'arrive là ou je voudrais ! Il est possible qu'une forme de traversée du désert durant trois jours empêche une communication sur le site.

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