Kirghizistan 2022-1

Préalable

Cela fait deux ans que je reporte le périple vélo de la Pamir Highway qui relie Douchanbé (Tadjikistan) à Osh (Kirghizistan), pour raison d'insécurité (notamment plusieurs attentats à Khorog en mai 2022) et de fermeture de la frontière terrestre entre Tadjikistan et Kirghizistan (Kyzil-Art Pass). Ces pays étaient des républiques autonomes de l'ex Union Soviétique, sont encore sous influence russe.

Néanmoins, le Kirghizistan échappe encore aux difficultés de l'envahissement de l'Ukraine. J'y suis déjà allé deux fois : d'abord lors d'une expédition au Pic Lénine où j'ai dû m'arrêter au camp 3 après le Pic Razdelnaya (mouffles déchirées ...), puis lors de ma traversée à vélo de Tachkent (Ouzbékistan) à Kashgar (Chine, Xianjiang) en 2009.

Aujourd'hui, le Kirghizistan est ouvert, sans visa pour les français. L'occasion est donnée pour moi de découvrir le Nord du pays. Il m'a semblé intéressant de prévoir une boucle d'environ trois semaines entre août et septembre. Départ 17 août 2022.

Auscultation du Mulet

Le vélo commence à avoir fait beaucoup de kilomètres puisque c'est le même qui m'a promené dans tous mes voyages. Une solide révision s'imposait. J'ai réparé un bras du porte-bagage arrière qui s'était brisé. J'ai changé toute la transmission (les neuf pignons, le triple plateau, le dérailleur, la chaine, les manettes), les cables et les patins de frein, les pneus (pour des schwalbe bien crantés à meilleure accroche sur les pistes), la selle (pour essayer de ménager mon assise). J'ai fait l'acquisition de belles petites lumières avant et arrière pour voir et surtout être vu dans les tunnels. Puis, un bon nettoyage et graissage des roulements des roues afin d'éviter des à-coups dans le freinage. 

Balise pour être repéré

La communication par réseaux téléphonique et internet n'étant pas souvent possible au Kirghizistan, j'ai opté pour avoir une balise satellite qui me permet d'être suivi en quasi temps réel lors de mon avancée dans le pays. La carte en page d'accueil de ce site visualisera mon avancée avec des relevés GPS toutes les 30 minutes. Cette balise me permet encore d'adresser quelques messages simples qui apparaitront sur la carte au lieu d'émission. Et, le cas échéant, la balise permet de déclencher un appel au secours par un bouton spécial. 

        

Pour communiquer avec moi

Les chroniques quotidiennes que je fais pour chaque voyage, ne peuvent être mises sur le site ddvagabondages.fr qu'avec une connection internet c'est-à-dire soit par wifi soit par réseau téléphonique avec activation des "données mobiles". Pour ce périple, j'ai opté d'écrire mes textes avec un clavier relié en bluetooth au smartphone. Ces textes journaliers seront ensuite placés dans ddvagabondages.fr au gré des possibilités de connection du terrain où je serai. Pour les lire, cliquer sur "Mes chroniques journalières" de la page d'accueil. Ces chroniques seront donc publiées de façon épisodique, dépendant des possibilités de connection. Le tchat et les messages sur le Livre d'Or seront possibles bien sûr pour tous ceux qui souhaiteraient me faire un petit coucou.

Donc pour communiquer avec moi : en page d'accueil du site ddvagabondages.fr

- mon avancée de terrain est visible sur la carte grâce à la balise satellite (points toutes les demi-heures)

- pour me laisser un message mettre votre identifiant et votre mot de passe puis cliquer sur "tchat" et/ou "livre d'or

- pour lire mes textes écrits chaque jour cliquer sur "Chroniques journalières"

Energie solaire

Tout ce système nécessite pas mal d'énergie électrique embarquée : pour la balise satellite, pour le smartphone, pour le clavier, pour l'appareil de photos, pour les éclairages avant et arrière, pour le compteur. Pour assurer cette dépendance énergétique, j'ai opté pour une autonomie à l'aide d'une batterie tampon (26 800 mAh 45W) rechargée par un capteur solaire (21W) placé au-dessus de mes bagages à l'arrière.

