Précédent Kirghizistan 2022-1

Vendredi 26 août 2022

Message sur le tchat :

André : Aujourdhui vendredi 26 août 2022, pas de signal de déplacement balise satellite sur la carte. Il a plu toute la nuit. Prévision météo pour aujourdhui pluie et éclairs à la mi-journée. Je reste à Kyzart pour tenter demain la montée au lac Son Koul.

Toute la nuit il a plu. Report de la "montée impossible' pour tentative demain samedi 27 août 2022. Journée de repos total dans un village où l'on ne voit dans les ruelles presque que des enfants qui vous hèlent : "what's your name"...

Le couple de cyclistes parti pour huit mois de voyage a renoncé lui aussi à la montée au lac Son Koul pour gagner Chaek la petite ville où j'étais hier. Ils vont ensuite gagner Osh au Sud du Kirghizistan puis l'Ouzbékistan. 

Un couple de français à cheval me demande où peut-on trouver à manger ? Ils arrivent du lac Son Koul où, m'ont-ils dit, il est tombé de la neige et des grêlons de la taille d'une balle de ping pong. Pourtant, ils n'avaient pas l'air marseillais...

Très mauvais temps, les nuages sont très bas ...

La neige est tombée

Journée morose. Mais le temps s'améliore !

Samedi 27 août 2022 - La montée impossible !

Aïe ! Hier soir vendredi 20h30 la douche froide : l'itinéraire conseillé par le guide rencontré à Kyzyl-Oi pour joindre le lac Son Koul est impraticable à vélo. C'est un itinéraire uniquement pédestre : conclusion sans appel d'un autre guide Talant qui compte aller demain - comme moi ! - au lac Son Koul. Et de me montrer l'itinéraire pour monter au lac qui part de Kyzart, sur la carte. Tempête sous mon crâne ! Que faire ! Talant et sa famille y monte mais avec un combi WW 4x4. Il me certifie que pour moi c'est le meilleur cheminement ! Et de me donner les points du tracé de cet itinéraire pour que je les mette dans Maps.me afin que je ne me perde pas. Format d'exportation .kml et chargement sur le logiciel de cartographie. Bon, que faire : j'y vais ou je n'y vais pas. C'est pour demain. On est la veille au soir et on me dit de changer car mon tracé ne passe pas …

Qui croire ?

L'avantage du nouveau tracé est que, comme il est avec la famille et les enfants en bas âge, Talant ne va pas partir aux aurores, j'aurai une sorte de sécurité d'assistance potentielle ...

C'est décidé : je pars pour le nouvel itinéraire.

Tant bien que mal le nouvel itinéraire passe en plein champ à la sortie de Kyzart. Je m'aide de Maps.me qui se révèle très efficace. Les traces de roue ne sont pas nombreuses. Ce ne doit pas être très fréquenté. D'après la carte, je suis bien sur le bon tracé. Une bonne quinzaine de kilomètres tout terrain me font buter sur une pente sérieuse. Faut y aller ! Un panneau Son Koul me rassure mais m'interroge. Aucun véhicule … Pourtant la trace est là ! Je laisse à ma gauche tout un troupeau de chevaux accompagné par deux jeunes à cheval. Très vite, je sens que le poids de mon attirail va m'empêcher d'aller très haut ! La piste est mauvaise, pleine de cailloux glissants, roulant sous les pieds. Stop ! Talent n'est toujours pas arrivé avec son combi 4x4. Suis-je sur le bon chemin ? Faut au moins essayer de monter ! Alors, j'applique la solution éprouvée en Patagonie lorsque j'ai passé la frontière Argentine - Chili : diviser le poids à monter. Monter d'abord deux sacoches durant 30-50 mètres. Descendre pour monter une sacoche, la tente, le matelas. Puis descendre à nouveau pour pousser le vélo ainsi allégé. Cela fait donc trois montées et deux descentes pour gagner … 30 à 50 mètres. C'est peu mais … ça monte ! Et c'est ainsi que je finis par gravir cette pente assez effroyable du dernier kilomètre en six heures pour gagner le col Tuz-Ashuu à 3200 mètres d'altitude qui domine le majestueux lac Son Koul. Talant est arrivé alors que j'étais dans les affres de cette montée à la Sisyphe. Plus tard, au Turusbek camp, il m'a dit qu'il ne s'était pas arrêté à ma hauteur par crainte de ne pouvoir redémarrer en raison de la pente et des cailloux roulants.

Arrivée au col vers 18h …

Montée paisible à la sortie de Kyzart

La piste commence à devenir délicate

La vallée s'élargit

 Le stock de bouses de vaches séchées

Là la piste commence à devenir pentue

Direction lac Son Koul !

 

Troupeau de yacks

1ère montée avec deux sacoches, 2ème montée avec une sacoche + tente + matelas, 3ème montée en poussant le vélo

Ca monte de plus en plus ...

en bas à droite de la photo le ... Mulet qui n'en peut plus !

La yourte est pliée pour la descente sur un Mulet mécanique

Là haut le col à 3200 m qui permet la bascule vers le lac Son Koul !

Aperçu de la montée que je viens de franchir

Magnifique !

Lac Son Koul

 Le col Tuz-Ashuu à 3200 mètres 

Les estives du lac Son Koul à plus de 3000 mètres d'altitude

Le camp de yourtes de la famille Turusbek

La yourte salle à manger

Le guide Talant venu avec sa famille, qui parle un français impeccable

La descente vers le lac est jonchée de traces de pneus dans les très belles estives où l'on trouve notamment des chevaux, des vaches, des yacks. Le passage des petits ruisseaux n'est pas très facile. Un cavalier me hèle. Je lui montre Turusbek camp sur la carte. Il me fait comprendre qu'il est guide là-bas et me demande de le suivre. C'est ainsi que je finis par voir le combi WW de Talant. Il est presque tard. L'accueil de la famille Turusbek est chaleureux. Le site des yourtes est d'une surprenante propreté malgré tous les animaux présents. Talant finit par me dire - lui qui parle un français parfait - que, à sa connaissance, aucun cycliste chargé comme je le suis n'est passé par cet itinéraire. Donc acte !

Une bonne bière, un bon repas … et un gros bon dodo dans une yourte pour moi tout seul.

 Kyzart - lac Son Koul.  30 km.  +1049 m.  -390 m  11h d'efforts

Dimanche 28 août 2022 - La descente infernale !

Ca fait un peu froid à 3000 mètres ! La yourte est restée portes ouvertes, alors ! Ce matin, comme tous les matins au lever du jour, tout est paisible. Ce camp de yourtes est un jardin d'Eden. Tous les animaux sont tranquilles et cohabitent harmonieusement. Le cheval côtoie le chien qui regarde picorer les poules en se faisant caresser alors que le chat gambade en s'accrochant aux peaux des yourtes !

Tout paraît à sa place là haut dans ce havre de paix niché loin de tout, à la merci des humeurs de la météo, qui passe du soleil à la neige en un rien de temps. 8h le petit déjeuner est prêt. Café ! 

Aujourdhui si je n'ai pas la montée d'hier à faire, c'est donc que ce sera facile puisque ça descend ! J'ai modifié mon parcours en raison de la fragilité de mon porte bagages, estimant qu'il n'était pas raisonnable de pratiquer des pistes chaotiques au risque d'avoir une panne irréparable en pleine solitude ! J'ai décidé de joindre la route bitumée en empruntant la piste "classique" versant Est du lac.

Je quitte à regret ce Turusbek camp un peu paradisiaque, pourtant à la merci de toutes les intempéries et très loin de tout ravitaillement. Pourtant la cuisine, l'accueil, la propreté méritent toutes les étoiles du monde.