Nourriture

Les souvenirs que j'ai de mes deux passages au Kirghizistan ne sont pas impérissables pour la nourriture. Difficile pour un estomac européen de supporter sans rien dire la nourriture locale, sauf les fruits que l'on peut trouver chez des camelots de bords de route. La vodka est très appréciée. Mais mon expérience en Ouzbékistan et au Kirghizistan me rappelle qu'il vaut mieux ne plus pédaler après 16h-17h, les dépassements et croisements sur routes et pistes se faisant alors parfois de façon un peu tortueuses ! Mieux vaut être alors un peu à l'écart des voies de circulation.

Mon itinéraire prévu n'étant pas très urbain, j'emporte quelques sachets de lyophilisés, de soupes en poudre, des barres énergétiques ... de quoi caler un peu l'estomac au cas où ... avec moultes doses de café solubles, le réchaud MSR à essence (un peu de fumée noire !), la gamelle en titane, une petite bouteille isotherme ...

Mercredi 17 août 2022

9h30 Enregistrement terminé. Le vélo et les sacoches sont en soute jusqu'à Bishkek. Premier avion Lyon - Istanbul. La compagnie Turkish Airlines semble encore au top de l'organisation. Briefing avec superviseur pour les quatre préposées à l'enregistrement, vérification des bagages en soute et en cabine, passage sûreté rapide. Le bipède est masqué et s'est passé du gel sur les mains : consigne impérieuse de Laure et de Thomas qui m'ont bombardé de questions hier pour s'assurer que je n'oubliais rien.

Je dois avoir une tête bizarre : très souvent et aujourd'hui aussi, on me sollicite pour un renseignement comme si j'étais un employé d'aéroport. Un portugais puis un africain m'ont demandé la porte d'embarquement et l'heure de leur avion. Pité au pied du tableau général, la réponse a été facile. 

Un congolais était assis à côté de moi dans l'Airbus 321 neo qui m'a mené à Istanbul. Grand, costaud, débordant de son siège, la conversation s'engage sur l'Afrique de l'Est, le Congo notamment. Terres rares, Rwandais au Kivu, Katanga, Chine … jusqu'au moment où tout d'un coup un pressant besoin déclenche un subit "les toilettes" ! Mais, problème on est en phase d'atterrissage et l'hôtesse lui impose de se rasseoir. J'essaie de lui parler de choses et d'autres pour éviter l'inondation à mes pieds ! Rien n'y fait. Il me dit : "tu va voir, j'y vais, je vais leur pisser dessus". Et je le vois débouler vers l'arrière en remontant la pente du couloir (l'avion descend !). Le congolais finit par disparaître et réapparaît soulagé à l'arrêt de l'avion… 

Jeudi 18 août 2022

21h Istanbul, l’Airbus A321 neo decolle: Impressionnante traversée de la mer Noire. Le soleil couchant illumine merveilleusement tout le théatre des opérations en mer Noire et en mer d’Azof. On imagine les terribles drames qui se sont deroulés ou se déroulent à Odessa, à Mykolaiv, à Kherson, à Melitopol, à Marioupol … Terrible dissonance entre la surpenante lumière du soir et le quotidien ukrainien …Puis c’est la mer Caspienne, la mer d’Aral et ce qu’il en reste … Assis confortablement dans nos fauteuils, on se sent vraiment privilégiés. 

Allumage brutal des lumières : la pause nocturne est terminée. Pas de petit déjeuner ce matin. Il est cinq heures. La nuit est encore là quand nous atterrissons à Bishkek sur une piste étonnamment bosselée. La sortie est rapide. Pas de visa, juste contrôle rapide police, je récupère les sacoches et … le velo dont le carton a été très défonce avec déchirures énormes. Mais il ne manquait rien au remontage. Change rapide de monnaie pour payer mon taxi-van qui m’accueillait avec mon nom prénom en grand … Le trajet pour la capitale Bishkek s’est fait à fond la caisse … L’arrivée au petit hôtel Tunduk s’est faite alors que tout l’hôtel était dans un calme … normal. Il était 6h30. Plein de morceaux de vélos ont accueilli le Mulet tout penaud puis tout fier d’être au moins à la hauteur de ses copains. Trois cyclistes étaient déjà au petit dejeuner deux français  et une basquaise espagnole. 