Il faut à nouveau passer un col plus haut encore à 3420 mètres. Petit petit développement. Et arrive la descente. Là encore, surprise. Cette piste est la voie d'accès la plus fréquentée donc la plus endommagée avec néanmoins de beaux blocs de rochers qui peuvent être assez dangereux comme j'ai pu le voir avec l'éclatement d'un pneu de voiture. Terrible chaos de tôles ondulées qui ont secoué Mulet et Bipède durant une bonne cinquantaine de kilomètres. Je pensais que le vélo allait exploser à des moments. 50 kilomètres de pistes chaotiques c'est long, très long pour les poignets et les freins qui doivent être actionnés quasiment tout le temps.

Enfin, la terre promise est atteinte. La douceur du bitume après tant de misère faite au vélo ont rendu le Mulet un peu paresseux. Monsieur ne voulait plus passer les vitesses. Marre du sable, des cailloux ! 

Ma yourte d'une nuit

50 kilomètres de "descente"

Un pneu en rade ...

Enfin le bitume est là !

Je continue un peu plus sur cinq kilomètres de revêtement lisse - quel bonheur - jusqu'à Sarybulac où j'avais repéré un café hôtel. Ouf ! Il y a de la place. En réalité, c'est une sorte de relais routier où s'arrêtent les camions faisant principalement du transport international. On est là sur l'axe majeur de Torugard qui permet de joindre la Chine.

Petit dortoir de quatre lits. Je suis seul. Toute la nuit, le bruit des moteurs de camions. Une salle de bain avec de vrai WC type européen et non à la turque, de l'eau chaude, une douche mais…pas de flexible et de pommeau de douche … seulement un robinet mitigeur …

Turusbek camp (Son Koul). - Sarybulak   70 km.  +728 m.  -1426 m

Lundi 29 août 2022

Sarybulak, relais routier. Nuit assez paisible si ce n'est le bruit de fond des moteurs de camions. La salle de bain n'a toujours qu'une douche sans douchette. Petit-déjeuner avec encore quatre oeufs frits. L'avancée vers Kochkor la métropole régionale se fait sur un bitume tout lisse sans circulation ou presque mais sous un ciel nuageux. Quelques claquements de tonnerre auront lieu dans l'après-midi. Rien d'original à signaler sinon la surprise de voir des emmanchements de vallées latérales sans accès par piste. 

Une déviation de Kochkor évite une circulation trop dense à l'intérieur de la ville. En revanche, la section communale est truffée de trous. La maison que je dois joindre est Fatima homestay recommandée par Philippe Saluzzo, gendre de la maison, ami de Claude Berducou. Aucune indication extérieure. L'approche se fait par Google maps qui vise juste. Très belle demeure équipée avec le confort occidental dont une vraie douche avec douchette dans une salle de bain privée. Et, surprise des surprises, le déjeuner se déroule dans une magnifique salle à manger avec 18 convives d'une agence de voyage qui donne l'apparence d'un club très fermé. Excellente cuisine dont un poivron farci d'une grande qualité.

Belle route bitumée ... C'est l'accès privilégié à la Chine par Torugart

Un peu de nettoyage de la transmission du vélo qui bloque de plus en plus.

Demain, repos. Donc pas de fonctionnement de la balise satellite. Le programme initial prévu est changé pour tenir compte de la fragilité du porte-bagages arrière. Choix d'un parcours sans trop de pistes afin de ne pas tomber en panne sérieuse au milieu de nulle part.

Sarybulak - Kochkor  37,5 km.  +15 m.  -443 m

Mardi 30 août 2022

Pas grand chose aujourd'hui. Repos total. Grasse matinée 8h avec petit déjeuner pantagruélique en compagnie d'un groupe d'italiens. C'est impressionnant la quantité et la diversité proposées : fruits, biscuits divers, fromage, saucisse, crêpes, confitures, omelette, thé, café, fromage blanc … la maison Fatima est extraordinaire au sens propre !

Une gentille petite fille de la maison Maria m'a accompagné voir une coopérative artisanale où l'on trouve énormément d'objets, des tapis aux chaussons jusqu'à des animaux empaillés (aigle, loup, bouquetin …).

 Les WC sont très souvent extérieurs au bâtiment principal

C'est la fête !

On attend le pain tout chaud !

Un aperçu du marché quotidien à Kochkor

Ah ! sacré téléphone ... tu vas marcher !

Dans toutes les grosses bourgades, d'éminents hommes statufiés

Curieux : à midi, j'avais envie de … frites ! Je cherche en centre-ville où il y a beaucoup d'animations avec des véhicules dans tous les sens, et trouve une seule boutique avec des frites à en baver. Mais, surprise, alors que je fais signe qu'un cornet de frites m'intéresserait, le vendeur me fait une réponse négative. Je renouvelle ma demande un peu autrement. La réponse est encore négative alors que sur le comptoir il y a des cornets de frites alignés… Bizarre.

Le temps s'est mis à la pluie ce soir …

Diner en tête à tête avec Ronald, un français de Nice qui depuis quelques années passe six mois par an au Kirghizistan ! Il a fait du homestay Fatima son camp de base. La vie à Nice lui paraît de plus en plus insupportable alors que le Kirghizistan le ravit pour la Nature en particulier.

Il me dit qu'au Kirghizistan c'est le dernier né mâle qui hérite de la totalité des biens de la famille. Ce mode d'héritage est totalement exceptionnel voire unique au monde, alors que les règles d'héritage des sociétés coutumières notamment du Pays Basque et du Béarn ont toujours été le droit d'ainesse intégral - la totalité des biens du patrimoine familial revenant au premier né garçon ou fille.

Dodo de bonne heure … comme d'habitude !

Mercredi 31 août 2022

La Maison Fatima reste exceptionnelle et surprenante. Exceptionnelle par le confort et la qualité du service donné. Surprenante par les relations familiales qui cohabitent dans cette grande demeure. Au moment de prendre congé, la doyenne de la famille me retient et va chercher un kalpak de très belle facture, me le met sur la tête pour être un "vrai" kirghize. Cadeau ! Essayant de dire que je n'avais plus de place dans mes sacoches, elle retourne dans la pièce et revient avec le même kalpak plié complètement à plat pour que je le glisse dans un petit coin. Merci à toute cette belle famille ! A recommander pour tous les voyageurs !

La sortie de Kochkor se fait dans le calme, à la différence d'hier où ça grouillait de partout. Très large route. Je suis presque seul. A ma droite les montagnes sont étincelantes de la neige tombée hier. Cependant, le beau bitume ne dure pas longtemps. Les travaux reprennent mais, avec surprise, tous les engins de chantier sont à l'arrêt alors que la matinée est bien avancée. Les lourds camions de charbon sont encore là mais filent vers la capitale à l'embranchement majeur qui, moi, me fait pédaler vers le lac Issyk Koul dans une portion totalement en travaux (arrêtés). De temps à autre au Kirghizistan d'énormes statues de bouquetins trônent. Ici c'est un énorme cerf qui a dû subir les affres du temps car il lui manque une patte. Clic clac. Lorsque je repars je ne me rends pas compte que je n'ai plus le casque sur la tête. Puis, une voiture ralentit, me fait de petits tut tut et je vois le passager arrivant à ma hauteur avec mon casque sur la tête ! Sympa car, perdu, je perdais aussi la balise satellite que j'ai fixé au casque.

Lac Issyk Koul

Avec les travaux routiers, j'ai dû ne pas apercevoir l'embranchement qui me permettrait d'aller côté Sud du lac Issyk Koul. Je vois pointer loin devant moi une énorme quantité de toits brillant au soleil.

A mon grand étonnement j'arrive à Balitchy, ville au bord d'Issyk Koul. Un peu de jeu de piste pour trouver Gulnara guesthouse que j'avais repérée. Pour la première fois, pas de lit mais un matelas par terre sur beau tapis. Quelques très grandes larges artères roulantes traversent la ville. On est à l'entrée Ouest du lac.

Kochkor - Balitchy  62 km  +198 m.  -354 m

Vendredi 2 septembre 2022

Allez, c'est reparti ! Après une journée de repos complet pour cause de tourista - ah! les abricots frais c'est bon mais traitres au possible dans ces pays asiatiques - départ pour gagner progressivement la capitale. Les grandes artères de Balitchy sont encore très calmes. Retour au grand rond-point carrefour pour Kochkor, les côtes Ouest et Sud du lac Issyk Koul, Bishkek. L'accès aux quatre voies autoroutières est non seulement possible mais c'est la seule solution pour joindre les principales cités. En avant sur l'autoroute vers la capitale.