Il se trouve que la gérante et propriétaire de l’hôtel a fait des études supérieures à Grenoble et à Lyon, d’où l’excellente facilité pour moi ignare en langues surtout quand elle s’écrit en cyrillique. Vive les logiciels de cartographie gps. Azema la tenanciere ne ménage pas ses efforts pour faciliter la vie de ses clients. Trouver les meilleurs plans pour le change, pour la nourriture, pour les restaurants, pour mettre une carte SIM locale, Azéma sait faire et avec un grand sourire. Seule contrainte, se déchausser pour déambuler dans la demeure. 

Toutes les banques et autres maisons de change se trouvent dans le même quartier à environ 5 km de l’hôtel. J’ai entrepris de commencer à y aller en vélo mais j’ai vite trouvé plus facile d’y aller en bus et pedibus cum jambis. Quatre établissements m’ont dit d’aller ailleurs … bizarre. Le cinquième m’a changé les dollars en somonis, la monnaie locale. Vers 13h locale soit 9h francaise je file vers un bistrot recommandé par Azema pour manger des langmans, pâtes pleines dans une sauce tomates oignons et de débris de viande. Pas de vin. Les employées, la tête engoncée dans un fichu, ne comprenait pas le mot wine. on me répétait à l’envie te te. J’ai fini par opter pour un coca. Même le mot beer leur semblait inaudible. Des progres à faire …

La sieste fut bonne dans un grand lit. Puis essai de la balise satellite Garmin inreach mini. Positionnement GPS impeccable. Un seul réglage imparfait : si la balise affichait bien l’heure locale, les waypoints envoyés qui sont des points envoyés manuellement par l’utilisateur s’affichent sur la carte du site en page d’accueil avec l’heure du fuseau Europe Berlin +2 alors qu’ils sont envoyés depuis la balise en heure locale. Donc attention les petits drapeaux sur la carte waypoints sont avec quatre heures de retard sur l’heure locale.

Vendredi 19 août 2022

Journée de transition: Difficile de lire l’écriture en cyrillique, difficile de ne pas parler la langue locale, difficile de voir que les gestes coutumiers pour par exemple dire qu’on voudrait un peu casser la croûte sont recus avec un froncement de sourcils … Finalement on devient quasi muet sans même pouvoir se débrouiller avec la langue des signes.

Aujourd’hui, journée de préparation pour starting bloc du Mulet. Vérification des composants du vélo en particulier les serrages de vis, de boulons, d’écrous qui doivent supporter les chaos et bosses des pistes. Demain, enfin le vrai départ mais pour un début bitume avec néanmoins force trous si j’en juge les quelques kilomètres faits pour gonfler les pneus à 3,5 bars et pour remplir au trois quart le bidon d’essence pour le réchaud. La balise satellite semble bien fonctionner avec une visualisation quasi instantanée sur la carte de la page d’accueil du site. 

Beaucoup de travaux dans les rues

Le petit raccourci ! ...

Hôtel Tunduk, repère des voyageurs tranquilles

 On se déchausse

Excellent pain !

Des trolleybus très ... nerveux !

Quelques achats de provisions supplémentaires (fromage, amandes, poisson-tomate ?, eau en bouteille) m’ont montré la richesse des étalages des grandes surfaces. Déjeuner de midi dans un restaurant coréen qui avait de la bière et bien d’autres alcools plus costauds.

Très important le moment de charger les sacoches pour ne garder que l’indispensable mais avec un volant de quelques cinq jours de survie pour éventuels besoins, avec plein de tubes de café Carte Noire en sachets. Le surplus reste à l’hôtel Tunduk jusqu'à mon retour bien caché dans le carton vélo massacré par les peu précautionneux employés au chargement des avions.

Ce soir, tout est prêt. Dommage que le petit dejeuner ne soit possible qu’à 8h car on perd presque deux heures de fraicheur. J’ai pu l’avancer d’un quart d’heure. J’aurai pu m’en passer mais j’ai pensé qu’il était préférable d’avoir la panse bien garnie pour amorcer le pédalage du Mulet chargé.