La circulation y reste très modérée. Le cycliste n'a que soixante petits centimètres pour rouler - autant dire qu'avec les sacoches je dépasse de partout. Pas de souci pour la sécurité. Quelques camions de charbon sont encore de sortie surtout après avoir dépassé la bretelle venant de Kochkor

Poissons séchés

La panthère des neiges ?

Train lourd de marchandises avec deux locomotrices

Ainsi, une cinquantaine de kilomètres passent dans un paysage très ouvert bordé de montagnes colorées. Mais, que de détritus partout partout ! A croire qu'il n'y a jamais de nettoyage !

Ne voulant pas rester tout le temps sur ce long ruban sans trop d'intérêt, j'ai pris l'option d'aller voir une vallée latérale quasi perpendiculaire à l'autoroute plein Nord. Oh! Surprise, la route reste bitumée alors qu'il n'y a quasiment que quelques successions de demeures pas toujours habitées comme je vais m'en rendre compte à mes dépens. Car j'avais lors de ma tourista d'hier repéré quelques guesthouses dans les profondeurs montagneuses. Mais … la première indiquée sur maps n'existe pas. Une deuxième affichée sur un panneau routier existe mais est fermée. Son apparence cossue fait que, très isolée, elle doit avoir un gardien. Gagné ! Sauf que le gardien qui dispose d'une belle loge ne veut même pas que je mette la tente. Et moi d'insister en regardant le ciel surchauffant demandant aussi de l'eau. Le gardien, très brave homme certainement mais appliquant les ordres du propriétaire cerbère des lieux, finit par me concéder un emplacement occupé par la famille dindons, donc avec beaucoup de garnitures fécales. Pourquoi pas ? Mais mon frère Claude qui me suit à la trace de la balise satellite m'indique qu'il y a, quelques kilomètres au-dessus, un village où il pourrait y avoir une meilleure solution. Claude et Bernard, toujours très soucieux du confort de leur grand frère, me redonnent un peu de gnac dans cette étape si chaude - j'ai 37°C au compteur. Je laisse là le gardien des demeures fantômes, et commence à grimper à nouveau vers une paradisiaque guesthouse rêvée bien ombragée. La balise satellite est rebranchée. Un panneau à l'entrée d'un hameau indique la guesthouse rêvée mais là encore, après une descente cross du Mulet, personne ne répond, seule une vieille voiture accidentée semble laisser croire qu'il y a du monde. Mais Nenni !

Je reprends mon biclou et continue pour trouver le graal ! Un village, mais après interrogation avec Google traduction (pratique …) les guesthouses marquées sur maps n'existent pas sauf celle qui est en réalité une belle hôtellerie de luxe pour cavaliers et chevaux, située … sur l'autre versant, autrement dit dans encore un autre village. Et … c'est ainsi que fourbu et cramé de soleil j'arrive dans un superbe centre équestre - le Mulet va être aux anges - où je rencontre l'administratrice en chef pour lui demander si le Mulet mécanique et son jockey à pédales sont dignes de crécher ce soir dans l'établissement. Après quelques aller retour avec Google traduction l'affaire est possible, conclue par de jolis billets américains mais avec un excellent café d'accueil.

Ouf! Le bonhomme a eu chaud, très chaud. La douche fut excellente et le cluc (sieste profonde et courte) itou.