Coucher de soleil sur les montagnes enneigées. Même de la ville avec un trolleybus qui déboule à fond les manettes devant l'objectif, c'est beau !

Samedi 20 août 2022

Saint Bernard, bonne fête mon frère.

Enfin, premier jour de pédalage. Le Mulet est bien équilibré. Le chargement en poids est trois quarts arrière un quart devant … Reveillé plusieurs fois dans la nuit, le cycliste finit par un petit moyen déjeuner vers 7h30. Omelette, raisin, croissants, pain beurre café au lait, confiture de framboises. La circulation à Bishkek est moins stressante que les multiples bosses et creux des bords de la chaussée. Je finis par m’éloigner un peu du flot urbain pour continuer par des petites routes. Gros avantage ça circule moins, gros inconvenient elles sont plus étroites et … les frissons sont là quand véhicules et camions arrivent à la hauteur du Mulet. J’ai rallongé l’écarteur qui me protège un peu. Je finis par arriver sur la grand route qui est finalement préférable pour la sécurite du bipède à vélo. Plus large donc plus d’espace pour s’écarter, plus roulante, moins de trous et de bosses. Le paysage montre des montagnes moins enneigées au Sud. Finalement, je suis comme dans toutes sorties de ville dans un contexte toujours à peu près le même : navettes qui prennent les travailleurs en faisant des queues de poisson à vive allure, voitures à fond la caisse pour être le moins en retard au boulot, piétons courant de toutes parts.

Sortie de Bishkek, les montagnes apparaissent

Les cimetières musulmans toujours un peu à l'écart des villages

Un passage à niveau gardé

Attention ! Machines à vapeur

C'est encore la saison des regains

On garde les vaches à cheval !

... et aussi les brebis

Les vingt derniers kilomètres, je m’enfonce pour de bon et laisse la deux fois trois voies. Ce n’est pas mieux car je me rends compte très vite que c’est un raccourci de l’itinéraire Bishkek-Osh. De très grosses voitures filent à vive allure et m’obligent à me balancer sur le bas-côté. Le gymkana habituel. 

Le regain se fait, joli, abondant. Les troupeaux sont gardés par un homme à cheval. 

Je dois trouver à Chong Aryk un logis chez Ulan. D’après Maps. je devrais y être. Je demande dix fois en montrant une photo de sa maison. Non pas de Ulan, allez voir au village suivant. Sachant que les erreurs sur maps.me et sur google;maps sont assez rares, je persiste en m’enfonçant dans le hameau avec toujours la même question. Un petit garcon d’une dizaine d’années finit par me guider et me mettre devant la maison de Ulan. Tout va alors pour le mieux. Accueil généreux et magnifique dans une maison avec trois enfants dont un tout petit, tout rondouillé qui circule à quatre pattes. Pour la petite histoire ceux qui m’ont dit d’aller voir au village suivant sont juste les premiers voisins de Ulan …

Bilan positif de cette première étape. Le bonhomme et le velo ont assuré. La balise satellite présente un fonctionnement parfait et très précis pour la localisation géographique. J’ai pu avoir un déjeuner copieux en arrivant, et même une toilette dans un sauna artisanal mais très efficace.

Bishkek-Chong Aryk   70,5 km   +435 m   -217 m

Dimanche 21 août 2022

Lever 6h. Petit déjeuner kirghize sans café au lait, sans pain grillé … mais avec quatre oeufs au plat, un bol de lait de vache que Ulan est allé traire ce matin, un sandwich farci de viande. La note est un peu salée compte tenu du confort spartiate mais bon …

Température 5 degres. Fait pas très chaud pour amorcer le pédalage. L’étape d’aujourd’hui est un peu sévère car je dois monter à 2200 mètres. la route est pourrie, étroite mais bon …

Jeu de piste de 15 kilomètres avant d’atteindre la grand-route qui monte au tunnel à 3000 m  que je passerai demain. La vallée que je remonte n’est pas très agréable avec des parois sévères un torrent qu’on entend mais qu’on ne voit que rarement, et surtout des ordures partout à croire qu'on jette de tout partout. il y a du travail pour protéger la nature mais bon …

je n’ai prévu que 50 kilomètres aujourd’hui pour atteindre 2200 mètres. Bien m’en a pris car la tension nerveuse m’a épuisé. Bosses et creux avertisseurs des véhicules, bruit permanent des moteurs qui me faisait naviguer les yeux du rétroviseur aux bosses et creux de la chaussée. Bref pas très agréable cette portion. Mais un petit clin d’oeil réjouissant avec une descente d’un troupeau de brebis puis de vaches provoquant un bouchon de voitures et de camions. Pas de chien mais des bergers sur des chevaux assuraient le mouvement.