Balitchy - Ashu.  81 km.  +408 m.  -499 m

Samedi 3 septembre 2022

Excellente nuit à l'hôtellerie du club hippique de Ashu. Petit déjeuner adapté à ma condition de convalescent de tourista : café, crêpes nature, fromage blanc, pain beurre confiture, omelettes aux herbes. Bien rassasié, le départ est matinal (7h) et quelque peu frisquet. Un petit +5°C. La route d'hier depuis la quatre voies autoroutière est reprise à l'envers pour m'approcher de Bishkek. Elle est certes bitumée mais est très chaotique. L'arrière-train est encore mis à rude épreuve ! Je revois une à une les guesthouses fantômes d'hier. Mais, la circulation montante des véhicules notamment de belles et grosses voitures est pour le moins surprenante. Pas de ville, pas de gros villages … Ca reste la grosse énigme de ce matin. En passant, je salue famille Dindons que j'ai failli déranger hier par la proposition déplacée du gardien de la luxueuse guesthouse fermée.

La quatre voie est retrouvée. Avantage de rouler sur du lisse ! Les kilomètres défilent assez aisément jusqu'à un énorme rond-point où stationnent bon nombre de poids lourds. Des petites dames s'activent pour allumer des braseros qui grilleront des épis de maïs. Ce doit être très apprécié si j'en juge le nombre de braseros en action. Et … je retrouve les camions de charbon … J'opte pour délaisser la quatre voies afin de joindre la bourgade de Tokmok, ma destination d'aujourd'hui.

Une envie de yaourt me prenant, arrêt impératif à un "магазин" (épicerie). Je vois des yaourts Danone (sic) dans le bloc réfrigéré ! La vendeuse devant mes yeux exorbités ... m'offre gratis un sandwich. Bonne action de la gentille dame pour le valeureux biclou-iste.

De la pub sur les talus autoroutiers

Les braseros pour la cuisson du maïs

Camion de charbon sans protection ...

Des ruches

Approchant du but de la journée, j'ose adresser un message à mes logeurs d'un jour pour savoir s'ils acceptent que j'arrive en fin de matinée. Pas de problème : vous trouverez la clef sous le portail et vous rentrez et faites comme chez vous. La confiance … Arrivé au portail, mon téléphone sonne. Mon logeur a une caméra qui fait fonction de sécurité et qui a alerté le propriétaire. Il me précise la manière d'entrer, me demande en video wattsap d'entrer dans leur immense maison, me fait en video communication circuler dans la demeure pour m'indiquer ma chambre, la douche … Le Mulet a été épaté par le modernisme de ce jeune couple !

Ashu - Tokmok  77 km.  +56 m.  -704 m

Dimanche 4 septembre 2022

C'était prévu comme une journée banale de pédalage de transition. Ce le fut mais avec quelques imprévus. Original : deux ronds-points présentent des avions militaires probablement de l'époque soviétique. (Mon ami Christian Elichegaray grand aviateur qui vole sur son avion fabriqué par lui m'indique que c'est un MIG 23). La sortie de Tokmok n'en finit pas avec, chose classique, des habitations en chapelet le long de la longue, très longue chaussée rectiligne durant quasiment trente cinq kilomètres. Néanmoins, beaucoup de champs avec du maïs et surtout beacoup de cultures maraichères. On approche de la capitale donc logiquement on cultive pour alimenter les urbains. Loin d'être une belle quatre voies bien lisse, cette route entre Tokmok et Kant est un vrai piège permanent. Elle a dû être faite par morceaux et tous les dix mètres assez régulièrement un petit fossé sépare des tronçons de bitume tout cabossés. Et, bien sû, le vélo fait du yoyo en permanence … (solide quand même les jantes et les pneus). La circulation est intense à la différence des jours précédents et donc le rase-vélo. Un tracteur s'annonce tirant une remorque et une botteleuse qui est décalé d'au moins deux mètres vers la droite. Le tut tut du vieux tracteur est insistant. Un coup d'oeil dans le rétroviseur me fait bondir loin vers le bas-côté. J'avais la botteleuse décalé en plein dans mon sillage … Bien sûr, un petit coup de gueule de ma part. Ca ne sert à rien mais ça soulage un peu.

Mig 23

Longue longue fut cette ligne droite jusqu'à Kant. On sent déjà l'effet de la capitale proche. Beaucoup d'activités, de marchands, de magasins, d'ateliers de réparations. J'ai trouvé un très bel hôtel confortable pour mes fesses qui commencent à rouscailler, et… de la bière fraiche. Ah ! … que ça fait du bien !