Départ un peu frais ...

Les vélos passent ...

Montée progressive vers le tunnel

Déjà la redescente des troupeaux  ?

Des ruches !

 

Campement mais avec beaucoup de vent

Le point de campement atteint est en réalite un espace à peu près plat pour une seule tente. Mais le vent souffle, fort. Difficile dans ce cas de monter le petit abri de toile. pas de réseau téléphonique. Le vent avec des rafales assez violentes m’empêchera de faire fonctionner le réchaud. Mais la fille ainée de Ulan m’a glissé une poche de nourriture avec un sandwich et des fruits. Allez, repos tout cet après-midi car demain journée encore rude pour grimper au tunnel …

Chong Aryk - tente 2241 m.  50 km.  +1253 m.  -104 m

Lundi 22 août 2022

Journée redoutée avec la longue et pentue montée au tunnel de Ashuu à 3180 mètres.

La nuit sous tente a été écourtée par la venue peu discrète de deux loustics qui ont bien éclairé la tente mais m’ont laissé tranquille. Le sol pas mal empierré me donnait quelques douleurs aux changements de position. Le vent violent du soir a limité l’utilisation du réchaud. Donc diner pas terrible. 

6h, on dégage. Le pliage de tente est rapide. Le vélo est remis sur la route. Les sacoches reprennent leur place. La balise satellite trouve les coordonnées géographiques. Toutes les 30 minutes, la localisation géographique du Mulet est envoyée et figure tres précisement sur la carte de la page d’accueil du Site. -2 degrés glagla … La montée sera rude et longue avec de nombreux arrêts pour ne pas faire exploser le bonhomme. 12 kilomètres à grimper. J’ai mis 4 bonnes heures ! Le diable de tunnel est devant mes yeux. Les cyclistes rencontrés à Bishkek et d’autres par internet font entrer ce tunnel de Ashuu parmi les "tunnels de la mort". Raisons mutiples : pas de ventilation, éclairage insuffisant, étroitesse, pollution qui a déjà été mortelle. Le passage se fait en faisant du stop pour qu’un camionneur prenne le vélo et son bipède. Les policiers demandent au chauffeur s’il peut me prendre. Et c’est l’entrée dans l’enfer où quand on croise un camion un peu large, l’un ou l’autre doit monter sur la très étroite margelle contre la paroi. Plus on avance plus l’air devient opaque. Le chauffeur a bien pris la précaution de me demander de fermer la glace passager. Oui, judicieux de traverser ce trou de 2,8 km le plus rapidement possible sans respirer cette pollution qui apparemment s’échappe difficilement.

Température négative ce matin

Rude montée au tunnel

Au fond l'entrée Nord du tunnel de Ashuu

A la sortie Sud du tunnel de Ashuu

La descente avant la bifurcation vers Suusamir et Kyzil-Oi

Au carrefour, concentration de petits camelots

Suusamir à gauche

En sortie Sud du tunnel, changement de température et quasiment plus de vent.

Grand soleil. Le paysage est immense ! Montagnes enneigées tout au fond, très vastes vallées 2000 mètres en dessous. Grande et belle descente sur une chaussee au bitume tout récent et … sans trous !

Mais l’heureuse surprise ne dure pas longtemps. Au point de bifurfaction qui laisse la grand-route pour prendre la direction de la vallée de Suusamir, la galère reprend mais en changeant de nature. 20 kilomètres de tôle ondulée d’une piste tout en cailloux et, qui plus est, gangrénée d’énormes portions de trous disposés évidemment de facon aléatoire.

Les avant-bras commencent à trembloter. Heureusement la pente est plutôt descendante. 