Tokmok - Kant  38 km.  +31 m.  -92 m

Lundi 5 septembre 2022

C'est aujourd'hui le retour à Bishkek. Comme dans les abords des capitales, le trafic des véhicules est quasiment congestionné très tôt le matin. Ces derniers vingt cinq kilomètres seront les plus dangereux de ce petit périple. J'ai dû forcer ma concentration pour que mon vélo reste le plus droit possible sinon c'était l'accident assuré. La route bitumée certes mais comme toujours pleine d'embûches est une deux voies mais le plus souvent avec trois véhicules de front. Inutile de faire un dessin : le cycliste  n'a que très peu de marge pour avancer. Un coup de tromblon quand même lorsque j'ai dû brutalement freiner alors qu'une camionnette stationnée a démarré très vite m'obligeant à me déporter vers la gauche et donc vers le véhicule qui me suivait. Du coup, le conducteur de la camionnette qui décollait du stationnement en a calé, obligeant toutes les voitures à piler … La police était présente. Elle regardait … 

La mosquée de Bishkek, la plus grande d'Asie centrale

L'hôtel Tunduk que je devais rejoindre se situe dans un quartier où l'on refait les chaussées et donc avec des fermetures de plusieurs rues. Quelques hésitations mais j'ai fini par arriver à bon port. Azéma, la patronne de l'établissement, m'a accueilli comme si j'étais de la famille. 

Je vois un cycliste belge qui lors de sa descente du lac Son Koul a chuté et a dû se faire mettre des points à l'hôpital de Bishkek ayant fait les quelques 300 kilomètres d'abord en stop, puis en poussant le vélo pour finalement trouver un taxi. Sacré descente cette piste de Son Koul. 

Le carton-vélo est toujours là. Je colle et recolle les morceaux déchirés espérant que ça tiendra au moins le temps de l'enregistrement à l'aéroport mercredi. Le vélo est désossé puis gainé avec une longue élastique de 5 mètres de façon à ce qu'aucune pièce ne puisse se perdre même si le carton se déchirait à nouveau. 

Petit resto Coréen ce soir.

Kant - Bishkek 28 km.  +119 m.  -25 m

Mardi 6 et Mercredi 7 septembre 2022

L'heure du retour a sonné ! Rien à faire sinon bien rafistoler le carton pour qu'il soit présentable au guichet d'enregistrement et prévoir aussi le pire au cas où les manipulations répétées feraient des déchirures béantes donc bien solidariser toutes les pièces du vélo mais aussi tente, matelas, casque et une des sacoches. Total bon poids 26 kg à la balance du comptoir d'enregistrement de Turkish Airlines.

Le casse-tête du taxi. Au Kirghizistan il n'y a pas de pick-up. Reste le van qui peut contenir le long carton du vélo. Puis trouver un chauffeur qui accepte de me récupérer à 2h-3h du matin. Par magie, un coup de téléphone d'Azéma et la solution est trouvée : un taxi avec un van sera devant l'hôtel à 2h le 7 septembre. A moitié rassuré quand même car trouver un chauffeur qui accepte une course en pleine nuit ? Azéma est confiante … La nuit fut très courte. Une touriste de l'hôtel est intéressée par le taxi. Bon … mais 2h pile pour embarquer … 1h45 le moteur tourne devant la porte. On charge délicatement le mulet et le sac des sacoches. Et … on attend la dame ... A fond les manettes, on traverse la capitale, ma poignée de maintien serrée à mort. Bôf, on a quand même le temps. Des passages devant des radars connus font subitement décélérer le van honda. A l'aéroport, un porteur attend avec un chariot. Pratique ces porteurs qui évitent de trop chercher où aller. L'enregistrement s'opère sans difficulté bien qu'un voyageur sans scrupule me passe devant. Pourquoi pas mais avec un brin de politesse ça passerait plus aisément. J'écris là à Istanbul dans l'immense salle de transit, véritable tour de Babel, très bruyante, très polyglotte, très voilée, très très très … Que devient le Mulet ? Peut-être se gèle-t-il dans son carton peut-être déjà éventré ?