Arrivée à Suusamir, un village qui s’étire le long de la piste. Altai hotel … personne ne connait. C’est plus loin ! Comme il y a deux jours, je fais confiance à google map, me poste pile devant l’endroit et … une dame passe … Oui, c’est là, cette maison en retrait. Je tombe sur un jeune couple avec trois petits enfants, des chèvres, des brebis, des poules qui gambadent libres dans la cour. Une bonne maison probablement ! Intérieurs refaits à neuf. Le cycliste est tout content d’autant que le tarif demandé est trois fois inférieur au tarif du compère Ulan il y a deux jours.

Bilan de la journée très positif pour moi. Je craignais beaucoup de ne pas pouvoir atteindre le tunnel avec le poids de mon vélo. De nombreux arrêts dans la partie haute certes mais gros défi accompli. La portion de tôle ondulée a secoué sérieusement le Mulet au point de décrocher une fixation de sacoche arrière. Plus de peur que de mal.

Demain, j’ai prévu une étape plus douce … normalement.

Tente 2150 m - tunnel de Ashuu 3180 m - Suusamir 2014 m   44,5 km    +885 m.  -1059 m 

Mardi 23 août 2022

Bien sympathique cet accueil à Suusamir. Ce matin deux oeufs au plat avec des frites maison, un peu grasses certes mais oh ! combien apprécié du francais. Finalement, je vais finir par aimer le thé très sucré soyeux et réconfortant. Du coup, je m’en fais un demi-litre que je mets dans un bidon.

J’ai prévu de joindre Kyzyl Oi une bourgade à quelques 40 kilomètres. Mais quels kilomètres ! Bosselée, cailloutée, sablée, pleine de trous, de bosses … la piste a continué d’être terrible tout du long. On rejoint d’abord une vallée par une quinzaine de kilomètres par une piste tellement défoncée que deux autres pistes parallèles ont été crées par les voitures et les camions. Sauter comme un cabri quand on est lourdement chargé mène à quelques déboires : mon écarteur pourtant coincé entre tente et matelas a pris la poudre d’escampette ; plus ennuyeux, l’armature arrière de mon porte-bagages qu’il avait fallu réparer. s’est de nouveau cassée sous l’effet des chocs répétés. Deux petites gamelles aussi, pas graves, du fait de la roue avant qui s’était malencontreusement pitée dans un tas de sable. 

Des débuts de pistes très dures qui vont se prolonger durant des dizaines et des dizaines de kilomètres

Les montagnes sont plus proches

La tôle ondulée ... pas besoin de kiné !

Une botteleuse pour le regain

Stockage des pierres

Kokomernen, une très belle rivière dans cette vallée de Suusamir

Rares camions mais on est habillé pour l'hiver avec leur passage !

Quelques cultures de tournesol

Les moissonneuses pour les céréales

On papote à ... distance

Rares portions bitumées dans quelques hameaux

La seule maison vue avec des panneaux photovoltaïques

Quelques passages de rivières avec des nacelles

On s'enfonce dans la vallée de Suusamir

Réparation de fortune du porte-bagages arrière

Ca saute ! ...

CBT une association qui contribue à améliorer la vie des touristes et des habitants

La vallée qui mène à Kyzyl-Oi est très sauvage, traversée par un magnifique torrent vert émeraude impétueux très large enchassé dans des falaises aux couleurs rouilles. Superbe. Son nom local est Kokomernen. Le hameau lui même de Kyzyl-Oi signifie cuvette rouge. Au bout de 39 kilomètres de cette terrible piste on a le sentiment d’arriver dans un havre de paix. CBT est un organisme associatif communautaire créé en relation avec une association suisse pour développer un tourisme accueillant à l'aide de logements confortables dans tout le pays, et des activités touristiques dans le respect du développement durable et profitant aux populations locales. Quand j'arrive à Kyzyl-Oi je tombe sur le panneau CBT. On m'indique une maison d'accueil pour couchage et repas. Le confort est à l'européenne. Agréable découverte !  Un petit repas avec soupe et feuilleté de pâtes enfermant de multiples légumes, confiture locale, thé, pain. Manquait la bière que j'ai fini par trouver après avoir compris que Pibo signifiait bière en russe.

J'ai inspecté le vélo bien malmené encore aujourd'hui. Les boulons sont bien serrés. J'ai bricolé une réparation du porte-bagages avec des colliers plastiques auto-serrants. 

Demain encore et toujours de la piste …

Suusamir Kyzyl-Oi 40 km.  +60m.  -344 m

Mercredi 24 août 2022

Youpee ! Les 25 kilomètres de piste en tôle ondulée ont été franchis sans que le porte-bagage arrière cède. Inutile de dire que j'en ai presque rêvé cette nuit. Oui, le bricolage d'hier pour faire tenir un tube qui a cédé à nouveau est probablement solide, mais durant la nuit une autre solution minimisera le risque de casse : harnacher la sacoche sur le deuxième tube porteur donc modifier un peu les réglages des crochets de la sacoche à condition bien sûr de pouvoir les dévisser. 6h debout, la sacoche est dehors, la clef alène est insérée et miracle ça dévisse ! Tant bien que mal je réussis ainsi à libérer les tensions qui s'exercent sur le tube rapiécé. Du coup, le petit déjeuner est vite avalé (3 oeufs au plat, thé), paiement, au revoir et je mets le Mulet au défi de la tôle ondulée sur 25 kilomètres. Pas un bipède dehors, à moi la piste. Nombreuses veilles sur ma sacoche qui risque de se faire … la malle. Ca a l'air de tenir.

La vallée que je descends a des couleurs presque irréelles avec le soleil levant. Teintes pastels, une rivière Kokomernen toujours aussi monstrueuse par le débit, le tout dans une ambiance paisible et quasi silencieuse. Quelques véhicules s'arrêtent à ma hauteur, intrigués probablement de voir un vélo sauter comme un cabri. Pouce levé, le message est toujours sympathique. Pas de village durant cette chevauchée en forme de rodeo. Arrivé presque au bout de cette vallée sauvage promise à un bel avenir touristique (mais pas ou très peu pour les cyclistes en l'état de la "route") quelques vaches et chevaux annoncent la fin de l'épreuve. On rencontre alors une magnifique route bitumée sans trou, large de 10 mètres, avec une circulation presque nulle. Fin du supplice pour aujourd'hui. Le vélo a tenu bon. Un Kirghize m'interpelle avec toutes ses dents dorées. Beau sourire. Mieux vaut avoir ses sous dans la bouche !

Enigme ? ...

Ca y est, la belle route bitumée est atteinte !

Puis c'est la montée libératoire vers Kaech. Une vingtaine de kilomètres sur un billard pour moi tout seul. Pourtant cette liaison reste une grande classique pour joindre Jalalabad et Och plus au Sud.

Chaek. Pas facile de trouver un logement. C'est pourtant une petite ville. Je finis par trouver mon bonheur dans une ruelle du centre. Lit, douche, … abri. C'est bon. Mais douche inédite avec une robinetterie de nain, un flexible percée qui, lorsqu'on ouvre les robinets laisse gicler un bon débit qui, si on se tourne comme il faut, vous asperge bien comme il faut là où il faut 

Arrivé assez tôt, un petit resto. Surpris, je rentre dans un hall avec plein de personnes endimanchés. En réalité ce sont des cols blancs (pas moins de 5 banques se trouvent là côte à côte) qui viennent déjeuner. Je suis invité à une table ronde avec une carte en cyrillique. Pas d'anglais. Conseillé, je prends finalement une très bonne combinaison poulet, riz, autre viande enchâssée dans une pâte, thé, eau gazeuse.

Très bon. J'y retourne ce soir. Mais … c'est fermé. J'ai beau regarder maps.me et maps aucun restaurant dans le coin, que des nourritures rapides mais qui sont en réalité des épiceries. Comme le jour baisse, je préfère assurer en retrouvant ma chambre pour y avaler une boite de poissons à la tomate et du gruyère.

Curieuse petite ville sans vrai hôtel, avec un seul beau restaurant qui n'est pas ouvert le soir.

J'entends le muezzin … je dors tout près de la mosquée.