A l'arrivée à Lyon, voilà ... comment a été traité le vélo par Turkish Airways :

Bilan

Une satisfaction personnelle pour avoir réussi à conjurer positivement la montée "impossible" par le versant Nord du lac Son Koul. L'entrainement que je m'étais imposé depuis des mois m'a permis de garder la tête froide face à l'impossibilité pour moi, compte tenu de la charge, de gravir en pédalant le col Tuz-Ashuu à 3200 mètres qui fait la jonction avec le superbe paysage du lac Son Koul. Certes, j'avais un poids d'une quelque cinquantaine de kilos (vélo et bagages), mais je pense que même sans bagage la montée complète par ce versant à vélo sans poser le pied par terre doit être vraiment très difficile voire exceptionnelle, même à VTT. J'ai eu le plaisir personnel de retrouver une forme de maîtrise que je n'avais pas eu l'occasion de mettre en application depuis mes plus difficiles courses en montagne voici ... bon nombre de décennies.

Surprise quand même de la difficulté des pistes non bitumées, très nombreuses, très cassantes, avec mon vieux vélo qui s'est montré très vaillant, sans crevaison (excellents nouveaux pneus bien cramponnés de chez Schwalbe), sans rayons cassés, sans voilage de jante. La casse d'un bras de mon porte-bagages arrière résulte d'une casse antérieure mal réparée. La réparation de fortune s'est avérée suffisante. Néanmoins, cette fragilité m'a fait opter de limiter le parcours sur pistes que j'avais prévu, pour une raison de sécurité, depuis le lac Son Kol. Rien à regretter.

Le fonctionnement de la balise satellite Garmin Inreach mini s'est avéré très efficace et très précis. L'envoi systématique de points de positionnement GPS toutes les demi-heures avec transfert immédiat sur la carte du site ddvagabondages.fr est très sécurisant pour la famille et les amis qui suivent le bipède et son Mulet. Première expérience de ce type, très positive et même rassurante puisque même sans réseau téléphonique et sans réseau internet, on sait très précisément où se trouve à quelques mètres près le porteur de la balise satellite.

L'accueil des Kirghizes a été sans surprise, toujours agréable pour le cycliste. La difficulté de communiquer du fait des langues différentes, a été compensée par la belle tradition kirghize d'honorer l'hôte d'autant mieux qu'il se transporte à vélo et avec sa maison sur les porte-bagages. A recommander l'association CBT qui permet dans beaucoup de villages de trouver des auberges locales qui vous hébergent et vous nourissent de la meilleure des façons pour les occidentaux.

Je connaissais le Sud du Kirghizistan pour y être allé deux fois, d'abord lors d'une expédition au Pic Lénine, puis lors de mon périple à vélo (avec le même Mulet) de Tashkent à Kashgar. Le Nord du Kirghizistan est très montagneux. On navigue en permanence dans des vallées d'altitude aux fortes dénivellations, assez peu peuplées avec l'impression d'être presque seul. Si l'accueil des habitants est toujours agréable pour le visiteur, la nourriture kirghize surprend l'occidental qui, au bout de quelques jours, a des envies de trouver bière, vin, plats connus, des manques toujours difficiles à combler. Si beaucoup de touristes se régalent à parcourir les montagnes et les lacs du Kirghizistan à cheval, à pied, en véhicules tout terrain, les cyclistes restent peu nombreux. Ces cyclistes circulent surtout dans le sens habituel Issyk-Koul (puis éventuellement Son-Koul), Narin, Osh. Je n'ai rencontré aucun cyclo-touriste dans le sens Ouest-Est que j'ai pratiqué.

Boucle pas très longue mais ponctuée de rudes étapes, pistes très nombreuses et cassantes, hébergements satisfaisants et reposants, alimentation plus pour se nourir que vraiment pour manger agréablement avec un peu de manques, accueil toujours très chaleureux surtout dans les estives, et néanmoins ... un petit défi pour cyclo-touriste !