Kysyl-Oi - Chaek  47 km (dont 25 km de tôle ondulée)  +298 m.  -346 m

Jeudi 25 août 2022

Chaek, pas un souvenir impérissable. Ce matin on tape à la fenêtre ! Madame la Pluie est là. Tiens, tiens on l'avait oubliée celle-là. Au petit déjeuner quatre oeufs ! Le poncho est de sortie. Content poncho ? Départ de la cour de maison où j'ai passé la nuit, envahie de voitures capots ouverts. Le muezzin a réveillé les coqs à cinq heures.

La grande route qui traverse Chaek va se prolonger par plus de quarante kilomètres de "route en grands travaux" et donc du roulage sur cailloux ! Décidément les BTP ont du pain sur la planche. Pénible quand même : après la tôle ondulée, il faut avancer sur des silex. 

Comme l'a fort bien remarqué mon frère Claude aujourd'hui je sors de l'itinéraire prévu (boucle rouge page d'accueil du site) en raison d'une recommandation d'un guide d'agence de voyage qui m'a déconseillé l'itinéraire prévu pour joindre le lac Son Kol car cette piste est empruntée par de très nombreux camions qui transportent de la houille. Il m'a conseillé de passer par Kyzart. Mais en plus de devoir parcourir une chaussée loin de ressembler à une vraie route, les camions de charbon descendent aussi par cette chaussée en construction sur laquelle j'essaie de tenir l'équilibre et d'avancer. Comme la moitié au moins des camions ne bachent pas le chargement, on a plein de gros blocs noirs sur la route, sans compter la poussière qui vous mitraille lorsqu'ils vous dépassent.

Le regain est bottelé

Le combustible

La faux et la pelle en ... équilibre

La pluie a cessé au bout de 20 kilomètres mais un gros plafond de nuages va rester toute la journée aux environs de 3000 mètres. C'est pile l'altitude du lac Son Kol.

CBT a un relais à Kyzart. En cinq minutes, j'ai une chambre, une douche, un petit repas (encore trois oeufs frits !!). Un couple d'allemands en vélo se trouve là. Ils sont arrivés par l'Est (Kochkor) et montent au lac Son Kol demain en vélo léger. Le départ de la piste de Son Kol n'est pas facile à trouver. Absolument aucun panneautage. Vrai jeu de piste qui devient facile en interrogeant maps.me. Je suis allé en reconnaissance et ai pu me rendre compte combien le cheval comptait pour tous les déplacements et travaux agricoles.

Ca fait quelques jours d'affilée que je pédale sans trop de repos. J'espère pouvoir arriver au lac demain  car j'ai un handicap supplémentaire par rapport à la montée au tunnel : ce n'est pas du bitume c'est de la piste … Si j'arrive au lac je prendrai une journée de farniente.

Ps : le lac Son Kol ne doit pas être couvert par les réseaux de téléphone donc pas de panique si pas de mes nouvelles. De plus, journée de repos au lac veut dire aussi que je n'activerai pas probablement la balise satellite.

Chaek Kyzart 47 km.  +574 m.  -107 m

Vendredi 26 août 2022

Message sur le tchat :

André : Aujourdhui vendredi 26 août 2022, pas de signal de déplacement balise satellite sur la carte. Il a plu toute la nuit. Prévision météo pour aujourdhui pluie et éclairs à la mi-journee. Je reste à Kyzart pour tenter demain la montée au lac Son Koul.

Toute la nuit il a plu. Report de la "montée impossible' pour tentative demain samedi 27 août 2022. Journée de repos total dans un village où l'on ne voit dans les ruelles presque que des enfants qui vous hélent : "what's your name"...

Le couple de cyclistes parti pour huit mois de voyage a renoncé lui aussi à la montée au lac Son Koul pour gagner Chaek la petite ville où j'étais hier. Ils vont ensuite gagner Osh au Sud du Kirghizistan puis l'Ouzbékistan. 

Un couple de français à cheval me demande où peut-on trouver à manger ? Ils arrivent du lac Son Koul où, m'ont-ils dit, il est tombé de la neige et des grêlons de la taille d'une balle de ping pong. Pourtant, ils n'avaient pas l'air marseillais...

Très mauvais temps, les nuages sont très bas ...

La neige est tombée

Journée morose. Le temps s'améliore !

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